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dès que les petits ont été sortis de leur corps. Trois ou quatre mois après, on recueille le produit de cette génération, l’on fait tomber les cochenilles par le moyen d’un pinceau ; alors chaque individu a pris son accroissement : il y en a même qui commencent à produire une seconde génération ; on laisse ces petits, & peut-être même des gros, pour fournir à la troisieme récolte, qui se fait trois ou quatre mois après la seconde. Les pluies viennent trop tôt pour que l’on ait le tems d’en faire une quatrieme ; c’est pourquoi les Indiens enlevent des feuilles de nopal avec les petits insectes qui y restent, & les serrent dans les habitations, pour mettre ces insectes à l’abri du froid & de la pluie, & les feuilles se conservent pendant long-tems, comme toutes celles des plantes que l’on appelle plantes grasses. Les cochenilles croissent ainsi pendant la mauvaise saison ; & lorsqu’elle est passée, on les met à l’air dans des nids sur des plantes du dehors, comme nous avons déjà dit. La cochenille de la troisieme récolte n’est pas aussi bien conditionnée que celle des autres, parce qu’on racle les feuilles de nopal pour enlever les petits insectes nouveaux nés, qu’il ne seroit guere possible de recueillir avec le pinceau, à cause de leur petit volume ; on mêle par conséquent les raclures des plantes avec la cochenille, qui est d’ailleurs de différente grosseur, parce que les meres se trouvent avec les nouveaux nés : c’est pourquoi les Espagnols donnent à cette cochenille le nom de granilla.

Les Indiens font périr les cochenilles dès qu’ils les ont recueillies, parce que ces insectes qui peuvent vivre pendant quelques jours, quoique séparés des plantes, feroient leurs petits, & que les petits se disperseroient, s’échapperoient du tas, & seroient perdus pour le propriétaire. On les plonge dans l’eau chaude pour les faire mourir ; ensuite on les seche au soleil ; d’autres les mettent dans des fours ou sur des plaques qui ont servi à faire cuire des gâteaux de maïs. Ces différentes façons de faire mourir ces insectes, influent sur leur couleur : ceux que l’on a mis dans l’eau chaude, ont perdu une partie d’une espece de poudre blanche, que l’on voit sur leur corps lorsqu’ils sont vivans, ils prennent une teinte de brun roux : on appelle cette cochenille renegrida. Celle qui a été au four est d’un gris cendré ou jaspé, elle a du blanc sur un fond rougeâtre ; on l’appelle jaspeada. Enfin celle que l’on a mis sur les plaques, est le plus souvent trop échauffée, & devient noirâtre : aussi lui donne-t-on le nom de negra.

Il y a deux sortes de cochenille, l’une est pour ainsi dire cultivée, & l’autre sauvage ; la premiere est appellée mesteque, parce qu’on en trouve à Meteque dans la province de Honduras ; c’est celle que l’on seme pour ainsi dire, & que l’on recueille dans les plantations de nopal : cette cochenille est la meilleure. L’autre sorte que l’on appelle sylvestre croît, à ce que l’on dit, sur une espece de figuier d’inde que l’on ne cultive point, & qui a plus de piquans sur ses feuilles que le nopal : elle fournit moins de teinture que l’autre. Les provinces du Mexique où on recueille plus de cochenille, sont celles de Tlasealla, de Guaxaca, de Guatimala, de Honduras, &c. Il faut qu’il y ait bien des gens occupés à ce travail ; car on a calculé en 1736, qu’il entroit en Europe chaque année huit cents quatre-vingts mille livres pesant de cochenille, dont il y avoit près du tiers de cochenille sylvestre, & le reste de mesteque, ce qui valoit en tout plus de 15 millions en argent par année commune. Cet objet de commerce est fort important, & mériteroit bien que l’on fît des tentatives pour l’établir dans les îles d’Amérique, ou en d’autres climats dont la température seroit convenable à la cochenille & à la plante dont elle se nourrit. Mém. pour servir à l’hist. des ins.

tom. IV. pag. 87. & suiv. Voyez Gallinsectes & Insectes (I)

Cochenille, insecte. (Mat. med.) La cochenille passe pour sudorifique, alexipharmaque, & febrifuge ; on l’ordonne dans la peste & dans les fievres éruptives.

