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4°. Les lois naturelles sont immuables, & n’admettent aucune dispense. C’est encore là un caractere propre de ses lois, qui les distingue de toutes lois positives, soit divines, soit humaines. Cette immutabilité des lois naturelles n’a rien qui répugne à l’indépendance, au souverain pouvoir, ou à la liberté de l’être tout parfait. Etant lui-même l’auteur de notre constitution, il ne peut que prescrire ou défendre les choses qui ont une convenance ou une disconvenance nécessaire avec cette même constitution, & par conséquent il ne sauroit rien changer aux lois naturelles, ni en dispenser jamais. C’est en lui une glorieuse nécessité que de ne pouvoir se démentir lui-même.

Je couronne cet article par ce beau passage de Cicéron ; la loi, dit-il, legum, lib. II. n’est point une invention de l’esprit humain, ni un établissement arbitraire que les peuples aient fait ; mais l’expression de la raison éternelle qui gouverne l’univers. L’outrage que Tarquin fit à Lucrece n’en étoit pas moins un crime, parce qu’il n’y avoit point encore à Rome de loi écrite contre ces sortes de violences. Tarquin pécha contre la loi éternelle, qui étoit loi dans tous les tems, & non pas seulement depuis l’instant qu’elle a été écrite. Son origine est aussi ancienne que l’esprit divin ; car la véritable, la primitive, & la principale loi n’est autre chose que la souveraine raison du grand Jupiter.

Cette loi, dit il ailleurs, est universelle, éternelle, immuable ; elle ne varie point selon les lieux & les tems : elle n’est pas différente aujourd’hui de ce qu’elle étoit anciennement. Elle n’est point autre à Rome, & autre à Athènes. La même loi immortelle regle toutes les nations, parce qu’il n’y a qu’un seul Dieu qui a donné & publié cette loi. Cicer. de Repub. lib. III. apud Lactant. instit. div. lib. VI. cap. viij.

C’en est assez sur les lois naturelles considérées d’une vue générale ; mais comme elles sont le fondement de toute la morale & de toute la politique, le lecteur ne peut en embrasser le système complet, qu’en étudiant les grands & beaux ouvrages sur cette matiere : ceux de Grotius, de Pufendorf, de Thomasius, de Buddé, de Sharrock, de Selden, de Cumberland, de Wollaston, de Locke, & autres savans de cet ordre. (D. J.)

Naturel, (Arithmét.) dans les tables des logarithmes, on appelle nombres naturels ceux qui expriment les nombres consécutifs 1, 2, 3, 4, 5, &c. à l’infini, pour les distinguer des nombres artificiels, qui en sont les logarithmes. Voyez Logarithme, Chambers. (E)

Naturel, adj. ce mot en Musique, a plusieurs sens : 1°. musique naturelle se dit du chant formé par la voix humaine, par opposition a la musique artificielle, qui se fait avec des instrumens : 2°. on dit qu’un chant est naturel quand il est aisé, doux, gracieux ; qu’une harmonie est naturelle quand elle est produite par les cordes essentielles & naturelles du mode. 3°. Naturel se dit encore de tout chant qui n’est point forcé, qui ne va ni trop haut ni trop bas, ni trop vîte, ni trop lentement. Enfin la signification la plus commune de ce mot, & la seule dont l’abbé Brossard n’a point parlé, s’applique aux tons ou modes dont les sons se tirent de la gamme ordinaire, sans altérations. De sorte qu’un mode naturel est celui où l’on n’emploie ni dièse ni bémol. Dans la rigueur de ce sens, il n’y auroit qu’un seul mode naturel, qui seroit celui d’ut majeur ; mais on étend le nom de naturel à tout mode, dont les cordes essentielles seulement ne portent ni dièse ni bémol ; tels sont les modes majeurs de sol & de fa ; les modes mineurs de la & de , &c. Voyez Mode, Transposition, Clé transposée. (S)

Naturel, est en usage dans le Blason, pour signi-

fier des animaux, des fruits, des fleurs, qui sont peints

dans un écu avec leurs couleurs naturelles, quoique différentes des couleurs ordinaires dans le Blason ; ce mot sert à empêcher qu’on n’accuse des armoiries d’être fausses, quand elles portent des couleurs inconnues dans le blason. Voyez Couleur & Blason. Berthelas en Forêt, d’azur à un tigre au naturel.

