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racteres que les détails préparent, fondent, adoucissent, & qui révoltent dans un extrait ? Qu’on dise simplement du Misantrope qu’il est amoureux d’une coquette qui joue cinq ou six amans à-la-fois ; qu’on dise de Cinna qu’il conseille à Auguste de garder l’empire, au moment où il médite de le faire périr comme usurpateur ; quoi de plus choquant que ces disparates ? mais qu’on lise les scenes où le Misantrope se reproche sa passion à lui-même, où Cinna rend raison de son dessein à Maxime, on trouvera dans la nature ce qui choquoit la vraissemblance. Il n’est point de couleurs qui ne se marient, tout l’art consiste à les bien nuer, & ce sont ces nuances qu’on néglige de faire appercevoir dans les linéamens d’un extrait. On croit avoir assez fait, quand on a donné quelques échantillons du style ; mais ces citations sont très-équivoques, & ne laissent présumer que très-vaguement de ce qui les précede ou les suit, vû qu’il n’est point d’ouvrage où l’on ne trouve quelques endroits au-dessus ou au-dessous du style général de l’auteur. On est donc injuste sans le vouloir, peut-être même par la crainte de l’être, lorsqu’on se borne au simple extrait & à l’analyse historique d’un ouvrage de théatre. Que penseroit-on d’un critique qui, pour donner une idée du S. Jean de Raphael, se borneroit à dire qu’il est de grandeur naturelle, porté sur une aigle, tenant une table de la main gauche, & une plume de la main droite ? Il est des traits sans doute dont la beauté n’a besoin que d’être indiquée pour être sentie ; tel est, par exemple, le cinquieme acte de Rodogune : tel est le coup de génie de ce peintre qui, pour exprimer la douleur d’Agamemnon au sacrifice d’Iphigénie, l’a représenté le visage couvert d’un voile ; mais ces traits sont aussi rares que précieux. Le mérite le plus général des ouvrages de Peinture, de Sculpture, de Poésie, est dans l’exécution ; & dès qu’on se bornera à la simple analyse d’un ouvrage de goût, pour le faire connoître, on sera aussi peu raisonnable que si l’on prétendoit sur un plan géométral faire juger de l’architecture d’un palais. On ne peut donc s’interdire équitablement dans un extrait littéraire, les réflexions & les remarques inséparables de la bonne critique. On peut parler en simple historien des ouvrages purement didactiques ; mais on doit parler en homme de goût des ouvrages de goût. Supposons que l’on eût à faire l’extrait de la tragédie de Phedre ; croiroit-on avoir bien instruit le public, si, par exemple, on avoit dit de la scene de la déclaration de Phedre à Hyppolite :

« Phedre vient implorer la protection d’Hyppolite pour ses enfans, mais elle oublie à sa vûe le dessein qui l’amene. Le cœur plein de son amour, elle en laisse échapper quelques marques. Hyppolite lui parle de Thésée, Phedre croit le revoir dans son fils ; elle se sert de ce détour pour exprimer la passion qui la domine : Hyppolite rougit & veut se retirer ; Phedre le retient, cesse de dissimuler, & lui avoue en même tems la tendresse qu’elle a pour lui, & l’horreur qu’elle a d’elle-même ».

Croiroit-on de bonne-foi trouver dans ses lecteurs une imagination assez vive pour suppléer aux détails qui font de cette esquisse un tableau admirable ? Croiroit-on les avoir mis à portée de donner à Racine les éloges qu’on lui auroit refusés en ne parlant de ce morceau qu’en simple historien ?

Quand un journaliste fait à un auteur l’honneur de parler de lui, il lui doit les éloges qu’il mérite, il doit au public les critiques dont l’ouvrage est susceptible, il se doit à lui-même un usage honorable de l’emploi qui lui est confié : cet usage consiste à s’établir médiateur entre les auteurs & le public ; à éclairer poliment l’aveugle vanité des uns, & à rectifier les jugemens précipités de l’autre. C’est une tâche pénible & difficile ; mais avec des talens, de

l’exércice & du zele, on peut faire beaucoup pour le progrès des Lettres, du goût & de la raison. Nous l’avons déjà dit, la partie du sentiment a beaucoup de connoisseurs, la partie de l’art en a peu, la partie de l’esprit en a trop. Nous entendons ici par esprit, cette espece de chicane qui analyse tout, & même ce qui ne doit pas être analysé.

