le terme, quelque peu convenable qu’il soit à l’idée qu’il doit exprimer.
Mais si on entend par ferment, avec plusieurs auteurs modernes, ce qui étant mêlé avec une autre substance, a la propriété d’y faire naître un mouvement intestin quelconque, & de changer par cet effet la nature de cette substance, ou si on ne veut appeller ferment que ce qui peut donner lieu au combat qui semble se faire entre des sels de nature opposée mêlés ensemble ; alors il ne peut que s’ensuivre des erreurs d’un terme employé d’une maniere aussi impropre : il convient donc d’en bannir absolument l’usage pour tout ce qui a rapport à l’exposition de l’économie animale, dans tous les cas où il peut être pris dans l’un des deux sens qui viennent d’être mentionnés, attendu que ce n’est pas seulement à la théorie de l’art qu’est nuisible l’abus des comparaisons tirées de la Chimie, à l’égard des différentes opérations du corps humain ; cet abus porte essentiellement sur la pratique de la Medecine, entant qu’il lui fournit des regles, qu’il dirige les indications & les moyens de les remplir.
Ainsi Vanhelmont qui supposoit différens fermens, auxquels il attribuoit cela de commun, de contenir un principe ayant la faculté de produire une chose d’une autre, generandi rem ex re (Imago ferm. impræg. mass. semin. §. 23. 8. 12.) ; qui établissoit un ferment de ce genre particulier à chaque espece d’animal & à l’homme, pour changer en sa nature les liquides qu’on lui associoit par la voie des alimens ou de toute autre maniere ; qui plaçoit dans la rate un acide digestif d’une nature singuliere, susceptible d’être porté dans l’estomac par les vaisseaux courts, pour donner de l’action au ventricule, & la vitalité aux alimens : calor effic. non diger. §. 30. Vanhelmont, par cette hypothèse, donnoit lieu à ce qu’on en tirât la conséquence, que les acides sont les seuls moyens propres à exciter, à favoriser la digestion. Voyez ce sentiment réfuté à l’article Faim. Voyez-en une réfutation plus étendue dans les œuvres de Bohn, Circ. anat. physiol. progymn. x. & dans l’article suiv. Fermentation, (Econ. anim. Med.).
Sylvius (Prax. med.) attribuoit la cause des fievres au suc pancréatique ; conséquemment il employoit pour les détruire un sel volatil huileux, formé de l’esprit de sel ammoniac & d’aromates : il imputoit aussi à l’acide la cause de la petite vérole, prax. med. app. d’où il s’ensuivoit qu’il traitoit ces maladies avec des alkalis absorbans, &c. Dans l’idée que la pleurésie est causée par un ferment acide qui coagule le sang, Vanhelmont fit sur lui-même une funeste expérience, en se traitant pour cette maladie avec les opposés des acides. C’est ce que rapporte son fils dans la préface des ouvrages de cet auteur.
Ainsi il est arrivé de-là que les opinions de ces fameux maîtres ayant été transmises à un grand nombre de disciples, s’acquirent pour ainsi dire le droit de vie & de mort sur le genre humain. Les fermens de toute espece, salins, acides, alkalis, neutres, devinrent la base de la théorie & de la pratique médicinale. Descartes (de homine), & Vieussens (de corde), les adopterent pour rendre raison du mouvement du cœur & de la circulation du sang ; & sur la fin du siecle dernier, on en étendit le domaine jusque sur l’opération des secrétions : ces différens fermens placés dans les divers collatoires, parurent suffisans pour expliquer toute la différence des humeurs séparées du sang. Voyez Chyle, Digestion, Circulation, Cœur, Sang, Secrétions. Ainsi les fermens introduits dans toutes les parties du corps pour toutes les fonctions, déterminerent les moyens relatifs, propres à en corriger les vices ; par conséquent ce qui n’étoit que le fruit de l’imagination sans aucune preuve bien déterminée,
ne laissa pas d’être reçû comme un principe, d’après lequel on fixoit les moyens de contribuer à la conservation des hommes.
Mais l’amour de la nouveauté ne laisse pas subsister long-tems l’illusion en faveur d’une opinion ; nous serions trop heureux, si l’expérience n’avoit pas appris qu’on ne renonce le plus souvent à une erreur, que pour passer à une autre quelquefois plus dangereuse. La lumiere de la vérité peut seule fixer l’esprit humain, lorsqu’elle est connue ; mais le voile qui la dérobe à nos yeux est si épais, qu’il est très-rare que notre foible vûe soit frappée du petit nombre de rayons qui le traversent. Voyez, pour l’histoire des fermens dans l’économie animale, les commentaires de Boerhaave sur ses institutions, avec les notes de Haller, passim : les essais de Physique sur l’anatomie d’Heister, par M. Senac. Voyez aussi Fermentation (Economie animale.), où il est traité assez au long des effets prétendus des différens fermens dans la plûpart des fonctions du corps humain. (d)
FERMENTAIRES, s. m. plur. (Hist. ecclés.) fermentarii ou fermentacei, nom que les Catholiques d’Occident ont quelquefois donné aux Grecs dans leurs disputes réciproques sur la matiere de l’eucharistie ; parce que ceux-ci dans la consécration se servent de pain fermenté, ou avec du levain. On croit que les Latins n’ont donné ce nom aux Grecs, que parce que les premiers les avoient appellés par dérision azymites. Voyez Azymites. (G)
FERMENTATION, s. f. (Chimie.) ce mot tiré du latin fervere, bouillir, a été pris par les chimistes postérieurs à Paracelse, dans un sens beaucoup plus étendu que celui que lui ont donné les anciens philosophes. Ces derniers ne l’ont employé que pour exprimer l’altération qu’éprouve la farine pétrie avec de l’eau, celle qui constitue la pâte levée. Voy. Pain. Les modernes, au contraire, ont fait de ce mot une dénomination générique, sous laquelle ils ont compris tout bouillonnement ou tout gonflement excité dans un corps naturel par la diverse agitation de ses parties. Willis, de fermentatione, la définit ainsi.
La fermentation a été dans la doctrine chimique & médicinale du siecle dernier, ce qu’a été dans la Physique la matiere subtile, & ce qu’est aujourd’hui l’attraction : elle eut aussi le même sort que l’agent cartésien, que la qualité newtonienne, & en général que tous les principes philosophiques les plus solidement établis. La foule des demi-chimistes, la Tourbe entendit mal la doctrine de la fermentation, l’employa de travers, l’altéra, la défigura ; les Medecins en firent sur-tout l’usage le plus ridicule pour expliquer l’économie animale. Voyez Fermentation (Med.) & Medecine.
Les notions que nous ont donné de la fermentation ses premiers promoteurs, Vanhelmont, Deleboé, Billich, Willis, Tachenius, & sur-tout notre célebre Becher, n’ont eu besoin que d’être expliquées, mieux ordonnées, rendues plus distinctes, plus philosophiques, pour nous fournir un principe aussi fécond qu’évident, d’un grand nombre de phénomenes chimiques, de l’efflorescence des pyrites, de la décomposition de certaines mines, & peut-être de leur génération ; de la putréfaction de l’eau commune, des diverses altérations de tous les sucs animaux hors du corps vivant, & vraissemblablement de leur formation & de leurs différens vices dans l’animal vivant ; de la germination des grains, de la maturation des fruits, du changement des substances muqueuses en vin, de celui des matieres acescibles en vinaigre, de la putréfaction, de la moisissure, de la vappidité des liqueurs spiritueuses, de leur graisser, de leur tourner ; de la rancidité des huiles, &c. J’omets à dessein le mouvement violent