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que de chevaux béguts. L’âge efface aussi les sillons du palais.

La durée de la vie des chevaux, ainsi que des autres animaux, est proportionnée à la durée de l’accroissement. Le cheval, dont l’accroissement se fait en quatre ans, peut vivre six ou sept fois autant, vingt-cinq ou trente ans. Les gros chevaux vivent moins que les fins, aussi s’accroissent-ils plus vîte.

Les chevaux, de quelque poil qu’ils soient, muent une fois l’an, ordinairement au printems, quelquefois en automne. Il faut alors les ménager ; il y en a qui muent de corne.

On appelle hennissement le cri du cheval, & l’on reconnoit assez distinctement cinq sortes de hennissemens, relatifs à cinq passions différentes.

Le cheval leche, mais rarement ; il dort moins que l’homme. Quand il se porte bien, il ne demeure guere que trois heures de suite couché sans se relever ; il y en a qui ne se couchent point. En général, les chevaux ne dorment que trois ou quatre heures sur vingt-quatre. Ils boivent par le seul mouvement de déglutition, en enfonçant profondément le nez dans l’eau. Il y a des auteurs qui pensent que la morve, qui a son siége dans la membrane pituitaire, est la suite d’un rhûme occasionné par la fraîcheur de l’eau.

De toutes les matieres tirées du cheval, & célebrées par les anciens comme ayant de grandes vertus médicinales, il n’y en a pas une qui soit en usage dans la medecine moderne, excepté le lait de jument. Voyez Lait.

Les principales marchandises que le cheval fournit après sa mort, sont le crin, le poil, la corne, & le cuir. On fait du crin, des boutons, des tamis, des toiles, & des archets d’instrumens à corde ; on en rembourre les selles & les meubles, & on le commet en cordes. Les Tabletiers-Peigners font quelques ouvrages de corne de cheval. Le cuir passe chez les Tanneurs & les Selliers-Bourreliers.

Le cheval, chez les anciens, étoit consacré à Mars ; c’étoit un signe de guerre. Les Poëtes supposent quatre chevaux au soleil, qu’ils ont appellés Eoüs, Pyroïs, Aëton & Phlegon. Le cheval est le symbole de Carthage dans les médailles Puniques. On désigne la paix par des chevaux paissans en liberté. Le cheval bondissant sert d’emblème à l’Espagne. Le coursier étoit celle des victorieux aux jeux olympiques. Bucéphale servoit de symbole aux rois de Macédoine. Le cheval étoit l’empreinte presque ordinaire des monnoies Gauloises. Les Germains avoient des chevaux sacrés qui rendoient des oracles par le hennissement ; ils étoient entretenus aux dépens du public, & il n’y avoit que les prêtres & le roi qui en approchassent.

Il y a peu d’animaux qu’on ait autant étudié que le cheval. La Maréchallerie, qui pourroit très-bien faire une science d’observations & de connoissances utiles relatives à cet animal, sans avoir sa nomenclature particuliere, n’a pas négligé cette petite charlatannerie. Il n’y a presque pas une partie du cheval qui n’ait un nom particulier, quoiqu’il n’y ait presque pas une de ces parties qui n’ait sa correspondante dans l’homme, & qui ne pût être nommée du même nom dans ces deux animaux. On trouvera aux différens articles de ce Dictionnaire l’explication de ces noms. Voyez Avives, Larmiers, Chanfrein, Ganache, &c.

La différence des poils a considérablement augmenté cette nomenclature ; chaque couleur & chaque teinte a son nom. Un cheval est ou aubere, ou alzan ou zain, &c. Voyez ces articles.

Il en est de même des exercices du manege, relatifs soit à l’homme, soit au cheval. On trouvera ces exercices à leurs mots.

