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gie. Les humeurs sont infectées, & les solides diversement irrités par les corpuscules viciés qui sont l’effet des différentes dépravations qu’une portion des fluides contractent. Le lait, par exemple, qui se déprave dans l’estomac, y devient rance & amer. On voit des preuves de l’infection & de la malignité qu’il cause, dans les fievres considérables produites par cette dépravation. Suivant l’opinion commune, le lait est susceptible de s’aigrir par une fermentation acéteuse ; & l’on croit que la plûpart des maladies des enfans viennent d’acides fournis par un lait aigri dans les premieres voies ; mais ne peuvent-elles pas venir plûtôt de la partie butireuse du lait qui devient rance, ou comme l’on dit vulgairement, d’un lait qui tourne en bile ? Il est évident, dit M. Quesnay, que la malignité de cette derniere sorte de fermentation, dont les matieres grasses sont susceptibles, est bien plus malfaisante que celle de la fermentation acescente. La disposition que les matieres devenues rances ont à se corrompre, doit rendre ces matieres plus redoutables, que celles que la fermentation auroit rendues acides ou vineuses ; celles-ci peuvent être avantageuses pour donner de la durée aux humeurs, dans les cas où l’action excessive des vaisseaux les détruiroit trop promptement. Il n’en est pas de même des matieres devenues rances : la partie grasse ou huileuse de ces matieres, qui domine sur les sels acides, & qui empêche que la fermentation ne puisse développer ces sels, rend ces matieres fort susceptibles de pourriture ; ainsi on doit remarquer que les mauvais effets de ces matieres dépend plus de la pourriture qui survient, que de la dépravation qu’elles avoient contractée d’abord par la fermentation. Plus on cherchera à s’instruire sur la théorie & sur la pratique de la Chirurgie, plus on sentira l’utilité de ces connoissances pour aider directement ou indirectement à l’intelligence de plusieurs points de doctrine qui concernent cet art ; & sur-tout pour éclaircir ce qui regarde les tumeurs graisseuses, les hernies épiploïques qui s’enflamment & suppurent ; les tumeurs froides formées par des sucs muqueux & gélatineux, qui ne sont pas susceptibles de putréfaction, & qui se corrompent par rancidité. Voyez Scrophule. (Y)

RANÇON, s. f. c’est la somme qu’on paye pour un prisonnier de guerre ou un esclave à qui on fait rendre la liberté. Voyez Prisonnier de guerre.

Il est actuellement assez d’usage parmi les puissances qui sont en guerre, de convenir d’échanger les prisonniers de guerre, ou de payer leur rançon, eu égard à leur grade. La convention qu’on fait pour ce sujet porte le nom de cartel. La rançon d’un soldat y est évaluée à dix ou à douze livres, & celle d’un général ou maréchal de France, à 50 mille livres. Mariana rapporte, liv. XXVII. ch. xviij. que dans la guerre que les François firent contre les Espagnols en Italie, la rançon d’un cavalier étoit le quart d’une année de sa paye ou de sa solde ; d’où l’on croit que le terme de quartier, dont on se sert pour demander à se rendre, est venu. Voyez Quartier. (q)

RANCUNE, s. f. (Gramm.) haine secrette & invétérée, qu’on garde au fond de son cœur jusqu’à ce qu’on ait trouvé l’occasion de l’exercer. Les hommes sujets à cette passion sont à plaindre. Ils portent en eux une furie qui les tourmente sans cesse. La rancune est taciturne, sombre, mélancolique ; quelque motif qu’elle puisse avoir, elle est d’un caractere triste & fâcheux.

RANDAN, (Géogr. mod.) petite ville ou plûtôt bourg de France, dans la basse Auvergne, proche l’Allier, entre Maringues & Vichy.

RANDASSO, ou RANDAZZO, (Géogr. mod.) petite ville de Sicile, dans le val Demona, vers la source de la riviere Cantara, au pié du mont Etna, & du côté du nord ; on croit que c’est la Tissa de Ptolomée, l. III. c. iv.

