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cupo tibi hunc filium qui meus est : Caïus, liv. I. tit. viij. de ses institutes, dit même qu’il falloit sept témoins citoyens romains.

L’acheteur donnoit au pere par forme de prix, une piece de monnoie, en disant : hunc hominem ex jure quiritum meum esse aïo, isque mihi emptus est hoc are æneâque librâ ; au moyen dequoi le fils de famille passoit sous la puissance de l’acheteur comme son esclave ; ensuite ce même acheteur affranchissoit le fils de famille, lequel par un droit tacite, retournoit en la puissance de son pere naturel : celui-ci vendoit encore de même son fils une seconde & une troisieme fois, & l’acheteur faisoit autant de manumissions ; & après la troisieme manumission, le fils de famille ne retournoit plus en la puissance de son pere naturel, mais il étoit considéré comme l’affranchi de l’acheteur, lequel en qualité de patron, succédoit au fils de famille ainsi émancipé, & avoit sur lui tous les autres droits légitimes.

Mais pour empêcher que l’émancipation ne fît ce préjudice au pere naturel, l’usage introduisit que ce pere en faisant la vente imaginaire de son fils, pourroit stipuler que l’acheteur seroit tenu de lui revendre ; & à cet effet, en faisant la troisieme vente, le pere naturel disoit à l’acheteur : ego vero hunc filium meum tibi mancupo, ea conditione ut mihi remancupes ut inter bonos bene agiet (id est agere) ; oportet-ne propter te tuamque fidem frauder ? L’objet de cette revente étoit afin que le pere naturel pût lui-même affranchir son fils, & par ce moyen devenir son patron & son légitime successeur. C’est de-là que ce pacte de revente s’appelloit pactum fiduciæ ; l’émancipation faite en cette forme, emancipatio contractâ fiduciâ ; & l’acheteur qui promettoit de revendre le fils de famille, pater fiduciarius. Si ce pactum fiduciæ étoit omis dans la vente, tous les droits sur la personne du fils vendu demeuroient pardevers l’acheteur.

Caïus dit cependant que si les enfans, après avoir été vendus par leur pere naturel, mouroient en la puissance de leur pere fiduciaire, le pere naturel ne pouvoit pas leur succéder, que c’étoit le pere fiduciaire qui recueilloit leur succession quand il les avoit affranchis ; mais il est évident que Caïus n’a entendu parler que du cas où les fils de famille mourroient dans l’intervalle de la premiere à la troisieme vente : alors c’étoit le pere fiduciaire qui succédoit, parce que la premiere & la seconde vente transportoient véritablement au pere fiduciaire la propriété du fils vendu, lequel ne rentroit dans la famille de son pere naturel que lors de la troisieme revente, par un acte appellé emancipatio, ainsi que l’observe M. Terrasson en son histoire de la jurispr. rom.

Il eût été facile cependant d’apposer le pacte de revente des la premiere vente, comme dans la troisieme, & il ne falloit pas tant de détours & de fictions pour dire que le pere se désistoit volontairement en faveur de son fils du droit de puissance qu’il avoit sur lui ; c’est pourquoi cette ancienne forme d’émancipation tomba en non-usage, lorsque l’empereur Anastase en eut introduit une plus simple, quoiqu’il n’eût pas abrogé l’autre. Voyez ci-dev. Emancipation anastasienne, & ci-après Emancipation justinienne. (A)

Emancipation contractâ fiduciâ, étoit chez les Romains une des formes de l’émancipation ancienne, qui se faisoit par le moyen des trois ventes imaginaires avec le pactum fiduciæ, c’est-à-dire la condition de revendre le fils de famille à son pere naturel. Voyez ci-dev. Emancipation ancienne. (A)

Emancipation coutumiere, voyez ci-après Emancipation légale.

Emancipation par le décès de la Mere, étoit une espece d’émancipation légale qui avoit lieu dans certaines coûtumes en faveur des enfans par

le décès de la mere, quoique le pere fût encore vivant. Dans ces provinces, les enfans étoient comme solidairement en la puissance de leurs peres & meres conjointement. Telles sont les dispositions des coûtumes de Montargis, ch. vij. art. 3. Vitry, art. 100. & 143. Château-Neuf, art. 134. Chartres, art. 103. & Dreux, art. 93.

Emancipation expresse, est celle qui se fait par un acte exprès, à la différence des émancipations tacites, qui ont lieu sans qu’il y ait aucun acte à cet effet de la part du pere, mais seulement en vertu d’un consentement tacite de sa part. (A)

Emancipation de la Femme, c’est ainsi que la séparation de la femme d’avec son mari est appellée dans la coûtume de la Rue Indre locale de Blois, ch. x. art. 31. (A)

Emancipation d’un Fils de famille, s’entend de l’acte par lequel un fils, ou fille, ou quelqu’un des petits-enfans étant en la puissance du pere de famille, est mis hors de sa puissance.

Cette émancipation qui dérive du droit romain, a lieu dans tous les pays de droit écrit, & dans quelques coûtumes où la puissance paternelle a lieu.

Le pere de famille peut émanciper ses enfans à tout âge, soit majeurs ou mineurs, parce que la majorité ne fait pas cesser la puissance paternelle. L’émancipation ne met pas non plus les enfans hors de tutelle, s’ils sont encore impuberes ; en ce cas le pere devient leur tuteur légitime.

En pays de droit écrit, l’émancipation doit se faire en jugement par une déclaration que fait le pere, qu’il met l’enfant hors de sa puissance ; néanmoins dans le ressort du parlement de Toulouse, l’émancipation se peut faire devant notaires.

Dans les coûtumes où la puissance paternelle a lieu, le pere peut émanciper en jugement ou devant notaires.

L’émancipation des enfans de famille fait cesser la puissance paternelle ; elle ne rend cependant pas les enfans étrangers à la famille du pere, ensorte qu’ils lui succedent conjointement avec leurs freres & sœurs qu’il a retenus en sa puissance.

Elle n’a d’autre effet à l’égard du pere, que de délivrer l’enfant de la puissance paternelle, d’ôter au pere l’usufruit qu’il auroit pu avoir sur les biens de son enfant, & de rendre l’enfant capable de s’obliger. Voyez Fils de famille, Puissance paternelle. (A)

Emancipation de Gens de main-morte, c’est l’affranchissement que le seigneur accorde à des gens qui sont ses serfs. Voyez Affranchissement, Gens de maint-morte, Serfs. (A)

Emancipation justinienne, étoit celle dont la forme fut reglée par l’empereur Justinien, lequel ayant rejetté toutes les ventes & manumissions imaginaires dont on usoit par le passé dans les émancipations, permit aux peres de famille d’émanciper leurs enfans, soit en obtenant à cet effet un rescrit du prince, ou même sans rescrit, en faisant leur déclaration à cet effet devant un magistrat compétent, auquel la loi ou la coûtume attribuoient le pouvoir d’émanciper. On donnoit au pere, après cette émancipation, en vertu de l’édit du préteur, le même droit sur les biens de ses enfans émancipés décédés sans enfans, que le patron auroit eu en pareil cas sur les biens de ses affranchis ; mais par la derniere jurisprudence, le pere hérite de ses enfans par droit de succession des ascendans, & non pas seulement en qualité de patron. (A)

Emancipation légale, est celle qui a lieu de plein droit, en vertu de la loi ou de la coûtume. On l’appelle aussi émancipation tacite, parce qu’elle a lieu sans que le pere fasse aucun acte à ce sujet. Telles sont, à l’égard des mineurs, les émancipations