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ne saurions rien affirmer nuement & simplement sur son compte.

Le dixieme, des instituts, des coûtumes, des lois, des persuasions fabuleuses, & des opinions des dogmatiques. C’est ici la source la plus abondante des contrariétés humaines, & des raisons d’adhérer à l’époque. Suivons encore notre guide, qui nous fournit les définitions & les exemples que vous allez lire. Un institut est le choix que l’on fait d’un certain genre de vie, ou quelque plan de conduite & de pratiques, que l’on prend d’une seule personne, comme par exemple de Diogene, ou des Lacédémoniens. Une loi est une convention écrite par les gouverneurs de l’état, laquelle convention emporte avec elle une punition contre celui qui la transgresse. La coûtume est l’approbation d’une chose fondée sur le consentement & la pratique commune de plusieurs, dont la transgression n’est point punie comme celle de la loi : par exemple, c’est une loi de ne point commettre d’adultere, mais c’est une coûtume parmi nous de ne point habiter avec sa femme en public. Une persuasion fabuleuse est l’approbation que l’on donne à des choses feintes & qui n’ont jamais été, telles que sont entre autres choses les fables que l’on raconte de Saturne ; car ces choses-là sont reçûes comme vraies parmi le peuple. Une opinion dogmatique est l’approbation que l’on donne à une chose qui paroît être appuyée sur le raisonnement, ou sur une démonstration : par exemple, que les premiers élémens de toutes choses sont des atomes indivisibles, ou des homæomeries, c’est-à-dire des parties similaires qui se distribuent différemment pour composer les différens corps, &c. Or nous opposons chacun de ces genres, ou avec lui-même, ou avec chacun des autres. Par exemple, nous opposons une coûtume à une coûtume en cette maniere. Quelques peuples d’Ethiopie, disons-nous, impriment des marques sur le corps de leurs enfans, & non pas nous. Les Perses croyent qu’il est décent de porter un habit bigarré de diverses couleurs & long jusqu’aux talons ; & nous, nous croyons que cela est indécent. Les Indiens caressent leurs femmes à la vûe de tout le monde, mais plusieurs autres peuples trouvent cela honteux. Nous opposons loi à loi. Ainsi, chez les Romains, celui qui renonce aux biens de son pere, ne paye point les dettes de son pere ; & chez les Rhodiens, il est obligé de les payer. Dans la Chersonèse Taurique en Scythie, c’étoit une loi d’immoler les étrangers à Diane ; mais chez nous il est défendu de tuer un homme dans un temple. Nous opposons institut à institut, lorsque nous opposons la maniere de vivre de Diogene à celle d’Aristippe, ou l’institut des Lacedémoniens à celui des Italiens. Nous opposons une persuasion fabuleuse à une autre, lorsque nous disons que quelquefois Jupiter est appellé, dans les fables, le pere des dieux & des hommes, & que quelquefois l’Océan est appellé l’origine des dieux, & Thétis leur mere, suivant l’expression de Junon dans Homere. Nous opposons les opinions dogmatiques les unes autres, lorsque nous disons que les uns croyent l’ame mortelle, & d’autres immortelle ; que les uns assûrent que la providence des dieux dirige les évenemens, & que d’autres n’admettent point de providence. Sextus, après avoir ainsi opposé ces chefs à eux-mêmes, les met aux prises les uns avec les autres ; mais ce détail nous meneroit trop loin. Tels sont les dix moyens de l’époque : renfermée dans de justes bornes, elle est sans contredit le principe le plus excellent qu’aucune secte ait jamais avancé, le préservatif le plus infaillible contre l’erreur. Aussi Descartes, ce restaurateur immortel de la saine philosophie, est-il parti, pour ainsi dire, de là ; par une suspension universelle du jugement, il à frayé, à la vérité, de nouvelles routes qui, malgré les prétentions de quelques philoso-

phes plus récens, sont les seules qui conviennent à l’esprit humain. L’époque, principe mort entre les mains des Sceptiques qui se contentoient de détruire sans édifier, & qui se jettoient tête baissée dans un doute universel, devient une source de lumiere & de vérité, lorsqu’elle est employée par un philosophe judicieux & exempt de préjugés. Voyez Doute. Cet article est tiré des papiers de M. Formey.

Époque, en Astronomie. On appelle époque ou racine des moyens mouvemens d’une planete, le lieu moyen de cette planete déterminé pour quelque instant marqué, afin de pouvoir ensuite, en comptant depuis cet instant, déterminer le lieu moyen de la planete, pour un autre instant quelconque.

Parmi les planetes nous comprenons aussi le soleil, que les tables astronomiques supposent, ou peuvent supposer en mouvement, en lui attribuant le mouvement de la terre. Voyez Copernic. Voyez aussi Mouvement moyen, Lieu moyen, Temps moyen, Équation du temps.

Les astronomes sont convenus de faire commencer l’année dans leurs tables à l’instant du midi qui précede le premier jour de Janvier, c’est-à-dire, à midi le 31 Décembre, ensorte qu’à midi du premier Janvier on compte déja un jour complet ou vingt-quatre heures écoulées. Ainsi, quand on trouve dans les tables astronomiques au méridien de Paris l’époque de la longitude moyenne du soleil en 1700, de 9 signes 10 degrés 7 minutes 15 secondes ; cela signifie que le 31 Décembre 1699, à midi, à Paris, la longitude moyenne du soleil, c’est-à-dire, sa distance au premier point d’Aries, en n’ayant égard qu’à son mouvement moyen, étoit de 9 signes 10 degrés 7 minutes 15 secondes, & ainsi des autres.

L’époque une fois bien établie, le lieu moyen pour un instant quelconque est aisé à fixer par une simple regle de trois. Car on dira ; comme une année ou 365 jours est au tems écoulé depuis ou avant l’époque, aimi le mouvement moyen de la planete, ou le tems périodique moyen pendant une année (Voyez Periode & Mouvement moyen) est au mouvement cherché, qu’on ajoûtera à l’époque ou qu’on en retranchera. Toute la difficulté se réduit donc à bien fixer l’époque, c’est-à-dire le vrai lieu moyen pour un tems déterminé. Pour cela il faut observer la planete le plus exactement qu’il est possible dans les points de son orbite où le lieu vrai se confond avec le lieu moyen, c’est-à-dire où les équations du moyen mouvement sont nulles (Voyez Equation). On aura donc le lieu moyen de la planete pour cet instant, & par conséquent une simple regle de trois donnera le lieu moyen à l’instant de l’époque. Par exemple, le lieu moyen du Soleil se confond sensiblement avec le lieu vrai, lorsque le soleil est apogée ou périgée, parce qu’alors l’équation du centre est nulle ; le lieu moyen de la Lune se confond à peu près avec le lieu vrai lorsque la Lune est apogée ou périgée, & de plus en conjonction ou opposition ; je dis à peu près, parce que dans ce cas-là même il y a encore quelques équations, la plûpart assez petites, que les tables & la théorie donnent, & auxquelles il est nécessaire d’avoir égard pour déterminer le vrai mouvement moyen ; aussi, comme ces équations ne sont pas exactement connues, l’époque du lieu moyen de la lune ne peut être fixée que par une espece de tâtonnement & par des combinaisons répétées & délicates. Il paroît en effet que M. Halley l’avoit trop reculée d’environ une minute, & d’autres astronomes la font de près de deux minutes plus avancée. Ce sont les observations réitérées des lieux de la Lune comparés avec les calculs de ces mêmes lieux, qui peuvent servir à fixer l’époque aussi exactement qu’il est possible. Voyez Lune, & les articles cités ci-dessus. (O)