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pas non plus se déterminer réciproquement ; car alors c’est un embarras superflu. Une regle qui est déja supposée par une autre, reparoît inutilement à part.

L’ordre qui est lié à l’essence des choses, & dont le changement détruiroit cette essence, est un ordre nécessaire : celui dont les regles peuvent varier sans détriment essentiel, est contingent. L’ordre des côtés d’un triangle, ou de toute autre figure est un ordre nécessaire. Il n’en est pas de même de celui des livres d’un cabinet, des meubles d’un appartement. L’ordre qui y regne est contingent ; & plusieurs bibliothéques, appartemens, jardins peuvent être rangés différemment, & se trouver dans un bon ordre.

Il y a défaut dans l’ordre, toutes les fois qu’une chose n’est pas à la place que les regles lui destinent. Mais si certaines choses sont susceptibles d’être rangées de diverses manieres, ce qui est défaut dans un ordre, ne sauroit être censé tel dans un autre ordre.

L’opposé de l’ordre, c’est la confusion, dans laquelle il n’y a ni ressemblance entre l’arrangement, les simultanés, & l’enchaînure des successifs, ni regles qui déterminent les places.

Pour connoître un ordre, il faut être au fait des regles qui déterminent les places. Combien de gens se mêlent de juger du gouvernement d’un état, des opérations d’une compagnie, ou de telle autre manœuvre, & qui en jugent en aveugles, parce qu’ils ne connoissent point le plan secret, & les vues qui déterminent la place de chaque démarche, & la soumettent à un ordre caché, sans la connoissance duquel, telle circonstance, détachée de tout le système, peut paroître extraordinaire, & même ridicule. Combien voit-on de gens dont l’audacieuse critique censure le plan physique ou moral de l’univers, & qui prétendent y trouver des désordres. Pour faire sentir ces désordres, qu’ils commencent par étaler la notion de l’ordre qui doit regner dans l’univers, & qu’ils démontrent que celle qu’ils ont conçue est la seule admissible. Et comment pourroient-ils le faire, ne connoissant qu’un petit coin de l’univers, dont ils ne voient même que l’écorce ? Celui-là seul qui est derriere le rideau, & qui connoît les moindres ressorts de la vaste machine du monde, l’Etre suprème qui l’a formé, & qui le soutient, peut seul juger de l’ordre qui y regne.

Quand il reste des déterminations arbitraires qui laissent certaines choses sans place fixe, il y a un mélange d’ordre & de confusion, & l’un ou l’autre domine à proportion du nombre des places déterminées ou à déterminer.

Les choses qui n’ont aucune différence intrinséque peuvent changer de place entre elles, sans que l’ordre soit altéré, au-lieu que celles qui différent intrinséquement ne sauroient être substituées l’une à l’autre. Quand on dérange une chambre, dans laquelle il n’y a, par exemple, qu’une douzaine de chaises pareilles ; il n’est pas nécessaire que chaque chaise retourne précisément à la place où elle étoit. Mais si les meubles de cet appartement sont inégaux, qu’il y ait sopha, lit, ou telle autre piece disproportionnée à d’autres, on ne sauroit mettre le lit où étoit une chaise, &c.

C’est l’ordre qui distingue la veille du sommeil ; c’est que dans celui-ci tout se fait sans raison suffisante. Personne n’ignore les bisarres assemblables qui se forment dans nos songes. Nous changeons de lieu dans un instant. Une personne paroît, disparoît & reparoît. Nous nous entretenons avec des morts, avec des inconnus, sans qu’il y ait aucune raison de toutes ces révolutions. En un mot, les contradictoires y ont lieu. Aussi la fin d’un songe n’a

souvent aucun rapport avec le commencement ; & il en résulte que la succession de nos idées en songe, n’ayant point de ressemblance, la notion de l’ordre ne s’y trouve pas ; mais pendant la veille, chaque chose a sa raison suffisante ; la suite des idées & des mouvemens se développe & s’exécute conformément aux lois de l’ordre établi dans l’univers, & la confusion ne s’y trouve jamais au point d’admettre la coexistence des choses contradictoires.

Ordre, en Géométrie, se dit en parlant des lignes courbes, distinguées par le différent degré de leur équation. Les lignes droites, dont l’équation ne monte qu’au premier degré, composent le premier ordre ; les sections coniques, le second ordre, parce que leur équation monte au second degré, & ainsi des autres.

M. Newton a fait un ouvrage intitulé, énumération des lignes du troisieme ordre. Voyez Courbe.

On se sert quelquefois du mot de degré au lieu de celui d’ordre : ainsi on dit une courbe ou une ligne du troisieme degré, pour une ligne du troisieme ordre. Voyez Degré, Courbe & Genre.

Ordre s’emploie aussi en parlant des infinis & des infiniment petits ; ainsi on dit infini du second ordre, pour dire une quantité infinie par rapport à une autre qui est déjà infinie elle même : infiniment petit du second ordre, pour dire une quantité infiniment petite par rapport à une autre qui est déjà infiniment petite elle-même, & ainsi de suite : sur quoi voyez Infini & Différenciel. On dit de même équation différencielle du premier, du second, &c. ordre, pour dire une équation où les différencielles sont du premier, du second ordre. &c. Voyez Équation. (O)

Ordre, (Jurisprud. canon.) est le sixieme des sacremens de l’Eglise catholique, qui donne un caractere particulier aux ecclésiastiques lorsqu’ils se consacrent au service de Dieu.

La tonsure cléricale n’est point un ordre, c’est seulement une préparation pour parvenir à se faire promouvoir aux ordres.

L’ordre a été institué par J. C. lorsqu’il dit à ses disciples : Sicut misit me pater, & ego mitto vos..... Insufflavit & dicit eis, accipite Spiritum Sanctum, &c. Joann. xx. v. 21.

Mais comme J. C. & l’Eglise n’ont point donné à tous les clercs un pouvoir égal, il y a dans le clergé différens degrés que l’on nomme ordres ; & ces degrés sont ce qui composent la hiérarchie ecclésiastique.

Suivant l’usage de l’église latine, on distingue deux sortes d’ordres ; savoir les ordres mineurs ou moindres, & les ordres sacrés ou majeurs.

Les ordres mineurs ou moindres sont au nombre de quatre ; savoir l’office de portier, celui de lecteur, celui d’exorciste & celui d’acolythe.

Les ordres majeurs ou sacrés sont le soudiaconat, le diaconat & la prêtrise : l’épiscopat est encore un degré au-dessus de la prêtrise.

Les évêques reçoivent la plénitude du sacerdoce avec le caractere épiscopal, voyez Consécration & Évêque. Ils sont aussi les seuls qui puissent donner à l’Eglise des ministres par le sacrement de l’ordre.

L’imposition des mains de l’évêque est la matiere du sacrement de l’ordre ; la priere qui répond à l’imposition des mains en est la forme.

L’ordre imprime sur ceux qui le reçoivent un caractere indélébile, qui les rend ministres de J. C. & de son Eglise d’une maniere irrévocable.

L’ordination d’un prêtre se fait par l’évêque, en mettant les deux mains sur la tête de l’ordinant, & en récitant sur lui des prieres. Les prêtres qui sont présens lui imposent aussi les mains ; l’évêque lui met les ornemens du sacerdoce ; il lui consacre les