L’Encyclopédie/1re édition/PERRUQUE

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PERRUQUE, s. f. (Art méch.) coëffure de tête, faite avec des cheveux étrangers, qui imitent & remplacent les cheveux naturels. L’usage & l’art de faire des perruques est très-moderne ; ils n’ont pas plus de 120 ans. Avant ce tems, l’on se couvroit la tête avec de grandes calottes, comme les portent encore aujourd’hui les comédiens qui jouent les rôles à manteau, ou ceux qui font les paysans. On y cousoit des cheveux doubles, tout droits ; car on ne savoit pas tresser, & l’on frisoit ces cheveux au fer comme on les frise aujourd’hui sur la tête.

Le premier qui porta perruque fut un abbé, nommé la Riviere. On travailloit alors sur un coussin, semblable à celui des ouvrieres en dentelle. Cet ouvrage étoit beaucoup plus facile, parce que ce que l’on place aujourd’hui au-bas d’un petit bonnet, étoit alors au-dessus de la tête. Les perruques étoient si garnies & si longues, qu’elles pesoient assez communément jusqu’à deux livres. Les belles étoient blondes ; c’étoit la couleur la plus recherchée. Les cheveux d’un beau blond cendré, forts, & de la longueur de ceux qu’on place au-bas des perruques, valoient jusqu’à 50 ou 60, & même 80 livres l’once, & les perruques se vendoient jusqu’à mille écus. Celui qui coëffoit Louis XIV. de ces énormes perruques que nous lui voyons dans ses portraits, s’appelloit Binette. Il disoit qu’il dépouilleroit les têtes de tous ses sujets pour couvrir celle du souverain. En même tems un nommé Ervais inventa le crêpe qui joint mieux, qui s’arrange plus aisément, & qui fait paroître les perruques bien garnies, quoiqu’elles soient légeres & peu chargées de cheveux. Nous expliquerons ailleurs comment on crêpe des cheveux plats. Voici maintenant ce qu’il y a à observer sur le choix des cheveux.

1°. Il ne faut point que ce soient des cheveux d’enfant ; il est rare qu’ils soient forts au dessous de 15 ou de 20 ans : les blonds sur-tout les ont d’une qualité plus fine & plus filasseuse, & plus sujets à roussir quand on les emploie ; aussi ne s’en sert-on guere.

2°. Les cheveux châtains sont ordinairement les meilleurs ; des enfans mêmes les ont forts. Il y a trois sortes de châtain ; le châtain, le châtain clair, & le châtain brun.

3°. Les cheveux noirs forment aussi trois nuances différentes : il y a le noir, le petit noir, & le noir jais, couleur que l’on peut porter sans poudre, mais très-difficile à trouver.

4°. Il y a des cheveux grisâtres d’une infinité de tons différens. Ceux que nous appellons gris de maure ont été noirs jais, mais ils sont devenus au quart blancs. Le gris sale est la couleur de cheveux des personnes brunes ; ils passent de même au quart blancs. Le blanc fond jaune est la couleur des cheveux blonds qui ont blanchi. Il faut que ces cheveux soient à moitié blancs pour qu’on s’en apperçoive, le blanc ressortant moins du blond que du noir & du châtain.

5°. Dans la variété des cheveux blancs, celle dont les Perruquiers font le plus de cas est le blanc agate. Ce sont ordinairement les personnes les plus noires qui ont les cheveux de cette couleur, lorsqu’ils ont entierement blanchi.

Le blanc perle est la couleur des cheveux des châtains, lorsqu’ils sont devenus tous blancs ; les cheveux blancs de lait ont été blonds ou roux, ils ont pris cette nuance avec le tems, souvent l’extrémité en est jaune. Ceux qui ont été blonds ne sont pas d’une si bonne qualité que ceux qui ont été roux ; ceux-ci sont très-fortes & beaucoup meilleurs. Le corps en est continu. La pointe en reste toujours fine, & boucle naturellement. Ces cheveux n’ont point de prix.

Toutes ces couleurs forment une longue suite de nuances changeantes & perceptibles d’une année à une autre, à les examiner de l’instant où ils tirent à la blancheur.

Il y a cette différence des personnes blondes aux autres, que plus elles avancent en âge, plus leurs cheveux brunissent, & par conséquent valent moins ; & qu’aux autres au contraire, plus ils blanchissent en avançant en âge, plus leurs cheveux augmentent en couleur & en force. Il faut pourtant observer que cette augmentation ne se fait communément que jusqu’à l’âge de 60 ans, âge au-delà duquel les cheveux ne prennent plus la même nourriture, & deviennent plus secs & plus filasseux.

L’on observe en général que les cheveux des personnes qui ne se livrent à aucun excès se conservent long-tems, & que ceux au contraire des hommes livrés à la débauche des femmes, ou des femmes livrées à l’usage des hommes, ont moins de seve, sechent, & perdent de leur qualité.

Dans les pays où la biere & le cidre sont la boisson commune, les cheveux sont meilleurs que par-tout ailleurs. Les Flamands ont les cheveux excellens, la biere les nourrit & les graisse. Ces peuples sont presque tous ou blonds, ou d’un châtain clair. On les distingue facilement pour peu que l’on ait d’expérience. Ils s’éclaircissent au bouillissage, au lieu que les cheveux blonds des autres pays y brunissent.

Les Perruquiers préferent communément les cheveux de femmes aux cheveux d’hommes, quoique pourtant il s’en trouve de ces derniers d’une bonne qualité.

Les cheveux des femmes de la campagne se conservent plus long-tems que les cheveux des femmes qui habitent les villes. Les paysannes les ont toujours renfermés sous leur bonnet, ne les poudrent jamais, & ne les exposent rarement à l’air qui les dessécheroit. Si les hommes en usoient de la même maniere, on employeroit avec le même avantage leur chevelure. Il faut en excepter ceux d’entr’eux qui sont adonnés au vin ou aux femmes. Ceux des femmes qui se frisent & se poudrent habituellement sont mauvais.

Ces observations ne sont point si générales qu’il n’y ait des exceptions. Il y a de bons cheveux chez l’un & l’autre sexe, quoique plus rarement parmi les hommes.

Après avoir parlé de la matiere, nous allons passer aux outils.

Il faut d’abord des cardes. Il y en a de plusieurs sortes : 1°. des cardes ou peignes de fer à plusieurs rangs de dents. Elles ont ordinairement un pié de long. Certaines en ont moins, mais les plus courtes sont d’un demi-pié. On les fait avec du fil de fer tiré exprès ; il est plus ou moins gros, mais communément du diametre des aiguilles à tricoter depuis les plus grosses jusqu’aux plus fines. Aux plus grosses que l’on appelle seran, les dents sont d’acier. La hauteur en est de 2 pouces ou environ, la longueur de 8 à 9 pouces ou environ, & la largeur de 8 à 9 rangs de dents sur 18 à 20 de longueur ; d’où l’on voit combien il en peut entrer dans un seran. Souvent le seran est tout de fer. La plaque ou le dedans est rivé. Le fer déborde à-peu-près d’un pouce de chaque côté. Il y a au milieu un trou à placer une vis ou un clou. Il faut, pour la sûreté de l’ouvrier, que la table sur laquelle il pose sa carde ou son seran, ait un rebord tout-autour d’un demi-doigt de haut. Voyez les Pl.

2°. Il y a des cardes à tirer à plat, c’est-à-dire, à peigner les cheveux droits, ou tels qu’ils ont été levés de dessus la tête. Les dents de ces cardes sont attachées à une planche qui peut avoir 10 ou 12 pouces, & qui est toute couverte de fer-blanc. Elles n’y sont point si serrées qu’aux autres cardes. Dans chaque rangée il n’y en a guere qu’une trentaine en long sur six en large. La hauteur de ces dents est communément d’un bon pouce . Il faut quatre de ces cardes pour les placer 2 à 2 les unes sur les autres. V. les. Pl.

3°. On a des cardes à dégager. Elles sont de la même longueur que les cardes à tirer à plat. La différence qu’il y a de celles-ci aux autres, c’est qu’elles sont partagées en deux par le milieu de l’espace d’un ou de deux doigts, & ont à un bout les dents aussi longues, aussi grosses, & aussi écartées que les précédentes ; mais d’un côté ces dents n’ont que 9 lignes de haut, sont plus fines & plus serrées que de l’autre, ce qui les fait à-peu-près ressembler à peigne à accommoder, où les dents sont d’un côté plus éloignées, & de l’autre plus rapprochées. Voyez les Pl.

4°. Il y a des cardes fines pour tirer les cheveux frisés. Elles sont à-peu-près comme le côté fin des cardes à deux fins. Elles ne s’attachent que par un bout, parce que l’on s’en sert en long & en large selon la longueur du paquet. Voyez les Pl.

5°. Des cardes faites au ciseau & à l’équerre, un des côtés en est plus large, plus haut, & moins serré. L’autre a les dents plus fines & plus serrées. Elles servent à tirer & à dégager par le moyen de l’équerre. L’ouvrier en place devant lui une en long, & une autre en large. Voyez les Pl.

6°. Des cardes semblables aux cardes à matelats, avec des manches & des dents crochues. Elles ne servent qu’à tirer des cheveux frisés. Voyez les Pl.

Les Perruquiers ont des moules ou bilboquets qu’ils emploient à friser les cheveux. Ces moules sont de buis ou de quelque autre bois, de la longueur de 3 pouces. Il y en a de différentes grosseurs. Les plus petits n’ont que le diametre des tuyaux de pipe ; les seconds, celui des plumes à écrire ; les troisiemes, celui à-peu-près du petit doigt ; les quatriemes, celui du petit doigt ; les cinquiemes, celui du doigt annulaire ; les sixiemes, celui du doigt du milieu ; les septiemes sont un peu plus gros ; les huitiemes ont la grosseur du pouce ; les neuviemes sont au-dessus de la grosseur du pouce. Les moules de buis sont les meilleurs. Les autres bois s’imbibent de plus d’eau, & sont plus difficiles à sécher. Autrefois on se servoit de moules de terre. Nous en avons quitté l’usage ; parce qu’en les mettant sur l’étuve, la terre s’échauffoit trop & rendoit les cheveux trop cuits. On en faisoit aussi avec des cordes ou des ficelles pliées en plusieurs doubles, de la longueur de 3 pouces, & des différentes grosseurs dont nous avons parlé. On les couvroit d’une toile que l’on cousoit, & que l’on serroit bien. Voyez les Pl.

Il y a encore des moules brisés pour la frisure que l’on appelle frisure sur rien. Ces moules brisés sont faits à-peu-près comme les étuis à mettre des épingles ou des aiguilles. Voyez les Pl.

Il faut un étau. Cet outil n’a rien de particulier ; il est seulement fort petit. Depuis que l’on fait des perruques courtes, les étaux ne sont plus placés comme ils l’étoient. On les renverse en-dedans ; par ce moyen on frise plus aisément, & aussi court que l’on veut. Voyez les Pl.

Il faut des têtes à monter les perruques. Elles sont distinguées les unes des autres par un numéro. Les plus petites sont de trois, de trois & demi. Elles servent pour les perruques des petits enfans. On peut aussi s’en servir pour les hommes qui ont la tête fort petite. Viennent ensuite celles du quatrieme, du cinquieme & du sixieme numero. Ces dernieres sont d’un usage plus fréquent, parce que c’est la grosseur des têtes ordinaires. Il y en a qui vont jusqu’au septieme & huitieme numero, mais elles ne servent que dans des cas extraordinaires. Une tête à monter a la forme d’une tête réelle. Voyez les Pl.

Depuis que l’on porte des perruques à bourse, & que l’on fait des montures à oreilles, on a inventé des têtes à tempes, afin que les perruques serrassent mieux sur le front, sur les tempes & sur l’oreille : le bord du front en est très-mince. Depuis le dessus de l’oreille jusqu’au sommet, le bois grossit imperceptiblement toujours en montant ; d’où il arrive que le devant du rebord étant plus serré, prend mieux, serre davantage, & remplit même les tempes les plus creuses. Voyez les Pl.

Il y a encore des têtes creuses. Elles sont moins lourdes, & fatiguent moins la frisure qui se fait sur les genoux ; mais elles donnent plus de peine à celui qui monte. Comme elles sont extrèmement légeres, pour peu que le point arrête, il faut retenir la tête en poussant l’aiguille. Voyez les Pl.

Enfin, il y a des têtes brisées qui s’ouvrent en deux depuis le menton jusqu’au derriere de la tête. Elles servent à monter de petites & de grosses perruques. Pour ces dernieres, on met dans l’entre-deux des planches faites pour cet usage, plus ou moins épaisses, suivant l’ampleur que l’on veut donner à l’ouvrage. Voyez les Pl.

Il faut un métier. Il est composé d’une barre de bois qui peut avoir 2 piés ou 2 piés & de long sur 4 pouces de large & 2 de haut, très-plate en-dessous, & d’un bois un peu lourd pour qu’elle soit plus à plomb sur les genoux. Elle doit être percée aux deux bouts : on met dans ces deux trous un bâton rond de la longueur de 15 à 16 pouces sur 4 ou 4 pouces & de diametre. Les deux trous doivent avoir à-peu-près un pouce d’ouverture, & la grosseur des bâtons doit être proportionnée par le bas à cette ouverture pour qu’ils puissent y entrer. Nous dirons ailleurs à quoi servent ces métiers. On peut pratiquer des trous sur les tables, & y placer les bâtons. Cela est plus solide. Voyez les Pl.

