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mation de la matrice, de la vessie, & des parties circonvoisines. (Y)

Epreintes : c’est ainsi qu’on nomme les fientes des loutres.

* EPREUVE, ESSAI, EXPÉRIENCE, (Gram.) termes relatifs à la maniere dont nous acquérons la connoissance des objets. Nous nous assûrons par l’épreuve, si la chose a la qualité que nous lui croyons ; par l’essai, quelles sont ses qualités ; par l’expérience, si elle est. Vous apprendrez par expérience que les hommes ne vous manquent jamais dans certaines circonstances. Si vous faites l’essai d’une recette sur des animaux, vous pourrez ensuite l’employer plus sûrement sur l’espece humaine. Si vous voulez conserver vos amis, ne les mettez point à des épreuves trop fortes. L’expérience est relative à l’existence, l’essai à l’usage, l’épreuve aux attributs. On dit d’un homme qu’il est expérimenté dans un art, quand il y a long-tems qu’il le pratique ; qu’une arme a été éprouvée, lorsqu’on lui a fait subir certaines charges de poudre prescrites ; qu’on a essayé un habit, lorsqu’on l’a mis une premiere fois pour juger s’il fait bien.

Epreuve, s. f. (Hist. mod.) maniere de juger & de décider de la vérité ou de la fausseté des accusations en matiere criminelle, reçûe & fort en usage dans le neuvieme, le dixieme & le onzieme siecles, qui a même subsisté plus long-tems dans certains pays, & qui est heureusement abolie.

Ces jugemens étoient nommés jugemens de Dieu, parce que l’on étoit persuadé que l’évenement de ces épreuves, qui auroit pû en toute autre occasion être imputé au hasard, étoit dans celle-ci un jugement formel, par lequel Dieu faisoit connoître clairement la vérité en punissant le coupable.

Il y avoit plusieurs especes d’épreuves : mais elles se rapportoient toutes à trois principales ; savoir le serment, le duel, & l’ordalie ou épreuve par les élémens.

L’épreuve par serment, qu’on nommoit aussi purgation canonique ; se faisoit de plusieurs manieres : l’accusé qui étoit obligé de le prêter, & qu’on nommoit jurator ou sacramentalis, prenoit une poignée d’épis, les jettoit en l’air, en attestant le ciel de son innocence : quelquefois une lance à la main, il déclaroit qu’il étoit prêt à soûtenir par le fer ce qu’il affirmoit par serment ; mais l’usage le plus ordinaire, & le seul qui subsista le plus long-tems, étoit de jurer sur un tombeau, sur des reliques, sur l’autel, sur les évangiles. On voit par les lois de Childebert, par celles des Bourguignons & des Frisons, que l’accusé étoit admis à faire jurer avec lui douze témoins, qu’on appelloit conjuratores ou compurgatores.

Quelquefois, malgré le serment de l’accusé, l’accusateur persistoit dans son accusation ; & alors celui-ci, pour preuve de la vérité, & l’accusé, pour preuve de son innocence, ou tous deux ensemble, demandoient le combat. Il falloit y être autorisé par sentence du juge, & c’est ce qu’on appelloit épreuve par le duel. Voyez Duel, Combat, & Champion.

A ce que nous en avons détaillé sous ces mots, nous ajoûterons seulement ici que, quoique certaines circonstances marquées par les lois faites à ce sujet, & les dispenses de condition & d’état, empêchassent le duel en quelques occasions, rien n’en pouvoit dispenser, quand on étoit accusé de trahison : les princes du sang même étoient obligés au combat.

Nous observerons encore que l’épreuve par le duel étoit si commune, & devint si fort du goût de ce tems-là, qu’après avoir été employée dans les affaires criminelles, on s’en servit indifféremment pour décider toutes sortes de questions, soit publiques, soit particulieres. S’il s’élevoit une dispute sur la propriété d’un fonds, sur l’état d’une personne, sur le

sens d’une loi ; si le droit n’étoit pas bien clair de part & d’autre, on prenoit des champions pour l’éclaircir. Ainsi l’empereur Othon I. vers l’an 968, fit décider si la représentation avoit lieu en ligne directe, par un duel, où le champion nommé pour soûtenir l’affirmative demeura vainqueur.

