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avec raison, parmi les suites funestes de l’usage des liqueurs spiritueuses. Voyez Vin, (Diete).

Les bûveurs d’eau sont peu sujets aux indigestions ; l’eau est, selon la maniere de parler vulgaire, le meilleur dissolvant des alimens. La plûpart des personnes qui se portent bien, éprouvent après le repas, pendant lequel elles n’ont bû que de l’eau, cette légereté de corps & cette sérénité paisible de l’ame, qui annoncent la digestion la plus facile & la meilleure.

En mangeant des fruits ou des sucreries, il faut boire nécessairement de l’eau ; le palais même qui est le premier juge des boissons & des alimens, décide par un sentiment très-distinct en faveur de l’eau.

Les bûveurs d’eau passent pour très-vigoureux avec les femmes, dans l’exercice vénérien ; mais peut-être ne se sont-ils fait une réputation à cet égard, que par la comparaison qu’on a faite de leur talent avec l’impuissance des hommes perdus d’ivrognerie. Voyez Vin, (Diete).

Au reste, il n’est personne qui n’apperçoive que ce sont moins ici les propriétés réelles de l’eau, que l’exemption des inconvéniens qu’entraîne l’usage immodéré des liqueurs fermentées. Voyez l’article Vin, (Diete).

Il n’est pas vrai que les paysans des pays où les liqueurs vineuses manquent, soient plus forts & plus laborieux que ceux où ces liqueurs sont si communes, que le paysan en peut faire sa boisson ordinaire. Voyez Vin, (Diete), & Climat, (Med.)

En général, il vaut mieux boire l’eau froide que chaude. Dans le premier état, elle remplit mieux les vûes de la nature, c’est-à-dire, qu’elle pourvoit mieux au besoin que l’on cherche à satisfaire en bûvant de l’eau ; elle appaise la soif, & ranime davantage, reficit ; elle plaît à l’estomac sain, comme au palais. L’eau chaude, au contraire, ne desaltere point & ne ranime point ; elle ne plaît point à l’estomac, non plus qu’aux organes du goût : les nausées & le vomissement qu’elle excite, quand elle est échauffée à un certain degré, en sont une preuve. Cette observation générale n’empêche point que dans certains cas particuliers, dans celui où se trouvent, par exemple, les personnes qui ont l’estomac trop sensible, ou pour exprimer un état plus évident, les personnes qui ont éprouvé que l’eau froide dérangeoit leur digestion, ou même leur causoit des coliques, des hoquets, &c. accidens qu’on observe quelquefois chez des femmes vaporeuses, & chez certains mélancoliques, on ne doive user d’eau chaude. V. Colique, Hoquet, Histérique (Passion), Mélancolie, Hippocondriaque.

Il n’est pas si évident que, dans le cas des simples rhûmes, où l’on est assez généralement dans l’usage de chauffer l’eau qu’on boit, cette pratique soit aussi nécessaire que dans le cas précédent. Dans le premier, elle est fondée sur un fait : dans le dernier, ce pourroit bien n’être que sur une prétention ; il sera cependant toûjours prudent de boire chaud pendant qu’on est enrhûmé, jusqu’à ce qu’il soit décidé par des bonnes observations, que la boisson de l’eau froide n’est pas dangereuse dans les rhûmes. On a prétendu en Angleterre, qu’elle étoit curative. Voy. l’article suivant.

Au reste, en continuant à reclamer les observations, nous établirons que dans les sujets sains, la boisson de l’eau froide, & même à la glace, ne produit aucun mal connu ; & que l’usage habituel de l’eau chaude (ou des infusions théiformes qui sont la même chose, à quelque legere nuance d’activité près), affoiblit l’estomac, rend le corps lourd & paresseux, & l’esprit sans chaleur & sans force.

