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santeur fit qu’on les changea bientôt pour des cuirasses composées de lames de fer, couchées les unes sur les autres, & attachées sur du cuir ou de la toile. A celles-ci on substitua dans la suite la cotte de maille & l’haubergeon ; terme qui ne signifie qu’une armure plus ou moins longue, faite de chaînettes de fer ou de mailles entrelacées. Il paroît par ce que rapportent les anciens, que la cuirasse ne passoit pas la ceinture, quoique la frange dont elle étoit bordée descendît jusqu’aux genoux.

On mettoit la cotte-d’armes sur la cuirasse ; la cotte-d’armes a passé de mode, la cuirasse subsiste toûjours. Autrefois le droit de la porter étoit un titre d’honneur, dont on étoit privé, lorsqu’ayant douze métairies on manquoit au service que l’on devoit au Roi, comme il est décidé dans les capitulaires, où la cuirasse est appellée brunia.

Il n’y a plus guere à-présent que les officiers généraux & les officiers de cavalerie qui portent des cuirasses ; elles doivent être au moins à l’épreuve du pistolet. A l’égard des brigadiers, gendarmes, chevaux-legers, & cavalerie, ils portent un plastron de fer qui leur couvre le devant seulement. Ils doivent la porter dans tous les exercices, revûes, marches, &c. Il est au moins à l’épreuve du pistolet. Il est ordonné aux officiers & ingénieurs de porter des cuirasses, à peine d’être cassés. Extrait de l’hist. de l’acad. des Inscript. & Belles-Lettres, tome II. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

CUIRE, en termes de Cuisine, c’est donner aux viandes, aux légumes, & au poisson, une sorte de préparation qui les rend communément plus tendres & plus propres à être broyées sous les dents, en les exposant à l’action du feu, soit qu’ils la souffrent immédiatement, soit qu’on les fasse bouillir dans de l’eau, ou dans d’autres liqueurs.

Cuire, en terme de Doreur, c’est mettre une piece rougir sur le feu, pour la rendre plus maniable & plus douce. Voyez la fig. 7. Pl. du Doreur.

Cuire des cheveux, terme de Perruquier, c’est mettre des cheveux au four après les avoir roulés autour des moules ou bilboquets, & enfermés dans une pâte de son faite en forme de pâté. Cette opération sert à leur faire prendre la frisure. Voy. Cheveux & Perruque.

Cuire, en terme de Rafineur, c’est l’action de pétrifier le sucre en clairée, en le faisant bouillir un tems suffisant. On met dans la chaudiere à cuire (Voyez Chaudiere à cuire) un peu de beurre avec la clairée, pour empêcher que le bouillon ne s’éleve par-dessus les bords de la chaudiere. Quand la clairée a bouilli pendant trois quarts-d’heure environ, le rafineur la jugeant cuite par la preuve qu’il en prend (Voyez Preuve), on la transporte dans les rafraîchissoirs. On remet de nouvelle clairée dans la chaudiere à cuire ; on la fait cuire comme la premiere, avec laquelle on la transporte quand elle l’est ; on la mouve bien pour mêler le grain de la premiere qui est descendu au fond avec celui de la seconde cuite en attendant la troisieme, ce qui se fait jusqu’à ce qu’on ait rassemblé un nombre de cuites suffisant pour l’empli qu’on se propose de faire. Voyez Empli. On observe à chaque cuite qu’on fait, d’éteindre les feux dès que le rafineur l’ordonne, avec du charbon bien mouillé & deux ou trois pucheurs d’eau (Voyez Pucheur), afin que le feu ne reprenne point que la cuite ne soit tirée. Voyez Pucher.

Cuire le verre, terme de Peinture sur verre, c’est après que les pieces ont été peintes, les mettre dans la poêle du fourneau, & les y laisser jusqu’à ce que les couleurs soient bien cuites & bien incorporées. Voyez Verre & Peinture sur verre. Ce mot se dit aussi de la fonte des soudes,

& autres matieres qu’on employe dans les verreries. Dict. de Comm.