Si chacun de ces juges se renfermoit dans les bornes qui lui sont prescrites, tout seroit dans l’ordre : mais celui qui n’a que de l’esprit, trouve plat tout ce qui n’est que senti : celui qui n’est que sensible, trouve froid tout ce qui n’est que pensé ; & celui qui ne connoît que l’art, ne fait grace ni aux pensées ni aux sentimens, dès qu’on a péché contre les regles : voilà pour la plûpart des juges. Les auteurs de leur côté ne sont pas plus équitables ; ils traitent de bornés ceux qui n’ont pas été frappés de leurs idées, d’insensibles ceux qu’ils n’ont pas émûs, & de pédans ceux qui leur parlent des regles de l’art. Le journaliste est témoin de cette dissention, c’est à lui d’être le conciliateur. Il faut de l’autorité, dira-t-il, oüi sans doute ; mais il lui est facile d’en acquérir. Qu’il se donne la peine de faire quelques extraits, où il examine les caracteres & les mœurs en philosophe, le plan & la contexture de l’intrigue en homme de l’art, les détails & le style en homme de goût : à ces conditions, qu’il doit être en état de remplir, nous lui sommes garans de la confiance générale. Ce que nous venons de dire des ouvrages dramatiques, peut & doit s’appliquer à tous les genres de Littérature. Voyez Critique. Cet article est de M. Marmontel.

Extrait, (Jurispr.) signifie ce qui est tiré d’un acte ou d’un registre, ou autre piece. Quelquefois on entend par cet extrait un abregé, quelquefois une copie entiere.

Extrait Baptistaire, est une expédition d’un acte de baptême tiré sur le registre destiné à écrire ces sortes d’actes. Voyez Baptême & Registres.

Extrait légalisé, est celui dont la vérité est attestée par une personne supérieure à celle qui a délivré l’extrait. Voyez Légalisation.

Extrait de Mariage, est une expédition ou copie authentique d’un acte de célébration de mariage, tiré sur le registre destiné à écrire les mariages. Voyez Mariage & Registre des Mariages.

Extrait sur la Minute, est une expédition tirée sur la minute même d’un acte, à la différence de ceux qui sont tirés seulement sur une expédition ou sur une copie collationnée. Le premier, c’est-à-dire celui qui est tiré sur la minute, est le plus authentique.

Extrait Mortuaire, est l’expédition d’un acte mortuaire, c’est-à-dire la mention qui est faite du décès de quelqu’un sur le registre destiné à cet effet. Voyez Mortuaire & Registres mortuaires.

Extrait d’un Procès, est l’abregé d’un procès, c’est-à-dire un mémoire qui contienne la date de toutes les pieces, & le précis de ce qui peut servir à la décision du procès. Les rapporteurs ont ordinairement un extrait à la main, pour soulager leur mémoire, lorsqu’ils font le rapport d’un procès. Le secrétaire du rapporteur fait communément son extrait du procès, pour soulager le rapporteur ; mais le rapporteur doit voir les choses par lui-même, & ne doit pas se fier à l’extrait de son secrétaire, qui peut être infidele, soit par inadvertance, ou pour favoriser une des parties au préjudice de l’autre. Le rapporteur doit donc régulierement faire lui-même son extrait, ou si bien vérifier celui de son secrétaire, qu’il puisse attester les faits par lui-même. On voit dans le style des cours, des lettres patentes du roi de l’année 1625, pour dispenser un conseiller de faire lui-même ses extraits, à cause qu’il avoit la vûe basse. Ceux qui se servent de l’extrait de leur secrétaire,