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talent, ne peut pas conduire un artiste à la perfection ; il faut que cette qualité soit susceptible d’être dirigée par la réflexion. On naît avec cette heureuse aptitude ; mais il faudroit s’y refuser jusqu’à ce qu’on eût préparé les matériaux dont elle doit faire usage. Il faudroit enfin qu’elle ne se développât que par degrés, & c’est lorsque la facilité est de cette rare espece, qu’elle est un sûr moyen pour arriver aux plus grands succès. Et qu’on ne croye pas que la patience & le travail puissent subvenir absolument au défaut de facilité : non. Si l’un & l’autre peuvent conduire par une route pénible à des succès, il manquera toûjours à la perfection qu’on peut acquérir ainsi, ce qu’on desire à la beauté, lorsqu’elle n’a pas le charme des graces. On admire dans Boileau la raison fortifiée par un choix laborieux d’expressions justes & précises. Bien moins captif, le talent divin & facile de Lafontaine touche à-la-fois l’esprit & le cœur.

La facilité dont je dois parler ici, celle qui regarde particulierement l’art de la Peinture, est de deux especes. On dit facilité de composition, & le sens de cette façon de s’exprimer rentre dans celui du mot génie ; car un génie abondant est le principe fécond qui agit dans une composition facile : Il faut donc remettre à en parler lorsqu’il sera question du mot Génie. La seconde application du terme facilité est celle qu’on en fait lorsqu’on dit un pinceau facile ; c’est l’expression de l’aisance dans la pratique de l’art. Un peintre, bon praticien, assûré dans les principes du clair obscur, dans l’harmonie de la couleur, n’hésite point en peignant ; sa brosse se promene hardiment, en appliquant à chaque objet sa couleur locale. Il unit ensemble les lumieres & les demi-teintes ; il joint celles-ci avec les ombres. La trace de ce pinceau dont on suit la route, indique la liberté, la franchise, enfin la facilité. Voilà ce que présente l’idée de ce terme, & je finis cet article en hasardant le conseil de se rendre sévere & difficile même dans les études par lesquelles on prépare les matériaux de l’ouvrage ; mais lorsque la réflexion en a fixé le choix, de donner à l’exécution du tableau cet air de liberté, cette facilité d’exécution qui ajoûte au mérite de tous les ouvrages des Arts. Article de M. Watelet.

* FAÇON, s. m. (Gramm.) Ce terme a un grand nombre d’acceptions différentes. Il se dit tantôt d’une maniere d’être, tantôt d’une maniere d’agir. Il est habillé d’une étrange façon : ses façons sont étranges : les façons de cet ouvrage seront considérables, la façon en est belle & simple. Dans ces deux derniers exemples c’est un terme d’art. Il embrasse dans celui-là, tout le travail ; il a rapport dans celui-ci, au bon goût du travail. Quand on dit, cet ouvrage est en façon d’ébene, de marqueterie ou de tabatiere, on veut faire entendre qu’on lui a donné ou la forme qu’on donne au même ouvrage quand on le fait d’ébene, ou celle qu’on remarque à tout ouvrage de marqueterie en général, ou la forme même d’une tabatiere.

Façon se rapporte aussi quelquefois à la maniere de travailler d’un artiste, ainsi que dans cet exemple : ces moulures, ces contours sont à la façon de Germain ; ou même à la personne, comme quand on dit, ce trait est de votre façon ; c’est-à-dire, je crois qu’il est de vous, tant il ressemble à ceux qui vous échappent. En Grammaire il est synonyme à tour : cette façon de parler n’est pas ordinaire. Façons se prend aussi pour une sorte de procédés particuliers à un état : il a toutes les façons d’un galant homme : il est inutile d’avoir avec moi de mauvaises façons : ces gens étoient mis d’une certaine façon : ils étoient d’une certaine façon. Des façons ou des formalités déplacées, sont presque la même chose : vous faites trop de façons : abregez ces façons-là. Une façon d’astrologue, c’est un homme qu’on seroit tenté de prendre pour tel, à des ridicules qui lui sont communs, à lui & aux Astrologues.