Le perruquier a besoin d’une marmite ou chaudiere. Ce vaisseau doit être fait en poire, plus large par le bas que par le haut. Cette forme empêche les cheveux de remonter lorsqu’ils sont sur les moules. Sa grandeur ordinaire est d’un seau & demi, & il peut contenir 2 livres ou 2 livres & demie de cheveux frisé, sur des moules qui ne soient ni trop gros ni trop petits. Voyez les Pl.

Il lui faut aussi une étuve. Il y en a de rondes & de quarrées. Ceux qui ont du terrein peuvent les faire en maçonnerie comme les fourneaux. Celles que l’on commande aux Menuisiers sont quarrées & de bois de chêne. C’est une espece de coffre de 3 piés & à 4 piés de haut, sur 2 à 2 piés & . On place ordinairement en-dedans une croix de fer. Si l’étuve a 4 piés, il faut que la croix soit posée à la hauteur de 3 piés ou environ, & couverte d’une grille de gros fil de fer, dont les trous soient un peu écartés. Sous la grille, l’on met une poële proportionnée à la grandeur de l’étuve, pleine de charbons bien couverts, & disposés de maniere qu’en se consumant ils ne forment point de cavité. Voyez les Pl.

Les étuves rondes se trouvent chez les Boisseliers. Elles sont du même bois que les seaux. Au défaut des unes & des autres, on peut se servir d’un tonneau bien sec.

Les cheveux s’étagent à différens degrés, depuis 1 jusqu’à 24 tout au plus. Pour les mesurer, on se sert d’une regle d’environ 2 piés, divisée par pouces & par lignes. Le premier degré peut avoir 2 pouces & . Depuis le premier degré jusqu’au septieme degré, on peut augmenter chaque étage d’un demi pouce, depuis le septieme degré jusqu’au douzieme, de 8 lignes ; depuis le douzieme degré jusqu’au seizieme, depuis 8 jusqu’à 11 lignes ; du seizieme an dix-huitieme, les étages ont 12 lignes de plus ; depuis le dix-huitieme jusqu’au vingtieme, 14 lignes ; depuis le vingtieme jusqu’au vingt-quatrieme, 18 lignes ; enfin, pour le vingt-quatrieme étage, il faut que les cheveux aient 3 quarts d’aune de long, & c’est la derniere longueur qu’on puisse donner aux perruques. Voilà tous les outils. Voyons à-présent la maniere d’employer les cheveux.

Si l’on se propose un ouvrage en cheveux grisaille, il faut avoir soin de séparer les veines de gris sale qui pourroient se trouver dans les coupes dont on veut faire la tire ; car il est assez ordinaire que dans une coupe il y ait trois ou quatre nuances différentes. On les examinera par la pointe, & l’on ôtera ceux qui sont jaunes, ou d’une autre couleur.

On fait cette opération sur toutes les coupes depuis la plus longue jusqu’à la plus courte ; on prend une meche de chacune ; l’on en forme un paquet à-peu-près de la grosseur d’un pouce ; & lorsque les paquets sont faits, on les noue avec du fil de penne (ce fil est ce qui reste attaché aux ensuples, lorsqu’une piece de toile est finie) ; on les étête, c’est-à-dire que l’on ôte la bourre qui se trouve à la tête des cheveux : pour cet effet, l’ouvrier tient le paquet du côté de la pointe par le milieu, & il en laisse hors de sa main environ la longueur de trois doigts ; il les peigne avec un peigne fort, & dont les dents soient un peu larges, jusqu’à ce que la bourre ou le duvet soit entierement tombé ; ce qui arrive lorsque le peigne passe aisément à travers. Il a soin d’égaliser les cheveux le plus qu’il lui est possible.

Pendant ce travail il doit avoir le seran attaché bien ferme sur la table.

Lorsque les paquets sont étêtés, il faut dégraisser les cheveux. Cela se fait ordinairement avec du gruau. On en met un ou deux litrons sur un tablier de cuir que l’on a sur les genoux ; on dénoue le paquet ; on le tient à-peu-près par le milieu ; on l’étale du côté de la tête, & l’on répand une poignée de gruau entre les cheveux que l’on frotte entre les mains, comme une blanchisseuse frotte du linge fin. Après qu’on a opéré sur la tête des cheveux, on le retourne, & en fait autant du côté de la pointe. Après quoi on sépare le gruau le plus qu’il est possible en mêlant les cheveux & en les passant plusieurs fois dans le seran. Pour les bien mêler on tient le paquet par le milieu. Comme dans les paquets il se trouve des cheveux courts & des cheveux longs, on prend de la tête le moins qu’on peut, afin que les cheveux courts qui se trouvent parmi les longs ne puissent pas sortir du paquet. On jette la tête des cheveux dans le seran ; on serre le reste du paquet librement de la main gauche, & avec le premier doigt de la main droite on les tourne en-dedans, & on les peigne avec le seran ; ce qui sert beaucoup à faire sortir le gruau. Après ce travail l’on renoue les paquets que l’on serre bien, & le dégraissage est fini.

Cela fait, il faut tirer les paquets par la tête les uns après les autres. Pour cet effet on a deux petites cardes à côté du seran. On étend les paquets en long sur une de ces cardes, & l’on met la pareille sur les paquets ; ou, au défaut d’une seconde carde, l’on se sert d’une vergette sur laquelle on pose un poids suffisant, pour qu’en tirant les cheveux ils viennent doucement ; il faut observer de les tirer bien droit, & de mêler les cours & les longs le mieux que l’on peut.

Quand tous les paquets du triage seront tous bien tirés, il faut avoir deux cardes à tirer à plat. L’on prend une de ces cardes, l’on y place un gros fil double, plié en doubles écartés de deux doigts, le long des rangées des dents de la carde, en observant que ce fil passe plus du côté de l’anneau que de l’autre côté. L’on prend ensuite les paquets séparément les uns des autres, & on les jette dans les cardes avec la plus grande égalité possible. Pour faciliter cette manœuvre, on met une carte à chaque bout, si les paquets doivent remplir toute la carde, & un rang de cartes sur le derriere de la carde à l’endroit où l’on voit que les cheveux les plus courts peuvent sortir. On peut charger de paquets la carde jusqu’à un pouce au-dessus des dents. En les plaçant il faut avoir l’attention de les bien serrer, de les tenir pressés par une vergette ou des cardes. Les paquets longs & les paquets courts doivent toujours être entremêlés, de façon qu’en les tirant il en vienne des uns & des autres. Quand la carde est bien remplie, l’on prend les bouts de fil qui sortent de la carde ; on les passe sur les cheveux & dans l’anneau ; après quoi on serre le plus que l’on peut, & l’on arrête les fils en-dehors de la carde à une pointe ou à une dent. L’on pose ensuite l’autre carde sur les cheveux, de façon que ses dents répondent aux dents de la carde de dessous, & ne débordent d’aucun côté. On la serre bien pour que les cheveux ne glissent pas plus que l’on ne voudroit ; & à mesure qu’on les tire, il faut serrer de tems en tems la carde de dessus.

Pour faire le tirage avec plus de facilité, il faut passer une ficelle dans les deux trous des deux cardes, & l’arrêter à un clou placé à une certaine distance derriere les cardes, afin que les cheveux qui se trouvent dedans ne débordent pas plus de trois doigts en-dehors de la table.

Le premier paquet que l’on tire ne se tire point aussi gros que les autres : ordinairement il est épointé par la tête ; & pour que le tirage soit bien fait, il faut que le paquet soit aussi quarré par la tête que par la pointe. Ceux qui tirent bien, tirent les paquets avec leurs doigts ; mais l’on se sert communément d’un couteau ou de ciseaux. Le deuxieme paquet doit être plus gros, & autant qu’il le faut pour remplir quatre, cinq ou six moules. A mesure que les plus longs cheveux sortent, les paquets ne doivent plus être si gros. Si l’on veut relever les paquets tout de suite, il faut que l’ouvrier ait son seran à côté de lui.

Relever les paquets, c’est lorsqu’on les tire par la pointe, les renouer tout de suite par la tête, & serrer le fil le plus que l’on peut, pour que les cheveux ne s’échappent point en les frisant.

Les paquets des cheveux les plus courts ne doivent pas être plus gros que le tuyau d’une petite plume. Parvenu à la fin du tirage, on retrouve tous les étages depuis le plus long jusqu’au plus court.

Tout étant tiré & relevé, selon la quantité de cheveux que l’on a, on a par rangs plusieurs suites que l’on enfile chacune selon son étage, pour les retrouver plus facilement en les frisant.

Venons à présent à la frisure que l’on doit faire avec attention ; car c’est de-là que dépend la durée de l’ouvrage.

Après avoir attaché bien solidement l’étau devant la table, il faut avoir un morceau de cuir de la longueur & de la largeur du pouce ; on l’attache à l’étau avec une petite ficelle un peu longue pour en jouir avec plus d’aisance. Avant de mettre le paquet dans ce morceau de cuir, il faut le frotter un peu par la tête ; cela empêche un frison de glisser : on tourne le cuir tout-au-tour. Il faut toujours commencer à friser les courts ; cette précaution regle pour la hauteur & la grosseur de la frisure. Les plus courts qui sont l’1 & le 2 se font en rouleaux.

Voici la maniere dont on les fait. On coupe des bandes de papier du bon bout qui est le large ; & ces bandes on les coupe en petits morceaux quarrés. Si ce sont des cheveux blonds ou gris, on prend de l’eau chaude dans un vase où les cheveux puissent tremper à leur aise ; on a de l’indigo, qui doit être de Guatimala, parce que c’est le meilleur, & qu’il ne rougit pas ; tout autre gâte les cheveux. L’on en met de la grosseur d’une petite noix dans un linge plus gros que fin, que l’on serre avec du fil ; on l’écrase un peu ; on le trempe dans l’eau chaude, & on le presse à mesure avec le doigt, afin que la couleur sorte plus aisément. Si les cheveux sont blancs, il faut que l’eau en soit bien teinte. Quand les cheveux auront bien trempé, & que l’on en aura bien exprimé l’eau, ils doivent rester un peu bleus ; pour les cheveux blonds, il faut faire la même chose. Moins les cheveux sont blancs ou blonds, moins il faut que l’eau soit chargée ; pour des cheveux noirs ou châtains, de l’eau simple suffit. Il ne faut point frotter la tête du paquet, mais simplement la mettre dans le morceau de cuir, la serrer dans l’étau, avoir un peigne un peu serré, le passer une ou deux fois dans le paquet, & choisir le moule qui convient ; on le tient de la main droite, & de la main gauche on prend une des petites papillotes quarrées que l’on met sous le paquet ; avec les deux pouces on maintient la papillote, en tenant le moule ferme par les deux bouts dans les deux mains jusqu’à ce qu’on ne voye plus la pointe du moule & de la papillote ; pour lors il faut tourner en avant le paquet pour que la frisure se trouve plus étendue sur le moule. Ayant ainsi tourné toujours ferme jusqu’au fil, on desserre l’étau ; l’on prend une bande de papier que l’on tient bien ferme ; & après avoir tiré tout-à-fait le paquet de l’étau, on roule le papier sur le paquet jusqu’à ce qu’il soit entierement enveloppé sous le papier ; l’on déchire le papier qui reste, & l’on serre bien fort le paquet avec du fil ou une ficelle. Si l’on ne veut point se servir de deux papillotes, il suffit de prendre une bande de papier dans laquelle on roule le paquet jusqu’à ce qu’il soit entierement enveloppé ; mais il peut arriver que la frisure en vienne un peu plus grosse. Ayant opéré de cette maniere sur tous les paquets qui se trouvent jusqu’au 2 ou 3, il faut avoir une corde un peu plus grosse que la ficelle avec laquelle on frise, que l’on passe dans le pié & sur l’étau, de façon qu’elle soit assez longue pour qu’elle ne gêne point ; cette ficelle doit être de la grosseur de celle qu’on appelle ficelle de trois ; elle doit être coupée par bouts de la longueur de 20 pouces, ou une demi-aune tout-au-plus.

Après avoir serré le paquet dans l’étau, comme nous avons dit, il faut, avec le peigne, le partager en deux, en relever la moitié dessous la ficelle qui est à l’étau ou à votre pié, & le rouler, comme nous avons dit, jusqu’au fil qui noue le paquet ; alors on prend la ficelle que l’on fait passer sous les paquets. Elle doit être égale par les deux bouts que l’on a dans la main droite au-dessous du moule, & on tient le moule bien ferme par un bout de la main gauche ; puis on fait un tour de la main droite avec la ficelle double. On passe un des bouts dans la main gauche, & avec l’autre bout on fait deux ou trois tours de la main droite, après quoi l’on fait deux nœuds bien serrés. L’on reprend ensuite l’autre moitié du paquet, & l’on exécute la même chose. On renoue les deux moules ensemble avec le bout de la ficelle qui passe. A mesure que le paquet augmente en grosseur, l’on augmente la grosseur du moule & la quantité de cheveux sur chaque paquet. Si l’on en met trois, on les partage en tiers ; si l’on en met quatre, on les partage en quart ; ainsi de suite en augmentant. A mesure que les paquets deviennent longs, il faut en augmenter la hauteur proportionnément à la hauteur de la frisure, de façon que les cheveux les plus longs ne doivent avoir que quatre ou cinq pouces de frisure.

