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Aujourd’hui l’on en compte trois principaux en Europe ; c’est l’Æthna en Sicile, le mont Vesuve dans le royaume de Naples, & le mont Hecla en Islande ; comme chacun de ces volcans sont décrits dans des articles particuliers, nous ne parlerons ici que des phénomenes généraux qui sont communs à tous les volcans.

Il n’est point dans la nature de phénomenes plus étonnans que ceux que présentent ces montagnes embrasées : quoi qu’en disent des voyageurs peu instruits, il ne paroît point prouvé qu’il en existe qui vomissent perpétuellement des flammes : quelquefois après des éruptions violentes, les matieres s’épuisent & le volcan cesse de vomir, jusqu’à ce qu’il se soit amassé une assez grande quantité de substances pour exciter une nouvelle éruption. Ainsi le feu couvera quelquefois pendant un très-grand nombre d’années dans les gouffres profonds qui sont dans l’intérieur de la montagne, & il attendra que différentes circonstances le mettent en action.

Les éruptions des volcans sont ordinairement annoncées par des bruits souterreins semblables à ceux du tonnerre, par des sifflemens affreux, par un déchirement intérieur ; la terre semble s’ébranler jusque dans ses fondemens ; ces phénomenes durent jusqu’à ce que l’air dilaté par le feu ait acquis assez de force pour vaincre les obstacles qui le tiennent enchaîné ; & alors il se fait une explosion plus vive que celle des plus fortes décharges d’artillerie : la matiere enflammée semblable à des fusées volantes, est lancée en tout sens à une distance prodigieuse, & s’échappe avec impétuosité par le sommet de la montagne. On en voit sortir des quartiers de rochers d’une grosseur prodigieuse, qui après s’être élevés à une grande hauteur dans l’air, retombent & roulent par la pente de la montagne ; les champs des environs sont enterres sous des amas prodigieux de cendres, de sable brûlant, de pierres-ponces ; souvent les flancs de la montagne s’ouvrent tout-d’un-coup pour laisser sortir des torrens de matiere liquide & embrasée qui vont inonder les campagnes, & qui brûlent & détruisent tous les arbres, les édifices & les champs qui-se trouvent sur leur chemin.

L’histoire nous apprend que dans deux éruptions du Vésuve, ce volcan jetta une si grande quantité de cendres, qu’elles volerent jusqu’en Egypte, en Lybie & en Syrie.

En 1600, à Arequipa au Pérou, il y eut une éruption d’un volcan qui couvrit tous les terre ns des environs, jusqu’à trente ou quarante lieues, de sable calciné & de cendres ; quelques endroits en furent couverts de l’épaisseur de deux verges. La lave vomie par le mont-Ethna, a formé quelquefois des ruisseaux qui avoient jusqu’à 18000 pas de longueur ; & le célebre Borelli a calculé que ce volcan, dans une éruption arrivée en 1669, a vomi assez de matieres pour remplir un espace de 93838750 pas cubiques. Ces exemples suffisent pour faire juger des effets prodigieux des volcans. Voyez l’article Lave.

Souvent on a vu des volcans faire sortir de leur sein des ruisseaux d’eau bouillante, des poissons, des coquilles & d’autres corps marins. En 1631, pendant une éruption du Vésuve, la mer fut mise à sec ; elle parut absorbée par ce volcan, qui peu après inonda les campagnes de fleuves d’eau salée.

Les éruptions des volcans n’ont point toujours le même degré de violence ; cela dépend de l’abondance des matieres enflammées, & de différentes circonstances propres à augmenter ou à diminuer l’action du feu.

On remarque que la plûpart des volcans sont placés dans le voisinage de la mer ; cette position peut même contribuer à rendre leurs éruptions plus vio-

lentes. En effet, l’eau venant à tomber par les fentes

de la montagne dans les amas immenses de matieres enflammées qui s’y trouvent, ne peut manquer de produire des explosions très-vives, mais les effets doivent devenir plus terribles encore lorsque cette eau est bitumineuse & chargée de parties salines. Une expérience assez triviale peut nous rendre raison de cette vérité : les cuisiniers, pour rendre la braise plus ardente, y jettent quelquefois une poignée de sel, le feu devient par-là beaucoup plus âpre.

Les sommets des volcans ont communément la forme d’un cône renversé ou d’un entonnoir ; lorsque les cendres & les roches qui entourent cette partie de la montagne permettent d’en approcher dans les tems où il ne se fait point d’éruption, on y voit un bassin rempli de soufre qui bouillonne en de certains endroits, & qui répand une odeur sulphureuse très-forte & souvent une fumée épaisse. Cette partie du volcan est très-sujette à changer de face, & chaque éruption lai fait présenter un aspect différent de celui que le sommet avoit auparavant ; en effet, il y a des portions de la montagne qui s’écroulent, & le gouffre vomit de nouvelles matieres qui les remplacent. Les chemins qui conduisent au sommet de ces montagnes sont aussi couverts de sel ammoniac, de matieres bitumineuses, de pierres ponces, de scories ou de lave, d’alun, &c. on y rencontre des sources d’eaux chaudes, salines, sulphureuses, d’une odeur & d’un goût insupportables. Dans les tems qui précedent les éruptions, les matieres contenues dans le bassin semblent bouillonner, elles se gonflent quelquefois au point de sortir par-dessus les rebords, & de découler le long de la pente du volcan ; cela n’arrive point sans un fracas épouventable, & sans des sifflemens & des déchiremens propres à donner le plus grand effroi. On sent aisément que les matieres, en se fondant, doivent former une croute qui s’oppose au passage de l’air & du feu, ce qui doit produire une expansion qui renouvelle la violence des éruptions.

Plusieurs physiciens ont cru qu’il y avoit une espece de correspondance entre les différens volcans que l’on voit sur notre globe, la proximité rend cette conjecture assez vraissemblable pour le Vésuve & l’Etna qui souvent exercent leurs ravages dans le même tems ; d’ailleurs nous avons fait voir dans l’article Tremblement de terre, que les embrasemens de la terre sembloient se propager par des canaux souterreins à des distances prodigieuses.

Il arrive quelquefois que des volcans, après avoir eu des éruptions pendant une longue suite de siecles, cessent enfin d’en avoir ; cela vient soit de ce que les matieres qui excitoient leurs embrasemens se sont à la fin totalement épuisées, soit de ce qu’elles ont pris une autre route ; en effet on a vu que lorsque quelques volcans cessoient de jetter des matieres, d’autres montagnes devenoient des volcans, & commençoient à vomir du feu avec autant & plus de furie que ceux dont ils prenoient la place ; c’est ainsi que depuis un très-grand nombre d’années le mont Hécla en Islande a cessé de vomir des flammes, & une autre montagne de la même île est devenue un volcan. Les différentes parties du monde présentent aux voyageurs plusieurs montagnes qui ont servi autrefois de soupiraux aux embrasemens de la terre, comme on peut en juger par les abysmes & les précipices qu’elles offrent, par les pierres-ponces, les roches calcinées, le soufre, les cendres, l’alun, le sel ammoniac dont le terrein qui les environne est rempli. Il paroît que quelques-uns de ces volcans ont exercé leurs ravages dans des tems dont l’histoire ne nous a point conservé le souvenir, mais un