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des connus de la Medecine, après quoi on eut recours aux enchantemens, & à toutes les extravagances dont l’esprit de l’homme est capable. On en poussa si loin la manie, que le sénat fut obligé de les défendre par de séveres ordonnances ; c’étoit aux Psylles, peuples de la Lybie, & aux Marses, peuples d’Italie, qu’ils s’adressoient, à cause de leur célébrité dans la science des enchantemens. Enfin Asclépiade, qui vivoit du tems de Mithridate & de Cicéron, eut le bonheur de bannir de Rome cette vaine maniere de traiter les maladies. Peut-être aussi qu’Asclépiade parut dans le tems favorable où l’on commençoit à s’en lasser, parce qu’on n’en voyoit aucun effer.

Les premiers Chrétiens n’ont pas été exemts de cette folie, puisque les papes & les conciles prirent le parti de condamner les phylacteres que les nouveaux convertis au christianisme portoient sur leur personne, pour se préserver de certains dangers. En un mot, les ténebres de l’erreur ne se dissiperent que quand les arts & les sciences, ensevelis pendant plusieurs siecles, reparurent en Europe. Alors la Medecine, de plus en plus éclairée, rejetta toutes les applications superstitieuses des remedes ridicules, opéra la guérison des maladies par les secours de l’art, & nous remit à peu-près au même point où Hippocrate avoit laissé les Grecs à sa mort. Tout le monde sait que dans ce tems-là les Thessaliens l’emportoient sur toutes les nations dans la pratique des enchantemens, & que Philippe étant tombé malade, fit venir à sa cour une Thessalienne pour le guérir ; mais la curieuse Olympias appella secretement la Thessalienne dans son cabinet, où ne pouvant se lasser d’admirer ses graces & sa beauté : « N’écoutons plus, s’écria-t-elle, les vains discours du peuple ; les charmes dont vous vous servez sont dans vos yeux ». Cet article est de M. le Chevalier de Jaucourt.

Enchantement, (Belles-Lettres.) terme d’Opéra. Le merveilleux est le fonds de l’opéra françois. Cette premiere idée que Quinaut a eue en créant ce genre, est le germe des plus grandes beautés de ce spectacle. (V. Opéra.) C’est le théatre des enchantemens ; toute sorte de merveilleux est de son ressort, & on ne peut le produire que par l’intervention des dieux de la fable & par le secours de la féerie ou de la magie.

Les dieux de la fable développent sur ce théatre la puissance surnaturelle que l’antiquité leur attribuoit. La féerie y fait voir un pouvoir surprenant sur les créatures sans mouvement, ou sur les êtres animés : la magie par ses enchantemens y amene des changemens qui étonnent, & tous ces différens ressorts y produisent des beautés qui peuvent faire illusion, lorsqu’ils sont conduits par une main habile.

Il y a un enchantement dans l’opéra d’Amadis, qui est le fonds d’un divertissement très-bien amené, & fort agréable ; il a été copié dans Tancrede, & la copie est bien au-dessous de l’original. Amadis, dans le premier, croit voir dans une magicienne Oriane qu’il adore ; il met à ses piés ses armes, & l’enchantement produit un effet raisonnable & fondé sur la passion de ce héros.

Des nymphes paroissent dans Tancrede ; elles dansent autour de lui, & les armes lui tombent des mains, sans autre motif apparent aux yeux du spectateur. Suffit-il de danser pour enchaîner la valeur d’un héros, bien sûr d’ailleurs dans cette occasion que tout ce qu’il voit n’est qu’un enchantement ? car il est dans la forêt enchantée, & les flammes qui l’ont retenu sont un enchantement, à ce qu’il dit lui-même, &c.