Si l’on veut donner du crêpe aux cheveux, quand on a frisé un paquet, s’il est de deux moules ; après avoir bien frotté le paquet, on l’ôte de l’étau pour repousser le fil qui le noue le plus haut que l’on peut ; pour lors il faut prendre un moule de chaque main, tourner l’un à droite & l’autre à gauche ; après les avoir tournés jusqu’à ce qu’ils fassent une espece de corde, les passer l’un sur l’autre jusqu’à ce qu’ils forment une corde qui fasse à-peu-près l’effet du crin que l’on carde pour les matelas. Si le paquet est à trois moules, quand on en a tourné deux, comme nous l’avons dit, tourner le troisieme à droite & le passer par-dessus. Si les deux paquets suivans sont aussi en 3 moules, tourner les deux premiers, comme nous avons dit, tourner ensuite le troisieme à gauche, le passer par-dessus, & faire la même chose aux autres paquets, tant qu’il y aura trois moules, pour que le crêpe n’emporte pas plus d’un côté que de l’autre. Quand il y aura quatre moules au paquet, en prendre deux, les tourner l’un à droite & l’autre à gauche, & les attacher bien ferme tous deux l’un contre l’autre avec le bout de ficelle qui passe ; & après en avoir fait autant aux deux autres moules, les attacher tous quatre ensemble ; si l’on veut que le crêpe soit plus fort, les renater tous quatre ensemble. Autrefois on portoit le devant des perruques très-haut, comme on le voit aux portraits de Louis XIV. cela s’appelloit devant à la Fontange, parce que le marquis de Fontange en avoit amené le goût, & voici comme on travailloit. Quand les paquets étoient frisés à-peu-près depuis le 5 & le 6, dont on faisoit les devans dans ce tems-là, on dénouoit les paquets, on séparoit chaque moule, on prenoit une grande ficelle de la grosseur de celle avec laquelle on frisoit, on présentoit le moule par le bout de la ficelle, on partageoit les meches en trois, l’on natoit comme les Allemands natent leurs cheveux, & après on repoussoit la nate jusqu’auprès du moule, & ainsi des autres ; lorsqu’on dégageoit les cheveux, comme nous l’expliquerons plus bas, il arrivoit de-là que les cheveux tressés & cousus sur la tête, se tenoient tout droits, comme on les vouloit.

Il y a une frisure que l’on appelle frisure sur rien : voici comme elle se pratique. On a un moule brisé ; ce moule est fait à-peu-près comme les autres, excepté qu’il s’ouvre en deux ; un des côtés entre dans l’autre, comme un étui ; on fait les papillotes plus longues que quarrées ; on les coupe par les deux bouts, comme une carte à placer dans un chandelier ; on partage les cheveux, comme nous avons dit, on les roule de même ; l’on renverse la découpure des papillotes de chaque bout tout-au-tour des cheveux ; l’on attache une ficelle par-dessus, ce qui empêche que les cheveux n’échappent ; l’on retire ensuite le moule par les deux bouts qui s’ouvrent, & la frisure est sur rien. Il faut avoir égard à la hauteur & à la grosseur, comme nous l’avons prescrit ; pour cet effet on a des moules de toutes les grosseurs.

Il y a une autre façon de friser sur rien, que l’on appelle à l’angle. On a des bâtons de toutes les grosseurs, à-peu-près comme les moules, hors qu’ils doivent être une fois plus longs. On met les paquets dans l’étau ; on a de la petite ficelle, sans être coupée comme on la coupe pour les autres ; on tient la ficelle tout le long du moule ; on la mouille dans la bouche parce qu’elle s’étend mieux sur les bâtons : il ne faut point de papillotes comme aux autres frisures ; on roule la frisure à la hauteur convenable ; on passe le bout de la ficelle deux fois pour faire un double nœud que l’on serre avec les dents, & en même tems l’on retire le baton de l’autre main.

Si l’on frise des cheveux pour une perruque d’ecclésiastique, il faut observer de faire la frisure très-basse. Si l’on en frise pour des boucles ou de boudins, il faut au contraire friser très-haut, avoir le moule plus long ; & au lieu de commencer à placer les cheveux dans le milieu du moule, comme nous avons dit cidessus, l’on prend un des bouts du moule, & on tourne toujours jusqu’à ce que l’on soit remonté à l’autre bout.

Quand tous les paquets de cheveux sont frisés, on a une longue ficelle de la grosseur de celle avec laquelle on frise. On enfile tous les paquets par rang ; & pour trouver les étages plus facilement, on pratique deux nœuds coulans, dans lesquels on passe la tête des paquets que l’on approche le plus que l’on peut.

Après avoir observé exactement tout ce que nous venons de dire, il faut prendre la chaudiere dont nous avons parlé, & la remplir aux environs de trois quarts d’eau de riviere. Si c’est de l’eau de puits, il ne faut pas qu’elle soit ni crue, ni trop âcre. On éleve la chaudiere sur un trépié, afin qu’elle ait de l’air par-dessous. Il faut que l’eau bouille trois heures à gros bouillons sans discontinuer. Si l’on y met des cheveux bruns ou gris-blancs, ou blonds, il suffit que l’eau ait bouilli deux heures & demie : à mesure que l’eau diminue, il faut avoir devant le feu un coquemar d’eau chaude pour remplir la chaudiere ; car il est nécessaire que l’eau surnage toujours aux cheveux : à mesure que les cheveux jettent leur crasse, il est à-propos de les écumer.

Tout cela fait, il faut retirer les cheveux, & les égoutter le plus vîte que l’on peut, afin qu’ils n’ayent pas le tems de se refroidir ; & pour les avoir plutôt égouttés, il faut les essuyer avec des linges.

On met ensuite les cheveux dans l’étuve. On couvre de papier la grille, on y pose les suites de cheveux sur lesquels on étend une couverture, & l’on ferme bien l’étuve où l’on a placé une poële remplie de charbons bien allumés au feu, arrangés de maniere qu’en se consumant ils ne s’écroulent point, & ne fassent point de cavités, & couverts de cendres rouges. Quand la poële est bien préparée, elle peut durer depuis le soir jusqu’au lendemain matin, sans y toucher ni remuer les cheveux. Dès le matin il faut avoir l’attention de remuer la poële avec une pêle tout-au-tour doucement, pour que le feu ne soit point trop vif ; on retournera les suites de cheveux au-moins toutes les heures jusqu’à ce que les moules soient secs, & qu’ils commencent à être lâches dans la frisure. Si une poële de feu ne suffit pas, il faut en remettre une seconde, & avoir soin que le feu ne soit point trop vif ; si, dans l’étuve, il y a des cheveux blancs ou blonds, l’on ne sauroit avoir trop cette attention, parce que ces sortes de cheveux sont sujets à jaunir. Sans trop presser ni ralentir le feu, les cheveux doivent rester communément dans l’étuve 36 ou 40 heures pour se sécher.

Les cheveux séchés, il faut avoir 5 ou 6 feuilles de papier gris qui ne soit point battu, dans lesquels on les enveloppe, de maniere que l’on ne voye ni les cheveux, ni les moules. On a une corde de la grosseur d’une corde à tendre, & suffisamment longue pour la passer plusieurs fois dessus & dessous, afin que rien n’en puisse sortir ; le tout doit être bien fermé.

A Paris, ce sont les Boulangers de pain-d’épice qui font la pâte du pâté & qui le font cuire. Les Perruquiers qui sont dans des pays où ils n’ont point cette commodité, la préparent eux-mêmes, avec le gruau qui sert à dégraisser les cheveux. Il faut que le pâté ne soit ni trop mince, ni trop épais. Le tems de la cuisson, il peut être d’environ trois heures, à-peu-près le tems qu’il faut pour cuire un pain de 10 à 12 livres. Le pâté cuit, il faut le couper tout chaud, & remettre les suites de cheveux dans l’étuve à une chaleur très-légere, & les laisser ainsi bien refroidir.

Pour faire bouillir les cheveux de la premiere frisure sur rien qui s’exécute sur des moules brisés, voici ce qu’il est à propos d’observer. Il faut prendre un panier qui puisse entrer dans la chaudiere, & y ranger les suites de façon qu’elles y soient un peu serrées pour qu’elles ne varient point, & avoir soin que le panier soit aussi bien fermé ; c’est la même chose pour la frisure à l’angle sur rien : quand les suites sont dans le panier, & le panier dans la chaudiere, & que l’eau commence à bouillir (chose qu’il faut observer pour tous), l’on prend un litron de farine que l’on délaye bien dans de l’eau chaude. Lorsqu’elle est bien délayée, on la jette dans la chaudiere : on la laisse bouillir ; après quoi, on fait sécher les cheveux sur l’étuve comme les autres. Et, pour s’assurer qu’ils sont secs, il faut voir si la ficelle y tourne : au lieu de les mettre dans un pâté comme les autres, on a une cucurbite que l’on met dans un chaudron ou dans une marmite. On fait bouillir au bain-marie pendant huit heures. La cucurbite doit être bouchée avec de la laine. Il en faut deux bouchons, afin que lorsque le premier a pris l’humidité des cheveux, on puisse remettre le second, tandis que le premier se seche, & ainsi alternativement jusqu’à la fin des huit heures. Voilà tout ce qui regarde le bouillissage & le séchage des cheveux ; opérations très-nécessaires à faire exactement, si l’on veut que l’ouvrage soit d’un bon usé.

Il faut que les cheveux soient bien froids avant que de les décorder : décorder des cheveux, c’est défaire la ficelle & ôter les moules ; cela se doit exécuter avec attention, & ne pas négliger de bien remettre toujours la frisure dans son centre. Après les avoir décordés, il faut les détacher paquet à paquet de la ficelle qui les tient enfilés, & commencer par les plus longs.

Avant que d’aller plus loin, nous allons dire un mot de la maniere dont on travaille le crin.

Il faut d’abord le mettre en paquet, & le tirer par la tête & par la pointe, comme les cheveux ; faire une eau de savon, le savonner à plusieurs reprises, comme l’on savonne le linge fin ; avoir une eau d’indigo, le passer à cette eau, & le friser comme les cheveux, excepté qu’il faut employer des moules plus gros, & monter la frisure moins haut. Après l’avoir retiré de l’eau d’indigo, on le soufre comme les bas de soie & la blonde.

Il y a des Perruquiers dans certaines provinces où l’on ne paye point les perruques, qui y mettent beaucoup de poil de chevre. Ce poil se blanchit beaucoup & donne une très-belle couleur, mais il ne dure pas ; il se coupe en le peignant. On le travaille de même que le crin.

Pour revenir au dégagement, après avoir défait les paquets de la ficelle, en commençant par les plus longs, il est à propos d’avoir son seran bien attaché devant soi. Alors on prend deux ou trois paquets dont l’on a débourré la tête sur le seran ; on les tient bien ferme, & on les ratisse à plusieurs reprises sans peigner ; on les égalise bien par la pointe, & on les peigne ensuite du côté de la tête en les tenant toujours bien ferme, afin qu’ils ne se dérangent point, ce qui est très-essentiel. Quand les paquets auront été bien peignés & qu’ils passeront aisément dans le seran, on les mêlera avec le doigt, comme nous avons dit ci-devant, on les repeignera par la pointe, & on recommencera par la tête en continuant toujours de les mêler jusqu’à ce que la frisure soit bien ouverte, & que le corps des cheveux n’ait plus de mauvais pli : après quoi on les attachera avec du fil bien ferme, & on les mettra en boucle du bon côté ; on commencera par les plus longs, & l’on continuera jusqu’aux plus courts.

Voilà tout ce qui concerne le dégagement du crin, des cheveux, du poil sec : car, dans certaines provinces, il y a des Perruquiers qui se servent de laine de Barbarie, & la travaillent comme le poil. Cette laine est d’un très-mauvais usé. Si l’on s’en sert pour les perruques des spectacles, c’est qu’on la teint aisément de diverses couleurs.

Il y a une sorte de cheveux, que l’on appelle cheveux herbés : on les travaille à-peu-près de la maniere suivante. L’on prend des coupes de cheveux noirs, bruns, rouges ou châtains ; on les tresse sur du gros fil ou sur une petite ficelle : on prend des passés très gros du paquet, ou autrement dit d’une coupe, que l’on tresse à simple tour, comme nous l’expliquerons ci-après. Ainsi tressés, on les lessive & on les prépare comme la toile bise que l’on veut blanchir en les mettant sur l’herbe : c’est d’où ils tirent le nom de cheveux herbés. L’on s’en sert pour donner la couleur aux nœuds des perruques nouées, & au derriere des perruques à bourse : ils ne sont bons qu’à être mêlés avec d’autres cheveux ; & si on les employoit seuls, ils seroient d’un très-mauvais usé, car au blanchissage ils perdent leur force & leur substance : c’est des Anglois que nous tenons cette méthode qui nous dispense depuis environ 40 ans de mettre dans les nœuds des perruques nouées & au derriere des perruques à bourse des bons cheveux, qui en augmenteroient le prix de beaucoup, sans qu’elles en durassent davantage.

