Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elles n’ont pas plûtôt quitté leur œuf, qu’elles commencent à filer : à la vérité on peut à peine appercevoir leurs fils ; mais les toiles qui en sont faites sont assez visibles. Elles sont fort souvent aussi épaisses & aussi serrées que celles des araignées ordinaires ; & cela ne doit pas surprendre ; il y a souvent quatre ou cinq cents petites araignées qui concourent au même ouvrage. Quelle doit être l’énorme petitesse des trous de leurs mamelons ? L’imagination peut à peine se représenter celle des mamelons même. La jeune araignée prise en entier, est plus petite qu’un des mamelons de la mere dont elle prend sa naissance. Il est facile de s’en convaincre. Chaque araignée grosse ou enceinte pond quatre ou cinq cents œufs : ces œufs sont tous enveloppés dans un sac ; aussi-tôt que les jeunes araignées ont rompu leur sac ou leur enveloppe, elles se mettent à filer. Quelle doit être la finesse de leurs fils !

Cependant ce ne sont pas-là encore les bornes de la nature ; il y a des especes d’araignées si petites à leur naissance, qu’on ne sauroit les discerner qu’avec le microscope. On en trouve ordinairement une infinité en un peloton. Elles ne paroissent que comme une multitude de points rouges ; il y a pourtant des toiles sous elles, quoiqu’elles soient presque imperceptibles. Quelle doit être la ténuité ou la finesse de l’un des fils de ces toiles ? le plus petit cheveu doit être à l’un de ces fils ce que la barre la plus massive est au fil d’or le plus fin, dont nous avons parlé ci-dessus.

On a observé que la matiere dont les fils sont formés, est un suc visqueux ; les grains sont les premiers reservoirs où ce suc s’amasse, & l’endroit où il a le moins de consistence : il en a beaucoup plus quand il vient dans les six grands reservoirs où il est porté au moyen des canaux qui partent des premiers reservoirs ; il acquiert beaucoup de cette consistence dans son passage, une partie de l’humidité se dissipant en chemin, ou la secrétion s’en faisant par des organes destinés à cet usage.

Enfin la liqueur se seche encore plus & devient fil dans le trajet qu’elle fait par les canaux respectifs des mamelons. Quand ces fils paroissent d’abord au-dehors des trous, ils sont encore glutineux, tellement que ceux qui sortent par les trous voisins, s’attachent ensemble. L’air acheve de les sécher.

Tout cela se prouve en faisant bouillir une araignée plus ou moins ; la liqueur acquiert plus ou moins de consistence, qui la rend propre à être tirée en fils ; car elle est trop fluide pour cet usage dans le tems qu’elle est renfermée dans ses reservoirs.

La matiere contenue dans ces reservoirs, lorsqu’elle est bien seche, ressemble à une gomme ou à une glu transparente, qui casse lorsqu’on la plie beaucoup ; semblable au verre, elle ne devient flexible qu’en la divisant en fils très-fins ; & c’est probablement dans cette vûe que la nature lui a destiné ce nombre de trous si immense. Voyez Divisibilité. Voyez Araignée. Chambers. (O)

DUDERSTADT, (Géog. mod.) ville d’Allemagne sur la Wipper, au duché de Brunswick ; elle est à l’électeur de Mayence. Long. 28. 1. lat. 51. 34.

DUEL, s. m. (Hist. anc. & mod. & Jurisprudence.) est un combat singulier entre deux ou plusieurs personnes. Notre objet n’est point de parler ici de ceux qui se faisoient seulement pour faire preuve d’adresse, ou en l’honneur des dames ; nous ne parlerons que de ceux auxquels on avoit recours, comme à une preuve ou épreuve juridique, pour décider certains différends, & de ceux qui sont une suite des querelles particulieres.

Anciennement ces sortes de combats étoient autorisés en certains cas : la justice même les ordonnoit quelquefois comme une preuve juridique, quand les

autres preuves manquoient ; on appelloit cela, le jugement de Dieu, ou le plaît de l’épée, placitum ensis. On disoit aussi gage de duel, ou gage de bataille ; parce que l’aggresseur jettoit son gant ou autre gage par terre ; & lorsque le défendeur le ramassoit en signe qu’il acceptoit le duel, cela s’appelloit accepter le gage.

Il y a eu ensuite diverses lois qui ont défendu ces sortes d’épreuves : on a aussi défendu les duels pour querelles particulieres ; mais les lois faites par rapport à ceux-ci, ont été mal observées jusqu’au tems de Louis XIV.

Cette coûtume barbare venoit du Nord, d’où elle passa en Allemagne, puis dans la Bourgogne, en France, & dans toute l’Europe.

Quelques-uns prétendent qu’elle tiroit son origine de Gondebaud, roi des Bourguignons ; lequel en effet ordonna par la loi gombette, que ceux qui ne voudroient pas se tenir à la déposition des témoins, ou au serment de leur adversaire, pourroient prendre la voie du duel : mais cette loi ne fit qu’adopter une coûtume qui étoit déjà ancienne dans le Nord.

Cet usage fut aussi adopté peu après dans la loi des Allemands, dans celles des Bavarois, des Lombards, & des Saxons ; mais il étoit sur-tout propre aux Francs, comme il est dit dans la vie de Louis le Débonnaire, à l’an 831, de Bernard, lequel demanda à se purger du crime qu’on lui objectoit, par la voie des armes, more Francis solito.

Les assises de Jérusalem, les anciennes coûtumes de Beauvaisis & de Normandie, les établissemens de S. Louis, & plusieurs autres lois de ces tems anciens, font mention du duel, pour lequel elles prescrivent différentes regles.

On avoit recours à cette épreuve, tant en matiere civile que criminelle, comme à une preuve juridique pour connoître l’innocence ou le bon droit d’une partie, & même pour décider de la vérité d’un point de droit ou de fait, dans la présupposition que l’avantage du combat étoit toûjours pour celui qui avoit raison. Le vaincu, en matiere civile, payoit l’amende ; d’où vint cette maxime adoptée dans quelques coûtumes, & passée en proverbe, que les battus payent l’amende. En matiere criminelle, le vaincu souffroit la peine que méritoit le crime déféré à la justice.

Le moine Sigebert raconte qu’Othon Ier. ayant, vers l’an 968, consulté les docteurs allemands pour savoir si en directe la représentation auroit lieu, ils furent partagés ; que pour décider ce point, on fit battre deux braves ; que celui qui soutenoit la représentation ayant eu l’avantage, l’empereur ordonna qu’elle auroit lieu.

Alphonse VI. roi de Castille, voulant abolir dans ses états l’office mosarabique, pour y substituer le romain : & n’ayant pû y faire consentir le clergé, la noblesse, ni le peuple ; pour décider la chose, on fit battre deux chevaliers, l’un pour soûtenir l’office romain, l’autre le mosarabique : le champion de l’office romain fut battu. On ne s’en tint pourtant pas à cette seule épreuve ; on en fit une autre par le feu, en y jettant deux missels : le romain fut brûlé, & le mosarabe resta, dit-on, sain ; ce qui le fit prévaloir sur le romain.

En France, le duel étoit pareillement usité pour la décision de toutes sortes d’affaires civiles & criminelles, excepté néanmoins pour larcin, & quand les faits étoient publics. Il fut aussi défendu de l’ordonner à Orléans pour une contestation de cinq sous, ou d’une moindre somme.

Il avoit lieu entre le créancier & le débiteur, & aussi entre le créancier & celui qui nioit d’être sa caution, lorsqu’il s’agissoit d’une somme considérable ; entre le garant & celui qui prétendoit que la