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faculté qu’elles donnent au vassal de démembrer son fief, ne doit s’entendre que pour les fiefs simples, & non pas les fiefs de dignité qui doivent demeurer toûjours en leur entier pour conserver la dignité du fief.

Le vassal peut donc dans ces coûtumes partager un fief simple en autant de parties qu’il voudra, qui toutes releveront en plein-fief directement du fief dominant, & seront tenues aux mêmes droits & prérogatives qu’étoit le corps entier du fief servant avant le démembrement.

Cette dévolution au seigneur dominant de la mouvance immédiate des portions démembrées du fief servant, est un usage très-ancien : elle est prononcée formellement par une ordonnance de Philippe-Auguste de l’an 1210, qui est en la chambre des comptes. Cette ordonnance fut faite, selon M. Brusselles, pour ôter les parages qui constituoient dans la suite trop d’arriere-fiefs au préjudice du seigneur dominant. Mais cette vûe ne fut pas remplie ; car on voit les parages autorisés par l’article 44 des établissemens de S. Louis, de l’an 1270.

Le motif qui a fait admettre le démembrement de fief dans certaines coûtumes, du moins pour les fiefs simples, est que l’on pense dans ces coûtumes que ce démembrement ne fait aucun préjudice au seigneur, attendu que les droits de chaque portion démembrée du fief sont payés au seigneur selon la nature de l’acquisition : on peut même dire que le démembrement est en quelque sorte avantageux au seigneur, en ce que plus il y a de portions, plus il y a de vassaux, & plus il arrive de mutations & de profits de fiefs : mais aussi il faut avoüer que l’on fait communément plus de cas d’une mouvance considérable par son objet, que de plusieurs petites mouvances morcelées ; c’est pourquoi il y a beaucoup plus de coûtumes qui s’opposent au démembrement, qu’il n’y en a qui l’admettent.

On distingue deux sortes de démembrement de fief, savoir le démembrement forcé, & le démembrement volontaire.

Le démembrement forcé est celui qui se fait par partage entre co-héritiers, co-propriétaires, & associés.

Le démembrement volontaire est celui qui se fait volontairement par vente, donation, échange, ou autrement.

La premiere de ces deux sortes de démembremens, c’est-à-dire celui que l’on appelle forcé, ne laisse pas d’être sujet aux mêmes regles que le démembrement volontaire ; de sorte que si c’est dans une coûtume qui défend le démembrement, comme celle de Paris, les co-partageans peuvent bien partager entr’eux le domaine du fief, mais ils ne peuvent pas diviser la foi ; il faut qu’ils la portent tous ensemble, comme s’il n’y avoit point entr’eux de partage.

Ce n’est pas seulement le domaine en fonds qu’il est défendu de démembrer ; il n’est pas non plus permis de démembrer les mouvances, soit en fief ou en censive, ni de les donner en franc-aleu.

On ne peut pas non plus dans aucune coûtume démembrer sans la permission du roi, la justice attachée au fief ; ainsi un seigneur haut-justicier ne peut pas donner la haute, la moyenne, ni la basse-justice à un seigneur de fief son vassal qui ne l’avoit pas ; car la justice suit toûjours la glebe à laquelle le roi l’a attachée lors de la concession, & on ne peut pas la vendre ni la donner séparément.

La coûtume de Paris ne prononce point de peine contre le vassal qui a fait un démembrement sans le consentement de son seigneur : on ne peut pas prétendre qu’un tel démembrement donne lieu à la commise, puisque la coûtume ne le dit pas ; mais il est sensible que le démembrement ne pouvant être fait

sans le consentement du seigneur, il ne peut lui préjudicier ; de sorte qu’à son égard il est comme non fait & non avenu ; il n’est pas obligé de le reconnoître ; il peut même saisir féodalement tout le fief servant lorsqu’il apprend le démembrement d’une partie de ce fief, attendu que ce démembrement fait ouverture au fief. M. Guyot prétend même que le seigneur dominant peut agir pour faire déclarer le contrat nul ; en tout cas, il est certain qu’il est nul à son égard.

Dans les coûtumes d’Anjou & du Maine, le vassal en ce cas perd la féodalité entiere : en Touraine il la perd seulement sur ce qu’il a démembré. Voyez Depié de fief.

Au reste, ce n’est point démembrer son fief que d’en donner une partie à cens ou rente, ou même en faire des arriere-fiefs, pourvû que le tout soit fait sans division & démission de foi ; c’est ce que les coûtumes appellent se joüer de son fief, & que la coûtume de Paris permet, pourvû que l’aliénation n’excede pas les deux tiers, & que le vassal retienne la foi entiere, & quelque droit seigneurial & domanial sur ce qu’il aliene. Voyez le glossaire du droit françois, au mot depié de fief ; les commentateurs de la coûtume de Paris sur l’art. 51 ; le traité des fiefs de Guyot sur le démembrement ; Billecoq, liv. XIII. chap. j. instit. cout. de Loisel, liv. IV. tit. 3 num. 87. L’auteur du grand coûtumier, liv. II. chap. xxvij. n. 28. Papon, liv. XIII. tit. j. n. 1. Coquille, tom. II. quæst. 20. Jovet, au mot seigneur ; journal des aud. tom. IV. liv. V. chap. 19. la Rocheflavin, des droits seigneuriaux, chap. xx & xxxvj. Argou, instit. liv. II. chap. ij Voyez Fief & Parage. (A)

Démembrement d’une justice, est lorsque d’une même justice on en fait plusieurs, soit égales entr’elles par rapport au pouvoir, ou que l’on réserve quelque droit de supériorité au profit de l’ancienne justice sur celles qui en sont démembrées.

Aucun seigneur, quelque qualifié qu’il soit, ne peut démembrer sa justice sans le consentement du roi.

Celui qui a haute, moyenne, & basse justice, ne peut ni la partager avec ses vassaux ou d’autres, ni leur céder en quelque façon que ce soit la haute, ou la moyenne, ou la basse-justice, à moins que ce ne soit avec la glebe à laquelle le roi a attaché le droit de justice.

La coûtume d’Anjou, art. 62. & celle du Maine, art. 71. portent néanmoins que le comte, le vicomte, & le baron peuvent donner haute-justice, moyenne & basse à quelques-uns de leurs vassaux, & en retenir le ressort & suseraineté.

Mais Dumoulin, en ses notes sur cet article, dit que cela ne s’observe plus. Voyez aussi Mornac, sur la loi 8. in fine cod. de episcop. aud. Brodeau, sur Paris, art. 51. n. 14. Loiseau, des seigneuries, chap. jv. & Justice. (A)

DÉMENCE, s. f. (Med.) est une maladie que l’on peut regarder comme la paralysie de l’esprit, qui consiste dans l’abolition de la faculté de raisonner.

Cette maladie differe de la fatuité, μώροσις, stultitia, stoliditas, qui est la diminution & l’affoiblissement de l’entendement & de la mémoire. On doit aussi la distinguer du délire, ἀφροσύνη, qui consiste dans un exercice dépravé de l’un & de l’autre. Quelques modernes la confondent encore plus mal-à-propos avec la manie, qui est une espece de délire avec audace, dont il n’y a pas le moindre soupçon dans la démence. Nicolas Pison.

Les signes qui caractérisent cette maladie se montrent aisément : ceux qui en sont affligés sont d’une si grande bêtise, qu’ils ne comprennent rien à ce qu’on leur dit ; ils ne se souviennent de rien ; ils n’ont aucun jugement ; ils sont très-paresseux à agir ; ils res-