Lorsque les cheveux sont tous dégagés, il faut les enfiler avec une aiguille & du fil un peu fort tous par étage, afin de les trouver plus aisément quand on veut les tirer ; c’est alors que la carde faite en équerre devient utile. Après qu’on l’a attachée ferme devant soi, on prend un ou deux paquets que l’on vient de dégager, on les remêle par la tête, comme on l’a déja dit, en observant de les tenir toujours bien égaux par la pointe. Après les avoir renoués à une certaine hauteur, on les étend sur un des côtés de la carde qui se présente en long jusqu’au fil. Après quoi on met une carde pareille par-dessus, alors on retire des paquets des petits, de la grosseur d’une plume. S’ils se trouvent bien épointés, on en retire une moindre quantité, parce qu’il faut qu’ils se trouvent quarrés par la tête & par la pointe. Si les paquets sont à-peu-près quarrés, on peut tirer plus des petits. Il ne faut pas attendre que la carde soit entierement vuide, mais sur la fin des premiers en remettre d’autres dans l’autre côté de la carde, les bien mêler ; à mesure que l’on tire un des paquets, le bien égaliser, le peigner dans la carde, le nouer par la tête, le remettre en boucle, & faire la même chose jusqu’à la fin des suites, soit de cheveux, de crin, de poil. Après avoir tiré le tout, il est à propos de le partager en plusieurs suites, & de les enfiler par la tête avec une aiguille & du fil, comme nous avons dit ci-devant pour les cheveux plats.

Il s’agit maintenant du préparage. Il n’est pas trop aisé d’en faire une description exacte, car il dépend de l’idée & du goût de l’ouvrier : voici cependant comment l’on s’y prend communément. Si l’on veut préparer une perruque nouée, un peu ample, c’est-à-dire une perruque pour une personne d’un certain âge, il faut que les cheveux soient un peu crêpés (nous avons oublié de dire que quand on dégage les cheveux crêpés, il faut avoir l’attention de les passer dans le seran jusqu’à ce que le crêpe soit bien ouvert). Nous parlerons d’abord de la perruque nouée, parce que c’est la premiere qui ait été inventée ; quoiqu’elle ne paroisse guere imiter les cheveux, elle les imitoit cependant dans le tems où l’on commença à la porter, parce que l’on ne connoissoit ni la bourse ni la queue. Les soldats même qui avoient les cheveux longs, les officiers, les bourgeois partageoient leurs cheveux en deux par derriere, les ramenoient en-devant & les nouoient comme les nœuds de nos perruques nouées.

Si l’on fait une perruque courte & légere, il n’est pas à propos qu’il y ait du crêpé. Dans les premiers tems, on faisoit les perruques à devans hauts, garnis, gonflés, & longue suite, comme nous avons dit ci-devant : elles étoient si longues, qu’elles alloient jusqu’au 18 ou 20, & on les portoit en-devant. Pour peu qu’un homme eût le visage maigre, il en étoit si offusqué qu’à peine lui voyoit-on le visage. Ces longues perruques étoient faites en pointe, & se terminoient par un boudin.

Pour la préparation, il faut prendre des cheveux crêpés, comme nous l’avons dit. L’ouvrier a devant lui une regle, sur laquelle sont marqués les étages ; il commence par les plus longs. Supposé que l’on fasse un préparage de perruque nouée sur le 11 ou le 12, l’on commence par les longs ; on prend 5 ou 6 des petits paquets que l’on met juste au 12. Il est à propos pour le bas de la nouure de mêler du 11 dans le 12, pour qu’il se trouve épointée, & faire ainsi la même chose à tous les paquets jusqu’à l’1, qui est le plus court.

Si c’est une perruque grisaille que l’on prépare, que les paquets ne soient pas tous d’une même longueur, & qu’il s’en trouve quelques-uns de plus noir, on y mêle un petit paquet blanc. S’il y en avoit de trop blanc, on y en ajouteroit de plus gris ou même de noir.

Après avoir bien mêlé & remêlé tous les paquets, il faut les remettre les uns après les autres dans les cardes, les tirer bien quarrés, les nouer ferme avec du fil, & faire la même chose à tous. Ensuite on coupe des bandes de papier blanc un peu fort ; elles doivent être plus larges pour les paquets longs que pour les courts, autrement la frisure seroit gênée. Après avoir roulé un ou deux fois les bandes de papier sur le fil qui attache les paquets & renoué la papillote, or les numerote depuis l’1, jusqu’au plus long. Ces numeros empêchent que l’on ne se trompe en tressant. Ensuite on les remet en boucle : l’on prend un des bâtons du métier dont nous avons parlé. On a de la soie de Grenade, qu’autrefois l’on choississoit violette, & une carte à jouer que l’on coupe en long en deux parties. L’on fait un petit trou à l’un des bouts, l’on y attache la soie que l’on roule sur la carte aux environs de cinq ou six aunes ; on répete cela six fois ; quand on en a disposé trois, ce qui suffit pour tresser un des côtés : l’on ne fait point toucher la quatrieme aux autres : entr’elle & la troisieme, pour ne se point embarrasser en travaillant, on laisse l’intervalle d’un doigt. L’on arrange ainsi six cartes, quoiqu’il n’en faille que trois pour tresser un côté de la perruque. Mais pour avoir plus égalité, on tresse une hoche de chaque paquet, jusqu’à la fin de chaque rang. En s’y prenant ainsi, les deux côtés de la perruque se trouvent exécutés en même tems & également ; à la fin de chaque rang, on les met en boucles, l’un devant soi & l’autre à côté.

Les six soies étant arrangées dans l’ordre que nous venons de dire, il faut avoir à l’autre bâton pareil un petit clou d’épingle attaché à-peu-près à un demi-pié du bas du bâton, & le courber, & faire un nœud de tisseran aux six soies que l’on passe dans la pointe du clou. Nous avons dit plus haut que l’on plaçoit les deux bâtons dans les trous d’une barre de bois ; mais cela ne se pratique guere. L’on fait deux trous sur la table, & l’on y plante les bâtons : cette maniere est plus commode ; on n’est point obligé de tenir une barre sur ses genoux, & lorsqu’on tresse, les bâtons toujours tendus ne sont point sujets à se déranger : cependant si la table étoit entierement occupée, un ouvrier avec une barre pourroit tresser séparément sans être gêné. Après avoir mis les bâtons dans les trous & avoir attaché les six soies, comme nous avons dit, il faut les tendre également en tournant la carte sur le bâton entre le pouce & le premier doigt ; & en faisant sonner les soies avec les doigts, comme lorsqu’on accorde un instrument, on s’assure qu’elles sont tendues également. Nous expliquerons plus bas la maniere de tresser.

Autrefois les ouvriers prenoient la mesure à peu près sur la tête qu’ils croyoient propre avant de faire la monture ; aujourd’hui que l’on opere plus justement & plus finement, on fait les montures de tête avant que de prendre la mesure.

Les montures faites, voici comment l’on prend la mesure d’une tête. L’on a une bande de papier gris ou blanc un peu fort, on la coupe un peu en pointe d’un côté pour y distinguer un bout qu’on appelle le commencement. Quand une personne a les cheveux bien plantés, c’est-à-dire qu’ils ne sont ni trop hauts ni trop bas ; il faut prendre depuis la racine du toupet jusques dans la fossete du col, & faire avec des ciseaux une hoche à la mesure, comme font les tailleurs ; ensuite on passe les bouts de la mesure sur le bord d’une tempe en l’étendant sur le derriere de la tête jusqu’à l’autre tempe, ensuite il faut avoir le tour, & pour cet effet saisir la mesure par les deux bouts & en placer le milieu dans la fossette du col, rapprocher les bouts en devant, passer sur les oreilles, & remonter jusqu’à l’extrémité des cheveux sur le front. Si la monture est à oreilles, il faut passer au-dessus d’une oreille, s’avancer par-dessus la tête jusqu’à l’autre oreille, & toujours observer de faire des hoches pour reconnoître les points. Si la tête dont on prend mesure est bien proportionnée, la hauteur de l’oreille fait la profondeur du devant au derriere : toutes les dimensions prises, il faut écrire sur chaque hoche le point que l’on vient de prendre, comme la profondeur du devant en derriere, d’une tempe à l’autre, au tour de l’oreille & autour de la tête ; il faut ensuite avoir du ruban que l’on appelle ruban de tour fil & soie, ou tour de soie, mais le premier vaut mieux. On les employe de deux couleurs, rose & gris de maure ; la largeur du ruban peut être d’un pouce & demi, il y en a de deux ou trois lignes au-dessus comme au-dessous ; pour que le ruban soit bon, il faut qu’il soit bien frappe & que la litiere soit bonne de chaque côté, afin qu’en y passant l’éguille avec le fil elle ne casse pas : une mouture de perruque en prend une demi-aune & demi-quart. Si la monture est pleine & fermée on en replie un peu de chaque bout qu’on cout jusqu’aux trois quarts de la largeur ; ensuite l’on prend exactement le milieu d’un des remplis à l’autre, & on le marque d’un trait fait avec de l’encre ; on a des clous d’épingle ni trop gros ni trop petits, on place le trait que l’on a fait avec de l’encre sur le ruban dans la raie qui se trouve sur les têtes à monter. Cette raie en marque exactement le milieu, on y fixe le ruban par un clou fiché sur le devant, & puis par un second fiché sur le derriere ; si l’on veut faire une pointe au front, il faut prendre un autre clou, le ficher sur le ruban à la distance de trois lignes de celui du milieu, & relever le ruban un peu de chaque côté ; la pointe pour la grandeur d’un front bien fait est ordinairement, tout bien compassé, de cinq pouces & demi ou six pouces, par conséquent si on la fait de 6 pouces il faut observer de renverser le ruban, ou de l’échancrer de trois pouces de chaque côté, puis l’arrêter par un clou ou deux de chaque côté, qui le maintienne également ; cela ne doit être pratiqué qu’après l’avoir bien compassé également, car la premiere chose qui saute à la vue c’est son inégalité, la perruque en paroît de travers. Ensuite à l’endroit de la couture on place deux autres clous sur la raie également en observant que si la personne a un cou gras & court, il faut les placer plus haut pour que le derriere releve, & que si la personne est maigre & a le col long, il faut pratiquer le contraire. Cela fait, on tire le ruban d’un côté à peu près vis-à-vis le gras de la joue, & l’on fiche un clou, on en fait autant de l’autre côté, & toujours bien symmétriquement pour que les parties y correspondent ; ensuite on a du fil de Bretagne uni & fort avec une aiguille un peu grosse de la longueur de deux pouces ; on disperse différens clous sur le visage, un suffit au menton, un autre au-dessous du nez, un troisieme au-dessus, un quatrieme au milieu du front, un à chaque coin de l’œil, & enfin par tout où l’on en aura besoin ; mais le moins que l’on en puisse employer, c’est toujours le mieux. On arrête le fil qui part du ruban, au premier de tous ces clous disposés comme on a dit, parce que à une monture pleine on commence toujours par le bas de la joue : on tire ensuite le fil avec justesse de la main gauche en le poussant avec le pouce de la main droite. On passe une carte sous le ruban pour le faire glisser plus aisément ; il faut ordinairement cinq ou six de ces fils ; on observe que le ruban en soit bien arrondi ; on arrête le fil à la pointe qui se trouve auprès de l’œil, en faisant deux ou trois tours avec le fil au tour du clou, & l’on y marque après un ou deux nœuds coulans. Il faut avoir attention de ne pas passer plus de fils d’un côté que de l’autre, de les poser également, & de rendre au compas les deux côtés égaux. C’est la même manœuvre si l’on fait un petit devant avec du crin, qu’aux perruques nouées ; il ne faut point un petit clou pointu au front, au contraire il faut qu’il soit rond, & communément le front pas si ouvert qu’aujourd’hui, au reste chacun a son goût, & il n’y a point de regle là-dessus. Quelque maniere qu’on suive, on prendra une aiguillée de soie un peu forte, & on l’arrêtera au clou du milieu du front, l’on piquera ensuite l’aiguille, dans la lisiere, de façon que la raie d’encre se trouve dans le milieu, en passant l’aiguille par-dessus la lisiere, de-là ou la fera passer au clou où la soie a été arrêtée ; l’on fera ensuite un autre point à droite, de l’autre côté, à peu de distance, & un autre à gauche à distance égale, glissant toujours, comme nous l’avons dit, une carte dessous le fil, pour que le ruban passe plus aisément, & qu’il ne se fatigue point non plus que le fil ; le reste n’a rien de difficile. Ensuite il faut ficher derriere, dans le milieu de la tête, quatre clous, à commencer à un pouce près de la raie jusqu’à la tempe ; prendre une aiguillée de fil, l’arrêter au premier clou du côté de la tempe, le passer dans la lisiere du derriere du ruban ou plus avant ; mettre un ou deux fils, selon que l’on veut faire la tempe creuse ou ronde, également au-dessus, à la partie qui forme le front, former l’autre côté égal, & bien compasser le tout, pour que le front ne creuse pas plus d’un côté que d’un autre. Si la lisiere du ruban fronce derriere, à l’endroit de l’oreille, il faut y faire un pli, ou y passer un fil à peu près à la hauteur de l’œil, jusque derriere l’oreille ; ce fil doit être tiré & arrêté bien ferme. Si la personne a le col gras, il faut comme nous avons dit, mettre un point plus haut dans la raie de la tête au-dessus du ruban, prendre une aiguillée de fil, poser le premier point sur la couture du ruban, & le tirer en avant de la même façon que nous avons expliqué plus haut, & si le cas le requiert, poser encore un autre fil de chaque côté ; ensuite avoir un cordonnet moyen, en prendre la valeur du quart, faire un nœud à chaque bout, & l’arrêter bien de chaque côté pour qu’il ne s’échappe point en serrant la perruque ; l’on en fait passer les deux bouts à l’endroit du ruban qui n’a point été cousu jusqu’à la lisiere ; ensuite on releve le ruban par-dessus le cordonnet, on fait un point un peu lâche à la lisiere qu’on vient de relever, & par ce moyen le cordonnet n’est point gêné. Ceci fait, & le ruban placé, on met le rezeau que l’on nomme aussi ordinairement coeffe ; ce rézeau est fait de soie ou de fleuret ou de fil. Si la perruque est pour une personne qui transpire beaucoup de la tête, un rézeau de fleuret vaut mieux, il est moins sujet à se retirer, il faut que les mailles n’en soient pas trop grandes. Dans les premiers tems on avoit mis un contrôle sur les coëffes, on l’a ôté, on en a senti la puérilité, & l’impossibilité d’obvier à la fraude. En plaçant le rézeau sur la tête, il faut observer que ce qui termine la fin du rézeau soit bien dans le milieu de la tête ; sans cette précaution, un côté seroit plus large que l’autre ; on en attache un côté avec un clou pour qu’il ne varie point, & l’on le cout avec le ruban, en pratiquant à peu près un point à chaque maille. Quand le rézeau est cousu, s’il se trouve trop grand, il faut couper tout ce qui devient inutile.

