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l’on prend sur son rivage. Elle est située à douze lieues ou environ sous le vent de l’île de la Marguerite, sur la côte de Venezuela, dans l’Amérique équinoxiale. Il ne faut pas la confondre avec une autre île de la tortue située à la bande du nord de Saint-Domingue.

Tortue, (Chirurg.) espece de tumeur qui se forme à la tête. Voyez Testudo & Talpa. (Y)

Tortue, (Art milit.) On appelloit ainsi chez les anciens une espece de galerie couverte, dont on se servoit pour approcher à-couvert de la muraille des places qu’on vouloit ruiner, ou pour le comblement du fossé.

On appelle tortues-bélieres celles qui servoient à couvrir les hommes qui faisoient agir le bélier. Voyez Bélier.

Vitruve nous a donné la description & la structure de la tortue qui servoit à combler le fossé. On la poussoit sur le comblement, à-mesure que l’ouvrage avançoit, jusqu’au pié du rempart ou des tours qu’on sappoit à-couvert de cette machine. Elle étoit composée d’une grosse charpente très-solide & très-forte. C’étoit un assemblage de grosses poutres : les sallieres, les poteaux, & tout ce qui la composoit, devoit être à l’épreuve des machines & de toutes sortes d’efforts : mais sa plus grande force devoit être portée au comble & dans les poutres qui la soutenoient, pour n’être point écrasée des corps jettés d’en-haut. On l’appelloit tortue, parce qu’elle servoit de couverture & de défense très-forte & très-puissante contre les corps énormes qu’on jettoit dessus, & ceux qui étoient dessous, s’y trouvoient en sûreté, de-même que la tortue l’est dans son écaille : elle servoit également pour le comblement du fossé & pour la sappe de la muraille. (Folart, Attaq. des places des anciens.) Cet auteur prétend que la tortue n’étoit autre chose que le musculus des anciens.

Les Romains avoient encore d’autres especes de tortues, savoir, pour les escalades & pour le combat.

La tortue pour l’escalade consistoit à faire avancer les soldats par pelotons proche des murs, en s’élevant & en se couvrant la tête de leurs boucliers ; ensorte que les premiers rangs se tenant droits & les derniers à-genoux ; leurs boucliers arrangés ensemble les uns sur les autres comme des tuiles, formoient tous ensemble une espece de toit, sur lequel tout ce qu’on jettoit du haut des murs, glissoit sans faire de mal aux troupes qui étoient dessous. C’étoit dans ces opérations que les boucliers creux dont se servoient les légionnaires, devenoient plus utiles & plus commodes que les autres. On faisoit encore monter d’autres soldats sur ce toit de boucliers, qui se couvrant de-même, tâchoient d’écarter avec des javelines ceux qui paroissoient sur les murs, & d’y monter en se soulevant les uns les autres.

Cette tortue ne pouvoit avoir lieu que lorsque les murs étoient peu élevés.

L’autre tortue pour le combat, se formoit en rase campagne avec les boucliers pour se garantir des traits & des fleches. Selon Plutarque, Marc-Antoine s’en servit contre les Parthes pour se mettre à-couvert de la prodigieuse quantité de fleches qu’ils tiroient sur ses troupes. Cette tortue se faisoit ainsi :

Les légionnaires enfermoient au milieu d’eux les troupes légerement armées ; ceux du premier rang avoient un genou en terre, tenant leur bouclier droit devant eux ; & ceux du second rang mettoient le leur dessus la tête de ceux du premier rang ; ceux du troisieme couvroient ceux du second ; & ainsi des autres, en observant que leurs boucliers anticipassent un peu les uns sur les autres, de-même qu’on arrange les tuiles, ensorte qu’ils formoient une maniere de toit avec leurs boucliers, qui étant un peu

creux, se joignoient facilement les uns aux autres, & les mettoient ainsi à-l’abri des fleches, principalement de celles qu’on tiroit en l’air, comme faisoient les Parthes. Des mœurs & des usages des Romains. (Q)

Tortue de mer, (Marine.) sorte de vaisseau qui a le pont élevé en maniere de toît, afin de mettre à-couvert les personnes & les effets qui y sont.

Tortue, île de la, (Géog. mod.) île de l’Amérique septentrionale, une des Antilles, à deux lieues au nord de S. Domingue. Elle a six lieues de long de l’est à l’ouest, & deux de large du nord au sud. Sa partie septentrionale est inaccessible à cause des rochers qui l’environnent. Les autres parties peuvent produire du tabac, du coton, du sucre & de l’indigo. Cette île chétive, aujourd’hui déserte, a couté aux Espagnols & aux François cent fois plus qu’elle ne peut produire en cent ans. Latit. 20. (D. J.)

Tortue, île de la, (Géog. mod.) île de l’Amérique septentrionale, dans la mer du Nord, à 14 lieues au sud-ouest de celle de Sainte Marguerite ; elle abonde en sel, ainsi que l’île de la Tortue de Saint-Domingue ; mais elle est déserte. Latit. septent. 11. d. (D. J.)

Tortues, île des, (Géog. mod.) îles de l’Amérique septentrionale, au nombre de sept ou huit, & que quelques-uns mettent au rang des Lucayes ; on les trouve au midi occidental du cap de la Floride, environ à 294 d. de longitude, entre les 24 & 25 d. de latitude nord. (D. J.)

TORTUGNE, voyez Tortue.

Tortugne d’aigue, voyez Tortue de mer.

TORTURE ou QUESTION, (Jurisprud.) est un tourment que l’on fait essuyer à un criminel ou à un accusé, pour lui faire dire la vérité ou déclarer ses complices. Voyez Question.

Les tortures sont différentes, suivant les différens pays ; on la donne avec l’eau, ou avec le fer, ou avec la roue, avec des coins, avec des brodequins, avec du feu, &c.

En Angleterre on a aboli l’usage de toutes les tortures, tant en matiere civile que criminelle, & même dans le cas de haute trahison ; cependant il s’y pratique encore quelque chose de semblable quand un criminel refuse opiniatrement de répondre ou de s’avouer coupable, quoiqu’il y ait des preuves. Voyez Peine forte et dure.

En France on ne donne point la torture ou la question en matiere civile ; mais en matiere criminelle, suivant l’ordonnance de 1670, on peut appliquer à la question un homme accusé d’un crime capital, s’il y a preuve considérable, & que cependant elle ne soit pas suffisante pour le convaincre. Voyez Preuve.

Il y a deux sortes de questions ou tortures, l’une préparatoire, que l’on ordonne avant le jugement, & l’autre définitive, que l’on ordonne par la sentence de mort.

La premiere est ordonnée manentibus indiciis, preuves tenantes ; de sorte que si l’accusé n’avoue rien, il ne peut point être condamné à mort, mais seulement à toute autre peine, ad omnia citrà mortem.

La seconde se donne aux criminels condamnés, pour avoir révélation de leurs complices.

La question ordinaire se donne à Paris avec six pots d’eau & le petit treteau, & la question extraordinaire aussi avec six pots d’eau, mais avec le grand treteau.

En Ecosse la question se donne avec une botte de fer & des coins.

En certains pays on applique les piés du criminel au feu, en d’autres on se sert de coins, &c.

M. de la Bruyere dit que la question est une invention sûre pour perdre un innocent qui a la complexion foible, & pour sauver un coupable qui est