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qu’on avoit soin de marquer exactement chaque coup de disque, en y plantant un piquet, une fleche, ou quelque chose d’équivalent ; ce qui prouve qu’il n’y avoit qu’un seul palet pour tous les antagonistes, & c’est Minerve elle-même sous la figure d’un homme, qui chez les Phéaciens rend ce service à Ulysse, dont la marque se trouve fort au-delà de toutes celles des autres discoboles. Enfin Stace nous fournit une autre circonstance singuliere touchant cet exercice, & qui ne se rencontre point ailleurs : c’est qu’un athlete à qui le disque glissoit de la main dans le moment qu’il se mettoit en devoir de le lancer, étoit hors de combat par cet accident, & n’avoit plus de droit au prix.

On demande si les discoboles, pour disputer ce prix, étoient nuds, ainsi que les autres athletes, & l’affirmative paroît très-vraissemblable. En effet, il semble d’abord que l’on peut inférer la nudité des discoboles, de la maniere dont Homere dans l’Odyssée s’explique à ce sujet ; car en disant qu’Ulysse, sans quitter sa robe, sauta dans le stade, prit un disque des plus pesans, & le poussa plus loin que n’avoient fait ses antagonistes, ce poëte fait assez entendre que les autres athletes étoient nuds, en relevant par cette circonstance la force & l’adresse de son héros. De plus, l’exercice du disque n’ayant lieu dans les jeux publics que comme faisant partie du pentathle, où les athletes combattoient absolument nuds, il est à présumer que pour lancer le palet ils demeuroient dans le même état, qui leur étoit d’ailleurs plus commode que tout autre. Enfin, comme ils faisoient usage des onctions ordinaires aux autres athletes, pour augmenter la force & la souplesse de leurs muscles, d’où dépendoit leur victoire, ces onctions eussent été incompatibles avec toute espece de vêtement. Ovide, qui sans doute n’ignoroit pas les circonstances essentielles aux combats gymniques, décrivant la maniere dont Apollon & Hyacinthe se préparent à l’exercice du disque, les fait dépouiller l’un & l’autre de leurs habits, & se rendre la peau luisante en se frottant d’huile avant le combat :

Corpora veste levant, & succo pinguis olivi
Splendescunt, latique ineunt certamina disci.


Faber qui n’est pas de l’avis que nous embrassons, & qui pense que les discoboles étoient toûjours vêtus de tuniques, ou portoient du moins par bienséance une espece de caleçon, de tablier ou d’écharpe, allegue pour preuve de son opinion les discoboles représentés sur une médaille de l’empereur Marc-Aurele, frappée dans la ville d’Apollonie, & produite par Mercurial dans son traité de l’art gymnastique ; mais 1°. cette médaille est très-suspecte, parce qu’on ne la trouve dans aucun des cabinets & des recueils que nous connoissons : 2°. quelque vraie qu’on la suppose, elle ne peut détruire ni la vraissemblance ni les autorités formelles que nous avons rapportées en faveur de la nudité des discoboles ; & elle prouveroit tout au plus que dans quelques occasions particulieres, dans certains lieux & dans certains tems on a pû déroger à la coûtume générale.

On se proposoit différens avantages de l’exercice du disque ; il servoit à rendre le soldat laborieux & robuste : aussi lisons-nous qu’Achille irrité contre Agamemnon, & s’étant séparé de l’armée des Grecs avec ses Myrmidons, les exerçoit sur le bord de la mer à lancer le disque & le dard, pour les empêcher de tomber dans l’oisiveté, qui ne manque jamais de saisir pendant la paix les personnes accoûtumées aux travaux de la guerre. Animés par la gloire, par l’honneur ou par la récompense, ils fortifioient leurs corps en s’amusant, & se rendoient redoutables aux ennemis. Un bras accoûtumé insen-

siblement & par degrés à manier & à lancer un fardeau

aussi pesant que l’étoit le disque, ne rencontroit dans les combats rien qui pût résister à ses coups ; d’où il paroît que l’art militaire tiroit un secours très-important & très-sérieux de ce qui dans son origine n’étoit qu’un simple divertissement, & c’est ce dont tous les auteurs conviennent. Enfin Galien, Ætius & Paul Eginete, mirent aussi le disque entre les exercices utiles pour la conservation de la santé. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

DISCOMPTE, s. m. (Comm.) c’est le profit que l’on donne à celui qui paye une lettre de change avant l’échéance : on dit plus communément escompte. Voyez Escompte. Dictionn. du Commerce. & Chambers. (G)

DISCONTINUATION, s. f. (Jurisprud.) est la cession de quelqu’acte, comme d’une possession ou d’une procédure, ou autres poursuites.

La discontinuation des poursuites pendant trois ans, donne lieu à la péremption ; & s’il se passe trente ans sans poursuites, il y a prescription. Voyez Péremption, Prescription, Poursuite, Procédure. (A)

DISCONVENANCE, s. f. (Gramm.) on le dit des mots qui composent les divers membres d’une période, lorsque ces mots ne conviennent pas entre eux, soit parce qu’ils sont construits contre l’analogie, ou parce qu’ils rassemblent des idées disparates, entre lesquelles l’esprit apperçoit de l’opposition, ou ne voit aucun rapport. Il semble qu’on tourne d’abord l’esprit d’un certain côté, & que lorsqu’il croit poursuivre la même route, il se sent tout-d’un-coup transporté dans un autre chemin. Ce que je veux dire s’entendra mieux par des exemples.

Un de nos auteurs a dit que notre réputation ne dépend pas des loüanges qu’on nous donne, mais des actions loüables que nous faisons.

Il y a disconvenance entre les deux membres de cette période, en ce que le premier présente d’abord un sens négatif, ne dépend pas ; & dans le second membre on sousentend le même verbe dans un sens affirmatif. Il falloit dire, notre réputation dépend, non des loüanges, & c. mais des actions loüables, & c.

Nos Grammairiens soûtiennent que lorsque dans le premier membre d’une période on a exprimé un adjectif auquel on a donné ou le genre masculin ou le féminin, on ne doit pas dans le second membre sousentendre cet adjectif en un autre genre, comme dans ce vers de Racine :

Sa réponse est dictée, & même son silence.

Les oreilles & les imaginations délicates veulent qu’en ces occasions l’ellipse soit précisément du même mot au même genre, autrement ce seroit un mot différent.

Les adjectifs qui ont la même terminaison au masculin & au féminin, sage, fidéle, volage, ne sont pas exposés à cette disconvenance.

Voici une disconvenance de tems : il regarde votre malheur comme une punition du peu de complaisance que vous avez eue pour lui dans le tems qu’il vous pria, & c. il falloit dire, que vous eûtes pour lui dans le tems qu’il vous pria.

On dit fort bien, les nouveaux philosophes disent que la couleur EST un sentiment de l’ame ; mais il faut dire, les nouveaux philosophes veulent que la couleur SOIT un sentiment de l’ame.

On dit, je crois, je soûtiens, j’assûre que vous êtes savant ; mais il faut dire, je veux, je souhaite, je desire que vous SOYEZ savant.

Une disconvenance bien sensible est celle qui se trouve assez souvent dans les mots d’une métaphore ;