L’on a ensuite un ruban que l’on appelle le ruban large ; il est ordinairement brun fil & soie, il n’est point aussi frappé que celui du tour ; sa largeur est de quatre pouces, on y fait d’abord un rempli & on commence à le coudre à la lisiere du ruban dès la pointe ; on le tire ensuite par en bas aux environs de quatre doigts au-dessus du ruban de derriere ; on le coupe, on le remploye au-dessous, on met un clou dans une petite raie qui se trouve dans le milieu du ruban, on en met aussi un dans la raie de la tête, & un autre de chaque côté, en tirant depuis le dessus de la tête pour que le ruban ne fronce point ; on prend ensuite une aiguillée de fil que l’on passe dans le ruban, & plus bas dans celui qui fait la monture, observant toujours que le milieu du ruban se trouve dans le milieu de la raie de la tête, pour que les rangs frisent également. Ainsi arrêté de chaque côté, on le cout dans le bas, & pareillement au haut, en prenant un fil de la raie du ruban placé sur la couture du ruban de tour. Pour que la perruque soit ferme, on y met un taffetas qu’il faut d’abord faufiller sur le rézeau, & couper après comme il convient ; ensuite on commence à le coudre sur le devant le long du derriere du ruban de tour, toujours en remontant jusqu’à la raie. Il est à propos de ne pas aller sur le derriere jusqu’au ruban large, parce que si la personne transpire, cela peut faire retirer la perruque ; on procede ainsi également de chaque côté. Voilà tout ce qui regarde la monture d’un bonnet un peu ample, ou d’une perruque nouée d’une personne d’un certain âge.

Il faut ensuite prendre les mesures : la premiere qui est la basse s’appelle mesure de tournant, parce qu’on la prend depuis le coin du front jusqu’à la couture de derriere ; il faut la plier en deux pour que le papier soit plus fort & résiste davantage ; ensuite ou fait la mesure de corps de rang, à peu près comme on en verra le modele dans nos Planches.

Si l’on fait un bonnet pour une personne âgée ou qui ne veuille point de boucle, il ne faut point épointer les paquets, au contraire ils doivent être très-quarrés par la pointe pour cet effet. Il n’y a pas encore plus de douze ou dix-huit années, qu’après les avoir tirés comme nous avons dit plus haut, avant d’y mettre des papillotes, on plaçoit le paquet dans une carde par la tête, & on le tiroit par la pointe pour qu’il fût plus quarré : c’étoit un ouvrage très-difficile & qu’il falloit faire avec attention. ensuite on y remettoit le papillon & on commençoit la perruque ; on distribuoit du crin où il est marqué.

Il faut d’abord avoir la mesure du bord du front ; on la prend avec une bande de papier double de la largeur du front de la monture que nous venons d’expliquer. Il faut que le front soit fait sur le plus court paquet, & tressé fin & à cinq tours pour un devant peigné avec du crin. Malgré le plan des mesures que nous venons de donner, il n’en faut pas faire une regle générale ; tout dépend du goût des personnes, de l’air du visage, & de l’idée du perruquier : il faut suivre la forme de la tête. Si la forme de la tempe est plate, & que l’on veuille la perruque gonflée, on montera les longs plus haut en faisant la mesure. Si au contraire la tempe est forte & gonflée, on ne montera point les longs si haut, & par conséquent on tirera la perruque plus court. De même si la personne est grande, si elle a le visage maigre & le col long, on l’engagera davantage par les cheveux.

De la maniere de tresser, qu’on entendra mieux encore par les Planches que par ce que nous en allons dire. Pour tresser, il faut donc prendre les deux bâtons, celui où sont les six soies, & celui qui porte la pointe : on les mettra dans les trous de la table. Pour le tournant, il ne faut que trois soies. On prend le n°. premier, qui est le plus court ; on tresse fin & serré à cinq tours : on place son paquet dans la carde qui est devant soi : on en tire à-peu-près sept à huit cheveux de la main droite, & de la gauche on les reprend par la pointe ; on laisse excéder hors des doigts le moins que l’on peut de la tête ; on les passe avec la main derriere les soies, & l’on présente la tête par-devant entre la seconde & la troisieme soie ; puis on les passe par-dessus avec la main droite, & on les reprend entre le pouce & le premier doigt de la gauche. On les repasse là, entre la premiere & la seconde avec le pouce & le premier doigt de la droite ; on les passe par-dessous, & on les reprend de la gauche, en les repassant par la seconde & la troisieme. Après quoi l’on les passe par-dessus ; l’on les reprend des doigts de la gauche, & l’on les repasse entre la premiere & la seconde ; on les reprend des doigts de la droite, & on en repasse le bout entre la seconde & la troisieme. On les tire pour lors de la gauche, en lâchant doucement & en faisant couler la tête de la droite. On laisse passer la tête des cheveux le moins que l’on peut, & on la pousse jusqu’auprès du nœud que l’on a fait ; quand elle est au point que l’on veut, l’on reprend la frisure, que l’on repasse entre la derniere & la seconde soie, en observant de la passer par-devant. Ce dernier tour-ci ne sert qu’à la premiere passée de chaque rang & tournant que l’on veut commencer ; ensuite on retire une autre passe, & l’on travaille de même. Lorsque la passée est faite, elle doit former une m, dont il faut avoir soin de presser les jambes l’une contre l’autre, pour que tout soit égal & ne laisse point d’espace plus grand ou plus petit : vous tressez ainsi jusqu’au chiffre qui marque le 1 ; l’on reprend le 2, & l’on tresse jusqu’à 2 ; puis l’on reprend le 3, & l’on tresse jusqu’au chiffre 3 ; ensuite l’on reprend le 4, & l’on tresse jusqu’au 4, en montant imperceptiblement la garniture : l’on continue jusqu’au 5 ou 6, toujours en remontant de garniture, qui au lieu d’une m, ne forme qu’une n. Alors on prend la passe comme nous venons de dire ; on la passe deux fois en-dessus & une fois en dessous, & on la finit entre la seconde & la troisieme soie : elle en garnit davantage la tresse & la fait plus pressée. Il faut toujours augmenter de garniture jusqu’au dernier paquet, où les passes doivent se trouver d’une bonne pincée. Il faut avoir soin en mettant les paquets dans la carde, de placer un peigne dessus, pour que les cheveux ne viennent pas trop vite ; il faut aussi prendre garde que les paquets soient toujours bien égalisés. A la fin du rang il faut faire une passe d’arrêt, en repassant la tête entre la seconde & derniere jambe de l’m. Autrefois quand on faisoit des devans bien élevés & les tempes à-proportion, on tressoit aussi à bouts levés ; au lieu de passer la main gauche qui tient la passe, on la mettoit par-devant, en passant la tête de la passe entre la premiere & la seconde ; au lieu de passer par-dessus, on repasse par-dessous, & l’on fait le tour à l’ordinaire : ensuite on prend une autre passe que l’on met de l’autre côté, en passant de même par dedans, & l’on continue le tour de même. Voilà ce qu’on appelle tresser à bouts levés. On tressoit aussi à demi-bouts levés, en faisant celui de devant comme nous venons de dire, & l’autre passe à l’ordinaire.

Pour revenir au tournant, quand on a fait la passe d’arrêt comme nous l’avons dit, on laisse un espace de soie, & l’on recommence par les mêmes paquets par où l’on a fini, en faisant une passe d’arrêt comme on la doit pratiquer à tous les commencemens & fins de chaque rang. Il faut observer de rendre la garniture la même, en faisant aller en arriere ce que l’on a fait aller en devant, c’est-à-dire que les n°. II reviennent aux 10, ainsi des autres à-proportion. Le plus court se trouvera à la fin de la mesure, & les deux côtés seront égaux. Il faut faire un second tournant de même, en observant la même regle, & mettre à la fin de chaque paquet un fil rouge pour marquer tous les étages, ce qui sert beaucoup lorsqu’il est question de poser les rangs ; c’est-à-dire qu’il faut en poser deux dans la hoche du 6. La marque de fil indique où elles commencent & où elles finissent. Lorsqu’on pose les 2 du 6, indiqués par la mesure, on a les 3 sur le 5 dans la hoche du 5, le 4 dans la hoche du 4, le 5 sur le 3 dans celle du 3, le 6 dans celle du 2, & les 8 dans celle du I. Il faut que celui qui monte sache combien de rangs il a posé dans chaque hoche, & qu’il s’arrange en conséquence. Il faut poser les fils à la fin de chaque hoche, à l’autre côté du second tournant, en observant la même régularité & la même garniture qu’à celle du premier côté.

Ensuite il faut bien mettre les deux tournans en boucle devant soi, c’est-à-dire du même côté, & les ôter de dessus le métier ; remonter ensuite le métier avec les six soies, comme nous avons dit, pour commencer le corps de rangs, en le travaillant à six soies. On fait les deux côtés ensemble, & la garniture se trouve égale par le moyen de la mesure. Les premiers rangs commencés sur les six soies, il les faut prendre & aller jusqu’à 6, ainsi des autres, comme nous avons explique, en tournant. Après 3 ou 4 rangs il faut diminuer de garniture jusqu’à la fin, où elle doit être extrèmement legere, en observant de mettre un crin ou deux à chaque passée pour soutenir la tempe. Il faut observer que quand on a fini les grands corps de rangs (on les appelle ainsi, parce que depuis l’endroit où on les pose, ils doivent se rejoindre ensemble par derriere), on en fait plus ou moins aux tempes, selon que l’on veut que la frisure monte, & au-dessus on met un paquet préparé exprès qui ne frise pas beaucoup ; ce paquet s’appelle plaque : on la fait d’une tresse de suite, sans la travailler par rang.

Après les grands, il y a les petits, qu’on appelle ainsi, parce qu’ils ne croissent pas, & qu’ils ne font que la face ; on les termine par des paquets de plaque. Le premier petit rang a la mesure suivante : il commence au troisieme sur le 3, & finit sur le 5 ; quand on a fait jusqu’au 5, l’on prend les paquets de plaque que l’on travaille jusqu’à la raie, ainsi des autres.

Après avoir fait ce que nous venons de dire, c’est-à-dire les corps, on emploie les fournitures. L’on commence par les bords du front : nous avons dit comment on en prenoit la mesure, & qu’il falloit les tresser fin & serré ; à la fin du front on fait une petite étoile, c’est-à-dire cinq ou six passes : tressez ferme, serrez, & laissez de chaque côté un quart de vos trois soies ; nous marquerons en son tems où ces passes doivent se poser. Si la tempe de ladite mesure étoit sur le 2, il seroit à-propos de faire les devans par rang de la longueur du dernier rang d’en haut de la mesure : le 1 & le 2 faits, on mettra un crin à chaque passe ; mais comme la tempe de ces mesures n’est que sur le I, on peut faire une tresse de suite également sur le I, en mélant toujours un crin à chaque passe, cela se tresse & se coud plus vîte : il en faut ordinairement au-moins trois ou quatre aunes. Ainsi finit ce qu’il faut pour le devant.

