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excite l’idée de plusieurs arbres qui sont l’un auprès de l’autre ; ainsi le nom collectif nous donne l’idée d’unité par une pluralité assemblée.

Mais observez que pour faire qu’un nom soit collectif, il ne suffit pas que le tout soit composé de parties divisibles ; il faut que ces parties soient actuellement séparées, & qu’elles ayent chacune leur être à part, autrement les noms de chaque corps particulier seroient autant de noms substantifs ; car tout corps est divisible : ainsi homme n’est pas un nom collectif, quoique l’homme soit composé de différentes parties ; mais ville est un nom collectif, soit qu’on prenne ce mot pour un assemblage de différentes maisons, ou pour une société de divers citoyens : il en est de même de multitude, quantité, régiment, troupe, le plûpart, &c.

Il faut observer ici une maxime importante de Grammaire, c’est que le sens est la principale regle de la construction : ainsi quand on dit qu’une infinité de personnes soûtiennent, le verbe soûtiennent est au pluriel, parce qu’en effet, selon le sens, ce sont plusieurs personnes qui soûtiennent : l’infinité n’est que pour marquer la pluralité des personnes qui soûtiennent ; ainsi il n’y a rien contre la Grammaire dans ces sortes de constructions. C’est ainsi que Virgile a dit : Pars mersi tenuere ratem ; & dans Saluste, pars in carcerem acti, pars bestiis objecti. On rapporte ces constructions à une figure qu’on appelle syllepse ; d’autres la nomment synthese : mais le nom ne fait rien à la chose ; cette figure consiste à faire la construction selon le sens plûtôt que selon les mots. Voyez Construction. (F)

COLLÉGATAIRES, s. m. pl. (Jurisprud.) sont ceux auxquels une même chose a été léguée conjointement.

Plusieurs légataires d’une même chose peuvent être conjoints en trois manieres différentes ; savoir, re, verbis, aut re & verbis.

Ils sont conjoints seulement re, c’est-à-dire par la chose, lorsque la même chose leur est léguée à chacun par une disposition particuliere : par exemple, je legue à Titus ma maison de Tusculum, je legue à Mœvius ma maison de Tusculum.

Ils sont conjoints de paroles seulement, verbis, lorsque la même disposition les appelle au legs d’une certaine chose, mais néanmoins en leur assignant à chacun la part qu’ils doivent y avoir : par exemple, je legue à Titius & à Mœvius ma maison de Tusculum par égales portions.

On les appelle conjoints re & verbis, lorsqu’ils sont appellés ensemble & à la même chose sans distinction, comme quand le testateur dit : Je legue à Titius & à Mœvius ma maison de Tusculum.

Le droit d’accroissement n’a pas lieu entre toutes sortes de collégataires, mais seulement entre ceux qui sont conjoints re, ou qui le sont tout ensemble re & verbis. Voyez instit. lib. II. tit. xx. voyez Légataire & Accroisement. (A)

COLLEGE, s. m. corps ou compagnie de personnes occupées des mêmes fonctions. Collegium chez les Romains avoit le même sens ; on s’en servoit indifféremment pour ceux qui vaquoient aux affaires de la religion, à celles de l’état, aux Arts libéraux, aux Arts méchaniques, au Commerce, &c. Ce mot ne signifioit proprement qu’une compagnie, une société. Voyez Société.

Ainsi parmi eux, outre le collége des Augures & celui des Capitolins, c’est-à-dire la compagnie qui avoit la surintendance des jeux Capitolins, on comptoit encore le collége des Artificiers, celui des Charpentiers, des Potiers, des Fondeurs, des Serruriers, des ouvriers pour les machines de guerre, des Bouchers, des Dendrophores, des Ravaudeurs, des Tailleurs d’habits militaires, des

faiseurs de tentes, des Boulangers, des Musiciens, &c. Voyez Augure.

Plutarque prétend que cette division du peuple en colléges, étoit un effet de la politique de Numa, qui voulut que les différens intérêts de ceux qui composoient ces divers colléges les tenant toûjours desunis, les empêchassent de penser à aucune conspiration générale. Ces colléges étoient distingués des autres sociétés formées sans l’aveu de l’autorité publique, en ce que ceux qui composoient ces colléges traitoient pour les intérêts communs de leur corps, & qu’ils étoient autant de membres de l’état : ils avoient une bourse commune, & un argent pour solliciter leurs affaires : ils envoyoient des députés aux magistrats quand ils ne pouvoient y aller en personne : enfin ils avoient droit de faire des statuts & des reglemens pour l’administration de leurs affaires, à-peu-près comme font parmi nous les corps de métiers, par leurs syndics, jurés, gardes, & autres officiers.

Il y a parmi les modernes quelques colléges, mais d’un ordre bien supérieur à ces colléges des Romains, tels que les trois colléges de l’empire. Voyez ci-dessous Colléges de l’Empire, & le Collége des Cardinaux, &c.

Collége des Avocats. Les avocats considérés tous ensemble forment un ordre, & c’est ainsi qu’on les qualifie ordinairement ; néanmoins dans quelques provinces, comme à Rouen, à Lyon, &c. on dit le collége des avocats. Voyez Avocats ; Ordre des Avocats.

Collége des Avocats au Conseil, est la compagnie des avocats, qui sont chacun pourvûs d’un office d’avocat ès conseils du Roi, en vertu duquel ils peuvent seuls occuper dans toutes les instances qui se portent au conseil. Voyez Avocats au Conseil & Conseil.

College signifie aussi quelquefois un corps d’ecclésiastiques. C’est en ce sens que l’on dit le collége des cardinaux, ou le sacré collége.

Il y a aussi des colléges de chanoines & des colléges de chapelains.

On ne donne communément le titre de collége ou de collégiale aux chanoines séculiers ou réguliers, que dans les églises autres que la cathédrale.

Pour ce qui est des chapelains, il y a des églises, même cathédrales, où ils forment un corps que l’on appelle collége, comme dans l’église cathédrale de Rouen, où il y a cinq ou six colléges différens de chapelains qu’on appelle collégiaux, à la différence d’autres chapelains de la même église, qui ne forment point de corps entr’eux, & qu’on appelle non-collégiaux.

Le Collége des Cardinaux ou le sacré collége, est le corps des cardinaux qui sont divisés en trois différens ordres ; les cardinaux évêques, les cardinaux prêtres, & les cardinaux diacres. Voyez Cardinal.

Chaque ordre a son doyen ou chef ; celui des cardinaux évêques est toûjours l’évêque d’Ostie.

Collége des Secrétaires du Roi, est la compagnie des secrétaires du Roi : il y a le grand & le petit collége.

Le grand collége est la compagnie des secrétaires du Roi, maison couronne de France & de ses finances, qui sont attachés à la grande chancellerie de France.

Cette compagnie étoit autrefois composée de six colléges différens.

Le premier, qu’on appelloit le collége ancien, ne fut d’abord composé que de soixante personnes ; savoir, le Roi, & cinquante-neuf secrétaires. Ce collége fut depuis augmenté de soixante secrétaires ap-