Cette critique sur un ouvrage très-estimable d’ailleurs, & dont l’auteur n’est plus, a pour seul motif le progrès de l’art. Quelque peu fondés en raison que soient les enchantemens, quoiqu’ils soient contradictoires avec le bon sens, & qu’enfin, sans être trop philosophe, on puisse avec confiance en nier la

possibilité, l’opinion commune suffit pour donner la liberté aux poëtes de les introduire dans un genre consacré à la fiction ; mais ils ne doivent s’en servir qu’en leur conservant les motifs capables de les occasionner, & les effets qu’ils produiroient réellement s’ils étoient possibles.

Tout enchantement qui ne naît pas du sujet qu’on traite, qui ne sert point au développement de la passion, & qui n’en est pas l’effet, est donc vicieux, & ne sauroit produire qu’une beauté hors de place ; cette espece de merveilleux ne doit être employé à l’opéra qu’à propos. Il n’est qu’un ressort de plus dans la main du poëte pour faire agir la passion, & pour lui faire créer des moyens plus forts d’étonner, d’ébranler, de séduire, de troubler le spectateur. Voyez Féerie, Magie, Opéra. (B)

ENCHANTEUR, s. m. terme d’Opéra. Il y a des rôles d’enchanteur. Tous ceux qui font des enchantemens, ne sont pas appellés de ce nom ; on leur donne plus communément celui de magiciens, & on les fait basse-tailles. Voyez Magiciens.

Dans Tancrede il y a un enchanteur au prologue, qui est haute-contre. Danchet a donné le nom d’enchanteur à son Ismenor. De l’enchanteur le trépas est certain. M. de Moncrif appelle ainsi Zelindor, roi des Silphes. Voyez Féerie.

En général, le nom d’enchanteur ne convient qu’aux rôles de magiciens bienfaisans. On appelle magiciens tous les autres. Voyez Enchantement, Magicien, Féerie, Opéra. (B)

ENCHAPER, v. act. (Comm.) c’est donner à un barril une chape, ou une chemise, ou une double futaille. Il se dit particulierement des tonneaux qu’on remplit de poudre à canon.

ENCHAPERONER, v. act. (Fauc.) c’est mettre le chaperon sur la tête de l’oiseau.

ENCHARNER, en terme de Layetier, c’est attacher le couvercle d’une boîte au derriere, avec des crochets de fil-de-fer qui se prennent les uns dans les autres en forme de charniere.

ENCHASSURE, s. f. dans l’Imprimerie, est un morceau de bois de noyer de dix-huit pouces de long, de dix à onze pouces de large, & de deux pouces d’épaisseur, très-uni d’un côté, & creusé & entaillé de l’autre, de façon à recevoir une platine, soit de fer, soit de cuivre ; aux platines de fer, les enchâssures sont presque inévitables pour réparer leur peu de justesse ; à celles de cuivre, on y met moins d’enchâssures, néanmoins elles sont utiles, dans le cas où la platine a acquis quelque défectuosité, ou, ce qui est le plus général, quand on veut augmenter la portée d’une platine dans toutes ses dimensions. Voyez Platine.

ENCHAUSSÉ, adj. terme de Blason ; il se dit de l’écu qui est taillé depuis le milieu d’un de ses côtés, en tirant vers la pointe du côté opposé. Il y a des écus enchaussés à dextre, & d’autres à senestre, suivant le côté où la taille commence. Liectestain, d’argent enchaussé d’azur.

ENCHERE, s. f. (Jurisprud) ce terme qui vient d’enchérir, ne devroit, selon la signification propre, s’entendre que de l’offre qui est faite au-dessus du prix qu’un autre a offert : néanmoins dans l’usage, on comprend sous le terme d’enchere, toute mise à prix, même celle qui est faite la premiere pour quelque meuble ou immeuble, ou pour un bail ou autre exploitation.

Dans quelques pays, les encheres sont appellées mises à prix ; & en d’autres, surdites.

Les encheres sont reçûes dans toutes les ventes de meubles qui se font à l’encan, soit à l’amiable, ou forcées. Dans ces sortes de ventes, c’est l’huissier qui fait la premiere enchere, ou mise à prix.

On reçoit aussi les encheres pour les ventes des