Ensuite on travaille la plaque, qui se fait de cheveux frisés naturellement : les plus fins sont les meilleurs, la plaque va mieux sur la tête. Si les cheveux naturels ne frisent point assez, on peut en mettre de frisés en dedans. D’ordinaire on fait la plaque de la longueur du dernier corps de rangs croisés. A la perruque que nous traçons ici, le dernier corps de rang est sur le 6, par conséquent il le faut sur le 6, en observant que les paquets-soient épointés. Il en faut aux environs de quatre ou cinq aunes, & en faire en commençant la valeur du quart avec le 6, en y mêlant une passe dudit paquet de plaque avec une passe du 6, si le dernier corps de rang est sur le 6, en observant que la tresse soit fine & point trop entassée. Voilà tout ce qui concerne le tressé de la perruque que nous venons de détailler.

Présentement il s’agit de la monter : il faut commencer par les bords du front ; on monte ordinairement avec de la soie un peu forte, ni trop grosse, ni trop fine. Il faut d’abord l’attacher, en faisant un nœud de tisserand tout près de la tresse, le moins gros qu’il se peut. Il faut coudre à petit point entre chaque passe, & que le point soit bien ferme & serré, & sur le bord de la lisiere du ruban, observant de n’aller ni dessus ni dessous. Quand on est au bout on arrête proprement, après quoi on frappe tout du long pour resserrer le point, & pour que le bord soit moins épais : ensuite on prend le premier tournant, que l’on arrête & que l’on coud de même jusqu’à l’endroit où est posé le cordonnet, par-dessus lequel on fait le tournant de façon qu’en serrant le cordonnet rien ne l’arrête. Quand on est à la fin du tournant, il faut bien l’arrêter, & même revenir avec le bout de la soie par-dessus, formant cinq ou six points : cela est plus propre, & en peignant la perruque aucune passée ne s’échappe. On coud l’autre de même, & on l’arrête sur le bout de celui-ci : on coud ensuite un morceau de bougran, que l’on découpe selon la forme du ruban. Il faut qu’il soit posé depuis le bas de la joue jusqu’au-dessus de l’œil, touchant toujours la tresse du premier tournant. On le coupe quarré parderriere ; on le fait à-peu-près de la largeur de quatre doigts : ensuite on coud le second tournant, en commençant à la hauteur du premier, à deux lignes ou environ du premier : on va toujours de suite jusqu’à la fin, & l’autre côte se fait de même, observant que les fils soient égaux d’un côté & de l’autre, pour que les corps de rangs soient posés également. Ensuite il faut mettre en boucle, prendre les corps de rangs, & regarder le sens de la frisure, pour qu’elle ne se trouve point en-dessous. Il faut observer que le premier rang par-devant est commencé sur le 6 ; par conséquent comme il y en a deux dessus, le poser dans le milieu de la hoche. La mesure étant ainsi prise, la fin de ce rang doit arriver jusqu’à la fin du tournant ; cela exécuté, on passe aux autres rangs : on coud le premier de même ; on recoud ensuite le second de ce même côté, en le posant sous les fils du 5 : l’on reprend l’autre côté, & l’on coud deux rangs de suite ; le dernier des deux rangs sert de pié d’attente pour l’autre côté : il en est toujours de même jusqu’à la fin des grands corps de rangs, observant de les poser avec attention dans chaque hoche, comme il a été dit ci-dessus.

Les grands corps de rangs étant ainsi cousus, on peut coudre les petits tout de suite du même côté, observant de coudre les six premiers du bas plus serrés que les autres. Il faut de tems en tems compasser, pour qu’ils ne soient pas montés plus haut ou plus bas d’un côté que de l’autre ; après qu’on a monté tous les petits rangs d’un côté, il faut monter l’autre côté de même avec attention.

Si l’on n’a point posé l’étoile après avoir cousu le bord du front, il faut commencer par la poser. Nous avons dit qu’on laisse trois soies de chaque côté : on les enfile toutes trois dans une aiguille que l’on passe juste dans la petite raie que l’on a faite avec de l’encre au ruban, tout près de la tresse du bord du front. On fait sortir les trois soies hors du ruban avec un point un peu alongé ; ensuite on rensile les trois autres soies de l’autre côté, que l’on repasse avec la pointe de l’arguille dans le même trou, en faisant de l’autre côté le point égal. On tire les sojes de chaque cote, jusqu’à ce que le petit bout de tresse soit entré dedans, & on l’arrête de chaque côté.

On prend ensuite un morceau de bougran de la longueur du petit ruban, que l’on coupe de la même forme que l’on a fait la pointe ; si l’on veut que la pointe soit plus ferme, on peut y mettre dessous de la gomme arabique : elle ne doit être ni trop épaisse ni trop liquide. Après en avoir bien barbouillé le ruban, il faut passer le bougran, que l’on laisse de la largeur de trois ou quatre doigts à-peu-près, selon la largeur qu’on veut donner au devant ; on prend ensuite la tresse faite sur le I, comme nous avons dit. On peut coudre un rang du devant contre le bord du front, il fera en cet endroit un second rang, comme un second tournant ; puis on coud le devant de la largeur du dernier petit rang. Si l’on veut que le devant soit bien large, on continue à le coudre de même ; si au contraire on ne veut pas qu’il soit si large, on diminue peu-à-peu. Il faut que les rangs soient un peu serrés : le dernier doit être placé sur la petite raie du ruban large, qui doit se trouver juste dans le milieu de la tête ; on coud l’autre côté, en observant de le coudre de même, c’est-à-dire ni plus large, ni plus étroit, ni plus serré, ni plus écarté, avec autant de rangs d’un côté que de l’autre ; & enfin de coudre le dernier rang d’un côté sur le dernier rang de l’autre côté.

Ensuite il faut prendre la plaque : on commence par le côté où l’on a mis du frisé, & l’on coud de suite comme l’on a fait pour le devant, toujours en retournant la tresse à la fin de chaque rang ; il ne faut pas presser les rangs autant que sur le devant. Vous ne devez poser chaque rang que sur la fin de chaque petit corps de rangs, en allant toujours jusqu’au devant en fer à cheval, ensorte que cela finisse jusqu’à une passée ou deux rangs de devant, qui en feront la fermeture. Ainsi finit la monture de la perruque.

Il faut ensuite faire allumer un réchaud de charbon, le couvrir de cendres, & y mettre un fer à passer fait pour cet usage : ce fer a à-peu-près la forme de la moitié d’un fer à friser ; les uns en ont de faits en marteau, les autres en une espece de boulon : il n’y a point de regle là-dessus. On fait chauffer ce fer de façon qu’il ne puisse brûler les cheveux ; on commence par le bas en prenant deux rangs à deux rangs. On a de l’eau dans un pot, où l’on trempe deux doigts que l’on applique depuis la tresse jusqu’à la frisure, & même jusque sur la frisure si elle se trouve trop haute : on va de même jusqu’à la tempe ; ensuite l’on prend un peu de cheveux que l’on renverse sur les côtés : on fait de même meche par meche jusqu’au milieu du devant, en revenant toujours en avant jusqu’au bord du front ; & quand on est arrivé au milieu du bord du front, on partage le petit bout des tresses que l’on nomme étoiles, en deux, l’un à droite & l’autre à gauche, c’est ce qui lui fait faire l’étoile. Ensuite on étend un papier double sur toutes les parties que l’on a passées : on l’arrête avec des pointes de façon à ne se point défaire sur les genoux ; on passe alors l’autre de même, avec l’attention de ne point baisser la frisure des cheveux courts. Quand elle est un peu refroidie, il faut la passer aux ciseaux ; on la met de côté sur les genoux, & l’on commence d’abord par les deux tournans, en coupant les pointes également toujours en descendant, & ensuite on retranche la longueur d’un pouce : on suit de même en descendant jusqu’à la moitié de la perruque. On remet les côtés en boucle ; on ratache le papier, & l’on passe l’autre côté, le devant & la tempe demandent plus d’attention. Il faut les couper de plusieurs façons ; au commencement c’est en descendant comme le quarré, & puis en long deux rangs à deux rangs, en commençant du côté du bord du front en coulant en arriere, où il faut qu’ils soient toujours plus longs ; & puis il faut les dégarnir légerement, de façon qu’en peignant le devant & les tempes, les cheveux ne pelotent point, & s’arrangent au coup de peigne.

Il faut ensuite démonter l’ouvrage, & bien éplucher tous les fils. On y passe une soie forte depuis le coin du bord du front jusqu’au commencement du cordonnet. Cette soie sert à ramener le bord en-dedans, & à le faire mieux coler. Il faut coudre à petits points, & serrer doucement, pour qu’il n’y ait point de froncement & de plis. Il faut travailler l’autre côté également, & puis frapper le bord avec un marteau pour le rabaisser ; puis on retond le dessus de la tête, & on repasse le fer doucement le long de la bordure. S’il y a quelques cheveux qui soient rétifs, on prend un bout de chandelle, que l’on frotte légerement dessus ; on trempe les doigts dans l’eau, on les passe sur ces cheveux, & ensuite on les serre jusqu’à ce que l’on les ait entierement couchés & domptés. Il faut connoître le point juste de chaleur du fer ; car s’il est trop chaud, il roussit & brûle, s’il ne l’est point assez, il ne dompte point les cheveux, & ne les couche point. Cela fait, il faut prendre de l’huile & de la pommade, les bien marier ensemble, en bien humecter la perruque, & passer ensuite un grand peigne partout dans les cheveux, observant de peigner le devant & la tempe dans leur centre. Après quoi on peigne bien à fond toute la perruque. Si l’on n’en est point pressé, il est plus à propos de la laisser reposer un jour ou deux, remise avec attention dans ses boucles.

On fera la monture d’une perruque nouée comme celle du bonnet dont nous venons de parler. Il faut observer la même régularité pour les tresses. Les tournants n’étant point si longs, & ne marquant que la face, il faut qu’ils ne soient point plus garnis que les autres ne l’ont été, jusqu’à la face. Voyez dans nos Planches la mesure de la perruque nouée.

Il faut observer de suivre la même régularité pour le corps, tressant les trois premiers à simple tour. Les deux qui sont sur le 9 doivent être à corps garni, & ce qui est étagé derriere, doit être le plus garni. Ce que l’on appelle étage, est le paquet qui est le plus court derriere. Après il s’en trouve 3 sur le 8, le 7 & le 6. Il faut diminuer la garniture à proportion, comme nous avons dit plus haut, observant que quand on est arrivé au rang qui est sur le 4, il faut faire l’étage de derriere plus fin, & toujours en montant aux courts & plus fins, par-derriere.

Le devant doit être tressé. Les bords du front & l’étoile travaillés à l’ordinaire. Au lieu de mettre les rangs jusqu’au milieu du derriere où est posé le cordonnet, on y met le boudin qui doit occuper à-peu-près cette largeur. Ensuite on place les nœuds qui doivent à-peu-près être de la même largeur de chaque côté. On fait une tresse, que l’on appelle tresse sur boucle. On en prépare communément 14 ou 15 rangs. La longueur du premier rang doit aller jusqu’à la premiere raie. On va toujours en remontant d’une raie. Voilà à-peu-près la conduite qu’il faut tenir. Il faut commencer le premier rang sur le 10 & en faire un, un peu garni. Ensuite le second prend le 9. On fait une passée, & puis une passée du 10. On quitte le 10, on en fait une sur le 9 seul, & sur le 9 & le 8, & ainsi de même jusqu’à l’1. On prend pour le former le toupet, la tête des cheveux tirés, & qui trop courts pour venir sont restés dans la carde. On y ajoute des cheveux frisés épointés à la longueur du 2. On les méle, on les retire à plusieurs fois & les remêle. Il faut 3 ou 4 aunes de ces tresses, que l’on appelle toupet de derriere.

Il ne faut point qu’elles soient tressées serrées, mais très-fin. Le nœud & la boucle se tressent de suite, & de la garniture du bas ; pour le tournant d’un bonnet, pour le nœud, il en faut deux ou trois rangs de la longueur de la mesure que nous avons indiquée, & pour la boucle, à-peu-près une demi-aune. Voilà tout ce qui regarde la tresse.

Présentement il nous reste à parler de la monture. Il faut monter le bord du front, l’étoile & les tournans. Ensuite on monte les nœuds au bout des tournans. On les laisse passer, comme nous avons dit, pour la boucle. Puis il faut prendre les corps de rangs ; le premier étant sur le 7, il faut le placer au fil du 6 du tournant ; en observant de le poser dans chaque espace où sont les fils que nous appellons hoches, comme nous l’avons dit. Il est à-propos que les rangs d’une perruque nouée fassent un peu le dos d’âne, en rabaissant la fin des rangs toujours en bas ; cela donne de la grace. L’on monte ensuite les devants à l’ordinaire. Après on monte la boucle, observant de laisser un petit espace de chaque côté entre elle & les nœuds ; cela sert à faire une pincée de chaque côté, si la perruque se trouve trop large. Ensuite l’on monte le dessus des boucles. Chaque rang ne doit être séparé que par un très-petit espace. Arrivé jusqu’au ruban large, on monte le toupet ; voici comment on s’y prend. Il faut tenir la tête de côté sur les genoux, poser le premier rang, au bout du premier rang de devant ; le coudre en descendant jusque sur le dernier rang de dessus des boucles, & en ajouter 5 ou 6 de chaque côté, de façon qu’il se trouve une séparation d’un doigt. On commence par le bas à coudre dans cette séparation, toujours sans couper la même tresse du toupet, allant & revenant & bien près, jusqu’à ce que l’on ait atteint le devant. Ainsi finit la monture de la perruque dont il s’agit.