CUIRÉ, adj. (Coffreterie.) se dit d’une malle dont les joints ont été radoubés tant en-dedans qu’en-dehors, avec une toile épaisse enduite de colle-forte, avant que d’être couverte de cuir.

CUIRET, terme de Chapelier, c’est un petit morceau de cuir qu’on met entre la chantrelle & la corde de l’arçon, dont ces ouvriers se servent pour faire voguer l’étoffe. Voyez Chapeau, & la fig. 17. Pl. du Chapelier. Voyez aussi l’article Chamoiseur, où ce terme a une acception toute différente.

CUISINE, s. f. (Art méchan.) cet art de flatter le goût, ce luxe, j’allois dire cette luxure de bonne chere dont on fait tant de cas, est ce qu’on nomme dans le monde la cuisine par excellence ; Montagne la définit plus brievement la science de la gueule ; & M. de la Mothe le Vayer, la Gastrologie. Tous ces termes désignent proprement le secret réduit en méthode savante, de faire manger au-delà du nécessaire ; car la cuisine des gens sobres ou pauvres, ne signifie que l’art le plus commun d’apprêter les mets pour satisfaire aux besoins de la vie.

Le laitage, le miel, les fruits de la terre, les légumes assaisonnés de sel, les pains cuits sous la cendre, furent la nourriture des premiers peuples du monde. Ils usoient sans autre rafinement de ces bienfaits de la nature, & ils n’en étoient que plus forts, plus robustes, & moins exposés aux maladies. Les viandes bouillies, grillées, rôties, ou les poissons cuits dans l’eau, succéderent ; on en prit avec modération, la santé n’en souffrit point, la tempérance régnoit encore, l’appétit seul regloit le tems & le nombre des repas.

Mais cette tempérance ne fut pas de longue durée ; l’habitude de manger toûjours les mêmes choses, & à-peu-près apprêtées de la même maniere, enfanta le dégoût, le dégoût fit naître la curiosité, la curiosité fit faire des expériences, l’expérience amena la sensualité ; l’homme goûta, essaya, diversifia, choisit, & parvint à se faire un art de l’action la plus simple & la plus naturelle.

Les Asiatiques, plus voluptueux que les autres peuples, employerent les premiers, dans la préparation de leurs mets, toutes les productions de leurs climats ; le commerce porta ces productions chez leurs voisins ; l’homme courant après les richesses, n’en aima la joüissance que pour fournir à sa volupté, & pour changer une simple & bonne nourriture en d’autres plus abondantes, plus variées, plus sensuellement apprêtées, & par conséquent plus nuisibles à la santé : c’est ainsi que la délicatesse des tables passa de l’Asie aux autres peuples de la terre. Le Perses communiquerent aux Grecs cette branche de luxe, à laquelle les sages législateurs de Lacédémone s’opposerent toûjours avec vigueur.

Les Romains devenus riches & puissans, secouerent le joug de leurs anciennes lois, quitterent leur vie frugale, & goûterent l’art de la bonne chere : Tunc coquus (dit Tite-Live, l. xxxjx.) vilissimum antiquis mancipium, estimatione & usu, in pretio esse, & quod ministerium fuerat, ars haberi coepta ; vix tamen illa quæ tunc conspiciebantur, semina erant futuræ luxuriæ. Ce n’étoit-là que de legers commencemens de la sensualité de la table, qu’ils pousserent bientôt au plus haut période de dépense & de corruption. Il faut lire dans Séneque le portrait qu’il en fait ; je dis dans Séneque, parce que sa sévérité, ou sa bile si l’on veut, nous apprend bien des choses sur cette matiere, que des esprits plus indulgens pour les défauts de leur siecle, passent ordinairement sous silence. On ne voyoit, nous dit-il, que des Sibarites couchés mollement sur leurs lits, contemplant la magnificence de leurs tables, satisfaisant leurs oreilles