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lui ont procuré, c’est priver l’état de son embonpoint & de ses ressources. (D. J.)

Peuple romain, plebs romana, (Hist. rom.) Tout ce qui par l’établissement de Romulus n’étoit pas sénateur ou chevalier, étoit peuple, plebs, habitant de la ville ou de la campagne, rustica vel urbana. Le peuple de la campagne la cultivoit, & tenoit le premier rang : d’où il arriva que dans les commencemens de la république, les patriciens eux-mêmes, dans le sein de la paix, travailloient à la culture des terres ; parce que chacun cultivoit sans deshonneur son propre champ, ou celui qui lui étoit assigné sur les terres romaines.

Une partie du peuple qui habitoit la ville, exerçoit le trafic, les arts, les différens métiers ; & les plus distingués d’entr’eux s’appliquoient au ministere du barreau pour s’élever à la magistrature.

La populace de Rome, qu’il ne faut pas confondre avec le peuple proprement dit, plebs, étoient des vagabonds, sans feu ni lieu, toujours prêts à exciter des troubles & à commettre des crimes. Tite-Live nomme cette troupe vagabonde, turba forensis, la troupe du forum, parce qu’elle se tenoit dans les places publiques, criant qu’on partageât les terres suivant la loi agraire. Ciceron l’appelle plebs urbana, la populace de la ville, & Horace popellum tunicatum, la populace à tunique, parce qu’elle ne portoit qu’une simple tunique. Pour soulager la ville de ces misérables, on les envoyoit dans les champs publics ; mais une grande partie les quittoit pour revenir à Rome. C’étoit-là que les séditieux, qui ne cherchent qu’à troubler l’état pour envahir les biens des honnêtes gens, ameutoient cette canaille, & s’en servoient à leurs fins, comme des coquins qui n’avoient rien à perdre. (D. J.)

Peuple, (Jardinage.) se dit des jettons ou talles qui viennent aux piés des arbres & des plantes bulbeuses. Voyez Talles.

PEUPLER, v. act. & n. (Gramm.) Il se dit des hommes, des animaux & des plantes. C’est se multiplier dans une contrée. Voyez l’article Population.

Peupler, v. act. (Charpent.) c’est, en charpenterie, garnir un vuide de pieces de bois. espacées à égale distance. Ainsi on dit peupler de poteaux une cloison, peupler de solives un plancher, peupler de chevrons un comble, &c. (D. J.)

Peupler une étoffe en boutons, (Lainage.) c’est la friser par l’envers comme certains draps, ou par l’endroit comme des ratines. On dit qu’une étoffe est bien peuplée, lorsque les boutons de la frisure y sont si épais & si durs, que l’on a peine à appercevoir le fond de l’étoffe. (D. J.)

PEUPLIER, s. m. populus. (Hist. nat. Botan.) genre de plante à fleur en chaton, composée de plusieurs petites feuilles qui ont des sommets. Cette fleur est stérile ; les jeunes fruits naissent sur des especes de peupliers qui ne portent point de fleurs : ils sont disposés en épi, & composés de plusieurs petites feuilles, sous lesquelles on voit une sorte de cloche qui embrasse un embryon ; cet embryon devient dans la suite une silique membraneuse & en épi, qui s’ouvre en deux parties, & qui renferme des semences aigrettées. Ajoutez aux caracteres de ce genre le port des especes du peuplier qui differe de celui des saules. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Peuplier, populus, (Jardinage.) grand arbre qui croit naturellement dans les climats tempérés de l’Europe & de l’Amérique septentrionale. Il fait une tige droite qui loin de se confondre avec les branches, conserve toujours une pointe jusqu’à la plus grande élévation de l’arbre. Sa tête est garnie de quantité de rameaux qui sont grêlés & un peu courbe, à cause de leur disposition naturelle à se dresser du côté de la

principale tige. Son écorce, d’une couleur jaunâtre, est long-tems lisse & unie : il ne s’y fait des gersures que quand l’arbre est avancé en âge. Ses racines sont fortes, & s’enfoncent assez profondément dans la terre. Sa feuille est lisse, dentelée, & d’un verd brun ; elle est légerement arrondie par le bas, & se termine rapidement en pointe. Tous les peupliers ne produisent pas des graines ; les fleurs mâles viennent sur des arbres différens de ceux qui produisent les fleurs femelles propres à donner des semences. Les fleurs mâles sont des chatons d’une couleur rougeâtre d’assez jolie apparence, qui paroissent au commencement d’Avril, & qui tombent au bout de quinze jours ou trois semaines. Les fleurs femelles qui donnent la graine, sont rassemblées sur un filet commun, de même forme que les chatons, mais de couleur d’herbe, & qui ne tombe que long-tems après, lors de sa maturité, vers la fin de Mai ou le commencement de Juin : dans ce tems, les graines qui sont fort petites & terminées par une aigrette, sont dispersées par le vent.

Le peuplier doit être mis au nombre des plus grands arbres, & il mérite de tenir le premier rang parmi ceux qui se plaisent dans un terrein aquatique. Cet arbre croît très-promptement, se multiplie avec la plus grande facilité, & résiste à toutes les intempéries des saisons. Son utilité s’étend à divers usages très-profitables à la société.

Le peuplier peut venir dans différens terreins, mais il réussit infiniment mieux dans les lieux aquatiques, autour des étangs, le long des rivieres, sur le bord des ruisseaux, & il se plait singulierement sur les berges des fossés remplis d’eau. Cet arbre vient mieux dans les vallons que dans les plaines, & il se contentera plûtôt dans cette derniere position que de celle des côteaux ; il languit sur les hauteurs, il dépérit dans les terreins secs & sablonneux, & il ne dure pas long-tems dans les terres argilleuses, trop fortes ou trop dures.

Cet arbre se multiplie de rejetton, de plançon & de bouture ; mais ce dernier moyen étant la voie la plus facile, la plus prompte & la plus assurée, c’est celle dont on doit se servir. Ces boutures se font après l’hiver, aussi-tôt que la terre commence à être praticable ; il faut choisir de préférence absolue, les rejettons de la derniere année les plus forts, les plus vigoureux, & les plus unis, car le bois de deux & trois ans n’est point propre à cet usage. On coupe les boutures d’un pié ou de quinze pouces de longueur ; on les pique dans la terre en les couchant & les tournant de façon qu’il y ait un œil en-dessus qui puisse pousser perpendiculairement. Ces boutures ne doivent sortir de terre que de deux ou trois yeux : on peut les planter dans la place même où on veut les élever, à un pié ou quinze pouces les unes des autres, en rangées de deux piés ou de deux piés & demi de distance. On les laissera pousser à leur gré la premiere année ; mais au printems suivant on coupera tous les rejettons, à l’exception de celui qui marquera le plus de disposition pour se dresser : les années suivantes on élaguera les jeunes plants à mesure qu’ils prendront de la force ; mais chaque année on rabattra jusqu’au pié ceux qui seront d’une mauvaise venue, pour les obliger à former une nouvelle tige. Ces arbres au bout de quatre ou cinq ans auront communément dix à douze piés de haut, & seront en état d’être transplantés à demeure ; ils sont à leur perfection à 25 ou 30 ans.

Le peuplier réussit aisément à la transplantation, & on peut le tailler dans toutes les saisons sans inconvénient ; non pas à la façon des saules que l’on étête entierement, mais en coupant toutes les branches près de la maîtresse tige, au-dessus de laquelle on laisse un bouquet. Cette façon de tailler le peuplier