Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces phosphores. M. Bernoulli avoit une phiole qui luisoit parfaitement & également depuis six semaines ; une miette du liége qui la bouchoit s’étoit détachée & étoit tombée sur la surface du mercure où elle nageoit. M. Bernoulli brûla cette miette de liége au foyer d’un verre ardent ; & le peu de fumée qui en sortit, diminua considérablement & sans retour la vivacité du phosphore, où il n’étoit arrivé nul autre changement. Cette pureté dont la lumiere a besoin, fut souillée. M. Bernoulli a offert à l’Académie de purifier le mercure dont elle se sert, & de le lui renvoyer lumineux. La confiance apparemment qu’on avoit en sa parole, a empêché qu’on n’exécutât sa demande.

L’Accadémie en est resté là jusqu’en 1723, que M. Dufay donna son sentiment particulier, joint à l’histoire suivante des sentimens des savans sur cette matiere, & à une maniere simple & facile de rendre les barometres lumineux, qu’un Vitrier Allemand lui avoit apprise. En 1706, M. Dutal, Medecin, fit insérer dans les Nouvelles de la république des Lettres, un mémoire, où il confirme la réussite des opérations de M. Bernoulli, & croit que l’Académie ne les a pas faites assez exactement. En 1708, M. Hauksbée, après avoir décrit un phosphore consstruit avec un globe vuide d’air, qu’il faisoit tourner rapidement sur son centre, & qui par ce moyen rendoit beaucoup de lumiere lorsqu’on en approchoit la main, croit que la lumiere du barometre n’est causée que par les frictions du mercure contre les parois intérieurs du tube vuide d’air grossier.

En 1710, M. Hartsoëker combattit les expériences de M. Bernoulli, niant tout, & n’apportant d’autre raison que la pureté du mercure, & la netteté du tuyau ; ce qui, suivant l’expérience, ne suffit pas.

En 1715, Jean Frédéric Weidler combattit aussi M. Bernoulli, disant que la pellicule que contracte le mercure en passant par l’air, ne nuit en rien à la lumiere, qu’il croit ne venir d’autre chose que de la répercussion des rayons, qui quoique dans l’obscurité, conservent leur même tension & leur même effort.

En 1716, Michel Heusinger dit dans une dissertation publiée sur ce sujet, que quelques barometres où l’on remarquoit des bulles d’air étoient lumineux, quoique moins, à la vérité, que ceux qui n’avoient point d’air ; les bulles d’air même, à ce qu’il dit, donnent quelquefois de l’éclat. La pureté du mercure n’est pas encore nécessaire, puisque vingt-trois parties de mercure mêlées avec cinq de plomb, ont rendu de la lumiere. Selon lui, les particules du mercure sont spheriques, & les interstices de ces petits globes contiennent beaucoup de matiere subtile, qui s’en exprime lorsqu’on l’agite. Le mercure n’est lumineux que lorsqu’il descend, parce qu’alors il abandonne la matiere subtile contenue dans ses pores : mais en remontant il en absorbe une partie, & l’autre s’en va par les pores du verre.

En 1717, M. de Mairan attribua cette lumiere au soufre du mercure qui est en mouvement, & dit, qu’elle seroit beaucoup plus vive, s’il ne restoit dans les barometres, les plus exactement vuides d’air, une matiere différente de la matiere subtile & de l’air, qui arrête le mouvement de ce soufre & la lumiere qui en résulte, ce qui arrive sur-tout lorsque le mercure monte ; au lieu que quand il descend, il y a une partie du tuyau la plus proche de la surface du mercure qui reste, au moins pour un moment, libre de cette matiere qui ne peut pas suivre le mercure avec assez de rapidité, & qui par ce moyen donne lieu à son soufre de se développer. Diss. sur les Phosph.

