L’Encyclopédie/1re édition/REGISTRE
REGISTRE, s m. (Jurisprud.) est un livre public qui sert à garder des mémoires des actes & minutes, pour y avoir recours dans l’occasion, pour servir de preuve dans des matieres de fait.
Ménage fait venir ce mot de regestum, dont les Latins se sont servis dans la même signification ; regestum, dit-il, quasi iterum gestum. D’autres le font venir du vieux mot françois gîter, être au lit.
Une méthode qu’on observe en Ecosse, a servi à y rendre la discussion des procès tout-à-fait facile ; c’est d’y tenir un registre exact de toutes les ventes & acquisitions de terres que font les particuliers.
Il y a en Ecosse deux sortes de registres pour cet usage ; l’un est le général qui est gardé à Edimbourg, sous la direction d’un officier qu’on y appelle lord register, qui avant l’union étoit le cinquieme officier de l’état, & avoit rang au parlement en qualité de greffier, au trésor, à l’échiquier & aux sessions.
L’autre est celui qui se tient dans les comtés, sénéchaussées & sieges royaux particuliers. Les teneurs d’iceux sont obligés de les communiquer au register ou greffier général pour les porter sur le grand registre, où ils sont enregistrés avec un tel ordre, qu’on peut du premier coup d’œil y trouver tous les actes dont la loi ordonne l’enregistrement, & ceux mêmes que les contractans ont été bien-aises d’y faire inscrire pour leur plus grande sûreté.
Ce fut sous le regne de Jacques VI. que le parlement établit la tenue de ces registres, au grand avantage de tous les sujets.
On ne peut plus posséder aucun bien nouvellement acquis, que l’acte d’acquisition d’icelui n’eût été enregistré dans les quarante jours de la passation du contrat ; au moyen de quoi on obvia à toutes les conventions secretes & clandestines.
Registre des baptêmes, (Police.) les registres des baptêmes font foi qu’il naît plus de garçons que de filles, & que c’est à la proportion de 20 à 21, ou à-peu-près ; mais les guerres & d’autres accidens les ramenent à l’égalité ; ce qui formeroit un argument politique contre la polygamie.
Registre mortuaire, (Police.) les registres mortuaires font voir manifestement quelle est la diminution ou l’augmentation des habitans d’un pays, ou d’une ville ; & l’on peut aussi conclure de ces mêmes registres, quel est le nombre de ceux qui y existent encore : car dans les villes très-grandes & très-peuplées, on remarque que de 25 ou 26 personnes en vie, il en meurt une ; dans celles qui le sont moins, comme Berlin, Breslaw, Copenhague, &c. la proportion est de 29 ou 30 ; mais à la campagne elle est d’environ 40 : aussi y a-t-il des gens qui prétendent que dans les villages & les bourgs des pays où les habitans jouissent d’un nécessaire aisé, comme en Angleterre & en Suisse, il n’en meurt qu’un par an sur 35 à 40 personnes, tandis qu’à Londres & à Paris, c’est environ un sur 20. (D. J.)
Registre, droit de, (Jurisprud.) c’est un droit qui est dû au seigneur pour être ensaisiné de l’héritage cottier. Il est ainsi appellé dans la coutume de Vimeu. Dans le style de Liege il est appellé droit de registration. Voyez le glossaire de M. de Lauriere, au mot Registre. (A)
Registre sexté, (terme de Finances.) c’est un registre des fermiers, contenant les noms, qualités & emplois des habitans des paroisses, les sommes auxquelles ils sont imposés à la taille, & la quantité de sel qu’ils ont levé au grenier. L’ordonnance des gabelles fait souvent mention de ce registre sexté ; mais il vaudroit bien mieux qu’elle n’en eût point parlé.
Registre, (Comm.) grand livre de papier blanc, ordinairement couvert de parchemin, & à dos ou quarré ou long, qui sert à enregistrer des actes, délibérations, arrêts, sentences, déclarations ; & parmi les marchands, négocians, banquiers, manufacturiers, &c. à écrire les affaires de leur négoce. Les six corps des marchands & toutes les communautés des arts & métiers de la ville & fauxbourgs de Paris, ont des registres paraphés par les officiers de police, ou par le procureur du roi du châtelet, pour y écrire & enregistrer non-seulement leurs délibérations, mais encore les élections de leurs maîtres, gardes, syndics, jurés, ou autres officiers & administrateurs de leurs confréries, les obligés des apprentis, les receptions à la maîtrise, enfin tout ce qui concerne la police de ces corps & communautés.