L’ordalie, terme saxon, ne signifioit originairement qu’un jugement en général ; mais comme les épreuves passoient pour les jugemens par excellence, on n’appliqua cette dénomination qu’à ces derniers, & l’usage le détermina dans la suite aux seules épreuves par les élémens, & à toutes celles dont usoit le peuple. On en distinguoit deux especes principales, l’épreuve par le feu, & l’épreuve par l’eau.

La premiere, & celle dont se servoient aussi les nobles, les prêtres, & autres personnes libres qu’on dispensoit du combat, étoit la preuve par le fer ardent. C’étoit une barre de fer d’environ trois livres pesant ; ce fer étoit béni avec plusieurs cérémonies, & gardé dans une église qui avoit ce privilége, & à laquelle on payoit un droit pour faire l’épreuve.

L’accuse, après avoir jeûné trois jours au pain & à l’eau, entendoit la messe ; il y communioit & faisoit, avant que de recevoir l’Eucharistie, serment de son innocence ; il étoit conduit à l’endroit de l’église destiné à faire l’épreuve ; on lui jettoit de l’eau bénite ; il en buvoit même ; ensuite il prenoit le fer qu’on avoit fait rougir plus ou moins, selon les présomptions & la gravité du crime ; il le soûlevoit deux ou trois fois, ou le portoit plus ou moins loin, selon la sentence. Cependant les prêtres récitoient les prieres qui étoient d’usage. On lui mettoit ensuite la main dans un sac que l’on fermoit exactement, & sur lequel le juge & la partie adverse apposoient leurs sceaux pour les lever trois jours après ; alors s’il ne paroissoit point de marque de brûlure, & quelquefois aussi, suivant la nature & à l’inspection de la plaie, l’accusé étoit absous ou déclaré coupable.

La même épreuve se faisoit encore en mettant la main dans un gantelet de fer rouge, ou en marchant nuds piés sur des barres de fer jusqu’au nombre de douze, mais ordinairement de neuf. Ces sortes d’épreuves sont appellées ketelvang dans les anciennes lois des Pays-Bas, & sur-tout dans celles de Frise.

On peut encore rapporter à cette espece d’épreuve celle qui se faisoit ou en portant du feu dans ses habits, ou en passant au-travers d’un bucher allumé, ou en y jettant des livres pour juger s’ils brûloient ou non, de l’orthodoxie ou de la fausseté des choses qu’ils contenoient. Les historiens en rapportent plusieurs exemples.

L’ordalie par l’eau se faisoit ou par l’eau bouillante, ou par l’eau froide ; l’épreuve par l’eau bouillante étoit accompagnée des mêmes cérémonies que celle du fer chaud, & consistoit à plonger la main dans une cuve pour y prendre un anneau qui y étoit suspendu plus ou moins profondément.

L’épreuve par l’eau froide, qui étoit celle du petit peuple, se faisoit assez simplement. Après quelques oraisons prononcées sur le patient, on lui lioit la main droite avec le pié gauche, & la main gauche avec le pié droit, & dans cet état on le jettoit à l’eau. S’il surnageoit, on le traitoit en criminel ; s’il enfonçoit, il étoit déclaré innocent. Sur ce pié-là il devoit se trouver peu de coupables, parce qu’un homme en cet état ne pouvant faire aucun mouvement, & son volume étant d’un poids supérieur à un volume égal d’eau, il doit nécessairement enfoncer. Dans cette épreuve le miracle devoit s’opérer sur le coupable, au lieu que dans celle du feu, il devoit arriver dans la personne de l’innocent. Il est encore parlé dans les anciennes lois de l’épreuve de la croix, de celle de l’Eucharistie, & de celle du pain & du fromage.