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cienne méthode pour ceux qui étoient préparés avec de l’eau, qui n’étoient chargés que de substances fixes, telles que les parties extractives ou mucilagineuses, & le corps doux-exquis qu’on retiroit de plusieurs substances végétales, par l’infusion ou par la decoction, & le suc gélatineux retiré des substances animales par la décoction. Cette méthode qui est très-simple & très-suffisante pour ces substances que l’ébullition n’altere point, fournit d’ailleurs la commodité de clarifier ce syrop par le moyen du blanc d’œuf, opération qui exige l’ébullition. Voyez Clarification, Chimie, & Pharmacie.

La seconde maniere de procéder à la composition des syrops est propre aux sucs acides, aux sucs alkalis volatils, aux eaux distillées aromatiques, & aux teintures délicates des fleurs, & sur-tout à celle de ces teintures qui sont en même tems aromatiques ; car l’ébullition altere diversement toutes ces matieres pour faire un syrop avec l’une ou l’autre de ces matieres ; par exemple, avec du suc de citron, de verjus, d’épine-vinette, ou avec celui de cochléaria ou de cresson, ou avec une forte teinture de violette ou d’œiller rouge ; on prend l’une ou l’autre de ces liqueurs (si c’est le suc acide préalablement dépuré par le repos, ou même par une légere fermentation suivie de la filtration, & si c’est un suc alkali volatil, par la filtration immédiate) Voyez Dépuration, Chimie), & on y unit par le secours de la douce chaleur d’un bain-marie, à laquelle on peut même l’exposer dans des vaisseaux fermés, le double de son poids de beau sucre blanc & très-pur ; car il ne peut être ici question de la clarification qui est principalement destinée à emporter les impuretés des sucres communs qu’on emploie à la préparation des syrops, selon le premier procédé. Il faut remarquer que les syrops acides ne demandent point une si grande quantité de sucre, & qu’il est même bon, tant pour l’agrément du goût, que pour l’utilité médicamenteuse qu’on laisse leurs acides un peu plus à nud que si on recherchoit exactement le point de saturation qui est presque pour les sucs acides végétaux, le même que pour l’eau pure. Le syrop d’orgeat (voyez l’article Orgeat) est beaucoup meilleur lorsqu’on le prépare par cette méthode, que lorsqu’on lui fait subir une cuite conformément à l’ancienne maniere, & selon qu’il est prescrit encore dans la cinquieme édition de la Pharmacopée de Paris.

La troisieme maniere de préparer le syrop est beaucoup plus compliquée ; elle est destinée à ceux qui sont préparés avec des matieres, dont la principale vertu médicamenteuse réside dans un principe mobile & fugitif, tel que sont principalement le principe odorant & l’esprit volatil des plantes cruciferes. D’après la méthode ou plutôt d’après les principes de le Febvre ou de Zwlfer, on prépare ce syrop dans un appareil de distillation. L’exemple de la préparation de l’un de ces syrops qu’on va donner instruira beaucoup mieux de cette méthode, que l’exposition générale qu’on pourroit en faire.

Syrop de stechas, selon la Pharmacopée de Paris. Prenez épis séchés de stechas, trois onces ; sommités fleuries & séches de thin, de calament & d’origan, de chacun une once & demie ; de sauge, de bétoine & de romarin, de chacun demi-once ; semences de rue, de pivoine mâle & de fenouil, de chacun trois gros ; cannelle, gingembre & roseau aromatique, de chacun deux gros : toutes ces drogues étant concassées ou hachées, faites les macérer dans un alambic de verre ou d’étain pendant deux jours, avec huit livres d’eau que vous entretiendrez dans un état tiede ; après cette macération, distillez au bain-marie bouillant, jusqu’à ce que vous ayez obtenu huit onces de liqueur aromatique, avec laquelle vous ferez un syrop, en l’unissant par le secours de la

chaleur d’un bain-marie, au double de son poids de sucre blanc (d’après le second procédé ci-dessus exposé). D’ailleurs, collez & exprimez la liqueur & le marc qui seront restés au fond de l’alambic ; ajoutez à la collature quatre livres de sucre commun ; clarifiez au blanc d’œuf & cuisez à consistance de syrop auquel, lorsqu’il sera presque refroidi, vous ajouterez votre autre syrop ou celui que vous avez préparé avec votre eau distillée ; c’est ainsi que se prépare le syrop d’érysimum, le syrop d’armoise, le syrop antiscorbutique de la Pharmacopée de Paris, avec la seule différence qu’on emploie du vin dans ce dernier, au lieu de l’eau qu’on emploie dans l’exemple cité.

On se propose deux vues principales en composant des syrops : la premiere de rendre durable la matiere médicamenteuse, soit simple, soit composée, qu’on réduit sous cette forme ; & la seconde, de corriger son goût désagréable, ou même de lui donner un goût véritablement agréable. Le sucre est dans la classe des corps doux, celui qui possede éminemment la qualité assaisonnante, condiens, qui est pourtant commune à la classe entiere de ces substances végétales, & que le miel possede en un degré presque égal à celui du sucre. L’eau, ou si l’on veut, la liquidité aqueuse est un instrument très-efficace de destruction pour les corps chimiques composés ; par conséquent une dissolution aqueuse d’une substance végétale ou animale d’un ordre très-composé (comme elles le sont pour la plupart), & surtout lorsque cette liqueur est délayée ou très-aqueuse, une pareille liqueur, dis-je, n’est point durable ; elle subit bientôt quelque espece de fermentation qui la dénature ; le corps doux & le sucre lui-même ne sont point à l’abri de l’activité de cet instrument, lorsqu’il est libre ; mais si l’eau est occupée par un corps auquel elle est chimiquement miscible, c’est-à-dire, si elle est chargée de ce corps jusqu’au point de saturation, son influence destructive ou au-moins fermentative est diminuée, & d’autant plus qu’elle peut recevoir ou dissoudre ce corps dans une plus haute proportion ; or comme le sucre est de tous les corps connus celui que l’eau peut s’associer en une proportion plus forte (nous avons observé plus haut qu’une partie d’eau peut dissoudre deux parties de sucre), il ne doit point paroître étonnant qu’il soit capable de détruire absolument cette propriété de l’eau, lorsqu’il l’occupe toute entiere, c’est-à-dire, qu’il est mêlé avec elle au point précis de saturation. Il y a une observation remarquable qui confirme cette doctrine : c’est que les matieres mucilagineuses végétales & la matiere gélatineuse animale paroissent être l’extrème opposé au sucre quant à la propriété d’occuper l’eau ou de fixer son activité fermentative ; & aussi le mucilage & la gelée saoulent-ils l’eau dans la plus foible proportion connue, c’est-à-dire, qu’une très-petite quantité de matiere propre de mucilage ou de gelée est capable de s’associer une quantité très-considérable d’eau. Il est donc tout simple, & l’expérience le confirme, que les dissolutions de mucilage ou de gelée, même au point de saturation, soient très-peu durables ; mais ce qui ne s’ensuit pas si évidemment, & que l’expérience seule a appris, c’est que les liqueurs aqueuses chargées de mucilages ou de gelées animales ne sont point durables, lors même qu’elles sont assaisonnées avec le sucre, & qu’on leur a donné par la cuite, autant qu’il a été possible, la consistence de syrop. Le syrop de guimauve, le syrop de nénuphar, le syrop de tortue, &c. sont très-sujets à se corrompre par cette cause ; tous les autres sont des préparations très-durables, quand elles sont bien faites.

Le syrop trop concentré, ou dans laquelle la proportion de sucre est excessive, pourvu que ce ne soit