La façon en est mesquine & petite ; mais on dit mieux le faire en Peinture (voyez Faire en peinture) : c’est la maniere de travailler. La mal-façon est une maniere de dire abregée parmi les Artistes : vous en payeriez la mal-façon, ou la mauvaise façon. Il y a beaucoup d’autres acceptions de façon, les précédentes sont les principales. De façon que, de maniere que, sont des conjonctions qui lient ordinairement la cause avec l’effet ; la cause est dans le premier membre, l’effet dans le second : il se conduisit de façon qu’il se fit exclure de cette société ; où l’on voit que de façon que & de maniere que sont dans plusieurs cas des conjonctions collectives, & qu’elles résument toutes les différentes liaisons de la cause avec l’effet.

Façons d’un Vaisseau, (Marine.) On entend par ce mot, cette diminution qu’on fait à l’avant & à l’arriere du dessous du vaisseau ; de sorte que l’on dit les façons de l’avant & les façons de l’arriere. Voyez Marine, Planche I. (Z)

* Façon, (Facture de bas au métier.) On appelle façon cette portion du bas qui est figurée, & qui est placée à l’extrémité des coins. Il y a deux façons à chaque bas. Voyez à l’article Bas, la maniere dont on les exécute.

FAÇONNER, v. act. c’est, en Pâtisserie, faire au-dessus des bords d’une piece, quelle qu’elle soit, des agrémens avec le pouce de distance en distance.

FACTEUR, s. m. en Arithmétique & en Algebre, est un nom que l’on donne à chacune des deux quantités qu’on multiplie l’une par l’autre, c’est-à-dire au multiplicande & au multiplicateur, par la raison qu’ils font & constituent le produit. Voyez Multiplication.

En général on appelle, en Algebre, facteurs les quantités qui forment un produit quelconque. Ainsi dans le produit a b c d, a, b, c, d, sont les facteurs.

Les facteurs s’appellent autrement diviseurs, surtout en Arithmétique, & lorsqu’il s’agit d’un nombre qu’on regarde comme le produit de plusieurs autres. Ainsi 2, 3, sont diviseurs de 12 ; & le nombre 12 peut être considéré comme composé des trois facteurs 2, 2, 3, &c. & ainsi du reste. Voyez Diviseur.

Toute quantité algébrique de cette forme , peut être divisée exactement par , p & q étant des quantités réelles ; & par conséquent est toûjours un facteur de cette quantité. Je suis le premier qui aye démontré cette proposition. Voyez les mém. de l’acad. de Berlin, 1746. Voyez aussi Imaginaire, Fraction rationnelle, Equation, &c.

La difficulté d’intégrer les équations différentielles à deux variables, consiste à retrouver le facteur qui a disparu par l’égalité à zéro. M. Fontaine est le premier qui ait fait cette remarque. V. Intégral. (O)

Facteur, dans le Commerce, est un agent qui fait les affaires & qui négocie pour un marchand par commission : on l’appelle aussi commissionnaire ; dans certains cas, courtier ; & dans l’Orient, coagis, commis. Voyez Commissionnaire, Commis, &c.

La commission des facteurs est d’acheter ou de vendre des marchandises, & quelquefois l’un & l’autre.

Ceux de la premiere espece sont ordinairement établis dans les lieux où il y a des manufactures considérables, ou dans les villes bien commerçantes. Leur fonction est de faire des achats pour des marchands qui ne résident pas dans le lieu, de faire emballer les marchandises, & de les envoyer à ceux pour qui ils les ont achetées.

Les facteurs pour la vente sont ordinairement fixés dans des endroits où on fait un grand commerce ; les marchands & fabriquans leur envoyent leurs marchandises, pour les vendre au prix & autres condi-