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TRÈS-CHRÉTIEN, (Hist. de France.) titre des rois de France. Le concile de Savonniere, tenu en 859, qualifie Charles-le-Chauve de roi très-chrétien. Le pape Etienne II. avoit déjà donné ce nom à Pepin l’an 755. Malgré ces faits tirés de l’histoire, on a dit assez communément jusqu’à ces derniers tems, que le titre de très-chrétien fut accordé pour la premiere fois par Paul II. à Louis XI.

Le pere Mabillon qui a fait imprimer un extrait de l’ambassade de Guillaume de Monsterceet en 1469, où l’on voit que ce souverain pontife déclare qu’il donnera dans la suite ce titre à nos rois, remarque qu’en cela le pape ne faisoit que continuer un usage déjà établi. Pour le prouver il rapporte plusieurs exemples anciens, qui à la vérité ont été quelquefois interrompus ; mais il démontre que du tems de Charles VII. cette dénomination étoit déjà constamment & héréditairement attachée à nos rois. Pie II. le dit expressément dans sa 385e. lettre adressée à Charles VII. du 3 des ides d’Octobre 1457. Nec immerito ob christianum nomen à progenitoribus tuis defensum, nomen christianissimi ab illis hæreditarium habes. Si ce savant religieux eût vu le prologue de Raoul de Presles à son livre de la cité de Dieu, il n’eût pas manqué de faire remonter l’usage de ce titre de très-chrétien jusqu’au tems de Charles V. ayeul de Charles VII les termes de Raoul de Presles sont assez précis : « Et à vous singulierement en l’institution des lettres au très-chrétien des princes ». Ce passage a échappé aux auteurs des dissertations insérées dans les Mercures de Janvier, Avril & Juin 1720, &c. où cette matiere est discutée avec beaucoup de vivacité.

On trouve cependant, malgré ces autorités, que le concile de Bâle, tenu en 1432, ne donne au roi de France que le titre de sérénissime ; enfin celui de très-chrétien que Louis IX obtint du pape en 1469, est devenu un titre permanent dans ses successeurs. Au reste, on a remarqué que ce prince prit la qualité de très-chrétien, à-peu-près dans le tems que Ferdinand d’Aragon, illustre par des perfidies autant que par des conquêtes, prenoit le titre de catholique. (D. J.)

TRES-TABERNÆ, (Géogr. anc.) lieu d’Italie dans la campagne de Rome, & où l’histoire Miscellanée & Zozime, l. II. disent que l’empereur Sévere fut tué par Maxence. Cicéron, l. II. attic. epist. x. qui parle de ce lieu, fait entendre qu’il n’étoit pas éloigné de la voie appienne, & un peu plus loin que le marché d’Appius. Les Chrétiens qui étoient à Rome allerent au-devant de saint Paul jusqu’au lieu nommé les Trois-loges, Tres-Tabernæ, comme nous le lisons dans les Actes xxviij. 15. L’itinéraire d’Antonin marque ce lieu sur la route de Rome à la colonne, en suivant la voie Appienne, entre Aricia & Apii-Forum, à 17 milles du premier de ces lieux, & à 18 milles du second. Le nom moderne est Cisterna.

Tres Tabernæ est encore un lieu de la Macédoine, suivant l’itinéraire d’Antonin, qui le marque sur la route de Dyrrachium à Byzance. (D. J.)

TRESAILLE, s. f. terme de Charron, c’est une piece de bois longue de quatre piés & demi, plate, quarrée, de l’épaisseur de deux pouces & de la largeur de quatre, qui est assujettie sur les deux ridelles ou brancart du tombereau, au milieu de cette trésaille est un anneau de fer fait en piton, où est attachée la chaîne qui attache le tombereau, & le maintient en état.

TRÉSEAU, s. m. (Commerce.) petit poids qui pese le demi-quart, ou la huitieme partie de l’once ; c’est ce qu’on nomme plus communément un gros. On pese au tréseau les drogues des apoticaires, & la menue marchandise que les merciers débitent en détail,

comme le fil & la soie en écheveaux. Voyez Gros. Dictionnaire de commerce.