Il restoit encore quelque incertitude sur la maniere de rendre les barometres lumineux. Les conditions absolument nécessaires sont :

1°. Que le tuyau soit bien sec ; on le nettoye aisé-

ment avec du coton attaché au bout d’un fil de fer ;

la moindre humidité gâteroit tout : mais ce n’est, selon les observations de M. Dufay, qui a tourné de bien des sens ces expériences, que l’humidité qui seroit au haut & dans le vuide du tuyau, où la lumiere doit paroître ; hors de là, le tuyau peut être humide sans inconvénient.

2°. Que le mercure soit bien net : il faut faire passer le mercure par un cornet de papier dont l’embouchure soit fort étroite, il y dépose suffisamment ses impuretés.

3°. Que le mercure soit bien purgé d’air : versez d’abord dans le tuyau un tiers de mercure que vous devez employer, puis chauffez-le doucement & par degrés, en l’approchant petit à petit du feu ; en le remuant avec un fil de fer, vous aiderez la sortie des bulles d’air qui sont dans le mercure, & que la chaleur pousse dehors ; versez un second tiers auquel vous ferez de même, & enfin un troisieme auquel vous ne ferez rien. La purification des deux premiers tiers suffit pour le tout.

M. Dufay ne s’est point apperçû qu’un différent degré de chaleur donné au mercure, produisît de différence sensible dans la lumiere. Voyez, outre les ouvrages déjà cités, la these de M. Bernoulli, de Mercurio lucente in vacuo, soûtenue à Bâle en 1719, & imprimée dans le recueil de ses œuvres. Genev. 1743. (O)

BARON, s. m. (Hist. mod.) nom de dignité, homme qui a une baronie. Voyez Baronie. Baron est un terme dont l’origine & la premiere signification est fort contestée. Quelques-uns veulent qu’il signifie originairement ἀνὴρ, homme ; d’autres un héros, un homme brave : ceux-ci libertinus, un affranchi ; ceux-là, un grand homme, un homme riche ; d’autres, un vassal. Menage le fait venir de baro, que nous trouvons employé dans le tems de la pureté de la langue Latine pour vir, homme brave, vaillant homme. De là vint, suivant cet auteur, que ceux qui avoient leur place auprès du Roi dans les batailles, furent appellés barones, ou les plus braves de l’armée. Comme les princes récompensent ordinairement la bravoure & la fidélité de ceux qui les environnent, par quelques fiefs, ce mot fut ensuite employé pour désigner quelques hommes nobles, qui tenoient un fief immédiatement du Roi. Isidore, & après lui Cambden, regardent ce terme comme un mot qui a signifié dans son origine, un soldat mercenaire. MM. de P. R. le font venir de βάρος, poids ou autorité. Cicéron employe le mot de baro pour marquer un homme stupide, brutal. Les anciens Allemands parlent d’un baron comme nous d’un vilain ; & les Italiens momment barone, un gueux, un mendiant. M. de Marca fait venir baron du mot Allemand bar, homme, ou homme libre : d’autres en vont chercher l’étymologie dans les langues Hébraïque, Gauloise, Celtique : mais l’opinion la plus probable est qu’il vient de l’Espagnol varo, homme brave, noble. C’est de là que les femmes appellent barons leurs maris ; de même que les princes, leurs fermiers. Dans les lois Saliques, comme elles viennent des Lombards, le mot baron signifie un homme en général ; & l’ancien glossaire de Philomenes traduit baron par ἀνὴρ, homme.

Baron, est employé en Angleterre dans une signification plus particuliere, pour signifier un seigneur, un lord ou pair de la derniere classe, c’est-à-dire du degré de noblesse qui est immédiatement au-dessous des vicomtes, & au-dessus des chevaliers & des baronets. Voyez Noblesse, Pair, &c.

Les barons sont seigneurs du parlement, pairs du royaume, & joüissent de leurs priviléges ; ils ne sont pas ceints de l’épée à leur création, & n’ont eu de couronne à leurs armes que sous le regne de Charles