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duisent à celles-ci : l’eau chaude est réellement un sudorifique léger & innocent ; les infusions théiformes, qui ne sont que de l’eau dont la dégoutante fadeur est corrigée, excitent doucement la transpiration de la peau & des poumons (voyez Sudorifique) ; elles sont stomachiques (voyez Stomachique). L’eau tiede fait vomir certains sujets par elle-même, & facilite l’action des vomitifs irritans dans tous les sujets (voyez Vomitif) ; prise en abondance elle nettoye l’estomac des restes d’une mauvaise digestion, & remédie quelquefois aux indigestions, en faisant passer dans le canal intestinal la masse d’alimens qui irritoit ou affaissoit l’estomac. L’eau froide calme, du moins pour un tems, la chaleur de l’estomac & les légeres ardeurs d’entrailles ; elle appaise la soif ; elle rafraîchit réellement & utilement tout le corps, en certains cas, comme dans ceux où l’on a contracté une augmentation de chaleur réelle par l’action d’une chaleur extérieure, ou par l’usage des liqueurs fermentées ; elle remet très efficacement l’estomac qui a été fatigué par un excès de vin, hesternâ crapulâ. Un ou deux verres d’eau fraîche pris deux heures après le repas, préviennent les mauvais effets des digestions fougueuses chez les personnes vaporeuses de l’un & de l’autre sexe (voy. Passion hystérique & Mélancolie hypocondriaque). Des personnes qui avoient l’estomac foible & noyé de pituite ou de glaires, se sont fort bien trouvées de l’habitude qu’elles ont contractée d’avaler quelques verres d’eau fraîche le matin à jeun.

Nous n’avons parlé jusqu’à présent que des effets de l’eau prise intérieurement ; ses usages extérieurs ne sont pas moins étendus, peut-être sont-ils plus réels, au moins plus efficaces. L’eau s’applique extérieurement sous la forme de bain (voyez Bain & ses diverses especes, Demi-bain, Lotion des piés pediluvium, Lotion des mains & du visage, aux articles Bain & Lotion.

L’eau froide jettée avec force sur le visage, arrête les évanoüissemens (voyez Evanouissement) ; elle produit quelquefois le même effet, au moins pour un tems, dans certaines hémorrhagies (voyez Hémostatique) ; mais plusieurs autres liqueurs froides procureroient le même soulagement. (b)

Eaux distillées, (Chimie médicinale.) Les eaux distillées dont il est ici question, sont le produit le plus mobile de la distillation des végétaux & des animaux, celui qui se sépare de ces substances exposées au degré de chaleur de l’eau bouillante, & même à un feu inférieur à ce degré.

La base de ces liqueurs est de l’eau ; & même la partie qui n’est pas eau, dans celles qui sont le plus chargées de divers principes, est si peu considérable, qu’elle ne sauroit être déterminée par le poids ni par la mesure.

Les différens principes qui peuvent entrer dans la composition des eaux distillées, sont 1°. la partie aromatique des plantes & des animaux : 2°. une certaine substance qui ne peut pas être proprement appellée odeur ou parfum, puisqu’elle s’éleve des substances même que nous appellons communément inodores, mais qui se rend pourtant assez sensible à l’odorat, pour fournir des caracteres plus ou moins particuliers de la substance à laquelle elle a appartenu ; cette partie aromatique & cette substance beaucoup moins sensible, sont connues parmi les Chimistes sous le nom commun d’esprit recteur, que Boerhaave a remis en usage : 3°. les alkalis volatils spontanés des végétaux : 4°. la partie vive de plusieurs plantes, qui a imposé à Boerhaave & à ses copistes pour de l’alkali volatil, telle que celle de l’ail, de l’oignon, de la capucine, de l’estragon, &c. 5°. l’acide volatil spontané que j’ai découvert dans le marum,

& qu’on trouvera peut-être dans quelques autres plantes.

C’est pour l’usage médicinal que l’on prépare communément les eaux distillées, & l’on expose au feu les matieres desquelles on les retire, dans un appareil tel qu’il est impossible de pousser la distillation au-delà de la production de ces eaux, qui sont l’unique objet de cette opération. L’artiste retire de cette méthode beaucoup de commodité, puisqu’il est toûjours sûr de son opération, sans qu’il soit obligé à gouverner son feu avec une attention pénible, & qui pourroit souvent être insuffisante.

Les produits qu’un plus haut degré de feu détacheroit des sujets de l’opération dont il s’agit, mêlés, quoiqu’en petite quantité, à une eau distillée, la coloreroient, lui donneroient une odeur d’empyreume, altéreroient ses vertus médicinales, & la disposeroient à une altération plus prompte : voilà précisément les inconvéniens qu’on évite dans le procédé que nous avons annoncé & que nous allons exposer.

On exécute cette opération dans deux appareils différens ; la maniere de procéder par le premier appareil consiste à placer les matieres à distiller dans une cucurbite de cuivre étamé, ou d’étain pour le mieux, à adapter cette cucurbite dans un bain-marie, à la recouvrir d’un chapiteau armé d’un réfrigérant, & à distiller par le moyen du feu appliqué au bain, jusqu’à ce que la liqueur qui passe soit trop peu chargée d’odeur ou trop peu sapide. V. les Pl. de Chim.

On peut exécuter aussi cette opération par l’application du feu nud, au moyen d’un ancien alembic appellé chapelle ou rosaire, voyez Chapelle. Boerhaave expose ses matieres au feu nud ; voyez son premier procédé, el. chim. tom. II. & il est obligé de mesurer par le thermometre le degré de chaleur qu’il employe, ce qui est d’une pratique très-incommode.

Dans le second appareil on met les matieres à distiller dans une cucurbite de cuivre étamé ; on verse sur ces matieres une certaine quantité d’eau ; on recouvre la cucurbite d’un chapiteau armé de son réfrigerant, & on retire par le moyen du feu appliqué immédiatement à la cucurbite, une certaine quantité de liqueur déterminée par une observation transmise d’artiste à artiste, & conservée dans les pharmacopées. Voyez les Planches de Chimie.

On traite ordinairement par le premier procedé les fleurs odorantes, telles que les roses, les œillets, la fleur d’orange, celle de muguet, de tilleul, &c. On distille toûjours, selon le même procedé, le petit nombre de substances animales dont les eaux distillées sont en usage en Medecine ; savoir, le miel, le lait, la bouse de vache, le frai de grenouilles, l’arriere-faix, le jeune bois de cerf, les limaçons, &c.

Les eaux distillées de cette premiere maniere, sont connues dans quelques livres sous le nom d’eaux essentielles.

On distille aussi au bain-marie, & sans addition, les plantes cruciferes, telles que le cochlearia & le cresson, pour faire ce qu’on appelle les esprits volatils de ces plantes. On distille ces mêmes plantes par le même procédé, mais en ajoûtant de l’esprit-de-vin pour faire leurs esprits volatils. On a coûtume d’ajoûter aussi un peu d’eau dans la distillation des fleurs d’orange au bain-marie.

On traite de la seconde maniere toutes les autres substances végétales, dont on s’est avisé de retirer des eaux distillées, plantes fraîches & seches, fleurs, calices, semences, écorces, bois, racines, &c. & même la plûpart de celles que nous venons de donner pour les sujets ordinaires de la distillation au bain-marie.

Les produits de cette derniere opération s’appellent proprement eaux distillées.