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faite, avec un œil artificiel, ou par le moyen de la chambre obscure. Voyez Œil, & Chambre obscure.

Les images des objets se représentent donc sur la rétine, qui n’est qu’une expansion de filets très-déliés du nerf optique, & d’où le nerf optique lui-même va se rendre dans le cerveau : or si une extrémité du nerf optique reçoit un mouvement, ou fait une vibration quelconque, cette vibration se communiquera à l’autre extrémité : ainsi l’impulsion des différens rayons qui viennent des différens points de l’objet, l’affectera à-peu-près de la même maniere qu’elle affecte la rétine, c’est-à-dire avec les vibrations & la sorte de mouvement qui lui est particuliere, cette impulsion se propagera ainsi jusqu’à l’endroit où les filets optiques viennent à former un tissu dans la substance du cerveau, & par ce moyen là les vibrations seront portées au siege général ou commun des sensations.

Or l’on sait que telle est la loi de l’union de l’ame & du corps, que certaines perceptions de l’ame sont une suite nécessaire de certains mouvemens du corps : & comme les différentes parties de l’objet meuvent séparément différentes parties du fond de l’œil, & que ces mouvemens se propagent ou se communiquent au sensorium, ou au siege du sentiment ; on voit donc qu’il doit s’ensuivre en même tems un aussi grand nombre de sensations distinctes. Voyez Sensation.

Il est donc aisé de concevoir 1°. que la perception ou l’image, doit être plus claire & plus vive, à proportion que l’œil reçoit de la part d’un objet, un plus grand nombre de rayons : par conséquent la grandeur de la prunelle contribuera en partie à la clarté de la vision.

2°. En ne considérant qu’un point rayonnant d’un objet, on peut dire que ce point affecteroit le siege du sentiment, d’une maniere plus foible, ou seroit vu plus obscurément, à mesure qu’il seroit plus éloigné, à cause que les rayons qui viennent d’un point, sont toujours divergens ; ainsi plus les objets seront éloignés, moins la prunelle en recevra de rayons ; mais d’un autre côté, la prunelle se dilatant d’autant plus que l’objet est plus éloigné, reçoit par cette dilatation un plus grand nombre de rayons qu’elle n’en recevroit sans ce mécanisme.

3°. La vision plus ou moins distincte dépend un peu de la grandeur de l’image représentée dans le fond de l’œil : car il doit y avoir au-moins autant d’extrémité de filets ou de fibres du nerf optique, dans l’espace que l’image occupe, qu’il y a de particules dans l’objet qui envoie des rayons dans la prunelle ; autrement chaque particule n’ébranleroit pas son filet optique particulier ; & si les rayons qui viennent de deux points, tombent sur le même filet optique, il arrivera la même chose que s’il n’y avoit qu’un seul point qui y tombât ; puisque le même filet optique ne sauroit être ébranlé de deux manieres différentes à la fois. C’est pourquoi les images des objets fort éloignés étant très-petites, elles paroissent confuses, plusieurs points de l’image affectant un même point optique : il arrive aussi de-là que si l’objet a différentes couleurs, plusieurs de ses particules affectant en même tems le même filet optique, l’œil n’en appercevra que les plus lumineuses & les plus brillantes : ainsi un champ parsemé d’un grand nombre de fleurs blanches, sur un fond de verdure, paroîtra néanmoins tout blanc à quelque distance.

A l’égard des raisons pourquoi nous ne voyons qu’un objet simple, quoiqu’il y ait une image dans chaque œil, & pourquoi nous le voyons droit quoique cette image soit renversée ; nous renvoyons à ce que les auteurs d’optique ont dit là-dessus, & dont nous ne répondons pas qu’on soit satisfait.

Quant à la maniere de voir & de juger de la distance & de la grandeur des objets, consultez les articles Visible, Distance, &c.

Les lois de la vision, soumises aux démonstrations mathématiques, font le sujet de l’optique, prise dans la signification de ce mot la plus étendue : car ceux qui ont écrit sur les mathématiques, donnent à l’optique une signification moins étendue ; ils la réduisent à la doctrine de la vision directe ; la catoptrique traite de la vision réfléchie ; & la dioptrique de la vision réfractée. Voyez Optique, Catoptrique, & Dioptrique.

La vision directe ou simple est celle qui se fait par le moyen de rayons directs, c’est-à-dire de rayons qui passent directement ou en ligne droite depuis le point rayonnant jusqu’à l’œil. Nous venons d’en exposer les lois dans cet article.

La vision réfléchie se fait par des rayons réfléchis par des miroirs ou d’autres corps dont la surface est polie. Voyez-en aussi les lois aux articles Réflection & Miroir.

La vision réfractée se fait par le moyen de rayons réfractes ou détournés de leur direction, en passant par des milieux de différente densité, principalement à-travers des verres & des lentilles. Voyez-en les lois aux articles Réfraction, Lentille, &c.

Solution de plusieurs questions sur la vision. « On demande pourquoi, lorsque nous avons été quelque tems dans un lieu fort clair, & que nous entrons ensuite subitement dans une chambre moins éclairée ; tous les objets nous paroissent-ils alors obscurs ; ensorte que nous sommes même au commencement, comme aveugles ? Cela ne vient-il pas de ce que nous resserrons la prunelle, lorsque nous nous trouvons dans un lieu éclairé, afin que la vûe ne soit pas offensée d’une trop grande lumiere, ce qui n’empêche pourtant pas qu’elle ne reçoive une forte impression des rayons qui la pénetrent. 2°. Notre ame est accoutumée à faire attention à ces mouvemens violens & à ces fortes impressions, & n’en fait point à celles qui sont foibles : lors donc qu’étant ainsi disposé on entre dans un lieu un peu obscur, il n’entre que peu de rayons de lumiere par la prunelle retrécie, & comme ils n’ébranlent presque pas la rétine, notre ame ne voit rien, parce qu’elle est déja accoutumée à de plus fortes impressions : c’est pour cela que tout nous paroît d’abord plus obscur, & que nous sommes en quelque maniere aveugles, jusqu’à ce que la prunelle se dilate insensiblement, & que l’ame s’accoutume à de plus fortes impressions, & qu’elle y prête ensuite attention. »

Lorsque quelqu’un se trouve dans une chambre, qui n’est que peu éclairée, il voit facilement à-travers les vitres, ou à travers la fenêtre ouverte, tous ceux qui passent devant lui en plein jour ; mais pourquoi les passans ne l’apperçoivent-ils pas, ou ne le voient-ils qu’avec peine, & toujours d’autant moins, que le jour est plus grand ? Cela ne vient-il pas, de ce que celui qui voit dans l’obscurité reçoit beaucoup de rayons des objets, qui sont en plein air & fort éclairés, & qu’il les apperçoit par conséquent clairement & facilement : au lieu que lui ne réfléchit que peu de rayons de la chambre obscure, où il se trouve vers les passans qui sont en plein air, de sorte que ceux-ci ne peuvent recevoir qu’une petite quantité de rayons, lesquels font sur eux une impression bien plus foible, que celle qu’ils reçoivent de la lumiere des autres objets qui sont en plein air ; & ainsi leur ame ne fait alors aucune attention à ces foibles impressions.

Lorsqu’on cligne les yeux, ou qu’on commence à les bien fermer, ou lorsqu’on pleure & qu’on envisage en même tems une chandelle allumée ou une