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gue cuite de la liqueur qu’elle fournit requise pour réduire cette liqueur en consistence de sirop ; que ces opérations, dis-je, sont non-seulement inutiles, mais même nuisibles, en ce qu’elles dénaturent la composition propre de l’extrait. Il soutient que son sirop, préparé par une décoction d’un quart-d’heure des têtes de pavot, & par la cuite sirupeuse qui demande la moindre évaporation qu’il est possible, est beaucoup plus narcotique que celui qui est préparé, selon la pratique directement contraire qui est la plus suivie. Mais quand même cette prétention ne seroit pas confirmée par l’expérience, il est toujours incontestable qu’une petite quantité d’eau & une très-courte application de ce menstrue étant suffisante pour extraire du pavot sa partie médicamenteuse, il est plus commode, plus conforme aux regles de l’art, essentiellement mieux d’opérer cette extraction avec ces circonstances, que d’appliquer une quantité superflue de menstrue, & de l’appliquer trop long-tems. Pour ce qui regarde la quantité d’eau à dissiper par la cuite du sirop, il est clair que la proportion est d’autant plus parfaite, tout étant d’ailleurs égal, c’est-à-dire la quantité de matiere dissoute dans la liqueur étant la même, que cette quantité de l’eau à dissiper est moindre.

Le sirop de pavot est un des remedes le plus communément employé, toutes les fois que les narcotiques légers sont indiqués. Voyez Narcotique. Sa dose ordinaire est depuis deux gros jusqu’à six.

Le sirop de pavot blanc est aussi connu dans les boutiques sous le nom de sirop de meconium, & sous celui de sirop de diacode.

La décoction d’une grosse tête de pavot ou de deux petites se donne assez communément, au lieu d’une dose commune de sirop.

Les semences du pavot blanc sont émulsives, & contiennent par conséquent de l’huile par expression. Le suc émulsif & l’huile nue de ces semences ne participent en rien de la qualité assoupissante du pavot. Cette distinction de vertu est très-anciennement connue : elle est notée dans Dioscoride ; Matthiole en fait mention. M. Tournefort rapporte qu’on fait à Gènes des petites dragées avec des semences de pavot, dont les dames mangent une grande quantité, sans en éprouver aucune impression assoupissante. Geoffroi rapporte tous ces témoignages, auxquels il ajoute son propre sentiment. Il est fort singulier que toutes ces autorités & l’expérience n’ayent pas détruit le préjugé qui regne encore ; & que dans presque tous les livres de Médecine, même les plus modernes, on trouve les semences de pavot expressément demandées dans les émulsions qu’on prétend rendre plus tempérantes, plus calmantes. Il est plus singulier encore que Geoffroi lui-même conclud de son assertion contre la vertu calmante des semences de pavot, que ses semences sont propres aux émulsion destinées à appaiser le bouillonnement des humeurs, &c. Nous en concluons au contraire que ces semences n’y pourroient être propres que par les qualités très-communes de la matiere émulsive ; & que, comme d’ailleurs ces semences sont, par leur petitesse, d’un emploi moins commode que les grosses semences émulsives, telles que les amandes douces, &c. il ne faut jamais préparer des émulsions avec les premieres, que quand on manque absolument des dernieres. Les têtes de pavot entrent dans les trochisques, béchiques noirs, & dans l’huile de mandragore ; les semences dans le sirop de tortue, & la poudre diatragacanti frigidi ; les feuilles dans le baume tranquille ; le sirop dans les pillules de styrax, le looch blanc, les tablettes béchiques, &c.

Le pavot noir est fort peu employé en Médecine. Il y a pourtant des apothicaires qui prennent indifféremment les têtes de pavot noir, comme celles de pavot-

blanc, pour la préparation du sirop de diacode,

& des médecins qui ont observé que la vertu narcotique de ces deux especes de pavot étoit à-peu-près la même.

L’huile par expression connue dans plusieurs provinces du royaume sous le nom d’huile d’œillet ou d’œillette, & employée par le peuple dans ces pays sans le moindre inconvénient aux mêmes usages auxquels on emploie plus généralement l’huile d’olive ; cette huile, dis-je, est retirée des semences de pavot noir. Cette observation prouve absolument pour l’huile de pavot noir, & concourt à prouver par analogie pour l’huile de pavot blanc que ces substances ne sont point narcotiques.

Les feuilles de pavot noir entrent dans l’onguent populeum & dans le baume tranquille : elle ne sont d’aucun usage, non plus que celles de pavot blanc dans les prescriptions magistrales.

Le pavot rouge ou coquelicot ne fournit à la Médecine que les pétales de ses fleurs.

Ces pétales sont de l’ordre des substances végétales qu’il faut dessecher le plus promptement, c’est-à-dire par le secours de la plus grande chaleur qu’il soit permis d’employer. Voyez Dessiccation. Si on laisse languir leur desséchement, elles se noircissent très-promptement, & prennent un goût & une odeur de moisi.

Les fleurs de coquelicot sont regardées comme très-adoucissantes, très-pectorales, comme légerement diaphorétiques & comme un peu calmantes. On emploie assez communément leur décoction legere, ou leur infusion théiforme à titre de tisane dans la toux opiniâtre & seche, dans les fluxions de poitrine, les pleurésies, & même dans la petite-vérole.

On retire une eau distillée des fleurs de coquelicot, qui doit être rangée dans la classe de celles qui sont parfaitement inutiles. Voyez Eau distillée.

On en prépare une conserve & un sirop dont la vertu est analogue à celle de la décoction, mais qui ne permettant pas par leurs formes d’être données en aussi grande quantité, lui sont absolument inférieurs.

Les fleurs de coquelicot entrent dans la décoction pectorale de la pharmacopée de Paris. (b)

Pavot cornu, glaucium, (Botan.) genre de plante à fleur en rose, composée de quatre pétales disposes en rond. Le pistil sort du calice, qui est de deux feuilles, & devient dans la suite une silique longue & ronde, qui n’a qu’une seule capsule traversée par des valvules adhérentes à une cloison qui occupe le milieu de la silique dans toute sa longueur. Cette silique renferme des semences le plus souvent arrondies : il y a quelques especes de ce genre dont le fruit qui n’a qu’une seule capsule, s’ouvre en quatre parties. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Cette espece qu’on appelle en particulier pavot jaune cornu, est le glaucium flore luteo, I. R. H. 254. Boerhaave, jud. alt. 305. papaver corniculatum luteum, κερατίτης, Dioscoridis & Theophrasti sylvestre, keratitis Plinii, C. B. P. 171. en anglois, the yellow corned poppy. Galien dit que cette plante est détersive ; mais qu’il ne faut l’employer que pour manger les chairs baveuses des ulceres.

Sa racine est grosse comme le doigt, longue, jaunâtre en-dedans, & donnant un suc jaune. Elle pousse des feuilles amples, charnues, grasses, épaisses, velues, découpées profondément, dentelées en leurs bords, & comme crépées, de couleur de verd de mer, se couchant à terre, & attachées par de grosses queues.

Sa tige ne s’éleve que la seconde année ; elle est fort dure, nouée, glabre, divisée en plusieurs rameaux, poussant de ses nœuds de petites feuilles légerement découpées.