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pellée communauté des Couteliers. Les statuts de cette communauté sont de 1505. Ils ont quatre jurés qui se sucedent deux à deux tous les ans. Les maîtres ne peuvent faire qu’un apprentif à la fois. Celui qui veut se faire recevoir doit faire chef-d’œuvre ; il n’y a que le fils de maître qui en soit exempt. Chaque maître a sa marque. Les veuves peuvent tenir boutique, mais ne peuvent faire d’apprentifs ; elles continuent seulement ceux que leurs maris ont commencé.

Les principaux outils du coutelier, sont une enclume à bigorne d’un côté & à talon de l’autre, sa forme est du reste peu importante ; il suffit qu’elle soit bien proportionnée & bien dure. Une forge semblable à celle des Serruriers, des Taillandiers, des Cloutiers, & autres Forgerons ; des tenailles & des marteaux de toutes sortes ; des meules hautes & basses ; des polissoires pareillement de différentes grandeurs ; des brunissoirs, des forêts, des arçons, des limes, des pierres à aiguiser, à repasser, & à affiler, des grands étaux, & des étaux à main, &c.

Voyez à l’article Rasoir, une des pieces de Coutellerie les plus difficiles à bien faire, le détail de presque tout le travail que le coutelier ne fait qu’appliquer diversement à d’autres ouvrages. Voici comment il s’y prend pour faire un couteau à guaine. Il a une barre d’acier, il y pratique une entaille sur le quarré de l’enclume ; il forme la scie du couteau de la portion d’acier comprise au-dessus de l’entaille ; il conserve de l’autre part autant de matiere qu’il en faut pour la lame : dans cet état cela s’appelle une enlevure de couteau ; il forge la lame ; il acheve la scie : quand on vouloit des coquilles, on avoit des mandrins & des enclumettes à l’aide desquelles les coquilles se faisoient : on dresse le couteau à la lame ; on le trempe, on l’émout, & on le polit ; les meules & les polissoires doivent être très-hautes pour cet ouvrage dont la lame est très-plate ; elles ne doivent être ni trop ni trop mal rondes. On peut rapporter presque tous les ouvrages du coutelier à cette espece de couteau ; au rasoir, voyez Rasoir, & au ciseau, voyez Ciseau.

COUTELIERE, s. f. (Guainier.) étui de bois couvert de cuir, où l’on met les couteaux de table. Ce sont les maîtres Guainiers qui font ces étuis, & de qui les maîtres Couteliers les achetent. Ils font aussi partie du négoce des Quincailliers, qui vendent de la coutellerie foraine.

Les couteaux, cuillieres, & fourchettes que l’on met dans les étuis, dont l’intérieur est tapisse de velours ou de quelqu’autre étoffe de laine, comme, par exemple, la ratine, sont séparés les uns des autres par de petites cloisons vêtues & couvertes des mêmes étoffes.

COUTELINE, s. f. toile de coton, de 14 aunes de long sur trois quarts à cinq six de large. Elle vient sur-tout de Surate ; elle est blanche ou bleue. Voyez les dictionn. du Comm. & de Trév.

COUTELLERIE, s. f. (Art méch. & Comm.) ce terme a deux acceptions ; il se prend premierement pour l’art du Coutelier, en second lieu pour ses ouvrages. Il entend très-bien la coutellerie. Il a un grand magasin de coutellerie.

COUTER, v. act. (Comm.) terme relatif à la valeur des choses. Combien cela vous coûte-t-il ? peu de chose. Du verbe coûter on a fait l’adjectif coûteux, qui marque toûjours une valeur considérable quand il est employé seul.

COUTIER, s. m. (Manuf. de toile.) ouvrier tissutier qui travaille le coutil.

COUTIL, s. m. grosse toile toute de fil qu’on employe communément en lit, pour matelats de plume, traversins, oreillers, tentes. Les pieces sont depuis 120 jusqu’à 130 aulnes de long, & depuis deux

tiers jusqu’à trois quarts de large. Les coutils de Bruxelles sont très-estimés.

