L’Encyclopédie/1re édition/ASSIENTE ou ASSIENTO
* ASSIENTE ou ASSIENTO, (Commerce.) ce terme est Espagnol, & signifie une ferme.
En France, ce mot s’est introduit depuis le commencement de la guerre pour la succession d’Espagne en 1701. On l’entend d’une compagnie de commerce établie pour la fourniture des Negres dans les états du roi d’Espagne en Amérique, particulierement à Buenos-ayres.
Ce fut l’ancienne compagnie Françoise de Guinée, qui après avoir fait son traité pour cette fourniture avec les ministres Espagnols, prit le nom de compagnie de l’assiente, à cause du droit qu’elle s’engagea de payer aux fermes du roi d’Espagne, pour chaque Negre, piece d’inde, qu’elle passeroit dans l’Amérique Espagnole.
Ce traité de la compagnie Françoise, qui consistoit en trente-quatre articles, fut signé le premier Septembre 1702, pour durer pendant dix années, & finir à pareil jour de l’année 1712, accordant néanmoins aux assientistes deux autres années pour l’exécution entiere de la fourniture, si elle n’étoit pas finie à l’expiration du traité.
Les deux principaux de ces trente-quatre articles regardoient, l’un la quantité des Negres que la compagnie devoit fournir aux Espagnols ; l’autre, le droit qu’elle devoit payer au roi d’Espagne pendant le tems de la ferme ou assiento.
A l’égard des Negres, il fut fixé à trente-huit mille, tant que la guerre, qui avoit commencé l’année d’auparavant, dureroit ; & à quarante-huit mille, en cas de paix. Pour ce qui est du droit du roi d’Espagne, il fut réglé à trente-trois piastres un tiers pour chaque Negre, piece d’inde, dont la compagnie paya par avance la plus grande partie.
A la paix d’Utrecht, un des articles du traité entre la France & l’Angleterre, ayant été la cession de l’assiente ou ferme des Negres, en faveur de cette derniere, les Espagnols traiterent avec les Anglois pour la fourniture des Negres.
Ce traité semblable en plusieurs articles à celui de la compagnie Françoise, mais de beaucoup plus avantageux par plusieurs autres, aux assientistes Anglois, devoit commencer au premier Mai 1713, pour durer trente ans, c’est-à-dire, jusqu’à pareil jour de l’année 1743.
La compagnie du Sud établie en Angleterre depuis le commencement de cette même guerre, mais qui ne subsistoit qu’à peine, fut celle qui se chargea de l’assiento des Negres pour l’Amérique Espagnole. La fourniture qu’elle devoit faire étoit de quatre mille huit cens Negres par an, pour lesquels elle devoit payer par tête le droit sur le pié réglé par les François, n’étant néanmoins obligée qu’à la moitié du droit pendant les vingt-cinq premieres années, pour tous les Negres qu’elle pourroit fournir au-de-là du nombre de quatre mille huit cents stipulés par le traité. Le quarante-deuxieme article de ce traité, qui est aussi le dernier, & peut-être le plus considérable de tous, n’étoit point dans le traité fait avec les François. Cet article accorde aux assientistes Anglois la permission d’envoyer dans les ports de l’Amérique Espagnole, chaque année des trente que doit durer le traité, un vaisseau de cinq cens tonneaux, chargé des mêmes marchandises que les Espagnols ont coûtume d’y porter, avec liberté de les vendre & débiter concurremment avec eux aux foires de Porto-Belo & de la Vera-Cruz.
On peut dire que la fourniture même des Negres, qui fait le fonds du traité, non plus que quantité d’autres articles, qui accordent quantité de priviléges à la nouvelle compagnie Angloise, ne lui apportent peut-être point tous ensemble autant de profit, que cette seule faculté d’envoyer un vaisseau, donnée aux Anglois, contre l’ancienne politique des Espagnols, & leur jalousie ordinaire à l’égard de leur commerce en Amérique.
L’on a depuis ajoûté cinq nouveaux articles à ce traité de l’assiente Angloise, pour expliquer quelques-uns des anciens. Le premier porte que l’exécution du traité ne seroit censée commencer qu’en 1714 : le second, qu’il seroit permis aux Anglois d’envoyer leur vaisseau marchand chaque année, bien que la flotte ou les galions Espagnols ne vinssent point à l’Amérique : le troisieme, que les dix premieres années, ce vaisseau pourroit être du port de six cents cinquante tonneaux : enfin les deux derniers, que les marchandises qui resteroient de la traite des Negres, seroient renvoyées en Europe, après que les Negres auroient été débarqués à Buenos-ayres, & que si leur destination étoit pour Porto-Belo, Vera-Cruz, Carthagene, & autres ports de l’Amérique Espagnole ; les marchandises seroient portées dans les îles Antilles Angloifes, sans qu’il fût permis d’en envoyer à la mer du Sud.
La maniere d’évaluer & de payer le droit d’assiente pour chaque Negre, piece d’inde, lorsqu’il arrive sur les terres du roi d’Espagne en Amérique, est la même avec les assientistes Anglois, qui se pratiquoit avec les assientistes François, c’est-à-dire, que lorsque ces Negres sont debarqués, les officiers Espagnols, de concert avec les commis de l’assiente, en font quatre classes.
Premierement, ils mettent ensemble tous les Negres de l’un & de l’autre sexe qui sont en bonne santé, & qui ont depuis quinze ans jusqu’à trente. Ensuite ils séparent les vieillards, les vieilles femmes & les malades, dont ils font un second lot ; après suivent les enfans des deux sexes de dix ans & au-dessus, jusqu’à quinze ; & enfin ceux depuis cinq, jusqu’à dix.
Ce partage étant fait, on vient à l’évaluation, c’est-à-dire, qu’on compte les Negres de la premiere classe, qui sont sains, chacun sur le pié d’une piece d’inde ; les vieux & les malades, qui sont la seconde classe, chacun sur le pié de trois quarts de piece d’inde ; les grands enfans de la troisieme classe, trois pour deux pieces ; & les petits de la quatrieme, deux pour une piece ; & sur cette réduction on paye le droit du roi. Ainsi, d’une cargaison de cinq cens soixante & cinq têtes de Negres, dont il y en a deux cens cinquante de sains, soixante malades ou vieux, cent cinquante enfans de dix ans & au-dessus, & cent cinquante depuis cinq jusqu’à dix, le roi ne reçoit son droit que de quatre cent quarante. (G)
* La guerre commencée entre l’Espagne & l’Angleterre en 1739, avoit rompu le traité de l’Assiente. Les quatre ans qui restoient, ont été rendus par la paix de 1748.