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de Sylvius. N. B. qu’il faut se servir scrupuleusement de ces noms, quelque arbitraires qu’ils soient ; car si vous dites eau de lavande, par exemple, au lieu de dire esprit de lavande, vous désignerez une autre préparation très-arbitrairement nommée aussi, savoir la dissolution de l’huile de lavande dans l’esprit de vin.

On trouvera un exemple de distillation d’une eau essentielle à l’article Orange, d’une eau distillée simple au mot Lavande, d’une eau distillée composée proprement dite au mot Menthe, d’une eau spiritueuse simple au mot Romarin, d’une eau spiritueuse composée à l’article Mélisse. On fera d’ailleurs mention des différentes eaux distillées dans les articles qui traiteront en particulier des matieres dont on retire ces eaux, ou qui leur donnent leur nom. Les eaux qui sont connues sous des noms particuliers tirés des vertus qu’on leur attribue, ou de quelque autre qualité, auront leurs articles particuliers, du moins celles qui sont usuelles ou qui méritent de l’être ; car nous ne chargerons point ce Dictionnaire de la description d’une eau générale, d’une eau impériale, d’une eau prophylactique, d’une eau épileptique, d’une eau de lait alexitere, &c.

De tous les remedes inutiles dont l’ignorance & la charlatanerie remplirent les boutiques des apothicaires, lors de la conquête que fit la Chimie, de la Medecine & de la Pharmacie, nul ne s’est multiplié avec tant d’excès que les eaux distillées. Les vûes chimériques de séparer le pur d’avec l’impur, de concentrer les principes des mixtes, d’exalter leurs vertus médicinales qu’on crut principalement remplir par la distillation ; ces vûes chimériques, dis-je, nous ont fourni plus d’eaux distillées parfaitement inutiles, que les connoissances réelles des propriétés de diverses plantes ne nous en ont procuré dont on ne sauroit trop célebrer les vertus.

Les eaux distillées des plantes parfaitement inodores, sont privées absolument de toute vertu medicinale, aussi-bien que les eaux distillées des viandes, du lait, & des autres substances animales dont nous avons fait mention au commencement de cet article. Elles ne different de l’eau pure que par une saveur & une odeur herbacée, laiteuse, &c. & par la propriété de graisser, dont nous avons déjà parlé. Zwelfer a le premier combattu la ridicule confiance qu’on eut pour ces préparations, & sur-tout le projet de nourrir un malade avec de l’eau distillée de chapon (Voyez Chapon, Diete & Matiere médicale) ; & Gédéon Harvée a mis tous ces remedes à leur juste valeur, dans l’excellente satyre qu’il a faite de plusieurs secours inutiles employés dans la pratique ordinaire de la medecine, sous le titre de Ars curandi morbos expectatione. Les Apothicaires de bon sens ne distillent plus la laitue, la chicorée, la pariétaire, la trique-madame, ni toutes ces autres plantes dont on trouve une longue liste dans la nouvelle pharmacopée de Paris, p. 182. Au reste si on pouvoit se nourrir expectatione, comme on peut guérir expectatione, l’eau de chapon, dont la mode est passée, auroit bien pû être encore pendant quelques générations une grande ressource diététique, comme les eaux distillées inodores paroissent destinées à occuper encore pendant quelque tems un rang dans l’ordre des médicamens.

Les eaux distillées aromatiques sont cordiales, toniques, antispasmodiques, stomachiques, sudorifiques, emmenagogues, alexiteres, & quelquefois purgatives, comme l’eau-rose (voyez Rose.) Voyez ce que nous disons de l’usage particulier de chacune, connoissance plus positive que celle de toutes ces généralités, aux articles particuliers des différentes plantes odorantes employées en Medecine.

Les eaux distillées des plantes alkalines ou cruci-

feres de Tournefort, sont principalement employées

comme antiscorbutiques ; elles ont aussi plusieurs autres usages particuliers, dont il est fait mention dans les articles particuliers : voyez sur-tout Cochléaria & Cresson.

Les eaux distillées spiritueuses possedent toutes les vertus des précédentes, & même à un degré supérieur ; & de plus elles sont employées dans l’usage extérieur, comme discussives, repercussives, vulnéraires, dissipant les douleurs : on les respire aussi avec succès dans les évanoüissemens legers, les nausées, &c.

Outre toutes ces acceptions plus ou moins propres du mot eau, on l’employe encore dans un sens bien moins exact pour désigner plusieurs substances chimiques & pharmaceutiques : on connoît sous ce nom des infusions, des décoctions, des dissolutions, des ratafiats, des préparations même dont l’eau n’est pas un ingrédient, telles que l’eau de Rabel, l’eau de lavande, &c. Les principales eaux chimiques ou pharmaceutiques très-improprement dites, sont les suivantes :

Eau alumineuse, n’est autre chose qu’une dissolution d’alun dans des eaux prétendues astringentes.

Prenez des eaux distillées de roses, de plantain & de renoüée, de chacune une livre ; d’alun purifié trois gros : faites dissoudre votre sel, & filtrez : gardez pour l’usage.

Eaux Antipleuretiques, (les quatre) sont les eaux distillées de scabieuse, de chardon-beni, de pissenlit, & de coquelicot.

On peut avancer hardiment que de ces quatre eaux, trois sont absolument incapables de remplir l’indication que les anciens medecins se proposoient en les prescrivant ; savoir d’exciter la sueur. Ces trois eaux sont celles de scabieuse, de pissenlit, & de coquelicot. Ces eaux ne sont chargées d’aucune partie médicamenteuse des plantes dont elles sont tirées (voyez Eau distillée, Scabieuse, Pissenlit, Pavot rouge). L’eau distillée de chardon-beni (du moins celle du chardon-beni des Parisiens), a une vertu plus réelle. Voyez Chardon-beni.

Que peut-on espérer en général des premieres & de la derniere dans le traitement de la pleurésie ? Ceci sera examiné à l’article Pleurésie. Voy. Pleurésie.

Eau de cailloux : on appelle ainsi une eau dans laquelle on a éteint des cailloux rougis au feu. C’étoit autrefois un remede, aujourd’hui ce n’est rien.

Eau de Chaux (premiere & seconde) voyez Chaux.

Eau des Carmes ou de Mélisse composée, voyez Melisse.

Eau de casse-lunette, (Pharm.) on a donné ce nom à l’eau distillée de la fleur de bluet. Voy. Bluet.

Eaux cordiales, (les quatre) les eaux qui sont connues sous ce nom dans les pharmacopées, sont celles d’endive, de chicorée, de buglose & de scabieuse. Ces eaux ne sont point cordiales ; elles sont exactement insipides, inodores & sans vertu. Voyez l’article Eaux distillées, vers la fin.

Eau-forte : c’est un des noms de l’acide nitreux en général. Les matérialistes & les ouvriers qui employent l’acide nitreux, appellent eau-forte l’acide retiré du nitre par l’intermede du vitriol. V. Nitre.

Eau de Goudron, c’est une infusion à froid du goudron. Voyez Goudron.

Eau mercurielle : les Chirurgiens appellent ainsi la dissolution de mercure par l’esprit de nitre, affoiblie par l’addition d’une certaine quantité d’eau distillée. Voyez Mercure.

Il est essentiel d’employer l’eau distillée, pour étendre la dissolution du mercure dont il s’agit ici ;