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mone. Penserons-nous que ses présens, dit le poëte, soient plus chers aux hommes que les autres présens de la nature ! Que de desordres a causé ce dieu par ses largesses ! Que de crimes n’a-t-il pas fait commettre ! Autrefois il arma les centaures, & fit périr dans l’ivresse Rhétus, Pholus & le vaillant Hylée armé d’un broc de vin, dont il menaçoit de terrasser les Lapithes.

Quid memorandum æque Baccheia dona tulerunt
Bacchus, & ad culpam causas dedit ; ille furentes
Centauros letho domuit, Rhætumque, Pholumque,
Et magno Hylæum Lapithis cratere minantem.

Georg. lib. II. vers. 454.

Mais Virgile n’entend pas qu’on néglige le culte & les honneurs que méritoit Bacchus pour ses bienfaits ; célébrons, dit-il, ses louanges par des vers tels que nos peres les chantoient ; offrons-lui des bassins chargés de fruits & de gâteaux ; enfin conduisons à ses autels un bouc sacré, & que les entrailles fumantes de la victime soient rôties avec des branches de coudrier.

Ergo rite suum Baccho dicemus honorem
Carminibus patriis, lancesque & liba feremus ;
Et ductus cornu stabit sacer hircus ad aram,
Pinguiaque in verubus torrebimus exta coturnis.

Georg. lib. II. vers. 393.

Après tout, c’est la reconnoissance qui fit instituer dans le paganisme des jours solemnels pour célébrer les dieux auxquels ils se croyoient redevables de leur recolte. De-là viennent en particulier les chants de joie qu’ils consacroient au dieu des vendanges. Ses fêtes qui arrivoient en l’automne, lorsque tous les travaux champêtres étoient finis dans un tems fait pour jouir, furent beaucoup plus célebres que celles des autres dieux, parce que le plaisir des adorateurs se trouvoit lié avec la gloire du dieu qu’on adoroit. Enfin, après avoir chanté le dieu du vin, on chanta bientôt celui de l’amour ; ces deux divinités avoient trop de liaison pour être long-tems séparées par des cœurs sensibles. (D. J.)

VINDERIUS, (Géogr. anc.) fleuve de l’Hibernie. Ptolomée, l. II. c. ij. marque l’embouchure de ce fleuve sur la côte orientale de l’île, entre le promontoire Isamnium & l’embouchure du fleuve Logia. C’est aujourd’hui, selon Camden, Bay of Knocfergus. (D. J.)

VINDICATIF, adj. (Gram.) celui qui est enclin à la vengeance. Je ne voudrois pas appeller vindicatif celui qui se rappelle facilement l’injure qu’il a reçue ; car il y a des hommes qui se souviennent très-bien, qui n’oublient même jamais les torts qu’on a avec eux, & qui ne s’en vengent point, qui ne sont point tourmentés par la rancune & le ressentiment ; c’est une affaire purement de mémoire. Ils ont l’insulte qui leur est propre, présente à l’esprit à-peu-près comme celle qu’on a faite à un autre, & dont ils ont été témoins. Il y a donc dans l’esprit de vengeance quelque chose de plus que la mémoire de l’injure. Je pense qu’au moment de l’injure le ressentiment naît plus ou moins vif ; dans cet état du ressentiment, les organes intérieurs sont affectés d’une certaine maniere ; nous le sentons au mouvement qui s’y produit. Si cette affection dure, tient long-tems ; si elle passe, mais qu’elle reprenne facilement ; si elle reprend avec plus de force qu’auparavant ; voilà ce qui constituera le vindicatif. Mutatis mutandis, appliquez les mêmes idées à toutes les autres passions, & vous aurez ce qu’on appelle le caractere dominant. C’est un tic des organes intérieurs, vice qu’il est très-dangereux de prendre, qu’on peut contracter de cent manieres différentes, auquel la nature dispose & qu’elle donne même quelquefois. Lorsqu’elle

