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L’ébauche est la premiere forme qu’on a donnée à un ouvrage ; l’esquisse n’est qu’un modele incorrect de l’ouvrage même qu’on a tracé légerement, qui ne contient que l’esprit de l’ouvrage qu’on se propose d’exécuter, & qui ne montre aux connoisseurs que la pensée de l’ouvrier. Donnez à l’esquisse toute la perfection possible, & vous en ferez un modele achevé. Donnez à l’ébauche toute la perfection possible, & l’ouvrage même sera fini. Ainsi quand on dit d’un tableau, j’en ai vû l’esquisse, on fait entendre qu’on en a vû le premier trait au crayon que le peintre avoit jetté sur le papier ; & quand on dit, j’en ai vû l’ébauche, on fait entendre qu’on a vû le commencement de son exécution en couleur, que le peintre en avoit formée sur la toile. D’ailleurs le mot d’esquisse ne s’employe guere que dans les Arts où l’on passe du modele à l’ouvrage ; au lieu que celui d’ébauche est plus général, puisqu’il est applicable à tout ouvrage commencé, & qui doit s’avancer de l’état d’ébauche à l’état de perfection. Esquisse dit toûjours moins qu’ébauche, quoiqu’il soit peut-être moins facile de juger de l’ouvrage sur l’ébauche que sur l’esquisse. Voyez Esquisse.

Ebauche, en Architecture ; c’est la premiere forme qu’on donne à un quartier de pierre ou à un bloc de marbre avec le ciseau, après qu’il est dégrossi à la scie & à la pointe, suivant un modele ou un profil. C’est aussi un petit modele de terre ou de cire taillé au premier coup avec l’ébauchoir, pour en voir l’effet avant de le terminer. (P)

Ebauche, ébauches en Gravûre, c’est l’action de préparer & de mettre par masses les ouvrages de gravûre au premier trait de burin. Voyez Masses.

Ebauche, ébaucher en Peinture, c’est disposer avec des couleurs les objets qu’on s’est proposé de représenter dans un tableau, & qui sont déjà dessinés sur une toile imprimée, sans donner à chacun le degré de perfection qu’on se croit capable de leur donner, en les finissant. Les peintres ébauchent plus ou moins arrêté ; il y en a qui ne sont qu’un leger lavis de couleur & de térébenthine, ou même de grisaille ou camayeu. Les Sculpteurs disent aussi, ébaucher une figure, un bas-relief. (R)

EBAUCHER, v. act. en terme d’Epinglier fabriquant d’aiguilles pour les Bonnetiers, est l’action d’aiguiser en pointe avec une lime rude l’aiguille du côté seulement où l’on fera le bec. Voyez Bec.

Ebaucher, en terme d’Epinglier, c’est l’action de dégrossir la pointe d’une épingle sur une meule tailladée en gros, pour la préparer à recevoir le degré de finesse qui lui est propre. Voyez la figure dans la I. Planche de l’Epinglier. On voit, même Planche, le tourneur qui fait tourner la meule par le moyen d’une grande roue sur laquelle & sur la poulie de la meule passe une corde sans fin. Voyez la figure de la meule représentée en particulier dans la Planche du Cloutier d’épingles.

Ebaucher, en terme d’Eveniailliste, c’est peindre d’une couleur un peu plus légere que celle dont on s’est servi pour coucher ; ou plûtôt c’est former les premieres ombres. Voyez Peinture.

Ebaucher, chez les Filassiers, se dit de la premiere façon qu’on donne à la filasse, en la faisant passer sur un seran dont les pointes sont fort grosses, & que l’on nomme ébauchoir de l’usage qu’on en fait ; on donne d’abord cette préparation à la filasse pour commencer à fendre les pattes, & la faire passer successivement sur des serans plus fins.

Ebaucher, c’est, en terme de Formier, l’action de dégrossir ou d’enlever du bois encore en bloc le plus gros, & lui donner la premiere apparence de forme.