COUTILLE, s. f. (Hist. mod.) espece d’épée plus longue qu’à l’ordinaire, menue, à trois pans, & tranchante depuis la garde jusqu’à la pointe. Elle étoit en usage parmi nos soldats sous Charles VII. ceux qui s’en servoient étoient appellés des coutillers.

COUTOIRS ou CLOVISSE, (Pêche.) sorte de coquillage : on en fait la pêche avec une espece de houe semblable à celle dont on se sert pour travailler les vignes, les mahis, & le millet. Ce sont ordinairement les femmes qui les pêchent. Il s’en fait pendant le carême une extrème consommation : on en porte à Bordeaux une grande quantité, outre ce qui s’en renverse dans les campagnes voisines de la baie : on les met dans des sacs ou dans des barrils, qui vont quelquefois jusqu’à Toulouse & en Languedoc, ces sortes de coquillages pouvant se conserver en hyver plus de quinze jours à trois semaines.

COUTON, s. m. (Hist. nat. bot. exotiq.) arbre du Canada assez semblable à notre noyer, & rendant par les incisions qu’on y fait, un suc vineux qui l’a fait appeller arbor vinifera, couton, juglandi similis.

COUTRAS, (Géog.) petite ville de France dans le Périgord, sur la Dordogne. Long. 17. 32. latit. 46. 4.

COUTRE, voyez Coutrerie.

Coutre, s. m. (Œconom. rustiq.) morceau de fer tranchant fixé à un des côtés de la charrue ordinaire, & dont l’usage est d’ouvrir & verser la terre. Voyez Charrue.

COUTRERIE, s. f. (Hist. ecclés.) fonction subalterne qui consiste à sonner les cloches, avoir soin du luminaire, entretenir les lampes, & garder les clés de l’église. Celui qui en étoit chargé s’appelloit le coutre.

COUTUMAT, s. m. (Comm.) quelques-uns prononcent contumat. Il se dit en Guienne, particulierement à Bayonne, des lieux où se paye le droit de coûtume. Voyez Coûtume.

Le coutumat de Bayonne a dix-huit bureaux. (G)

* COUTUME, HABITUDE, s. f. (Gramm. syn.) termes relatifs à des états auxquels notre ame ne parvient qu’avec le tems. La coûtume concerne l’objet, elle le rend familier ; l’habitude a rapport à l’action, elle la rend facile. Un ouvrage auquel on est accoûtumé coûte moins de peine ; ce qui est tourné en habitude se fait quelquefois involontairement. On s’accoûtume aux visages les plus desagréables, par l’habitude de les voir. La coûtume, ou plûtôt l’accoûtumance, naît de l’uniformité, & l’habitude, de la répétition.

Coûtume, Usage, (Gramm. synon.) ces mots désignent en général l’habitude de faire une chose : on dit les usages d’un corps, & la coûtume d’un pays. On dit encore, avoir coûtume de faire une chose, & être dans l’usage de la faire ; telle personne a de l’usage du monde, tel mot n’est pas du bel usage. (O)

Coûtume, (Mor.) disposition habituelle de l’ame ou du corps. Les hommes s’entretiennent volontiers de la force de la coûtume, des effets de la nature ou de l’opinion ; peu en parlent exactement. Les dispositions fondamentales & originelles de chaque être, forment ce qu’on appelle sa nature. Une longue habitude peut modifier ces dispositions primitives ; & telle est quelquefois sa force, qu’elle leur en substitue de nouvelles, plus constantes, quoiqu’absolument opposées ; de sorte qu’elle agit ensuite comme cause premiere, & fait le fondement d’un nouvel être : d’où est venue cette conclusion très-littérale, que la coûtume est une seconde nature ; & cette autre pensée plus hardie de Pascal, que ce que nous prenons pour la nature n’est souvent qu’une premie-