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En France où il n’y a point d’esclaves, tous les domestiques sont libres ; ils peuvent quitter leur maître quand ils jugent à-propos, même dans les pays où il est d’usage que les domestiques se loüent pour un certain tems. Si le domestique quitte son maître avant le tems convenu, le maître n’a qu’une action en dommages & intérêts.

Il y a néanmoins quelques exceptions à cette regle générale.

La premiere est que suivant une ordonnance de la prévôté de l’hôtel, du 14 Septembre 1720, il est défendu à tous valets & domestiques étant en service chez les officiers de la maison du Roi & des maisons royales, & des conseils, & ceux de la cour & suite de Sa Majesté, de quitter leur service sans le congé par écrit de leurs maîtres, à peine de déchéance de ce qui leur sera dû de leurs gages, & d’être suivis & punis comme vagabonds. Il leur est aussi défendu sous les mêmes peines, quand ils sortiront du service, même avec congé, & à ceux qui voudront y entrer, de rester à la suite de la cour & conseils du roi, plus de huit jours sans être entrés en service ou sans emploi. En entrant en service ils doivent déclarer leurs véritables noms & surnoms, le lieu de leur origine, s’ils sont mariés, s’ils sortent de quelque service ; & en ce cas donner copie de leur congé par écrit, lequel doit contenir le tems qu’ils auront servi, à peine de punition corporelle contre ceux qui feront de fausses déclarations, ou qui fourniront de faux congés. En cas de refus de congés, les domestiques qui auront lieu de se plaindre, doivent se pourvoir devant le prevôt de l’hôtel ; sans quoi ils ne peuvent quitter le service, sous les peines ci-dessus prescrites.

La seconde exception établie par plusieurs ordonnances militaires, est pour les valets d’officiers d’armée, lesquels en tems de guerre ne peuvent quitter leur maître pendant la campagne, quand ils l’ont servi pendant l’hyver précedent, à peine d’être punis comme vagabonds.

La troisieme exception est que le roi accorde quelquefois, en faveur de certains établissemens, que les domestiques ne pourront quitter leur maître sans un congé par écrit ; ou, en cas de refus de sa part, un congé de l’intendant, qui ne doit le donner qu’en connoissance de cause. Il y a un exemple récent d’un semblable privilége accordé à celui qui a inventé une nouvelle maniere d’élever les moutons.

Les maîtres peuvent & même doivent reprendre leurs domestiques, lorsqu’ils s’écartent de leur devoir ; mais ils ne doivent point les maltraiter. Si les domestiques commettent quelque délit considérable, soit envers leur maître ou autres, c’est à la justice à les en punir.

Le vol domestique est puni plus séverement qu’un simple vol, parce qu’il renferme un abus horrible de confiance, & que les maîtres sont obligés de laisser beaucoup de choses entre leurs mains.

Les maîtres sont responsables civilement des délits de leurs domestiques, c’est-à-dire des dommages & intérêts qui en peuvent résulter ; ce qui ne s’entend néanmoins que des délits commis dans les lieux & fonctions où leurs maîtres les ont employés.

Il avoit été défendu par une déclaration de 1685, aux personnes de la R. P. R. d’avoir des domestiques catholiques ; mais par une autre déclaration du 11 Janvier 1686, il leur fut au contraire défendu d’avoir pour domestiques d’autres que des catholiques.

L’ordonnance du Roi du 8 Avril 1717, porte qu’en conformité de la déclaration du premier Juillet 1713, tous les domestiques compris sous le nom de gens de livrée, seront tenus de porter sur leur juste-au-corps & surtout, un galon de livrée apparent ; & il est

enjoint aux maîtres de veiller à ce que ces réglemens soient exécutés par leurs domestiques. Il seroit à souhaiter qu’ils le fussent en effet plus exactement qu’ils ne sont ; ce seroit le moyen de contenir les domestiques dans le respect, & d’éviter aux maîtres beaucoup de superfluités que la plûpart font dans l’habillement de leurs domestiques.

Les serviteurs & domestiques doivent former leur demande pour leurs gages, dans l’année, à compter du jour qu’ils sont sortis de service. Si leur maître est décédé, & qu’il se trouve un registre de recette & dépense, ils peuvent demander trois années de leurs gages, suivant l’ordonnance de 1510 ; mais s’il n’y a point de registre, ils ne peuvent demander qu’une année, pour laquelle ils sont privilégiés sur les meubles.

Les domestiques sont capables de donations entre-vifs & à cause de mort de la part de leur maître, à moins que la libéralité ne fut exorbitante, & qu’il ne parût qu’elle fût un effet de l’obsession & de la séduction ; y ayant quelquefois des domestiques qui acquierent un certain empire sur l’esprit de leurs maîtres, & sur-tout lorsque ce sont des gens âgés & infirmes qui sont livrés à leurs domestiques.

Les maîtres peuvent aussi recevoir des libéralités de leurs domestiques, pourvû qu’elles ne paroissent point avoir été extorquées en vertu de l’autorité que les maîtres ont sur eux ; & que par les circonstances il n’y ait aucun soupçon de suggestion, & que la disposition paroisse faite uniquement par un motif de reconnoissance.

Le témoignage des domestiques est rejetté dans tous les actes volontaires, tels que les contrats & les testamens, & dans les enquêtes ; il est seulement admis dans les cas où ils sont témoins nécessaires, comme dans un cas d’incendie, naufrage, & en matiere criminelle. Voyez la loi des XII. tables, tit. x. au digeste, liv. II. tit. iij. instit. lib. IV. tit. viij. & au code, liv. III. tit. xlj. & liv. VI. tit. ij. le gloss. de Ducange, au mot domesticus ; Constant sur l’ordonnance de François I. art. xxvij. Ricard, des donat. part. I. n. 484. & aux mots Délits, Gages, Maîtres, Priviléges, Serviteurs, Servantes. (A)

DOMFRONT, (Géog. mod.) ville de Normandie en France. Long. 16. 58. lat. 48. 34.

DOMICELLI, (Hist.) petits seigneurs. Anciennement on donnoit ce nom aux seigneurs apanagiés, pour les distinguer des aînés que l’on appelloit domini, seigneurs. Il y a encore aujourd’hui des chapitres en Allemagne où les chanoines du second ordre sont nommés domicellarit, pour les distinguer des chanoines du premier ordre, à qui ils sont subordonnés.

DOMICILE, s. m. (Jurisprud.) est le lieu où chacun fait sa demeure ordinaire, & où il a fixé son établissement & place, & le siége de sa fortune : locus in quo quis sedem posuit laremque, & summam rerum suarum. Lib. VII. cod. de incolis.

Pour constituer un véritable domicile, il faut que deux circonstances concourent : la demeure de fait ou habitation réelle, & la volonté de se fixer dans le lieu que l’on habite. Ainsi tout endroit où l’on demeure, même pendant long-tems, ne forme pas un véritable domicile ; la volonté que l’on a de l’établir dans un certain lieu se connoît par les circonstances, comme quand on y a sa femme & ses enfans, que l’on y contribue aux charges publiques, qu’on y acquiert une maison pour l’habiter, que l’on y prend une charge ou emploi qui demande résidence, lorsque l’on y participe aux honneurs de la paroisse ou de la ville ; qu’on y a ses habitudes, ses titres & papiers, la plus grande partie de ses meubles, en un mot le siége de sa fortune. Mais toutes