Après l’homme, il n’y a point d’animal à qui l’on

reconnoisse tant de maladies qu’au cheval. Voyez ces maladies à leurs différens articles. Voyez aussi, pour une connoissance plus entiere de l’animal, Aldrovand. de quadrup. & soliped. Le nouveau parfait Maréchal, par M. de Garsault. L’école & les élémens de cavalerie, de M. de la Gueriniere. Le Neucastle. Le véritable & parfait Maréchal, par M. de Solleysel ; & sur-tout le troisieme volume de l’histoire naturelle de MM. de Buffon & d’Aubenton. C’est dans cette derniere source que nous avons puisé la meilleure partie de cet article.

Cheval de rencontre, (Jurisprud.) Dans la coûtume de Poitou, art. 187. est la prestation d’un cheval de service, qui est due par le vassal au seigneur, lorsque dans une même année il y a eu deux ouvertures pour ce droit ; une par mutation de vassal, une par mutation de seigneur. Il n’est dû en ce cas qu’un seul cheval, dit la coûtume, pourvû que les deux chevaux se rencontrent dans un arc ; & le cheval qui est fourni est nommé dans ce cas cheval de rencontre, parce que la rencontre de ce cheval abolit l’autre qui auroit été dû pour la mutation. Voyez Cheval de service, & Rachat rencontré (A)

Cheval de service, (Jurisprud.) c’est un cheval qui est dû par le vassal au seigneur féodal. L’origine de ce devoir est fort ancienne : on voit dans une constitution de Conrard II. de beneficiis, qui est rapportée au liv. V. des fiefs, que les grands vassaux faisoient des présens de chevaux & d’armes à leur seigneur : majores valvassores dominis suis, quos seniores appellant, solemnia munera offerunt, arma scilicet & equos. Il y est dit aussi qu’à la mort du vassal c’étoit la coûtume que ses enfans & successeurs donnoient au seigneur ses chevaux & ses armes ; & encore actuellement, en plusieurs lieux de l’Allemagne, après le décès du pere de famille, son meilleur cheval ou habit est dû au seigneur. L’ancienne coûtume de Normandie, chap. xxxjv. parle du service de cheval qui est dû par les valvasseurs ; mais il ne faut pas confondre, comme font plusieurs auteurs, le service de cheval avec le cheval de service ; le premier est le service militaire que le vassal doit faire à cheval pour son seigneur ; le second est la prestation d’un cheval, dûe par le vassal au seigneur, pour être quitte du service militaire sa vie durant ; c’est ce que l’on voit dans Beaumanoir, ch. xxviij. p. 142. & dans une charte de Philippe Auguste de l’an 1222, où le fief qui doit le cheval de service est appellé fief franc, ou liberum feodum per servitium unius runcini. Voyez Service de cheval.

Il est parlé du cheval de service dans plusieurs coûtumes, telles que Montargis, Orléans, Poitou, grand Perche, Meaux, Anjou, Maine, Châteauneuf, Chartres, Dreux, Dunois, Hainaut. Quelques-unes l’appellent roucin de service. V. Roucin.

Le cheval de service est dû en nature, ou du moins l’estimation ; c’est ce que Bouthillier entend dans sa somme rurale, lorsqu’il dit qu’aucuns fiefs doivent cheval par prix.

Dans les coûtumes d’Orléans & de Montargis, il est estimé à 60 sols, & est levé par le seigneur une fois en sa vie ; & n’est pas dû, si le fief ne vaut par an au moins dix livres tournois de revenu.

La coûtume de Hainaut, ch. lxxjx. dit que quand le vassal qui tenoit un fief-lige, est décédé, le seigneur ou son bailli prend le meilleur cheval à son choix, dont le défunt s’aidoit, & quelques armures ; & qu’au défaut de cheval le seigneur doit avoir 60 sols.

Dans les coûtumes d’Anjou & du Maine il est dû à toute mutation de seigneur & de vassal, & est estimé cent sols.

Dans celle du grand Perche, il est dû à chaque mutation d’homme ; le vassal n’est tenu de le payer qu’après la foi & hommage, & il est estimé à 60 sols