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sante, pour dire qu’elle change promptement & se flétrit à l’air. Chambers.

* COULEUR, dans les Arts. Les artistes qui font le plus grand usage des couleurs, sont les Peintres, les Teinturiers & les Vernisseurs. Les Peintres les appliquent ou sur la toile, ou sur le bois, ou sur le verre, ou sur les autres corps transparens ; ou sur l’ivoire, ou sur d’autres corps solides & opaques ; ou sur l’émail, ou sur la porcelaine, ou sur la fayence, ou sur la terre. Voyez la préparation & l’emploi de ces couleurs, aux articles Peinture, Email, Fayence, Porcelaine, Poterie de terre, Verre, &c. & aux articles Teinture & Vernis.

Couleur, en terme de Bijoutier, est un mêlange de différens acides qui appliqués sur l’or & mis au feu avec lui, détruisent l’effet des vapeurs noires que l’alliage y excite lors de la cuisson, & lui restitue la couleur jaune ou mate qui lui est naturelle. C’est une opération indispensable dans les ouvrages gravés ou ciselés, pour donner aux ornemens & figures ce beau mat qui les détache du fond de l’ouvrage, quand ce fond est poli ; ou qui détache le fond des ornemens, quand celui-ci est pointillé, & que les reliefs sont polis. Il y a deux sortes de mélanges d’acide, connus sous le nom commun de couleur. Le premier, qu’on appelle tirepoil, est composé de sel marin ou commun, de salpetre & d’alun. Le second, de sel commun, de verd-de-gris & de vinaigre, & ne s’employe que sur les ouvrages qui ne pourroient soûtenir un grand degré de chaleur, sans être risqués : on nomme celui-ci verdet.

Pour faire l’opération du tirepoil, on saupoudre la piece du mêlange de ce nom ; après l’avoir bien fait dégraisser, on la pose sur un feu vif ; on l’y laisse jusqu’à ce que le mélange entierement fondu, se soit réduit en croute : alors on la retire, on la laisse refroidir, & l’on détache la croûte avec une brosse & de l’eau bien chaude.

L’opération du verdet differe peu de celle du tirepoil ; on enduit la piece de ce mélange délayé dans le vinaigre ; on l’expose à un feu doux, jusqu’à ce que le mêlange soit séché : alors on lave la piece avec de l’urine. Cette couleur est assez belle, mais elle ne dure pas. On l’employe principalement dans les ouvrages émaillés, où la force des acides du tirepoil, & la violence du feu qu’il exige, pourroient faire éclater l’émail. Quand on est forcé de mettre des pieces émaillées au tirepoil, on les étouffe avec précipitation au sortir du feu : cette opération est périlleuse, & s’acheve rarement sans que l’émail ait souffert.

Couleur locale, est en Peinture celle qui par rapport au lieu qu’elle occupe, & par le secours de quelqu’autre couleur, représente un objet singulier, comme une carnation, un linge, une étoffe, ou quelqu’autre objet distingué des autres. Elle est appellée locale, parce que le lieu qu’elle occupe l’exige telle, pour donner un plus grand caractere de vérité aux couleurs qui lui sont voisines. M. de Piles, cours de Peint. par princ. p. 304.

La couleur locale est soumise à la vérité & à l’effet des distances ; elle dépend donc d’une vérité tirée de la perspective aërienne. (R)

Couleurs rompues, en Peinture, est un mêlange de deux ou plusieurs couleurs, qui tempere le ton de celle qui paroît principalement ; elle n’est pas si brillante, mais elle fait briller les autres, qui lui donnent réciproquement de l’effet : c’est elle qui en corrige & attendrit la crudité.

Couleurs rompues est synonyme avec demi-teintes. Voyez Demi-Teintes.

Les couleurs tirent leur effet des oppositions. Il y a telle couleur rompue qui n’est pas sourde ; un grand harmoniste sait souvent les rendre brillantes : il les

rompt, parce qu’elles seroient trop hautes s’il les employoit pures. (R)

Couleur (bonne). Lorsqu’on dit qu’un tableau est de bonne couleur, cela ne signifie pas que les couleurs en soient d’une matiere plus exquise que celles d’un autre, mais que le choix dans la distribution en est meilleur. (R)

Couleur (belle), se dit en Peinture de tous les objets bien coloriés, mais particulierement en parlant des ciel, lointains, arbres, draperies, &c. C’est un terme que l’on substitue à celui de bien colorié, dont on ne se sert guere qu’en parlant des carnations. V. Coloris, de Piles, & le Dict. de Peint. (R)

Couleur, (mettre en) en terme de Doreur ; c’est peindre d’une couleur apprêtée, les endroits d’une piece où la sanguine n’a pû entrer, ou d’autres endroits réservés pour cela.

Mettre en couleur est aussi faire sortir le jaune de l’or à la surface ; ce qui se fait par le moyen d’une composition que l’on applique sur la piece d’or, que l’on fait chauffer ensuite sur le feu, jusqu’à ce que les matieres appliquées soient fondues & calcinées. Voyez Couleur, terme de Bijoutier. C’est cette opération que fait l’ouvrier représenté Pl. du Doreur, fig. 9. (D)

Couleur, terme de Rubrique usité dans les Églises greque & latine, pour distinguer les offices des différens mysteres, & des différentes fêtes qu’on y célebre.

Dans l’Église latine il n’y a régulierement que cinq couleurs, le blanc, le rouge, le verd, le violet, & le noir.

Le blanc est pour les mysteres de Notre Seigneur, les fêtes de la sainte Vierge, des anges, des vierges, &c.

Le rouge, à Paris, pour les fêtes du saint Esprit, les solennités du saint Sacrement, les offices de la Passion, les fêtes des apôtres & des martyrs ; mais où l’on suit le bréviaire romain, on se sert du blanc aux solennités du S. Sacrement.

Le verd, à Paris, pour celles des pontifes, docteurs, abbés, moines, &c. A Rome c’est du blanc, de même que pour les veuves.

Le violet sert en avent & en carême, aux vigiles, aux rogations, aux quatre-tems, & dans tous les tems de pénitence.

Enfin le noir ne sert que dans les offices des morts, les services pour le repos de leurs ames, & dans toutes les cérémonies lugubres. On s’en sert aussi à la distribution des cendres.

Les étoffes d’or & d’argent, & les broderies, servent indifféremment dans toutes les solennités.

Les Grecs modernes ne font plus guere d’attention à cette distinction des couleurs. Le rouge servoit parmi eux à Noël & aux enterremens. Les Anglicans dans leur liturgie ont aussi aboli les couleurs, à l’exception du noir, qui est encore en usage aux enterremens. (G)

Couleur, (Medecine.) Les changemens dans la couleur de la peau, sont un signe diagnostic de certaines maladies. La rougeur du visage est d’ordinaire une marque de pulmonie, si d’ailleurs le sujet est maigre, attaqué de toux, & d’oppression ou difficulté de respirer.

La couleur jaune plus ou moins foncée, est un signe d’obstructions dans le foie, des vapeurs mélancholiques & hystériques ; & un symptome presque caractéristique de l’affection hypocondriaque.

La couleur pâle est le signe de la suppression des regles, de la chlorose, & de la cacochymie même dans les deux sexes.

La couleur rouge jointe à la chaleur, à la sécheresse & à la rigidité de la peau, sont un signe de dé-