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9°. Si l’on a plusieurs quantités en raison continue A, B, C, D, E, &c. la premiere A sera à la troisieme C en raison doublée ; à la quatrieme D en raison triplée ; à la cinquieme E en raison quadruplée, &c. de la raison de la premiere A à la seconde B.

10°. Si l’on a une suite de quantités en même raison, A, B, C, D, E, F, &c. la raison de la premiere A à la derniere F, sera composée des raisons intermédiaires A : B, B : C, C : D, D : E, E : F, &c.

11°. Les raisons composées de raisons égales, sont égales. Ainsi les raisons 90 : 3 = 960 : 32, sont composées de 6 : 3 = 4 : 2, & 3 : 1 = 12 : 4, & 5 : 1 = 20 : 4. Pour les autres propriétés des raisons égales, voyez Proportions. Voyez aussi Exposant. (E)

Moyenne & extrème raison, voyez Extrème.

Raison inverse, ou renversée, ou réciproque ; on dit que deux choses sont en raison inverse de deux autres, lorsque la premiere est à la seconde, comme la quatrieme est à la troisieme. Par exemple, quand on dit que la gravitation est en raison inverse du quarré des distances, cela veut dire que la gravitation à la distance A, est à la gravitation à la distance B, comme le quarré de la distance B est au quarré de la distance A. Voyez Gravitation, & voyez aussi Inverse, &c.

Raison d’état, (Droit politiq.) Quelques auteurs ont cru qu’il y avoit des occasions dans lesquelles les souverains étoient autorisés à se départir des loix séveres de la probité, & qu’alors le bien de l’état qu’ils gouvernent, leur permettoit des actions injustes à l’égard des autres états, & que l’avantage de leur peuple justifioit l’irrégularité de leurs actions. Ces injustices, autorisées par la raison d’état, sont d’envahir le territoire d’un voisin, dont les dispositions sont suspectes, de se rendre maître de sa personne, enfin de le priver des avantages dont il a droit de jouir, sans motif avoué, ou sans déclaration de guerre. Ceux qui maintiennent un sentiment si étrange, se fondent sur le principe que les souverains, devant chercher tout ce qui peut rendre heureux & tranquilles les peuples qui leur sont soumis, ils sont en droit d’employer tous les moyens qui tendent à un but si salutaire. Quelque spécieux que soit ce motif, il est très-important pour le bonheur du monde, de le renfermer dans de justes bornes ; il est certain qu’un souverain doit chercher tout ce qui tend au bien-être de la société qu’il gouverne ; mais il ne faut point que ce soit aux dépens des autres peuples. Les nations ont, ainsi que les particuliers, des droits réciproques ; sans cela tous les souverains, ayant les mêmes droits, & se prétendant animés par les mêmes motifs, seroient dans un état de défiance & de guerre continuelle. Concluons donc que les représentans des peuples ne peuvent, non plus que les individus de la société, s’exempter des lois de l’honneur & de la probité ; ce seroit ouvrir la porte à un désordre universel, que d’établir une maxime qui détruiroit les liens des nations, & qui exposeroit les plus foibles aux oppressions des plus forts ; injustices qui ne peuvent être permises, sous quelque nom que l’on cherche à les déguiser.

Une autre question est de savoir, si la raison d’état autorise le souverain à faire souffrir quelque dommage à un particulier, lorsqu’il s’agit du bien de l’état : elle sera facile à résoudre, si l’on fait attention qu’en formant la société, l’intention & la volonté de chaque individu a dû être de sacrifier ses propres intérêts à ceux de tous, sans cela la société ne pourroit point subsister. Il est certain que le tout est préférable à sa partie ; cependant dans ces occasions, toujours fâcheuses, le souverain se souviendra qu’il doit une justice à tous ses sujets, dont il est également le pere ; il ne donnera point pour des raisons d’état, des motifs frivoles ou corrompus qui l’engageroient à satis-

faire ses passions personnelles ou celles de ses favoris ;

mais il gémira de la nécessité qui l’oblige de sacrifier quelques-uns des membres pour le salut réel de toute la société.

Raison suffisante, Voyez l’article Suffisant.

Raison, (Jurisprud.) signifie quelquefois un droit qui appartient à quelqu’un, comme quand on dit, noms, raisons & actions : quelquefois raison est pris pour justice ; comme quand on dit, demander raison, faire raison. Souvent raison est pris pour compte, c’est en ce sens que les marchands appellent livres de raison, ceux qui contiennent l’état de tout leur commerce, tant pour eux que pour leurs associés. Voyez Action, Compte, Droit, Journaux, Livres, Marchand, Obligation. (A)

Raison, (Comm.) se dit du compte qu’un officier inférieur est obligé de rendre à celui à qui il est subordonné. Ainsi l’on dit qu’un tel officier a été mandé pour rendre raison de sa conduite. Voyez Veniat.

Raison, en termes de teneurs de livres. On nomme livre de raison, un gros registre sur lequel on forme tous les comptes en débit & en crédit, dont on trouve les sujets, c’est-à-dire les articles sur le livre journal. On l’appelle livre de raison, parce qu’il sert à un marchand à se rendre raison à soi-même & à ses associés de l’état de son commerce. Voyez Livres.

Raison signifie aussi la part d’un associé dans le fonds d’une société. On dit ma raison est du quart, du sixieme, d’un douzieme, &c.

Raison, signifie encore dans le commerce, proportion, rapport. Le change d’Amsterdam est à raison de dix pour cent.

Raison, en termes de commerce de mer, est la quantité de biscuit, de boisson & autres vivres que l’on regle pour la pitance journaliere de chaque matelot sur les navires marchands. En quelques endroits on l’appelle ordinaire, & sur les vaisseaux de guerre ration.

Raison, terme de société générale. On appelle la raison d’une société, les noms des associés rangés & énoncés de la maniere que la société signera les lettres missives, billets & lettres-de-change. Ainsi l’on dit, la raison de la société sera Jacques Perrin, Guillaume & François Caron. Dictionn. de comm.

Raison, (Charpent. Art. méchan.) Mettre les pieces de bois en leur raison, c’est quand on dispose les pieces qui doivent servir à un bâtiment, & qu’étant mises en chantier, on met chaque morceau & chaque piece en sa place. (D. J.)

RAISONNABLE, adj. (Gramm.) Il se dit des personnes & des choses. Un homme raisonnable, ou dont la conduite est conforme à la raison ; une action raisonnable, ou dont le motif est conforme à la raison. Ce mot a une acception un peu détournée, lorsqu’il est appliqué à la femme ; une femme raisonnable est celle qui ne se laisse point emporter à l’esprit regnant de la galanterie. Raisonnable est quelquefois synonyme à juste ; & en effet, la raison dans la conduite, ou la philosophie, ou la justice, c’est la même chose. Je ne lui refuserai rien de ce qu’il est raisonnable d’exiger en pareil cas. Savoir bien raisonner, est un, & être raisonnable, un autre. Raisonnable se prend aussi quelquefois pour modique. On vit en province à un prix raisonnable.

RAISONNEMENT, s. m. (Logique & Métaphysique.) le raisonnement n’est qu’un enchaînement de jugemens qui dépendent les uns des autres. L’accord ou la discordance de deux idées ne se rend pas toujours sensible par la considération de ces deux seules idées. Il faut en aller chercher une troisieme, ou même davantage, si cela est nécessaire, pour les comparer avec ces idées intermédiaires conjointement ou séparément ; & l’acte par lequel nous ju-