Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/365

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dent reconnoîtroient toujours la jurisdiction & la primatie de celle de Bourges dont elle a été désunie ; & en cas de vacance du siege de Bourges, les droits de primatie appartiennent au chapitre. Voyez Fevret, d’Héricourt, la bibliotheque canonique, Drapier & les articles Archeveque, Official, Patriarche. (A)

Primat de Pologne, (Hist. du gouv. de Pol.) le primat de Pologne est le chef du sénat, & c’est à l’archevêque de Gnesne qu’appartient cet honneur.

Cette dignité de primat fut autrefois accompagnée du pouvoir & de ses abus dans toute l’Europe. Ce fut un primat de Suede, l’archevêque d’Upsal, qui fit massacrer dans un repas tout le sénat de Stockolm, sous prétexte qu’il étoit excommunié par le pape ; & la Suede ne voulut plus ni de primat, ni de pape. Ce fut un primat d’Angleterre, l’archevêque Cranmer, qui en cassant le mariage de Henri VIII. avec Catherine d’Arragon, rompit, de concert avec son maître, tous les liens entre Rome & les Anglois. Le czar Pierre ne trouva point de plus grands obstacles aux grandes choses qu’il méditoit, que la dignité de patriarche ou de primat. Elle s’abolit en France : comme elle s’est divisée sur plusieurs têtes qui se la disputent, elle ne peut pas tout ce qu’elle pouvoit. En Pologne elle existe dans toute sa force.

Le primat est légat né du saint siege, & censeur des rois ; roi lui-même en quelque sorte dans les interregnes, pendant lesquels il prend le nom d’inter-roi. Aussi les honneurs qu’il reçoit répondent-ils à l’éminence de sa place. Lorsqu’il va chez le roi, il y est conduit en cérémonie ; & le roi s’avance pour le recevoir. Il a, comme le roi, un maréchal, un chancelier, une nombreuse garde à cheval avec un timbalier & des trompettes qui jouent lorsqu’il est à table, & qui sonnent la diane & la retraite. On le traite d’altesse & de prince ; & parmi les grandes prérogatives de sa place, la plus utile à l’état, c’est la censure dont il use toujours avec applaudissement. Le roi gouverne-t-il mal, le primat est en droit de lui faire en particulier des représentations convenables ; le roi s’obstine-t-il, c’est en plein sénat, ou dans la diete qu’il s’arme des lois pour le ramener ; & on arrête le mal. Mais à supposer qu’un roi eût été plus fort que la loi, chose très-difficile en Pologne, le fil de l’oppression se romproit à sa mort, sans passer dans les mains du successeur. L’interregne tranche. L’abbé Cayer. (D. J.)

PRIMATIE, s. f. (Gramm.) jurisdiction du primat. Voyez Primat.

PRIMAUTÉ DU PAPE, (Hist. ecclés.) prééminence d’honneur & de jurisdiction que le pape, en qualité de successeur de saint Pierre, a sur les autres évêques. Voyez Pape & Evêque.

Les Protestans se sont extrèmement attachés à contester au pape cette prérogative ; Jean Hus entr’autres disoit qu’il n’y avoit pas d’ombre d’apparence que l’Église eût besoin d’un chef pour la gouverner. Les Luthériens & les Calvinistes ont encore enchéri sur cette prétention, leurs chefs & leurs ministres n’ont pas rougi de donner à l’Église romaine le nom de Babylone prostituée, aux papes le titre d’antechrist, & à leur primauté celui de tyrannie. Mais ce n’est pas par des invectives & des qualifications odieuses qu’on éclaircit la vérité. Quand ils ont attaqué cette prérogative du siege de Rome, elle étoit fondée sur une prescription immémoriale ; on verra par la suite de cet article s’ils étoient recevables à lui contester ce que toute l’Église avoit jusqu’alors reconnu. Mais avant que d’en venir à ces preuves, il est bon d’expliquer ce que les Catholiques entendent par cette primauté d’honneur & de jurisdiction.

