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sénateurs, excepté dans les interregnes & dans la diete d’élection, où le primat du royaume préside de droit. En France les évêques comtes ou ducs & pairs ont séance au parlement de Paris. Quelques autres sont conseillers nés au parlement dans le ressort desquels sont situes leurs évêchés. Les évêques & archevêques d’Angleterre sont membres de la chambre haute. Ceux d’Allemagne ont place & voix dans la diete de l’empire, dans le college des princes. Voyez Collége & Diete.

Pour le corps du clergé, comme les chapitres & les communautés régulieres, leur rang entre eux & avec les corps séculiers se regle suivant les anciens usages. Il en est de même à proportion des ecclésiastiques particuliers, s’ils n’ont un certain rang, à cause de leurs bénéfices ou de leurs charges. En Angleterre on distingue le haut & le bas clergé : le haut clergé est composé des archevêques & évêques ; le bas clergé comprend tous les autres ecclésiastiques. Nous avons en France la même distinction, mais sous des noms différens : on dit le premier & le second ordre. Le terme de bas clergé est pourtant en usage dans les chapitres pour signifier les sémi-prébendés, chapelains, chantres, musiciens, ou autres officiers gagés qui n’ont pas voix en chapitre. Voyez Chapitre.

Les immunités ou exemptions dont joüit le clergé sont de tems immémorial : nos rois les ont confirmées par leurs ordonnances. On a sur ce sujet celles de S. Louis, de Philippe le Bel, des rois Jean, Charles V. Charles VII. &c. Voyez les mémoires du clergé, tome VI.

Les évêques & les conciles ont marqué dans tous les tems la plus grande fermeté pour les maintenir & les conserver. On peut voir sur cette matiere la lettre que les provinces de Reims & de Rouen écrivirent en 858 à Louis II. Il y a même des exemples d’interdits & d’excommunications prononcées contre les juges laïcs qui violent les immunités ecclésiastiques. En 1207 le chapitre de Rouen, pendant la vacance du siége, jetta un interdit général sur toutes les églises de Rouen, parce que le maire de cette ville avoit, de son autorité privée, fait emprisonner le domestique d’un chanoine. Dans un des registres du parlement de Paris, on lit qu’en l’année 1359 l’évêque de Chartres & ses officiers mirent en interdit la ville de Mantes, parce qu’on ne voulut pas leur rendre deux clercs détenus prisonniers. Il est parlé de semblables interdits en une constitution insérée dans un ancien recueil des statuts synodaux de l’église de Reims, faits par l’archevêque Guillaume de Tryes, environ l’an 1330. Voyez les mémoires du clergé, tome VI. & VII, & la tradition des faits.

L’immunité ecclésiastique est de deux sortes ; la personnelle, qui concerne la personne des clercs ; & la réelle, qui concerne les biens ou revenus de l’église. La premiere tend à conserver aux ecclésiastiques le repos nécessaire pour vaquer à leurs fonctions ; la seconde regarde plus la conservation de leurs biens.

Les exemptions personnelles sont premierement celles de la jurisdiction : régulierement un ecclésiastique ne peut être poursuivi devant les tribunaux séculiers ; ou du moins, dans certains cas, il faut que le juge ecclésiastique instruise leur procès conjointement avec le juge laïc. Les ecclésiastiques sont exempts de charges municipales, de tutelle & curatelle, s’ils ne l’acceptent volontairement. Dès le tems de S. Cyprien, la regle étoit ancienne, que si quelqu’un nommoit un clerc pour tuteur dans son testament, on n’offriroit point pour lui le saint sacrifice après sa mort. Les ecclésiastiques sont aussi exempts de la contrainte par corps pour dettes civiles. Ils sont dispensés du service de la guerre qui se devoit autrefois pour cause de fief, & n’a plus lieu qu’à la convocation de l’arriere-ban, Décl. du Roi du 8 Février

1637. Ils ne sont pas même obligés à fournir d’autres personnes pour faire le service, ni de payer aucune taxe à cet effet. Ils sont exempts de guet & de garde, & de logement de gens de guerre : on ne peut leur imposer aucune taxe pour raison de logement, ustensile, ou fourniture quelle qu’elle soit. Les ecclésiastiques ne doivent point être aussi compris dans aucune imposition pour la subsistance des troupes ou fortifications des villes, ni généralement pour aucuns octrois, subventions, ou autres emprunts de communautés. En pays de tailles personnelles, ils en sont exempts, soit pour leur patrimoine, soit pour leurs dixmes ; mais ils sont compris dans les tailles négotiales, c’est-à-dire imposées pour les dixmes qu’ils font valoir, qui ne sont pas attachées à leur bénéfice. En pays de tailles réelles, les biens appartenans à l’église sont francs comme les biens nobles. Ils sont aussi exempts des droits d’aides pour les vins de leur cru, soit bénéfice ou patrimoine, du moins ils ne payent que des droits fort médiocres. Tels sont les principaux priviléges dont joüit le clergé, en considération des contributions particulieres qu’il paye au prince sous le titre de décimes, de subventions, de dons gratuits, &c. Voyez Décimes.

L’immunité réelle qui concerne les biens donnés aux églises, ou par la magnificence des rois, ou par la piété des fideles, est fondée sur ce principe, qu’ils sont spécialement voüés & consacrés à Dieu pour le soulagement des pauvres, pour l’entretien & la décoration des temples & des autels, & pour la subsistance des ministres du Seigneur. On a depuis peu agité vivement cette question, & nous pourrons entrer à cet égard dans des détails intéressans à l’art. Immunité.

Nous nous contenterons d’observer ici, que ces biens ne sont ni si excessifs ni si exempts de charges publiques, que l’ont prétendu les adversaires du clergé. Outre les droits d’amortissement qu’il lui en a coûté pour les retirer du commerce, ignore-t-on que les impositions ordinaires connues sous le nom de décimes, & les impositions extraordinaires ou dons gratuits, sont très-fortes ; qu’elles vont communément au dixieme, souvent au septieme, quelquefois même au cinquieme du revenu des bénéfices ? c’est ce qu’il seroit aisé de démontrer, si c’en étoit ici le lieu. Qu’il nous suffise de remarquer que la religion ne pouvant se soûtenir sans ministres, il faut qu’il y ait dans l’état des fonds assûrés pour leur subsistance ; & d’ajoûter avec M. l’abbé Fleury, « que puisque le public les entretient & les récompense de leur travail, il est juste au moins de leur conserver ce revenu, & de ne pas reprendre d’une main ce qu’on leur donne d’une autre ».

Les droits honorifiques du clergé sont les honneurs & prérogatives attachées aux seigneuries, terres, fiefs, &c. que possedent certains bénéficiers, chapitres ou communautés, tels que les droits de haute, basse & moyenne justice, de chasse, de pêche, &c. Ses droits utiles consistent ou en revenus fixes & assûrés, attachés à chaque bénéfice, chapitre, ou communauté religieuse, & en rétributions ou offrandes casuelles. Fleury, institut. au droit ecclés. tome I. part. I. ch. xxxjx. p. 258. & suiv.

En France le clergé s’assemble sous l’autorité du Roi, ou pour traiter des matieres ecclésiastiques, ou pour ordonner des impositions. Ces assemblées sont ou ordinaires ou extraordinaires. Les ordinaires sont ou particulieres de chaque diocese, ou provinciales de chaque province ecclésiastique, ou générales de tout le clergé de France. A ces dernieres assemblées on fait les députations par métropoles, qu’on appelle provinces ecclésiastiques. Voyez Métropole.