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pays froids ; la soude de barille est la plus estimée de toutes. On la choisira seche, sonnante, d’un gris bleuâtre, garnie de petits trous, n’ayant aucune odeur de marécage ; on rejettera celle qui a une croûte verdâtre, qui est noirâtre, puante, ou qui contient des pierres. Pour être sûr de son choix dans l’achat de la soude, il faut la dissoudre dans l’eau, la filtrer, comparer le poids que l’eau a acquis avec celui de la soude, ou-bien faire évaporer jusqu’à siccité ; elle sera d’autant meilleure, qu’elle contiendra une plus grande quantité de sel alkali auquel elle doit toute sa vertu.

Le sel de la soude est un vrai sel lixiviel alkalin marin, c’est lui qui sert de base au sel commun ; mais cet alkali est mêlé de sel de Glauber, de tartre vitriolé, & d’une assez grande quantité de sel marin que le feu n’a pu décomposer. Ce sel marin constitue le sel essentiel du kali de la plûpart des plantes maritimes, & de toutes celles qui fournissent la soude ; ce qu’il est aisé de démontrer par la décoction, l’expression, la filtration & l’évaporation du suc de ces plantes. Voyez le supplément au Flora saturnisans de Henkel, voyez Sel essentiel. Ce sel neutre est détruit par l’incinération, le feu dégage l’acide marin de sa base alkaline ; cet acide se dissipe, & l’alkali reste mêlé avec la terre, & une portion des sels qui n’ont pu être décomposés, voyez Sel lixiviel. La putréfaction est un autre moyen de décomposer le sel marin ; le kali donne en se pourrissant une odeur extrèmement fétide, sémblable à celle des excrémens humains, ou des parties animales putréfiées : elle est dûe à un alkali volatil qu’on peut ramasser sous forme concrete par la distillation. Voyez Henkel à l’endroit cité. C’est ici évidemment une transmutation de l’alkali fixe en volatil.

M. Henkel ayant versé les différens acides minéraux sur un sel grossier qui s’étoit précipité de la lessive & sur la soude, trouva après une sorte effervescence, & après avoir laissé reposer la dissolution, une poudre semblable au bleu de Prusse, en très-petite quantité, voyez le supplément au Flora saturnisans déja cité. M. Geoffroy répéta les expériences de M. Henkel, obtint à peu-près les mêmes produits, & observa que la fécule bleue qui varioit beaucoup, dépendoit principalement de la quantité de charbon contenu dans la soude. Voyez son mémoire parmi ceux de l’académie, 1725. Il attribua cette couleur bleue à la portion ferrugineuse du charbon, développée par le savon tartareux formé de soufre, ou de l’huile concentrée du même charbon unie avec le sel alkali qui est ici abondant.

La soude est d’un très-grand usage pour blanchir le linge dans les pays où on ne brûle que du bois flotté, comme à Paris, dont les cendres ne contiennent point d’alkali fixe ; les blanchisseuses ne pouvant faire usage de ces cendres pour leurs lessives, emploient la soude à leur place ; elle sert aussi à dégraisser les étoffes : mais sa plus grande consommation est dans les fabriques de savon noir, gris ou blanc, & dans les verreries. Voyez Savon, Verre, Email & Fritte. Pour ces derniers usages on ne devroit l’employer que lorsqu’elle est purifiée par la lessive de sa partie terreuse surabondante. Le sel marin qu’elle contient lui est nécessaire pour que le savon prenne de la consistence.

Nous ne trouvons pas qu’on se soit servi de la soude pure ou lessive dans la Médecine, mais les vertus apéritives & fondantes des savons communs de Marseille, d’Alicant, de Venise, sont connues de tout le monde ; ils les doivent presque toutes au sel alkali de la soude : nous pouvons donc les attribuer à ce dernier. On pourroit en faire des pierres à cauteres, moins actives que celles qu’on prépare communément avec les cendres clavelées.