Tous conviennent qu’elle appartient au saint-siege & au pape qui l’occupe de droit divin, mais tous n’ex-

pliquent pas d’une maniere uniforme en quoi consistent ces droits de jurisdiction & d’autorité.

Les théologiens ultramontains prétendent qu’en vertu de cette primauté le pape est dans l’Église comme un monarque absolu, que tous les autres évêques tiennent leur puissance de lui, que la plénitude de la jurisdiction ecclésiastique réside dans la personne du pape, & que les évêques ne jouissent que de la portion qu’il veut bien leur communiquer, qu’il est infaillible quand il prononce ex cathedrâ, qu’il est supérieur au concile général & ne reconnoît point de juge sur la terre, qu’il est maître de tout le monde, & qu’il a du-moins le pouvoir indirect de déposer les rois & de délier leurs sujets du serment de fidélité. Mais comme le remarque M. d’Hericourt, lois ecclésiastiques, part. I. c. vj. en voulant porter au-delà des bornes une puissance légitime, on en affoiblit l’autorité dans l’esprit des personnes qui ne savent point distinguer ce qui est de droit d’avec ce que les hommes ont imaginé par complaisance.

D’autres sont tombés dans un excès tout opposé ; &, sous prétexte de combattre ces droits chimériques, ils ont donné atteinte aux prérogatives les mieux établies. Richer entr’autres, dans son livre de la puissance ecclésiastique & politique, semble prétendre que Jesus-Christ a confié le pouvoir des clés plus essentiellement & plus immédiatement à tout le corps des fideles qu’à saint Pierre & aux autres apôtres ; que par conséquent toute la jurisdiction n’appartient au pape & aux évêques que ministériellement & instrumentalement comme exécuteurs du pouvoir de l’Église ; & enfin que le pape n’en est que le chef ministériel, accidentel & symbolique : propositions qui furent condamnées dans le concile de Sens en 1612, & que Richer rétracta lui-même en 1629 par contrainte & par violence.

Entre ces deux excès dont l’un accorde trop & l’autre trop peu au souverain pontife, un troisieme sentiment fait consister la primauté du pape à avoir comme chef la sollicitude de toutes les églises, à veiller à l’observation & à l’exécution des canons dans tout le monde chrétien, à y obliger même les rebelles & les contumaces par les peines canoniques : privilege qui ne convient point à chaque évêque particulier dont la jurisdiction est restreinte & bornée à son diocèse. 2°. En ce que les decrets & les lois des pontifes romains regardent toutes les églises en général & chacune en particulier, & que les fideles doivent s’y soumettre provisionellement tant que l’Église ne contredit ou ne réclame point. 3°. En ce qu’il doit avoir la principale part dans tout ce qui concerne la religion, & qu’on ne doit rien décider d’important sans lui. 4°. Qu’il peut dispenser des lois faites par les conciles généraux eux-mêmes, dans les cas où le concile lui-même en dispenseroit, & selon les regles de dispenses prescrites par les conciles. 5°. Qu’il a droit de convoquer les conciles généraux, & d’y présider ou par lui-même ou par ses légats. 6°. Qu’il est vraiment & réellement le chef de l’Église, & que son siege est le centre de l’unité catholique.

Ces notions établies, il s’agit d’examiner si les papes ont réellement joui de tout tems de ces prérogatives. La doctrine des conciles & celle des Peres, l’exercice fréquent que les papes ont fait de ce pouvoir, & le consentement des princes se réunissent en faveur de cette primauté.

1°. Les conciles : celui de Nicée, canon VI. s’exprime ainsi ; romana Ecclesia semper primatum habuit. Or, comme le remarque Nicolas I. ce concile n’a rien accordé à l’Église romaine, il n’a fait que reconnoître le droit dont elle étoit déja en possession, & dont l’origine étoit aussi ancienne que le Christianisme. Le premier de Constantinople n’accorde l’honneur de la primatie à l’évêque de Constantinople qu’après