le donne, il est impossible de s’en défaire ; c’est une affection des organes intérieurs, qu’il n’est pas plus possible de changer que celle des organes extérieurs ; on ne refait pas plus son cœur, sa poitrine, ses intestins, son estomac, les fibres passionnées, que son front, ses yeux ou son nez. Celui qui est colere par ce vice de conformation, restera colere ; celui qui est humain, tendre, compatissant ; restera tendre, humain, compatissant ; celui qui est cruel & sanguinaire, trouvera du plaisir à plonger le poignard dans le sein de son semblable, aimera à voir couler le sang, se complaira dans les transes du moribond, & repaîtra ses yeux des convulsions de son agonie. Si l’on a vu des hommes prendre des caracteres tout opposés à ceux qu’ils avoient ou paroissoient avoir naturellement, c’est que le premier qu’ils ont montré n’étoit que simulé, ou que peut-être il est possible que les organes intérieurs aient d’abord la conformation qui donne telle passion dominante, tel fond de caractere ; qu’en s’étendant, qu’en croissant avec l’âge, ils prennent cette conformation habituelle qui rend le caractere différent, ou même qui donne un caractere opposé. Il en est ainsi des organes extérieurs ; tel enfant dans ses premieres années est beau, & devient laid ; tel autre est laid, & devient beau.

VINDICATION, s. f. (Gram. & Jurisprud.) chez les anciens auteurs latins signifioit vengeance ; il est employé en ce sens par Cicéron de inventione.

Mais en Droit, le terme de vindication signifie l’action réelle, par laquelle on réclamoit le droit que l’on avoit sur une chose, à la différence des actions personnelles, que l’on appelloit condictions.

La vindication, c’est à-peu-près la même chose que ce que nous entendons dans notre droit françois par le terme de revendication.

Celui de vindication venoit du latin vindicia, qui, dans l’ancien droit, signifioit possession.

La vindication étoit de trois sortes, celle de la propriété, celle des servitudes & celle du gage ; mais ces deux dernieres n’étoient pas directes, ce n’étoient que des quasi-vindications, parce que celui qui agissoit pour une servitude ou pour un gage, ne prétendoit pas être propriétaire de la chose, il y réclamoit seulement quelque droit.

La vindication de la propriété étoit universelle, ou spéciale universelle, lorsqu’on réclamoit une hérédité entiere spéciale, lorsqu’on revendiquoit une chose en espece, & celle-ci est la seule à laquelle le nom de vindication devint propre. Voyez au ff. le tit. VI. de rei vindicatione, & les mots Action réelle, Gage, Hypoteque, Revendication, Servitude, Possession, Propriété. (A)

VINDICTA, (Antiq. rom.) baguette dont le licteur touchoit la tête de l’esclave que le préteur mettoit en liberté. Plaute appelle cette baguette festuca. (D. J.)

VINDICTE, s. f. (Gramm. & Jurisprud.) vindicta étoit une des manieres d’affranchir les esclaves usitées chez les Romains ; c’étoit lorsque l’affranchissement se faisoit devant un magistrat, tel qu’un préteur, un consul ou un proconsul. Cette manumission, per vindictam, étoit la plus pleine & la plus parfaite de toutes : elle prenoit son nom de ce que le magistrat ou un licteur frappoit deux ou trois fois la tête de l’esclave avec une petite baguette, appellée vindicta, du nom d’un esclave nommé Vindicius ou Vindex, celui qui découvrit aux Romains la conspiration des fils de Brutus, pour le rétablissement des Tarquins. D’autres prétendent que vindicta étoit le terme propre pour exprimer une baguette telle que celle dont on se servoit pour cette manumission. Voyez Borcholser, sur les institut. l. I. tit. VI. Moréry, à l’article de vindiciis ; l’hist. de la jurisprud. rom. de M. Terrasson ;