RANDERSON, ou RANDE, (Géogr. mod.) en latin du moyen âge Randrusium, ville de Danemark, dans le nord-Jutlan, près de l’embouchure de la Gude, dans la mer Baltique. Cette ville est fort ancienne. Abel, duc de Schleswic, la brûla en 1247. Le comte Gerhard de Holstein, surnommé le Chauve, y fut tué en 1340. La pêche du saumon y est abondante.

RANDIA, s. f. (Botan. exot.) arbrisseau d’Amérique ; sa fleur n’a qu’un pétale dont la partie inférieure est tubuleuse, & la partie supérieure évasée, & pour l’ordinaire divisée en cinq segmens. Cette fleur fait place à un fruit ovale, qui n’a qu’une cellule que remplissent des semences plates & cartilagineuses, environnées de pulpe.

Miller n’en compte qu’une espece ; M. Hans-Sloane a donné la description & la figure de cette plante dans son histoire de la Jamaïque, vol. I. p. 40, sous le titre de lycium forte, foliis subrotundis integris, spinis & foliis ex adverso sitis.

Cet arbrisseau est fort commun aux environs de la Vera-Cruz, d’où le docteur Guillaume Houston, qui lui a donné le nom de Randia, en mémoire de M. Isaac Rand, botaniste, a apporté sa semence en Europe. Il s’éleve à dix ou douze piés de haut dans son pays natal, & se divise en un grand nombre de branches, qui croissent deux à deux, ainsi que ses feuilles & ses épines. Ses fleurs sont petites, blanches, & font place à un fruit dur, ovale, à peu-près de la grosseur d’une noix d’Espagne, plein de semences plates, & renfermées sous une pulpe molle & noirâtre. Ses feuilles sont vertes pendant toute l’année. (D. J.)

RANDON, (Lang. franç.) ce vieux mot se dit d’une source, d’une pluie, d’un torrent, qui se fait passage par un rocher ; on le disoit aussi des gens qui alloient en troupes. On dit encore en Fauconnerie, fondre en randon, quand l’oiseau de proie fond avec grande impétuosité sur son gibier pour le jetter à terre.

Randon, (Géogr. mod.) ou château neuf de Randon ; lieu de France en Gevaudan, sénéchaussée de Beaucaire ; c’étoit dans le quinzieme siecle une place forte qu’assiégea le connétable du Guesclin, & devant laquelle il mourut de maladie le 13 Juillet 1380, âgé de 69 ans ou environ. En disant adieu aux vieux capitaines qui l’avoient suivi depuis quarante ans, il les pria de ne point oublier ce qu’il leur avoit dit mille fois, « qu’en quelque pays qu’ils fissent la guerre, ils respectassent les gens d’église, les femmes, les enfans & le pauvre peuple ».

Il leur avoit montré l’exemple. Aussi ses propres ennemis lui rendirent un honneur singulier. Le gouverneur de Randon avoit capitulé avec le connétable, & il étoit convenu de se rendre le 12 Juillet en cas qu’il ne fût pas secouru : quand on le somma de remettre la place le lendemain, qui fut le jour de la mort de du Guesclin, le gouverneur répondit qu’il lui tiendroit parole, même après sa mort ; en effet il sortit avec les plus considérables officiers de sa garnison, & mit sur le cercueil du connétable les clés de la ville, en lui rendant les mêmes respects que s’il eût été vivant. Les fameux capitaines qui avoient servi sous ses ordres, refuserent l’épée de connétable, comme ne se sentant pas dignes de la porter après lui ; cependant Olivier de Clisson fut forcé quelque tems après de la recevoir.

Du Guesclin étoit breton, laid & de petite taille ; mais il se fit singulierement estimer par sa valeur & par ses hauts faits, ayant rendu des services très-importans à la France durant la prison du roi Jean, & sous le regne de Charles V. Il s’employa avec un succès admirable à reprendre sur les Anglois plusieurs villes, & n’exécuta par des choses moins extraordinaires en Espagne.

Ce fut un des plus braves héros de l’ancienne chevalerie. A l’âge de quinze ans, il emprunta en cachette