NAU, (Géogr.) autrement Nave ou Nahe, en latin Nava, riviere d’Allemagne. Tacite, l. IV. c. lxx. fait mention de cette riviere, & dit qu’elle se joint au Rhin près de Bingium, aujourd’hui Bingen : en effet Bingen est encore située au lieu où la Nau se jette dans le Rhin. Ausone en parlant de cette riviere dit :

Transieram celerem nebuloso lumine Navam.

Elle a sa source dans la Lorraine à l’orient de Neukirch, prend son cours du S. O. au N. E. & tournant enfin du midi au nord, elle va se jetter dans le Rhin au-dessous de Bin. (D. J.)

NAVAL, adj. se dit d’une chose qui concerne les vaisseaux, ou la navigation. Voyez Vaisseau & Navigation.

C’est dans ce sens qu’on dit quelquefois forces navales, combat naval, &c.

Couronne navale, corona navalis, parmi les anciens Romains, étoit une couronne ornée de figures des proues de vaisseaux ; on la donnoit à ceux qui dans un combat naval avoient les premiers monte sur le vaisseau ennemi.

Quoiqu’Aulugelle semble avancer comme une chose générale, que la couronne navale étoit ornée de figures de proues de vaisseaux, cependant Juste Lipse distingue deux sortes de couronnes navales ; l’une simple, l’autre garnie d’éperons de navires.

Selon lui, la premiere se donnoit communément aux moindres soldats ; la seconde beaucoup plus glorieuse, ne se donnoit qu’aux généraux, ou amiraux, qui avoient remporté quelque victoire navale considérable. Chambers. (G)

Navale, (Géogr. anc.) ce mot latin peut avoir beaucoup de significations différentes : il peut signifier un port, un havre, quelquefois le lieu du port où l’on construit les vaisseaux, comme à Venise ; ou le bassin où ils sont conservés & entretenus, comme au Havre-de-Grace ; mais ce n’est point là le principal usage de ce mot. Il y avoit des villes qui étoient assez importantes pour avoir un commerce maritime, & qui néanmoins n’étoient pas situées assez près de la mer pour faire un port. En ce cas on en choisissoit un le plus près & le plus commode qu’il étoit possible. On bâtissoit des maisons à l’entour, & ce bourg ou cette ville devenoit le navale de l’autre ville. C’est ainsi que Corinthe située dans l’isthme du Péloponnese avoit deux ports, duo navalia, savoir, Lechacum dans le golfe de Corinthe, & Cenchrées dans le golfe Saronique. Quelquefois une ville se trouvoit bâtie en un lieu qui n’avoit pas un port suffisant pour ses vaisseaux, parce que son commerce auquel des barques avoient suffi au commencement, étoit devenu plus florissant, & demandoit un havre où de gros bâtimens pussent entrer ; alors quoique la ville eût déjà une espece de port, elle s’en procuroit un autre plus large, plus profond, quoiqu’à quelque distance, & souvent il s’y formoit une colonie qui devenoit aussi florissante que la ville même. C’est une erreur de croire que le port ou navale fût toujours contigu à la ville dont il dépendoit, il y avoit quelquefois une distance de plusieurs milles.

NAVALIA, (Géog. anc.) ville de la Germanie inférieure selon Ptolomée, qui la met entre Assiburgium & Mediolanium : quelques savans croient que c’est la ville de Zwol. (D. J.)

NAVAN, (Géog.) petite ville d’Irlande dans la province de Leinster, au comté d’Est-Meath sur la