Montée, on la passe aux ciseaux & au fer, comme nous avons dit plus haut, à la réserve du toupet, que l’on sépare par le milieu. La petite raie du ruban guide pour cela. En faisant l’ouverture, on renverse a droite & à gauche les cheveux du toupet sur le bout des corps de rangs ; on passe le fer dans le milieu pour les maintenir ; puis on les épointe, & on les passe aux ciseaux pour les mettre de la longueur des rangs.

Nous allons maintenant dire un mot de la perruque quarrée, ou perruque de palais. Voici la mesure que nous allons suivre, en commençant par les tournans. Voyez dans nos Planches la mesure de cette perruque.

Il faut tresser ces perruques quarrées, comme on a tressé la perruque nouée ; la monture étant faite de même, il faut la monter de même, observant que les tournans arrivent jusqu’à l’endroit où finissent les nœuds de la nouée. On laisse le même espace pour la boucle ; du reste on monte, on dresse, comme nous l’avons dit de la perruque nouée.

Nous avons oublié de parler de la longueur que l’on donne ordinairement au boudin. La perruque étant sur le 12, le boudin peut se mettre sur le 10 ou le 11.

La préparation se fait d’ordinaire moitié cheveux & moitié crin.

Il y a une sorte de perruque que l’on appelle à la brigadiere. Il n’y a guere que les anciens militaires qui en portent. La monture en est à-peu-près la même que celle des autres perruques. Voyez la mesure dans nos Planches.

Les tournans ici sont tressés comme ceux de la perruque nouée. Pour les corps de rangs longs, il faut qu’ils soient moins garnis sur le derriere que sur le devant ; le 10 & le 9 sont épointés pour être pris dans les cordons qui nouent le boudin ; les autres, à commencer sur le 8, seront garnis, comme le 6 ou 7, sur le derriere d’un bonnet, & sur la face de même. On monte les tournans comme ceux de la perruque nouée, en laissant les passées pour le boudin.

Il faut monter les rangs comme pour un bonnet. Mais au lieu de presser le derriere des rangs, comme à un bonnet, il faut plutôt les écarter, & finir le reste comme dans les bonnets. Le boudin sera de la longueur du 16, un à droite, & l’autre à gauche, se regardant. Voilà à-peu-près ce que l’on en peut dire. Nous finirons les ouvrages à monture pleine par la perruque des ecclésiastiques. Voyez la mesure dans nos Planches.

Cette perruque est sur le 16 ; mais la longueur ordinaire n’est que le 9 ou le 9 , c’est pourquoi nous y avons mis des demi-étages, c’est-à-dire, 1 & , un 2 & un 2 & , ainsi jusqu’à 9. La plaque se fait à-peu-près comme celle d’un bonnet.

Si on y veut une tonsure couverte, ce sont des religieuses qui les font au métier, & on les achete toute faites. Si l’on est dans un pays où l’on n’en trouve point, on peut en faire avec une tresse fine, que l’on coud en tournant ou en croisant, après l’avoir coupée à la hauteur de 3 lignes. Il y en a de quatre grandeurs ; celles de soudiacres, des diacres, des prêtres, des évêques, & même des archevêques. Nous avons encore une tresse que nous nommons tour de tonsure, qui se fait très-fine, à simple tour, & tressée pressée : quand on veut que ces perruques aillent au coup de peigne sans boucle, il faut couper presque toute la frisure.

Nous allons présentement parler de la perruque à bourse, qui est la plus moderne. On l’appelloit d’abord perruque à la régence, parce qu’elle fut inventée sous la régence du duc d’Orleans, il n’y a pas plus de quarante ans. C’est celle qui imite le plus les cheveux ; c’est pour cet ouvrage qu’on a inventé la monture à oreille. Cette monture est faite de la même façon que nous avons les cheveux plantés : je ne sais comment on ne l’a pas imaginée plutôt, car la forme des cheveux l’indique aisément. Nous en allons donner une idée par une mesure ; mais c’est celle qui change le plus souvent. On la fait tantôt longue, tantôt courte, tantôt large, & tantôt étroite, selon l’idée & le goût. Pour en faire la monture, on se sert d’une tête à tempes. On prend une demi-aune de ruban ou plus, selon la tête. On le plie par le milieu & l’on fait une raie avec de l’encre ; puis on fiche une pointe dans le milieu de la raie à l’endroit de la tête où l’on veut poser le ruban ; on en fiche une seconde à-peu-près dans la lisiere à la distance de deux ou trois lignes. On releve le ruban vers la raie ; l’on cloue une troisieme & quatrieme pointes de chaque côté également ; elles doivent être plus en arriere que celles que l’on a posées d’abord. C’est ainsi qu’on forme la petite pointe de la perruque. Il faut ensuite mettre une pointe de chaque côté à deux pouces de distance de celle du milieu ; on prend ses dimensions pour le front, comme nous l’avons déja dit. La mode la plus commune à présent est de former une tempe, les cheveux étant communément plantés de cette maniere. Ceux qui les ont ainsi disposés l’exigent, & ceux qui les ont autrement veulent qu’on l’imite. Pour former la longueur d’une face à la suite du front, il faut prendre communément la longueur d’une carte que l’on marque au ruban. Pour commencer la tempe, il faut poser une pointe environ 2 pouces après le front en l’avançant au-dessus de l’œil. Ensuite on tire le ruban en arriere, & l’on pose une pointe où l’on a marqué la raie. On releve le ruban à la hauteur où l’on doit marquer l’oreille ; après la mesure que l’on a prise sur la personne, & après avoir mesuré sur la table où l’on fait la monture, on doit voir la hauteur. Il faut prendre garde que le ruban ne tombe sur l’oreille, parce qu’en le serrant, cela peut blesser. Ayant éloigné le ruban jusqu’à l’extrémité de l’oreille, on le plie en deux, on le cloue avec une pointe, & on le rabat derriere l’oreille jusqu’au bas du col ; on y met une pointe, & l’on en fait autant de l’autre côté. Il faut compasser avec attention les deux côtés pour qu’ils soient égaux, & que la perruque n’aille de travers. Ensuite on pose les fils comme nous l’avons déja dit. Les pointes indiquent les droits à-peu-près où on doit les mettre. On place la coëffe, le ruban large & le tafetas, ainsi qu’il a été prescrit. On peut faire aussi des perruques à oreille sans tête à tempes. On y en ajoute avec des cartes que l’on coupe. Cela dépend du goût & de l’idée de l’ouvrier ; ce qui convient à l’un, ne convient pas toujours à un autre. Voyez dans nos Planches la mesure de la perruque à bourse.

En commençant par les corps des rangs, il faut que les 2 & 3 premiers rangs soient tressés un peu garnis à simple tour. Au bout de ces rangs on peut y mettre la longueur de 2 pouces de cheveux lisses environ une demi-aune ; c’est ce que l’on appelle derriere de bourses. Il faut y passer une passée de cheveux frisés entre un paquet plus court que les lais du rang que l’on tresse derriere. Pour l’accommodage d’aujourd’hui il faut épointer tous les paquets, c’est-à-dire, mettre une passée plus courte que celle que l’on tresse au bord du front. Ces perruques-ci, qui ne sont point ouvertes sur le front, comme celles que nous venons de décrire, s’appellent bord de front à toupet. Pour cet effet, il faut, dans le milieu du rang du bord de front, faire la largeur d’un pouce de tresse à simple tour, fin & serré. On tient le bout plus court ; on fait une étoile derriere, & 1 pouce ou 2 de tresse sur l’1 avec la tête plus longue & à simple tour. On la monte à-peu-près à l’ordinaire, commençant par les bords de front, l’étoile, les tournans, les corps de rangs & le devant, que l’on élargit, ou que l’on retrécit plus ou moins, selon que la mode ou les personnes l’exigent. Il le faut de la largeur du bout du doigt. On ne coud point les rangs de devant jusqu’à bord de front. Le bout que j’ai dit devoir être fait de la longueur d’un pouce ou deux, doit être cousu derriere l’étoile à la petite pointe. Il faut mettre le visage de la tête devant soi, & coudre cette tresse à la renverse en zig-zag, bien près, au 4 ou 5 petits rangs. On monte la plaque de derriere. Il faut en avoir environ une aune où il y ait une passée de frisée. On finit le haut comme nous avons dit à la plaque du bonnet. On la passe au fer, comme nous l’avons dit des autres.

Pour la passer au ciseau, la façon est différente, car pour l’accommodage d’aujourd’hui on les épointe. Autre fois si l’on eût vu travailler ainsi, on auroit cru la perruque perdue. Pour épointer, voici comme on s’y prend : la perruque étant sur le 6, le 5 & le 4, on prend les deux premiers rangs ; on commence par l’étage du 4 : on a des ciseaux à découper ; on tient de la main gauche la pointe du cheveu, & le ciseau de la main droite. On coupe légerement la pointe toujours en éfilant légerement jusqu’à la pointe du cheveu, & de même jusqu’à la fin du rang. On reprend ensuite ceux du 5, & l’on en fait autant jusqu’à l’1, & jusqu’au-devant, toujours de 2 rangs en 2 rangs, & jamais plus large que 2 lignes. Dans les courts, sur le bord du front, on les épointe presque de passée en passée. C’est un ouvrage très-long & très-difficile ; quelquefois un jour n’y suffit pas. Pour que les 2 côtés soient égaux, il faut une attention & une régularité infinie. Quelquefois on gâte un tiers des cheveux qui sont à la perruque. On met aussi des frisons ou favoris qui tombent sur le col. On fait à-peu-près une demi-aune de tresse sur un paquet épointé, du 2, du 3 & du 4 ensemble, que l’on coud en zig-zag sur le ruban qui se trouve au bas de l’oreille. La perruque épointée, on coule les ciseaux en descendant, comme nous avons dit aux autres. Ensuite on la démonte, & l’on coud par-derriere une jarretiere du côté droit large du doigt, & de l’autre côté un autre bout de jarretiere avec une boucle d’acier. Il faut coudre cette jarretiere au bout du ruban bien ferme, afin qu’en serrant elle n’échappe point. Pour que la perruque serre également, il faut faire attention que la boucle se trouve juste dans la fossette du col. Ceci fait, on démonte la perruque, on passe la soie, & on repasse un peu le fer sur les bords, comme nous avons dit : on la repeigne à fond, & tout est fini.

De la perruque nouée à oreille. La monture s’en fait à-peu-près de même qu’à la perruque à bourse. Voyez-en la mesure dans nos Planches.

Une perruque nouée, telle-que celle-ci, se fait communément avec un toupet, comme nous l’avons expliqué de la perruque à bourse, excepté que le devant est de beaucoup plus étroit que le dernier corps de rangs, comme nous le marquons a la mesure. On peut faire aussi un devant ouvert, comme nous l’avons dit en parlant d’une autre perruque nouée, toutes les tresses se montent de même, à la reserve des nœuds qui doivent être un peu longs de cheveux, puisqu’on les monte plus haut. Il faut tresser ces nœuds plus fins, & faire au moins une demi-aune de tresse de suite de chaque côté, on coud en allant & venant. Si l’on veut que l’accommodage soit en grosses boucles détachées, il faut l’épointer comme à la perruque à bourse. Si on la veut toute peignée, on l’étage comme l’autre, on passe le fer & les ciseaux comme aux perruques à bourse ; on la démonte ; on ôte le fil ; on passe la soie ; on repasse le fer, & on la peigne à fond.

Des perruques quarrées à oreille. La monture est à-peu-près celle des perruques nouées, & la tresse à-peu-près la même, hors le bas qui doit être plus garni. Voyez la mesure dans nos Planches.

Le 1r jusqu’au 6 doit être tressé légerement, le 2 doit l’être de même ; mais depuis le 6 du premier jusqu’à la fin, ils doivent être de la même garniture que nous avons spécifiée à l’autre perruque quarrée. Les quatre petits rangs doivent être aussi tressés, un peu garnis, & le reste comme le milieu d’une perruque. Quand les rangs sont montés, on monte le boudin, les autres tresses sont les mêmes qu’aux autres perruques, on passe de même le fer & les ciseaux. Voyez dans nos Planches la mesure d’un bonnet à oreille.

Il faut faire deux tournans de même un peu garnis depuis le 6 jusqu’au bout, & légers depuis le 5. Il faut que les quatre ou cinq premiers grands corps de rangs soient tressés garnis ; le reste des grands autant sur le devant que sur le derriere, & les autres à proportion. Si l’on veut on peut faire un petit devant ouvert, mais d’ordinaire on les fait avec un toupet. Ces bonnets-ci se montent à-peu-près de même que les autres ; on les épointe, on les coupe aux ciseaux, & on les passe au fer comme la perruque à bourse.

La différence qu’il y a entre une perruque à oreille & une autre, c’est que le ruban & la tresse n’en avancent pas tant sur les joues ; il faut que ce soit les cheveux qui les couvrent, c’est pourquoi on les travaille plus au long. Voyez dans nos Planches la mesure d’une perruque d’abbé à oreille, avec les étages & les demi-étages. Les étages ne peuvent se suivre de trop près.

