L’Encyclopédie/1re édition/ARCHEVÊQUE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 612).

ARCHEVÊQUE, s. m. (Théol.) en latin archiepiscopus, composé du grec ἀρχὸς, princeps, & d’ἐπίσκοπος, vigil ; c’est-à-dire, chef ou premier des évêques dans une certaine étendue de pays. C’est ce qu’on nomme aujourd’hui métropolitain, qui a plusieurs évêques suffragans ; mais cette notion reçûe maintenant ne seroit pas exacte pour tous les siecles de l’Eglise, puisqu’il y a eu autrefois des métropolitains sans suffragans & des archevêques qui n’étoient pas métropolitains. Voyez Métropolitain. Voyez aussi le pere Thomassin, disciplin. de l’Eglise, part. I. liv. I.

Le nom d’archevêque fut absolument inconnu dans les premiers siecles de l’Eglise : il l’étoit encore du tems du premier concile général de Nicée, & même de ceux d’Antioche & de Sardique, où il n’en est fait nulle mention dans les canons qui concernent les priviléges des premiers siéges, & les appels ecclésiastiques ; ce titre d’honneur & de jurisdiction n’eût pas été oublié, s’il eût alors existé. Il paroît seulement par le trente-troisieme canon attribué aux Apôtres, que lorsqu’on vouloit marquer le prélat qu’on a depuis nommé archevêque, on disoit seulement le premier évêque d’une nation. C’est ainsi qu’Eusebe, Hist. eccles. liv. V. dit qu’Irenée évêque de Lyon étoit évêque des églises des Gaules, sur lesquelles il avoit l’intendance.

On croit que S. Athanase introduisit le premier ce terme dans l’Eglise vers le milieu du quatrieme siecle, en donnant par occasion ce titre à l’évêque d’Alexandrie. Mais ce nom dans son origine n’étoit qu’un terme de vénération & de respect, & ne fut d’abord employé en orient qu’à l’égard des évêques les plus illustres par leur doctrine & par leur sainteté. C’est en ce sens que S. Grégoire de Nazianze qualifie d’archevêque S. Athanase lui-même. Ensuite ce titre fut donné par déférence aux évêques des villes les plus distinguées, mais sans y attacher aucun rapport aux priviléges qui pouvoient être attachés à leurs siéges. Tout l’orient assemblé dans le troisieme concile général d’Ephese, le donna au Pape S. Célestin & à S. Cyrille, sans prétendre égaler les prérogatives du siége d’Aléxandrie à celles du siége de Rome. Dans le concile général de Chalcédoine les Peres le donnerent aussi au pape S. Léon ; & S. Epiphane en usa ainsi non-seulement à l’égard de S. Alexandre & de S. Pierre martyr, mais même de Melece auteur du schisme qui desola l’orient. Ce ne fut qu’après que l’évêque d’Alexandrie se fut attribué le nom d’archevêque, qu’il l’eut fait valoir contre les évêques de sa province, qui lui suscitoient des contestations injustes, qu’on le regarda comme un titre de prééminence & de jurisdiction. Alors on le restraignit particulierement aux métropolitains qui avoient des suffragans, au lieu qu’on l’avoit donné jusques-là à de simples évêques qui n’en avoient aucun. C’est donc à l’évêque d’Alexandrie qu’on doit proprement rapporter l’origine du nom d’archevêque dans le sens où l’on le prend aujourd’hui.

Mais quelqu’autorisée que fût l’église Greque à distinguer ainsi ses métropolitains, l’église Latine fut long-tems sans suivre son exemple. Celle d’Afrique surtout s’en éloigna jusqu’à proscrire dans le troisieme concile de Carthage, auquel assista S. Augustin, le titre d’archevêque, comme plein de faste & d’orgueil. Vetuit synodus ut primæ sedis episcopus non appelletur princeps sacerdotum aut summus sacerdos, sed tantum primæ sedis episcopus. Cependant elle admettoit les titres d’archi-prêtre, d’archi-diacre, de primat ; il est vrai qu’en Afrique la primatie n’étoit attachée à aucun siége épiscopal en particulier, mais à la personne du plus ancien évêque, à dater du tems de sa promotion à l’épiscopat. Voyez Primat & Primatie.

Si les autres églises d’occident firent moins d’éclat que celle d’Afrique, il est certain que les principales, telles que celles de France & d’Espagne, n’avoient pas encore adopté ce titre dans le septieme siecle, comme il paroît par S. Isidore de Seville, qui vivoit en 625, & qui est le premier auteur Latin qui fasse mention des archevêques ; & d’un grand nombre d’évêques qui souscrivirent au concile d’Orleans, tenu en 621, nul ne prend ce titre, quoique plusieurs prennent celui de métropolitain.

Ce que ce terme sembloit avoir d’odieux ayant disparu avec le tems, toute l’église d’occident l’a adopté aussi-bien que celle d’orient, comme un terme énergique & propre à exprimer le degré d’honneur & de jurisdiction dans l’épiscopat, qu’ont les métropolitains sur les évêques leurs suffragans. On ne distingue plus aujourd’hui la dignité de métropolitain d’avec celle d’archevêque. L’archevêque a droit de convoquer le concile de sa province & d’y présider, de juger par appel des causes des sujets de ses suffragans, de visiter même sa province, selon le concile de Trente, mais pour des raisons approuvées dans le concile provincial. Il joüit encore de plusieurs autres prérogatives dont on peut voir les fondemens & les preuves dans le P. Thomassin. Disciplin. de l’Eglise, liv. I. part. I. (G)