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l’Eglise universelle, ou du moins le gouvernement de l’église d’un certain état : par exemple, le droit public ecclésiastique françois est celui que l’on suit pour le gouvernement de l’église gallicane.

Ce droit public ecclésiastique est opposé au droit particulier ecclésiastique, qui a bien aussi pour objet ceux qui font partie de l’Eglise, mais qui les considere chacun séparément, & non pas collectivement.

Ainsi une loi canonique qui prescrit quelque regle pour les résignations des bénéfices, est un droit particulier ecclésiastique qui est fait pour décider des intérêts respectifs d’une ou deux personnes ; au lieu que les lois qui reglent la forme des conciles, ou quelque autre point de discipline, sont pour l’Eglise un droit public, de même que les lois civiles de police font un droit public pour l’état en général.

Le droit public ecclésiastique de France n’est point recueilli séparément du reste du droit canonique ou ecclésiastique ; il se trouve à la vérité quelques lois canoniques du nombre de celles qui sont observées en France, qui concernent principalement le gouvernement général de l’Eglise ; mais il s’en trouve aussi beaucoup qui concernent en même tems les intérêts particuliers des membres de l’Eglise, soit que le même acte contienne plusieurs dispositions, les unes générales dans leur objet, les autres particulieres, soit que la même disposition envisage tout à la fois la police générale de l’Eglise, & les intérêts des particuliers.

On ne doit pas confondre les libertés de l’église gallicane avec le droit public ecclésiastique de France. En effet les libertés de l’église gallicane consistant dans l’observation d’un grand nombre de points de l’ancienne discipline ecclésiastique que l’église gallicane a toûjours suivis, il s’en trouve beaucoup à la vérité qui s’appliquent au gouvernement général de l’église de France ; mais il y en a aussi plusieurs qui n’ont pour objet que le droit des particuliers ; ces libertés d’ailleurs ne forment pas seules tout notre droit canonique ou ecclésiastique ; & le droit public se trouve répandu dans les autres lois, aussi-bien que dans nos libertés. (A)

Droit public François, est une jurisprudence politique résultante des lois qui concernent l’état en général, à la différence de celles qui ne touchent que l’intérêt de chaque particulier considéré séparément.

Ce qui a été dit ci-devant du droit public en général, doit déjà servir à donner une idée de ce qu’est le droit public de la France, du moins pour ce qui lui est commun avec la plûpart des autres états policés ; c’est pourquoi l’on indiquera seulement ici ce qui paroît propre à ce droit.

On doit d’abord mettre dans cette classe certaines lois fondamentales du royaume aussi anciennes que la monarchie, qui touchent la constitution de l’état & la forme essentielle du gouvernement.

L’application que l’on a faite de la loi salique, par rapport à la succession à la couronne, fait aussi un point capital de notre droit public.

Les minorités de nos rois & les régences, les priviléges de leur domaine, les regles que l’on observe pour les conventions matrimoniales des reines, pour les apanages des enfans & petits-enfans de France, pour les dots des filles, & pour les mariages des princes & princesses du sang, sont autant d’objets de ce même droit public.

Mais comme chacune de ces matieres est traitée en son lieu, il seroit superflu de s’étendre davantage à ce sujet. Voyez Apanage, Dot, Douaire, Majorité, Régence, &c. (A)

Droit Romain, dans un sens étendu comprend toutes les lois civiles & criminelles faites pour le peuple romain ; on comprend aussi quelquefois sous cette même dénomination le droit canonique romain ;

mais plus communément on n’entend par le terme de droit romain simplement, que les dernieres lois qui étoient en vigueur chez les Romains, & qui ont été adoptées par la plûpart des différentes nations de l’Europe, chez lesquelles ces lois ont encore un usage plus ou moins étendu.

L’idée que l’on vient de donner du droit romain en général, annonce que l’on doit distinguer l’ancien droit romain de celui qui forme le dernier état ; & l’on verra que dans ses progrès il a souffert bien des changemens.

Romulus, fondateur de Rome, après avoir dompté ses ennemis, fit différentes lois pour régler tout ce qui concernoit l’exercice de la religion, la police publique, & l’administration de la justice ; il permit au peuple étant assemblé de faire aussi des lois.

Les successeurs de Romulus firent aussi plusieurs lois ; mais comme toutes ces lois n’étoient point écrites, elles tomberent dans l’oubli sous le regne de Tarquin l’ancien, qui se mit peu en peine de les faire observer.

Servius Tullius son successeur s’appliqua au contraire à les faire revivre, & y en ajoûta de nouvelles qui furent ensuite transcrites dans le code papyrien.

Sous Tarquin le Superbe, le sénat & le peuple concoururent à faire rédiger par écrit & à rassembler en un même volume les lois royales qui avoient été faites jusqu’alors ; Sextus Papyrius qui étoit de race patricienne, fut chargé de faire cette collection, ce qui lui fit donner le nom de code papyrien ou de droit civil papyrien. On ne voit point si les lois qui avoient été faites par le peuple dans les comices, furent admises dans cette collection, à moins qu’elles ne fussent aussi comprises sous le nom de lois royales, comme prenant leur autorité de la permission que le roi donnoit au peuple de s’assembler pour, faire ces lois.

Quoi qu’il en soit, peu de tems après que le code papyrien fut fait, il cessa d’être observé : ce qui donna lieu à un autre Papyrius surnommé Caïus, qui étoit souverain pontife, de remettre en vigueur les lois que Numa Pompilius avoit faites concernant les sacrifices & la religion ; mais cette collection particuliere ne doit point être confondue avec le code papyrien, qui étoit beaucoup plus ample, puisqu’il comprenoit toutes les lois royales.

Ce code papyrien n’étant point parvenu jusqu’à nous, non plus que le commentaire de Granius Flaccus sur ce code, plusieurs jurisconsultes modernes ont essayé de rassembler quelques fragmens des lois qui étoient comprises dans le code papyrien. Baudoüin en a rapporté dix-huit ; mais Cujas a fait voir que ce n’est point l’ancien texte ; & il en est évidemment de même des six autres que Prateius y a ajoûtés.

M. Terrasson en son histoire de la jurisprudence romaine, a donné une compilation des fragmens du code papyrien beaucoup plus grande que toutes celles qui avoient encore paru ; elle comprend quinze lois dont il rapporte l’ancien texte en langue osque, avec la traduction latine à côté, & vingt-une autres lois dont nous n’avons plus que le sens : ce qui fait en tout trente-six lois qu’il a divisées en quatre parties : la premiere contenant celles qui concernent la religion, les fêtes & les sacrifices ; la seconde, les lois qui ont rapport au droit public & à la police ; la troisieme, les lois concernant les mariages & la puissance paternelle ; la quatrieme partie contient les lois sur les contrats, la procédure, & les funérailles.

Après l’expulsion des rois de Rome, les consuls qui leur succéderent ne laisserent pas de faire observer les anciennes lois ; ils en firent aussi de leur part quelques-unes. Les tribuns du peuple s’arrogerent