Cette perruque se monte & se tresse comme les bonnets à oreille : on serre les rangs sur l’oreille un peu plus que sur le derriere. Si l’on veut une tonsure ouverte, il faut prendre une coëffe qui ne soit point finie derriere. En l’étendant sur le devant de la tête, la coëffe s’ouvre derriere ; quand on l’a au point que l’on veut, on passe un fil dans toutes les mailles, & on l’arrête en renouant les deux bouts ensemble, on passe ensuite les ciseaux & le fer comme aux autres.

La perruque naturelle à oreille, dont on verra la mesure dans nos Planches, se tresse comme les autres, le bas un peu garni ; la monture est la même qu’aux autres perruques à oreille. Il faut observer que la plaque en est difficile à préparer ; il en faut faire plusieurs paquets ; que ce soient des cheveux lisses & naturels, & qu’elle ne tombe pas trop longue dans les frisés. A mesure que l’on fait des rangs, il faut en ôter un des courts & en remettre un plus long. Quand on a fini le rang, il faut commencer la plaque en faisant de petits rangs sur deux ou trois paquets, & les remettre toujours les uns dans les autres, ils en seront plus épointés ; à mesure que l’on monte plus avant, il faut toujours en remettre de plus longs, pour que la plaque qui est déjà montée auprès du devant, retombe dans la seconde boucle du bas : à l’égard de la monture, du dégarnissage, de la coupe aux ciseaux, & du fer, c’est la même chose qu’aux autres perruques à oreille.

Des perruques de femme, que l’on appelle communément chignon. Ce sont les perruques les plus modernes, puisqu’il n’y a pas plus de vingt ans que l’on en porte ; elles ne se sont perfectionnées, comme on les voit aujourd’hui, que depuis dix ans. La monture se fait à-peu-près comme une monture à oreille. Pour qu’elles aillent bien, il faut exactement se conformer à la maniere dont les personnes ont les cheveux plantés, puisque l’on rejette dessus les tempes & le toupet. Il faut communément que le front soit rond & étroit, la pointe un peu aiguë, & la tempe trés-droite, le bas venant un peu de la joue & pointu, l’oreille point trop en arriere, la partie de derriere l’oreille très-rabattue. Ensuite on fait une avance au bas de l’oreille. Il ne faut point que le ruban soit ouvert, mais qu’il soit cousu comme aux montures fermes. On met un peu de bougran à la pointe du front de la largeur du doigt, de même qu’à la pointe de la tempe au bas de l’oreille on met du fil d’archal brûlé que l’on coud de la largeur de trois doigts, de la hauteur de tout le ruban : on ne met point de coëffe, on y coud un taffetas avec attention pour qu’il ne poche point, & on n’y met point de ruban large ; pour la conduite on n’a point de mesure, on travaille avec des tresses de suite, d’abord sur le court qui est 1 ; les hauteurs les plus longues pour le bas ne passent point le 6. Nous avons dit que la frisure se frise très-petite & toute roulée. Si l’on veut que le chignon soit tout à plein & tout bouclé, il faut coudre la valeur de deux aunes du 6, si la personne pour qui l’on travaille a le cou long, si elle ne l’a pas long le 5 suffit. Après le 2 on coud deux aunes de suite, & autant des autres jusqu’au plus court. On coud la plus courte à bord de front, & tournant on fait une face de la largeur de trois doigts, & on coud tous les rangs en pente pour faire la boucle en long. Les uns cousent le bas en fer à cheval, les autres le cousent droit ; cette façon de coudre dépend de la façon d’accommoder : il faut en tout que les tresses soient un peu garnies, le bas davantage, & montées les unes près des autres. Un chignon doit avoir communément quinze aunes de tresses. Le haut se finit à-peu-près comme la plaque : on passe ceci au ciseau légerement, & le bord légerement au fer.

Voilà à-peu-près comme se fait un chignon plein. Il y en a en abbé, à la paresseuse, d’autres avec deux boucles sur l’oreille. Ceux d’abbés se font pour la monture comme nous avons dit : on fait derriere la valeur de deux ou trois boucles, & ensuite on prend des cheveux naturels de plusieurs longueurs. Si l’on finit la brisure sur le 4, on fait un 4 de cheveux naturels peu frisés, un 3 & un 2, & on en tresse proportionnément pour faire les devans ; on coud sept à huit petits rangs de courts frisés ; ensuite on a une tresse faite avec des cheveux un peu longs & crêpés forts, que l’on tresse & que l’on coupe de la longueur du doigt, & l’on en forme la face ; on monte ces tresses naturelles jusqu’en haut. Quand on a cousu les frisés, on a de ces tresses crêpées, tressées avec une passée de frisés, que l’on monte de même jusqu’au haut. Ce sont ceux à la paresseuse qui paroissent être frisés sans l’être & qui gonflent le moins. On fait aussi des favoris de boucles : les favoris sont très-anciens. On les faisoit autrefois comme une espece de croissant sur le front, comme on le voit encore dans les anciens portraits des dames : pour faire ces favoris on faisoit une tresse de suite qui étoit sur le 1 & le 2, que l’on montoit sur un ruban noir que l’on attachoit aux cheveux en avant ou en arriere, selon qu’on vouloit qu’il avançât. Présentement on fait de petites boucles que l’on met sur les tempes ; on les fait avec une tresse faite d’une frisure semblable à celle du chignon, & on les monte sur un fil d’archal brûlé, de la grosseur d’une petite paille ; si on les veut à droite, on les monte en tournant du côté droit, & de même à gauche : l’on plie le fil d’archal qui prend la forme que l’on veut, & on le coupe au bout où l’on peut attacher les épingles ; on en fait de longues & de courtes que l’on place au-dessus des oreilles & au-dedans, de façon qu’une femme peut avoir le chignon retroussé, & en mettant de ces boucles au bas des oreilles, on croit qu’elle a le bas de ses cheveux frisés.

Il y a encore d’autres boucles qui servent pour les dames de cour ; les jours des grandes fêtes elles en mettent quatre ou six ; les deux plus longues se mettent sur le derriere. Elles portent ordinairement trois quarrés. Il faut pour qu’elles fassent bien le boudin, que ce soient des cheveux qui ne crêpent point, au contraire qu’ils soient lisses & frisés naturellement ; la frisure se fait, comme nous l’avons dit, de la frisure des boucles ; les deux d’ensuite sont de demi-aune, elles se posent derriere les oreilles ; les deux autres sont d’un quart & demi, elles se posent au-dessus des oreilles : ces boucles ne se tressent point ; on enveloppe la tête avec un ruban que l’on noue ferme avec un fil fort, & on les attache par le ruban avec des épingles.

On a ensuite la cadenette ; il faut avoir une coupe de cheveux longs & garnis sans être tirés. Si elle est trop quarrée, il faut l’épointer pour qu’elle soit plus grosse en haut qu’en bas. Il faut qu’elle soit tressée gros & bien pressé, & ensuite on la monte sur un ruban pour un chignon de cheveux droits : pour le revers de la cadenette il faut au contraire qu’il soit long & quarré. On fait avec un ruban étroit une espece de rond ; puisque cette coëffure ne prend que derriere les faces, il ne faut ni pointe ni rien qu’une espece de calote ; que le ruban soit doublé tout-au-tour pour y passer la cadenette, dont le bout doit sortir par en haut, pour se cacher mieux sous la garniture ; on attache sur le ruban un réseau sans le garnir de tafetas ; on le tresse garni & on le monte sur réseau.

Des tours qui alongent les cheveux aux gens de robe. L’on ne peut guere donner de mesure de ces tours ; les cheveux manquant aux uns dans un endroit, aux autres ailleurs. Il ne s’agit ici que d’une tête qui a assez de cheveux, & qui ne veut que les alonger. Si elle les a très-garnis derriere, l’ouvrage devient plus difficile, attendu qu’il faut que le bas soit encore plus garni que le haut. Je suppose que la personne ait les cheveux au 10 derriere, & qu’elle veuille son tour au 15, il faut prendre 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15 ; faire sur le 15 un petit rang de la largeur de trois doigts, & un peu garni ; on fait ensuite une mesure de la longueur d’une oreille à l’autre. Supposez que la largeur du papier soit de la longueur marquée dans nos Planches, voici comme l’on fait.


9 10 11 12 13 14 15 | 15 14 13 12 11 10 9

On travaille à trois soies ; dans le milieu où il y a une raie, on met un fil, puis l’on continue le 15, le 14, & ainsi des autres. Avec les petits on a 2 sur 15, & 1 sur chaque rang par les longs jusqu’au 11 ; ensuite on coud tous les rangs ensemble, comme nous le dirons après. Si l’on veut un tour en plein pour garnir depuis le haut de la tête jusqu’au bas, il faut faire une mesure comme celle des tournans, mais l’engager davantage. On tresse les tournans jusqu’aux plus longs, & l’on met un fil sans faire de séparation. Je suppose que la personne ait les cheveux épointés qui aillent au 16, on fait un tour sur le 10.

La mesure que l’on verra dans nos Planches éclaircira la chose. Quand ce sont des cheveux épointés sur le 16, voila la mesure qui convient pour faire un tour en plein, observant que ce n’en est que la moitié. Il faut que l’autre côté tienne ensemble sans séparation, seulement par un fil que l’on met dans la tresse pour marquer le milieu ; on coud tous les rangs les uns sur les autres, en ordre comme la mesure l’indique ; ensuite on y coud un cordonnet ou une corde à boyau, & l’on fait une espece d’œillet avec la soie ; on passe le cordonnet dedans, & on l’arrête après avoir bien pris ses dimensions pour la grosseur de la tête, puis on borde avec un ruban noir pour que les bouts des têtes de cheveux ne débordent point, & on pose en élevant les cheveux on passe les cheveux du tour dessous en faisant passer ses cordonnets sur la tête, & tirant le tout en devant. On peigne les cheveux par-dessus, & on ne voit rien-du-tout. On peut coucher avec ; on le frise avec les cheveux, & on ne l’ôte que pour peigner à fond.

Il y a encore des tours pour les faces, que l’on fait à-peu-près comme celui que nous venons de marquer jusqu’à 9 ; on met de même un cordonnet en haut, & par le bas deux autres cordons que l’on noue derriere : il faut pourtant après les frises y tresser des cheveux droits, & l’on peut, en peignant en arriere, cacher les deux cordons dont nous venons de parler.

Il y a des demi-perruques à mettre par-dessus les cheveux, quelque quantité que l’on en ait. On fait une monture, comme nous venons de dire pour les perruques à bourse. On travaille la face de même excepté que l’on emploie seulement un demi-travers de doigt de lisses, tressés à simple tour, puis un rang des mêmes lisses aussi-bien garni, que l’on coud en cercle jusqu’à l’endroit où l’on a fini d’attacher le ruban large ; on commence depuis le coin d’une oreille en remontant jusqu’au milieu de la raie du ruban large, & redescendant de même jusqu’à l’autre oreille, après quoi on replisse tous les rangs, on monte le vuide de lisse jusqu’au devant, comme aux autres perruques ; on passe aux ciseaux & au fer : après avoir fini on coupe les réseaux tout auprès du rang dont nous venons de parler ; pour-lors il ne reste que la face & quelque peu de lisses pour couvrir les cheveux : on se sert de deux cordons qui servent à serrer derriere.

On fait aussi des tempes de toupet ; après avoir pris ses dimensions on travaille comme pour une monture ; on monte le toupet de même, après avoir préparé le rang du bord de front, on fait d’autres petits rangs de la longueur du pouce, on y tresse derriere de la plaque. Si la personne a des cheveux en bourse, on la met longue ; si elle porte des cheveux ronds, on la met plus courte, comme celle d’un bonnet, après avoir passé au fer : on attache deux cordons de soie noirs ; on serre derriere, comme nous l’avons dit pour la demi-perruque, ou bien on se sert d’agraphes.

Voilà à-peu-près tout ce que l’on peut dire d’un art dont le travail est si subordonné à la fantaisie. Qui ne riroit pas en effet de voir une personne maigre, à joues creuses, à cou long, se faire accommoder bien court, bien en arriere, le derriere bien accompagné, & prendre toutes les précautions possibles pour se faire une tête de mort ?

Des perruques à deux queues. Elles sont plus ordinaires dans les cours d’Allemagne qu’ailleurs. On ne pouvoit se présenter devant le pere de la reine d’Hongrie d’aujourd’hui sans ces deux queues ; jeunes ou vieux, tous devoient en avoir. Ces coëffures se portent pour les grandes fêtes & pour les bals parés. Elles servent aussi aux comédiens dans les rôles de princes tragiques. Voyez-en la mesure dans nos Planches.

Ces perruques se tressent comme les perruques naturelles dont le derriere de la face iroit jusqu’à 12 ; & comme la mesure ne croise pas, on remplit le vuide avec la plaque qui sert à faire les deux queues ; le reste se tresse en diminuant & finit de se tresser de même. Communément on y fait des devans à toupet, quoique l’on puisse y en ajuster d’autres. La monture est celle d’une perruque à bourse, & se termine de la même maniere. Il faut observer qu’en préparant les lisses, il faut les faire épointées dans le bas pour que la queue aille en diminuant. Il est à propos que le bas frise pour qu’il sorte une boucle à l’extrémité des queues.