Soude blanche, (Minéralogie & Chimie.) Lemery donne ce nom au natrum des anciens. Voyez Natrum.

Soude, kali, s. f. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur en rose composée de plusieurs pétales disposés en rond. Le pistil sort du milieu de cette fleur, & devient dans la suite un fruit presque rond & membraneux, qui renferme un fruit d’une forme singuliere ; car il est contourné comme un limaçon, & le plus souvent enveloppé par les pétales de la fleur. Tournefort, Inst. rei heib. Voyez Plante.

Soude de barille, (Commerce.) soude d’Alicant, ainsi nommée de l’herbe de barille qui se seme, se cul ? ve, se recueille & se brûle aux environs de cette ville d’Espagne. On la tire rarement toute pure d’Espagne, les Espagnols la mêlant souvent avec la soude de bourdine, qui est une autre herbe qui ressemble à la barille. C’est la véritable soude de barille qu’il faut employer pour la fabrication des glaces à miroirs, la bourdine n’y étant pas propre ; elle s’envoie en masse dans de grands cabats de jonc. (D. J.)

SOUDÉE, ou SOULDÉE, s. f. (Jurisprud.) terme usité anciennement pour dire la valeur d’un sou, comme on peut voir dans les statuts donnés par S. Louis aux Boulangers, dans lesquels sont détaillés les jours de fêtes auxquels il ne leur est pas permis de cuire du pain ; la contravention à ce réglement étoit punie par une amende de six deniers, & la confiscation de deux soudées de pain pour chaque journée, c’est-à-dire autant de pain qu’il s’en donnoit alors pour la valeur de deux sous. Voyez le traité de la Police, tome I. liv. II. tit. 8. ch. v. (A)

SOUDER, v. act. (Gramm.) c’est joindre ensemble deux morceaux de métal séparés, par le moyen d’une composition d’une fusibilité moyenne entre l’un & l’autre, quelquefois par le seul moyen du feu, &c. Voyez les articles suivans.

Souder, terme d’Arquebusier, les Arquebusiers soudent les tenons sous les canons de fusil en les y assujettissant avec du fil de fer, & en faisant fondre du cuivre avec du borax en poudre, de la même façon que les Serruriers. Les Arquebusiers soudent aussi avec de l’argent & du cuivre mêlés ensemble. Ils ont aussi plusieurs autres pieces dans leurs ouvrages qu’ils sont obligés de souder, comme les guidons, &c.

Souder, v. act. Soudure, s. f. (Hydr.) est la maniere de joindre ensemble deux pieces de plomb, par le moyen d’un mélange chaud de plomb & d’étain, appellé soudure, en sorte que ces deux pieces ne fassent qu’un corps.

On soude deux tables de plomb avec de la soudure faite de deux tiers de plomb & d’un tiers d’étain.

Le cuivre se soude avec de l’étain & du cuivre, & quelquefois de l’argent.

L’argent se soude avec le cuivre mêlé avec de l’argent ; cette soudure s’appelle huit. (K)

Souder, en terme de Bijoutier, est l’action de réunir différentes parties désunies pour n’en faire qu’un tout par le moyen de la soudure. Voyez Soudure.

Pour souder, on arrête ensemble les pieces que l’on veut joindre, soit avec du fil de fer, soit avec des crampons ; on met des paillons de soudure le long des assemblages ; on humecte le tout, & on garnit de borax tous les endroits où il y a des paillons de soudure ; il est même prudent, lorsqu’une piece a déja éprouvé quelques soudures, de garnir légerement de borax les endroits précédemment soudés ; cela empêche la soudure ancienne de se brûler au feu. Lorsque la piece est ainsi disposée, on l’expose à un feu léger pour faire sécher le borax ; on veille pendant ce tems-là à ce que les paillons de soudure ne s’écartent pas des places où on les a posés, ce qui arrive quelquefois par le bouillonnement qu’excite l’humidité mêlée au borax. Si la piece est petite, on la porte tout-