Les inspecteurs des manufactures, les gardes des halles & magasins, les receveurs, contrôleurs, visiteurs & autres commis des douanes, bureaux des fermes & recettes des deniers royaux aux entrées & sorties du royaume, se servent aussi de registres pour y écrire journellement, les uns le payement des droits, les autres la réception des marchandises dans leurs dépôts ; ceux-ci le nombre & la qualité des étoffes auxquelles ils apposent les plombs ; ceux-là la visite des balles, ballots, caisses, &c. qui passent par leurs bureaux, les acquits à caution & autres tels actes qu’on leur présente, ou qu’ils délivrent aux marchands & voituriers.
Tous ces registres doivent être aussi paraphés, mais diversement ; ceux des inspecteurs des manufactures par les intendans des provinces, à la reserve des registres de l’inspecteur de la douane de Paris, qui doivent l’être par le lieutenant général de police. Ceux des commis des fermes générales, des aides & gabelles, par les fermiers généraux de ces droits, chacun suivant le département qui leur est donné par le contrôleur général des finances. Diction. du Comm. & de Trévoux.
Registre, (Commerce.) on appelle dans les Indes occidentales de la domination espagnole, navire de registre, ceux à qui le roi d’Espagne ou le conseil des Indes ordonne d’aller trafiquer dans les ports de l’Amérique. Voyez Commerce.
Ils sont ainsi nommés à cause que cette permission doit être enregistrée avant qu’ils mettent à la voile du port de Cadix, où se font le plus ordinairement les chargemens pour Buenos-Ayres & autres ports.
Ces navires ne doivent être que du port de trois cens tonneaux, & les permissions le portent ainsi ; mais l’intelligence des maîtres à qui ils appartiennent avec les officiers du conseil des Indes résidens en Europe, & les présens considérables qu’ils font à ceux de l’Amérique, & aux gouverneurs des ports où ils arrivent, sont cause que ces réglemens ne sont point observés, & qu’il passe souvent en Amérique des navires de cinq cens cinquante, & même de six cens cinquante tonneaux.
Les permissions coûtent jusqu’à 30000 piastres chacune ; mais elles en coûteroient 100000 que les marchands qui frettent ces vaisseaux ne trouveroient encore que trop leur compte, & que le roi d’Espagne n’auroit jamais le sien : car quoiqu’on spécifie toujours dans les permissions la qualité & la quantité des marchandises dont la cargaison des vaisseaux est composée, cependant les présens que les propriétaires & les armateurs font aux gouverneurs & aux officiers qui résident en Espagne & en Amérique, font qu’ils débarquent bien au-delà de ce qui leur est permis. On a des mémoires certains & de bonne main, qu’il y a eu souvent des navires de registre dont le certificat ne portoit que 12000 cuirs & seulement 100000 piastres, qui avoient à bord trois ou quatre millions en or & en argent, vingt-six mille cuirs & plus, & ainsi du reste ; en sorte que le quint du roi d’Espagne & ses autres droits n’alloient presqu’à rien, en comparaison de ce à quoi ils eussent dû monter.
Outre ces gains indirects du marchand, les profits qu’il fait sur les marchandises d’Europe sont immenses, & l’on a vu en 1703 & en 1705 tel de ces navires de registre vendre celles qu’il avoit apportées l’une portant l’autre, à plus de trois cens pour cent de profit ; en sorte qu’un chapeau se vendoit 18 piastres, l’aune de drap commun 12 piastres, &c.
L’on peut mettre au nombre des navires de registre à qui il est permis de faire le commerce des Indes espagnoles, un navire de cinq cens tonneaux que le roi d’Espagne permet à la compagnie du sud d’Angleterre, d’envoyer tous les ans aux foires qui se tiennent à Porto Bello, à Carthagene, & aux autres villes maritimes de l’Amérique. Voyez Assient. Dict. du Comm. & de Trévoux.
Registres, (Chimie.) on nomme registres, des ouvertures pratiquées dans les fourneaux des Chimistes, à l’aide desquelles ils augmentent leur feu lorsque ces registres sont ouverts ; il diminue au contraire en fermant les registres. (D. J.)
