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clarer le maître, quoiqu’il ne leur en fasse jamais perdre la propriété, excepté dans le cas où la loi l’ordonne. « Ce n’est pas, dit un conseiller d’état (M. la Mothe-le-Vayer, dans le livre intitulé l’œconomique du Prince, qu’il a dédié à Louis XIV. ch. jx.) ce n’est pas, SIRE, poser des bornes préjudiciables à votre volonté souveraine, de les lui donner conformes à celles dont Dieu a voulu limiter la sienne. Si nous disons que Votre Majesté doit la protection & la justice à ses sujets, nous ajoûtons en même tems qu’elle n’est tenue de rendre compte de cette obligation ni de toutes ses actions, qu’à celui de qui tous les rois de la terre relevent. Enfin nous n’attribuons aucune propriété de biens à vos peuples, que pour relever par-là davantage la dignité de votre monarchie ».

Aussi Louis XIV. a toûjours reçonnu qu’il ne pouvoit rien de contraire aux droits de la nature, aux droits des gens, & aux lois fondamentales de l’état. Dans le traité des droits de la Reine de France, imprimé en 1667 par ordre de cet auguste Monarque, pour justifier ses prétentions sur une partie des Pays-bas catholiques, on y trouve ces belles paroles : « Que les Rois ont cette bienheureuse impuissance, de ne pouvoir rien faire contre les lois de leur pays..... Ce n’est (ajoûte l’auteur) ni imperfection ni foiblesse dans une autorité suprème, que de se soûmettre à la loi de ses promesses, ou à la justice de ses lois. La nécessité de bien faire & l’impuissance de faillir, sont les plus hauts degrés de toute la perfection. Dieu même, selon la pensée de Philon, Juif, ne peut aller plus avant ; & c’est dans cette divine impuissance que les souverains, qui sont ses images sur la terre, le doivent particulierement imiter dans leurs états ». Page 279. édition faite suivant la copie de l’Imprimerie royale.

« Qu’on ne dise donc point (continue le même auteur, qui parle au nom & avec l’aveu de Louis XIV.) qu’on ne dise point que le souverain ne soit pas sujet aux lois de son état, puisque la proposition contraire est une vérité du droit des gens, que la flaterie a quelquefois attaquée, mais que les bons princes ont toûjours défendue, comme divinité tutelaire de leurs états. Combien est-il plus légitime de dire avec le sage Platon, que la parfaite félicité d’un royaume est qu’un prince soit obéi de ses sujets, que le prince obéisse à la loi, & que la loi soit droite, & toûjours dirigée au bien public » ? Le monarque qui pense & qui agit ainsi, est bien digne du nom de Grand ; & celui qui ne peut augmenter sa gloire qu’en continuant une domination pleine de clémence, mérite sans doute le titre de. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

DESPUMATION, (Pharm.) Voyez Ecumer.

DESSAIGNER les cuirs. terme de Hongrieur, qui signifie les mettre tremper dans de l’eau pour les nettoyer de tout le sang qui pourroit s’y être attaché. Ce n’est qu’après avoir rasé les cuirs sur le chevalet que les Hongrieurs les mettent dessaigner. Voyez Cuirs de Hongrie.

DESSAISINE, s. f. (Jurispr.) est opposé à saisine qui signifie possession, ainsi dessaisine veut dire dépossession : on appelle coûtumes de saisine & dessaisine celles où l’on pratique une espece de mise en possession de la part du créancier sur les héritages hypothéqués, pour donner la préférence aux rentes constituées qui sont ensaisinées sur celles qui ne le sont pas. Telles sont les coûtumes de Clermont en Beauvoisis, de Senlis & de Valois. Dans la coûtume d’Artois on appelle entrée & issue ce que dans les autres coûtumes on appelle saisine & dessaisine. Voyez ci-devant

Coutumes de saisine, ci-après Ensaisinement, Rente & Saisine. (A)

DESSAISIR (se) (Jurispr.) c’est relâcher quelque chose que l’on a en sa possession. Quand on fait une saisie & arrêt, on fait défense au tiers-saisi de se dessaisir des deniers qu’il a en ses mains, jusqu’à ce que par justice il en ait été ordonné. On fait les mêmes défenses à un gardien ou autre dépositaire de justice : dans les contrats translatifs de propriété, on énonce ordinairement que celui qui aliene s’est dessaisi & dévêtu de l’héritage, & qu’il en a saisi & vêtu celui qui acquiert. Voyez Saisine & Possession. (A)

DESSAISISSEMENT, s. m. (Jurispr.) c’est lorsque l’on met hors de ses mains la propriété ou la possession de quelque chose pour la transmettre à une autre personne. Voyez ci-devant Dessaisine & Dessaisir. (A)

DESSAISONNER, v. act. (Jardin.) c’est avancer ou retarder la fleuraison d’une fleur en la plantant plûtôt ou plûtard, en la forçant de paroître par des arrosemens composés & des terres préparées.

DESSALER, v. act. c’est priver de sel.

Dessaler, Voyez Eau de mer.

Dessaler le Salpetre. Voyez Salpetre.

DESSANGLER un cheval, (Maréchal.) c’est lui ôter les sangles ou les lâcher. Voyez Sangles. (V)

DESSAUTEUR, s. m. (Hist. anc.) c’est le nom que les Grecs donnoient à ceux qui revéloient les mysteres des Orgies de Bacchus, qui ne devoient point être connus du peuple. Voyez Orgies. (B)

DESSAW, (Géog. mod.) ville d’Allemagne, au cercle de haute-Saxe ; elle est située sur l’Elbe, dans la province d’Anhalt. Long. 20. 25. lat. 51. 58.

DESSECHEMENT, s. m. se dit en Medecine de l’état dans lequel est le corps humain lorsqu’il est parvenu à une extrème vieillesse.

On employe aussi ce terme pour exprimer le dernier degré de maigreur que l’on appelle marasme. Voyez Décrépitude, Marasme. (d)

DESSEIN, s. m. terme de l’art de Peinture. Le mot dessein regardé comme terme de l’art de Peinture, fait entendre deux choses : il signifie en premier lieu la production qu’un artiste met au jour avec le secours du crayon ou de la plume. Dans une signification plus générale dont cette premiere dérive sans doute, il veut dire l’art d’imiter par les traits les formes que les objets présentent à nos yeux.

C’est dans ce dernier sens qu’on employe le mot dessein, lorsqu’on dit que le dessein est une des parties essentielles de la Peinture. Il s’est élevé des disputes assez vives, dans lesquelles il s’agissoit d’établir des rangs & une subordination entre le dessein & la couleur. On jugera facilement que ceux qui étoient plus sensibles aux beautés du coloris qu’à celles du dessein, ou qui étoient amis d’un peintre coloriste, donnoient la preférence à cette partie brillante de l’art de peindre ; tandis que ceux qui étoient affectés différemment, ou qui croyoient les habiles dessinateurs compromis, soûtenoient le parti contraire. Que pouvoit-il arriver de-là ? ce qui résulte ordinairement des discussions que la partialité produit ; elles n’ont aucune solidité ; elles ne contribuent point à la perfection des Arts, ni à ce bien général que tout homme, qui fait usage de son esprit, devroit avoir en vûe ; elles ne méritent d’être citées que comme des abus de l’esprit. L’imitation générale de la nature, qui est le but de la Peinture, consiste dans l’imitation de la forme des corps, & dans celle de leurs couleurs. Vouloir décider lequel du dessein ou de la couleur est le plus essentiel à l’art de peindre, c’est vouloir déterminer lequel de l’ame