TRÈS-FONCIER, adj. (Jurisprud.) se dit de celui qui a la propriété du fonds, on l’appelle seigneur très foncier, parce que le droit de pleine propriété est regardé comme une espece de seigneurie, utile en ce qu’il donne le droit de disposer de la chose, d’en jouir, & même d’en user & abuser selon que la raison & la loi le permettent. Voyez Domaine, Héritage, Proprieté, Seigneur, Seigneurie. (A)

TRÈS-FONDS, s. m. (Gram. & Jurisprud.) signifie la partie de l’héritage qui est opposée à la superficie ; on dit de celui qui a la pleine propriété d’un héritage qu’il a le fonds & les très-fonds, parce qu’il a non seulement la superficie, mais aussi le fond, c’est-à-dire tout ce qui est au-dessous de la superficie à quelque profondeur que ce soit, de maniere qu’il fait faire des fouilles & excavations aussi avant qu’il le juge à propos. Voyez Domaine, Fonds, Proprieté, Très-foncier, Usufruit. (A)

TRÉSILLON, s. m. (Charpent.) morceau de bois qu’on met entre des ais nouvellement sciés, pour les tenir en état & les faire sécher plus aisément & sans gauchir. On dit trésillonner une pile de bois, de crainte qu’il ne se tourmente. (D. J.)

TRÉSOR, s. m. (Droit naturel & civil.) thesaurus est vetus quædam depositio pecuniæ, cujus non extat memoria, ut jam dominum non habeat : sic enim fit ejus qui invenerit quod non alterius sit, alioquin si quis aliquid vel lucri causâ, vel metûs, vel custodroe, condiderit sub terra, non est thesaurus cujus etiam furtum sit. Digest. lib. XLI. tit. I.

Selon cette définition, un trésor est un argent trouvé, & dont on ignore le maître. Je dis, dont on ignore le maître ; car si quelqu’un cache en terre son argent crainte d’être dépouillé, ou simplement faute d’endroits plus commodes pour le serrer, ce n’est pas un trésor ; & quiconque le prend, se rend coupable de larcin, comme ce valet dont il est parlé dans la comédie de Plaute, intitulée Aulularia. On demande donc à qui appartient un trésor trouvé, c’est-à-dire un argent dont on ignore le maître.

Selon le droit naturel tout seul, un trésor, de même que toutes les autres choses qui n’ont point de maître, appartiennent au corps de l’état, ou à ceux qui le représentent, en un mot, au souverain. Mais d’un autre côté, le souverain est censé laisser ces sortes de choses au premier occupant, tant qu’il ne se les réserve pas bien clairement à lui-même. Et lorsqu’il permet aux particuliers ou expressément, ou tacitement, de se les approprier ; celui qui trouve un trésor & qui s’en saisit, en devient par-là maître, quand même il l’auroit trouvé dans un fonds appartenant à autrui, si les lois civiles n’en disposent autrement ; parce que le trésor n’est pas accessoire du fonds, comme les métaux, les minéraux, & autres choses semblables qui y sont attachées naturellement, & dont à cause de cela le propriétaire du fonds peut être regardé comme en possession.

Les lois romaines qui donnent la moitié du trésor au maître du fonds, & l’autre moitié à celui qui y trouve un trésor, étendent cela à un ouvrier qui est payé par le maître du champ ou de la maison pour y travailler ; car, dit-on, il n’agit au nom de celui qui l’a loué qu’en ce qui regarde l’ouvrage qu’il a à faire. Nemo enim servorum opera thesaurum quæret : nec ea propter tum terram fodiebat, sed alii rei operam insumebat & fortuna aliud dedit. Digest. lib. XLI. tit. I. De acquir. rer. domin. leg. 43.

Platon décide qu’un trésor, & en général toutes les choses perdues, ne demeurent pas à celui qui les trouve, quoiqu’on ne sache point à qui elles appartiennent ; mais il prétend qu’il faut consulter là-dessus l’oracle de Delphes, pour disposer de ces choses