Registre, piece de moule servant à fondre les caracteres d’Imprimerie ; les registres sont pour recevoir la matrice au bout du moule, & la retenir dans la position juste qu’il y faut. Ces registres sont mobiles, on les pousse & retire, jusqu’à ce que la matrice soit dans la place où on la veut pour former la lettre dans une bonne approche. Voyez Moule, Matrice, Approche.
Registre, (Imprimerie.) une impression en registre est celle dont les pages viennent précisément les unes sous les autres : ce qui se fait par le moyen des pointes que l’on remue à volonté, & des coins qui arrêtent la forme sur le marbre de la presse. Voyez Pointes, Coins, Formes & Retiration.
Registre de clavessin, les registres de clavessin sont des regles de bois, percées d’autant de trous, qu’il y a de touches au clavier, ces trous sont plus longs que larges pour s’accommoder à la grosseur des sautereaux ; ils sont évasés par-dessous. Voyez les figures du clavessin, Pl. de Lutherie.
Le registre est quelquefois couvert par-dessus de peau de mouton, ce qui est toujours ainsi aux épinettes, auxquelles la table sert de registre, c’est-à-dire qu’elle est percée comme un registre. Pour percer les trous dans la peau, on se sert des emporte-pieces décrits à l’article Emporte-piece, sur lesquels on frappe comme sur les poinçons à découper. Voyez Découpeur.
Les registres sont autant en nombre que de cordes sur une seule touche ; ainsi il y a des clavessins à deux, trois, quatre registres qui sont tous placés à côté les uns des autres, entre le sommier & la table de l’instrument. Voyez Clavessin.
Registres mobiles dans l’orgue ou simplement registres, ainsi nommés de regere, gouverner, parce qu’en effet, ils gouvernent le vent qui anime l’orgue, sont des regles MN, fig. 10. & 11. Pl. orgue, de bois de feuillet très-sec ; ces regles doivent occuper toute la largeur que laissent entr’eux les registres dormans, entre deux desquels elles doivent couler facilement ; on colle sous le registre de la peau de mouton par le côté glabre ; le duvet doit être tourné du côté de la table du sommier sur laquelle le registre doit poser. Les Facteurs de Flandre ordinairement ne mettent point de peau sous les registres, mais ils dressent si bien la table du sommier & le registre, que l’air ne sauroit trouver entre deux aucun passage, cependant la méthode de les garnir de peau est préférable ; car pour peu que le bois travaille & se gauchisse, le vent s’introduit d’une gravure dans une autre, ce qui produit des cornemens insupportables.
Après que les registres sont placés entre les registres dormans, on les égalise de hauteur ; on met les épaulemens NO, MO, qui sont des morceaux de bois aussi larges que le registre que l’on colle à ses extremités, qui doivent excéder d’un demi-pié la largeur du sommier de chaque côté.
Ces épaulemens qui servent à limiter la marche du registre doivent laisser entr’eux une longueur OO, égale à toute la longeur du sommier AB & à la moitié de la distance qui se trouve entre les milieux de deux gravures contiguës ; les registres doivent être percés d’autant de trous a b c d e f, fig 11. qu’il y a de gravures au sommier ; ces trous que l’on perce en même tems que ceux de la table & de la chappe, doivent répondre vis-à-vis de ceux-ci, lorsqu’un des épaulemens touche contre la table du sommier, comme en M, fig. 10, & lorsque l’autre épaulement O touche la table par l’autre bout, & que l’épaulement m en est éloigné ; les intervalles de ces mêmes trous doivent répondre vis-à-vis les trous de la table & de la chappe du sommier, ce qui empêche la communication entre les tuyaux posés sur la chappe au-dessus du registre ; & le vent dont la gravure est remplie, ce qui empêche ces tuyaux de parler. Voyez l’article Sommier du grand orgue.
Registres dormans, ce sont des regles HH, fig. 7. Pl. orgue, collées & clouées sur la table du sommier, entre lesquelles les registres mobiles se meuvent ; ces regles doivent croiser à angle droit les gravures qui sont au-dessous de la table du sommier, sur le dessus de laquelle elles sont collées & clouées. Voyez l’article Sommier du grand orgue.