Ebaucher, en terme de Lapidaire, c’est donner la premiere façon aux pierres & aux crystaux bruts

& grossiers sur une roue de plomb hachée, pour les préparer à être taillées dans la forme qu’on veut leur faire prendre.

Ebaucher, en terme de Planeur, désigne proprement l’action d’éteindre les coups de tranche des marteaux à forger, de tracer les bouges, marlies, &c. de les dégager, & de donner à la piece en gros la forme qu’elle doit avoir après sa perfection. Voy. Bouges, Marlies, &c.

EBAUCHOIR, s. m. (Arts méchaniq.) outil commun à tous les ouvriers qui ébauchent leurs ouvrages, avant que de les finir.

Ebauchoir des Charpentiers, est un ciseau à deux biseaux qui leur sert à ébaucher les mortoises, les pas, les embrevemens. Voyez la Planche des outils du Charpentier.

Ebauchoir, c’est un seran que les Filassiers appellent ainsi, parce que ses dents assez rases & grosses ne sont propres qu’à ébaucher ou donner la premiere façon au chanvre. Voyez l’article Seran, l’article Chanvre, & les Planches du Cordier.

Ebauchoir, c’est une espece de ciseau à manche dont se servent les sculpteurs qui travaillent en stuc & en plâtre, pour ébaucher leurs ouvrages. Voyez l’article Stuccateur, & la Planche de Stuc, fig. 4.

Ebauchoirs, outils de Sculpture ; ce sont de petits morceaux de bois ou de buis, qui ont environ sept à huit pouces de long ; ils vont en s’arrondissant par l’un des bouts, & par l’autre ils sont plats & à onglets. Il y en a qui sont unis par le bout, qui est onglet, & ils servent à polir l’ouvrage ; les autres ont des ondes ou dents. On les appelle ébauchoirs bretelés ; ils servent à breter la terre. Voyez les Planches de Sculpture.

EBE ou JUSSANT, s. m. (Marine.) il se dit du mouvement des eaux lorsque la mer descend, & qu’elle reflue. (Z)

EBENE, s. m. (Hist. nat.) est une sorte de bois qui vient des Indes, excessivement dur & pesant, propre à recevoir le plus beau poli ; c’est pour cela qu’on l’employe à des ouvrages de mosaïque & de marqueterie, &c. Voyez Bois, Mosaïque, &c.

Il y a trois sortes d’ébenes ; les plus en usage parmi nous, sont le noir, le rouge & le vert : on en voit de toutes ces especes dans l’île de Madagascar, où les naturels du pays les appellent indifféremment hazon mainthi, c’est-à-dire bois noir. L’île de Saint-Maurice, qui appartient aux Hollandois, fournit aussi une partie des ébenes qu’on employe en Europe.

Les auteurs & les voyageurs ne sont point d’accord sur l’arbre dont on tire l’ébene noir ; suivant quelques-unes de leurs observations, on pourroit croire que c’est une sorte de palmier. Le plus digne de foi est M. de Flacourt, qui a résidé pendant plusieurs années à Madagascar en qualité de gouverneur. Il nous assûre que cet arbre devient très-grand & très-gros ; que son écorce est noire, & ses feuilles semblables à celles de notre myrte, d’un verd-brun foncé.

Tavernier nous atteste que les habitans des Isles ont soin d’enterrer leurs arbres lorsqu’ils sont abattus, pour les rendre plus noirs. Le P. Plumier parle d’un autre arbre d’ébene noir qu’il a découvert à Saint Domingue, & qu’il appelle spartium portulacæ foliis aculeatum ebeni materiæ. L’île de Candie produit aussi un petit arbrisseau connu des Botanistes sous le nom d’ebenus cretica.

Pline & Dioscorides disent que le meilleur ébene vient d’Éthiopie, & le plus mauvais, des Indes ; Théophraste préfere au contraire celui des Indes. De toutes les couleurs d’ébenes, le noir est le plus estimé. L’ébene le plus beau est noir comme jayet,