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avec des jettons, qu’ils appelleroient louis, livre, écu. Quelques calculs qu’ils fissent, leurs sommes ne seroient jamais que des jettons : quelques raisonnemens que fassent des philosophes à systèmes abstraits, leurs conclusions ne seront jamais que des mots. Or de tels systèmes, loin de dissiper le cahos de la métaphysique, ne sont propres qu’à éblouir l’imagination par la hardiesse des conséquences où ils conduisent, qu’à séduire l’esprit par des fausses lueurs d’évidence, qu’à nourrir l’entêtement pour les erreurs les plus monstrueuses, qu’à éterniser les disputes, ainsi que l’aigreur & l’emportement avec lequel on les soutient. Ce n’est pas qu’il n’y ait de ces systèmes qui ne méritent les éloges qu’on leur donne. Il y a tels de ces ouvrages qui nous forcent à les admirer. Ils ressemblent à ces palais où le goût, les commodités, la grandeur, la magnificence concourroient à faire un chef-d’œuvre de l’art ; mais qui ne porteroient sur des fondemens si peu solides, qu’ils paroîtroient ne se soutenir que par enchantement. On donneroit sans doute des éloges à l’architecte ; mais des éloges bien contrebalancés par la critique qu’on feroit de son imprudence. On regarderoit comme la plus insigne folie d’avoir bâti sur de si foibles fondemens un si superbe édifice ; & quoique ce fût l’ouvrage d’un esprit supérieur, & que les pieces en fussent disposées dans un ordre admirable, personne ne seroit assez peu sage pour y vouloir loger.

Par la seule idée qu’on doit se faire d’un système, il est évident qu’on ne peut qu’improprement appeller système ces ouvrages, où l’on prétend expliquer la nature par le moyen de quelques principes abstraits. Les hypothèses, quand elles sont faites suivant les regles que nous en avons données, méritent mieux le nom de système. Nous en avons fait voir les avantages. Voyez l’article Hypothese.

Les vrais systèmes sont ceux qui sont fondés sur des faits. Mais ces systèmes exigent un assez grand nombre d’observations, pour qu’on puisse saisir l’enchaînement des phénomenes. Il y a cette différence entre les hypothèses & les faits qui surviennent des principes, qu’une hypothèse devient plus incertaine à mesure qu’on découvre un plus grand nombre d’effets, dont elle ne rend pas raison, au lieu qu’un fait est toujours également certain, & il ne peut cesser d’être le principe des phénomenes, dont il a une fois rendu raison. S’il y a des effets qu’il n’explique pas, on ne doit pas le rejetter, on doit travailler à découvrir les phénomenes qui le lient avec eux, & qui forment de tous un seul système.

Il n’y a point de science ni d’art où l’on ne puisse faire des systèmes : mais dans les uns, on se propose de rendre raison des effets ; dans les autres, de les préparer & de les faire naître. Le premier objet est celui de la physique ; le second est celui de la politique. Il y a des sciences qui ont l’un & l’autre, telles sont la Chimie & la Médecine.

Système, s. m. (Philos.) signifie en général un assemblage ou un enchaînement de principes & de conclusions : ou bien encore, le tout & l’ensemble d’une théorie dont les différentes parties sont liées entre elles, se suivent & dépendent les unes des autres.

Ce mot est formé d’un mot grec qui signifie composition ou assemblage.

C’est dans ce sens-là que l’on dit un système de Philosophie, un système d’Astronomie, &c. le système de Descartes, celui de Newton, &c. Les Théologiens ont formé une quantité de systèmes sur la grace.

Gassendi a renouvellé l’ancien système des atomes, qui étoit celui de Démocrite, suivi par Epicure, Lucrece, &c. Voyez Corpusculaire, Atome & Matiere.

Les expériences & les observations sont les matériaux des systèmes. Aussi rien n’est-il plus dangereux en Physique, & plus capable de conduire à l’erreur, que de se hâter de faire des systèmes, sans avoir auparavant le nombre de matériaux nécessaires pour les construire. Ce n’est souvent qu’après un très grand nombre d’expériences qu’on parvient à entrevoir la cause d’un effet, & il y en a même plusieurs, sur lesquelles des expériences répétées & variées à l’infini, n’ont pu encore nous éclairer. Le Cartésianisme qui avoit succédé au Péripatétisme, avoit mis le goût des systèmes fort à la mode. Aujourd’hui, grace à Newton, il paroît qu’on est revenu de ce préjugé, & qu’on ne reconnoît de vraie physique que celle qui s’appuie sur les expériences, & qui les éclaire par des raisonnemens exacts & précis, & non pas par des explications vagues. Voyez Expérience & Expérimental.

Système, en terme d’Astronomie, est la supposition d’un certain arrangement des différentes parties qui composent l’univers ; d’après laquelle hypothese les Astronomes expliquent tous les phénomenes ou apparences des corps célestes, &c. Voyez Astronomie, Planete, &c.

Il y a dans l’Astronomie trois systèmes principaux, sur lesquels les philosophes ont été partagés : le système de Ptolomée, celui de Copernic, & celui de Tycho-Brahé.

Le système de Ptolomée place la terre immobile au centre de l’univers, & fait tourner le cieux autour de la Terre d’orient en occident ; de sorte que tous les corps célestes, astres & planetes suivent ce mouvement. Voyez Ptolomée.

Pour ce qui est de l’ordre & des distances des différens corps qui entrent dans ce système : les voici. D’abord la Lune tourne autour de la Terre ; ensuite Vénus, puis Mercure, le Soleil, Mars, Jupiter & Saturne. Tous ces astres, selon Ptolomée, tournoient autour de la Terre en vingt-quatre heures ; & ils avoient outre cela un mouvement particulier par lequel ils achevoient leurs révolutions annuelles. Voyez Pl. astron. fig. xliij.

Les principaux partisans de ce système sont Aristote, Hipparque, Ptolomée & un grand nombre d’anciens philosophes que tout l’univers a suivi pendant plusieurs siecles, & que suivent encore plusieurs universités & autres colleges d’où l’on a banni la liberté de philosopher ; mais les observations des derniers tems ont entierement détruit ce système ; & même aujourd’hui on ne manque pas de démonstrations pour l’anéantir absolument. Voyez Terre, &c.

En effet, les observations nous apprennent qu’en quelque lieu que l’on place le Soleil, il faut nécessairement reconnoître qu’il est renfermé dans l’orbite de Vénus, puisque cette planete paroît passer tantôt derriere le Soleil, tantôt entre le Soleil & la terre. Donc l’orbite du Soleil ne sauroit entourer celle de Vénus, comme elle l’entoure dans le système de Ptolomée. Il en est de même de Mercure qui est presque perpétuellement plongé dans les rayons du Soleil, & qui, parce qu’il s’en écarte beaucoup moins que Vénus, doit par cette raison avoir une orbite beaucoup plus petite.

D’ailleurs, nous n’exposons ici que ce qu’il y a de plus simple dans le système de Ptolomée. Si nous y ajoutions tous les cieux de crystal qu’il imaginoit pour rendre raison des différens phénomenes célestes, c’est seroit assez à un bon esprit pour rejetter entierement cette hypothese.

Le système de Copernic place le Soleil immobile au centre de l’univers, si ce n’est qu’il donne au Soleil un mouvement de rotation autour de son axe. Voyez Soleil.

Autour de lui tournent d’occident en orient, &