Ce que nous venons d’établir, ne détruit point cette sage loi diététique, qui défend de boire de l’eau

froide quand le corps est très-échauffé par un exercice violent : mais dans ce cas même, la boisson de l’eau froide est sujette à peu d’inconvéniens, si l’on continue à s’échauffer après avoir bû. Les chasseurs des pays chauds, suans à grosses gouttes, boivent sans s’arrêter de l’eau des fontaines qu’ils trouvent sur leur chemin, & ils prétendent qu’ils ne s’en sont jamais trouvés mal. Il ne seroit pourtant pas prudent de boire de l’eau trop froide, même avec cette précaution.

L’eau bûe en trop grande quantité pendant les chaleurs de l’été, dispose à suer, & affoiblit singulierement. Voyez Climat, (Med.) Plus on la boit chaude, plus elle produit ces effets.

L’eau la plus pure est la meilleure pour la boisson. Voyez ci-dessus, à l’article Eau douce (Chimie), quelle est la plus pure des différentes eaux douces, & à quels signes on la reconnoît. Nous n’en savons pas plus sur le choix des eaux, que ce qu’en ont écrit les anciens medecins. Nous sommes, avec raison ce semble, de l’avis de Celse sur cette matiere. Voici comme il s’en explique. L’eau la plus legere, dit-il, (c’est-à-dire la meilleure à boire, levissima stomacho, minime gravis), est l’eau de pluie ; ensuite l’eau de source, de riviere, ou de puits ; celles que fournissent les neiges & les glaces fondues, viennent après celles-là. Les eaux de lac sont plus pesantes (sous-entendez à l’estomac) que celles-ci ; & les plus lourdes sont enfin les eaux d’étang ou de marais, ex palude.

Les eaux des neiges & des glaces fondues, passent pour la principale cause des goëtres & des tumeurs écroüelleuses, auxquelles sont sujets les habitans des montagnes. Voyez Goetre & Ecrouelles. Les eaux croupissantes, palustres, causent aux hommes qui les boivent les maux suivans, qu’Hippocrate a très-bien observés & décrits dans son traité, de aere, aquis & locis : toute eau qui croupit, dit ce pere de la Medecine, doit être nécessairement chaude, lourde, & puante en été ; froide, & troublée par la neige & la glace (sur-tout par le dégel) en hyver ; ceux qui la boivent ont des rattes amples & engorgées, & les ventres durs, resserrés, & chauds ; les clavicules, les épaules, & la face déprimées ; ils sont maigres, mangeurs, & altérés ; leurs ventres ne peuvent être évacués que par les plus forts médicamens ; ils sont sujets en été à des dyssenteries, des cours de ventre & des fievres quartes : ces maladies étant prolongées, disposent de pareils sujets à des hydropisies mortelles. En hyver, les jeunes gens sont sujets à des péripneumonies, & à des délires ; & les vieillards, à des fievres ardentes, à cause de la dureté de leur ventre. Les femmes sont sujettes à des tumeurs œdémateuses ; elles conçoivent difficilement, & accouchent avec peine de fœtus grands & bouffis : les enfans de ces pays sont sujets aux hernies ; les hommes aux varices & aux ulceres des jambes. Il est impossible que des sujets ainsi constitués, puissent vivre long-tems ; & en effet, ils vieillissent & meurent de bonne-heure, &c.

On a imaginé divers moyens de purifier les mauvaises eaux. Le meilleur & le plus praticable est de les faire bouillir après les avoir exposées à la putréfaction, & ensuite de les filtrer, ou de les laisser déposer par le repos. Voyez Fontaine domestique. On peut aussi les faire bouillir, sans les avoir laissées pourrir ; mais la dépuration sera alors moins parfaite. Voyez Putréfaction.

L’application extérieure de l’eau est encore de notre sujet. L’immersion totale du corps dans l’eau est généralement connue sous le nom de bain. Voyez Bain. L’habitude de laver tous les matins, ou dans d’autres intervalles reglés, les piés, les mains, & la tête avec de l’eau froide, a été célébrée par plu-