Lemery assûre qu’elle est bonne contre la pierre, la gravelle, & la diarrhée, & qu’elle empêche l’avortement, étant prise en poudre depuis 12 grains jusqu’à demi-gros. Ce qu’il y a de certain, c’est que les femmes Italiennes en font beaucoup usage dans ce cas.

La cochenille entre dans la confection alkerme, dans l’esprit de lavande composé, la teinture stomachique amere ; mais plûtôt pour colorer ces médicamens, que pour contribuer à leur efficacité. (b)

COCHER, s. m. se dit en général de celui qui fait conduire une voiture. Il y a les cochers des voitures ordinaires, les cochers de carrosses particuliers, les cochers de carrosses publiques, les cochers de place, &c.

Cocher, (le) c’est le nom qu’on donne à une constellation, ou un assemblage d’étoiles fixes dans l’hémisphere septentrional. Ces étoiles sont dans le catalogue de Ptolomée au nombre de 14 ; dans celui de Tycho, au nombre de 23 : Hevelius en compte 40, & le catalogue Britannique 68. (O)

Cocher, v. act. en termes de Batteur-d’or, est un livre de vélin très-fin, apprêté avec un fond (Voyez Fond), & bien desséché sous une presse. On dit, le premier & le second cocher, quoique l’un ne differe de l’autre que par le nombre de ses feuilles qui est double. Ils servent tous deux à dégrossir l’or. Voyez Dégrossir, & Batteur d’or

COCHEVIS, s. m. alauda cristata, (Hist. nat. Ornithol.) oiseau plus gros que l’aloüette ordinaire, & dont le bec est plus gros & plus long ; il a près d’un pouce de longueur depuis la pointe jusqu’aux coins de la bouche, la piece supérieure est brune, & l’inférieure blanchâtre ; la langue est large & un peu fourchue à son extrémité ; l’iris des yeux est de couleur de noisette mêlée de couleur cendrée ; il y a au-dessus de la tête une hupe composée de sept ou huit petites plumes, & quelquefois de dix ou douze : l’oiseau peut les élever ou les abaisser, les éloigner ou les rapprocher les unes des autres comme celles de la queue ; les plumes de la hupe sont plus noires que toutes les autres, & ont près d’un demi-pouce de longueur. Le dos est d’une couleur moins cendrée, & n’a pas autant de taches que dans l’aloüette ordinaire ; le croupion n’en a presque aucune. Les grandes plumes de chaque aile sont au nombre de dix-huit, sans compter l’extérieure qui est fort petite & semblable aux plumes du second rang ; les premieres des grandes plumes ont les barbes extérieures de couleur blanchâtre mêlée de jaune ou de roux pâle : les autres plumes sont moins noires que dans l’aloüette ordinaire, & ont un peu de roux pâle même à la partie inférieure. Le ventre & la poitrine sont d’un jaune blanchâtre ; la gorge est marquée de taches comme dans l’aloüette ordinaire ; la queue a un peu plus de deux pouces de longueur, & est composée de douze plumes : les deux premieres de chaque côté ont le bord extérieur blanc mêlé de roux, & quelquefois noir ; la troisieme & la quatrieme sont entierement noires, la cinquieme & la sixieme ont la même couleur que celles du corps. Cet oiseau differe de l’aloüette ordinaire en ce qu’il est plus gros, qu’il a une hupe sur la tête, que la couleur des plumes de son dos est moins marquée de taches, & enfin en ce qu’il a la queue plus courte. Les cochevis habitent le bord des lacs & des fleuves, ils ne volent pas en troupe, ils ne s’élevent pas aussi souvent en l’air que l’alüette ordinaire, & n’y restent pas