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43 minutes ; enfin la circonférence de la terre est de 123249600 piés de Paris. Supposons présentement que la Lune ait perdu tout son mouvement & tombe vers la Terre avec une force égale à celle qui la retient dans son orbite, elle parcourroit dans l’espace d’une minute de tems piés de Paris, puisque l’arc qu’elle décrit par son moyen mouvement autour de la Terre, dans l’espace d’une minute, a un sinus verse égal à piés de Paris, comme il est aisé de le voir par le calcul ; or comme la force de la gravité doit augmenter en approchant de la Terre en raison inverse du quarré de la distance, il s’ensuit que proche la surface de la Terre, elle sera fois plus grande qu’à la distance où est la Lune ; ainsi un corps pesant qui tombe proche la surface de la Terre, doit parcourir dans l’espace d’une minute, piés de Paris, & piés en une seconde.

Or c’est là en effet l’espace que parcourent en une seconde les corps pesans, comme Huyghens l’a démontré par les expériences des pendules : ainsi la force qui retient la Lune dans son orbite, est la même que celle que nous appellons gravité ; car si elles étoient différentes, un corps qui tomberoit proche la surface de la Terre, poussé par les deux forces ensemble, devroit parcourir le double de piés, c’st-à-dire piés dans une seconde, puisque d’un côté la pesanteur lui feroit parcourir 15 piés, & que de l’autre la force qui attire la Lune, & qui regne dans tout l’espace qui sépare la Lune de la Terre, en diminuant comme le quarré de la distance, seroit capable de faire parcourir aux corps d’ici bas 15 piés par secondes, & ajouteroit son effet à celui de la pesanteur. La proposition dont il s’agit ici a déjà été démontrée au mot Gravité, mais avec moins de détail & d’une maniere un peu différente, & nous n’avons pas cru devoir la supprimer, afin de laisser voir à nos lecteurs comment on peut parvenir de différentes manieres à cette vérité fondamentale. Voyez Descente.

A l’égard des autres planetes secondaires, comme elles observoient par rapport à leurs planetes premieres les mêmes lois que la Lune par rapport à la Terre, l’analogie seule fait voir que ces lois dépendent des mêmes causes. De plus, l’attraction est toujours réciproque, c’est-à-dire la réaction est égale à l’action ; ainsi les planetes premieres gravitent vers leurs planetes secondaires, la Terre gravite vers la Lune, & le Soleil gravite vers toutes les planetes à-la-fois, & cette gravité est dans chaque planete particuliere à très-peu près en raison inverse du quarré de la distance au centre commun de gravité. Voyez Attraction, Réaction, &c.

IV. Tous les corps gravitent vers toutes les planetes, & leurs pesanteurs vers chaque planete sont, à égales distances, en raison directe de leur quantité de matiere.

La loi de la descente des corps pesans vers la Terre, mettant à part la résistance de l’art, est telle : tous les corps, à égales distances de la Terre, tombent également en tems égaux.

Supposons, par exemple, que des corps pesans soient portés jusqu’à la surface de la Lune ; & que privés en même tems que la Lune de tout mouvement progressif, ils retombent vers la Terre ; il est démontré que dans le même tems ils décriroient les mêmes espaces que la Lune ; de plus, comme les satellites de Jupiter font leurs révolutions dans des tems qui sont en raison sesquiplée de leurs distances à Jupiter, & qu’ainsi à distances égales la force de la gravité seroit la même en eux ; ils s’ensuit que tombant de hauteurs égales en tems égaux, ils parcourroient des espaces égaux précisément comme les corps pesans qui tombent sur la terre ; on fera

le même raisonnement sur les planetes premieres considérées par rapport au Soleil. Or la force par laquelle des corps inégaux sont également accélérés, est comme leur quantité de matiere. Ainsi le poids des corps vers chaque planete est comme la quantité de matiere de chacune, en supposant les distances égales. De même le poids des planetes premieres & secondaires vers le Soleil, est comme la quantité de matiere des planetes & des satellites. Voyez Matiere.

V. La gravité s’étend à tous les corps, & la force avec laquelle un corps en attire un autre, est proportionnelle à la quantité de matiere que chacun contient.

Nous avons déja prouvé que toutes les planetes gravitent l’une vers l’autre ; & que la gravité vers chacune en particulier est en raison inverse du quarré de la distance à son centre, conséquemment la gravité est proportionnelle à leur quantité de matiere. De plus comme toutes les parties d’une planete A gravitent vers l’autre planete B, & que la gravité d’une partie est à la gravité du tout, comme cette partie est au tout ; qu’enfin la réaction est égale à l’action, la planete B doit graviter vers toutes les parties de la planete A, & sa gravité vers une partie sera à sa gravité vers toute la planete, comme la masse de cette partie est à la masse totale.

De-là on peut déduire une méthode pour trouver & comparer les gravités des corps vers différentes planetes, pour déterminer la quantité de matiere de chaque planete & sa densité ; en effet les poids de deux corps égaux qui font leurs révolutions autour d’une planete, sont en raison directe des diametres de leurs orbes, & inverse des quarrés de leurs tems périodiques, & leurs pesanteurs à différentes distances du centre de la planete sont en raison inverse du quarré de ces distances. Or puisque les quantités de matiere de chaque planete sont comme la force avec laquelle elles agissent à distance donnée de leur centre, & qu’enfin les poids de corps égaux & homogenes vers des spheres homogenes sont à la surface de ces spheres en raison de leurs diametres, conséquemment les densités des planetes sont comme le poids d’un corps qui seroit placé sur ces planetes à la distance de leurs diametres. De-la M. Newton conclut que l’on peut trouver la masse des planetes qui ont des satellites, comme le Soleil, la Terre, Jupiter & Saturne ; parce que par les tems des révolutions de ces satellites on connoît la force avec laquelle ils sont attirés. Ce grand philosophe dit que les quantités de matiere du Soleil, de Jupiter, de Saturne, & de la terre sont comme 1, , &  ; les autres planetes n’ayant point de satellites, on ne peut connoître la quantité de leur masse. Voyez Densité.

VI. Le centre de gravité commun du Soleil & des planetes est en repos ; & le Soleil, quoique toujours en mouvement, ne s’éloigne que fort peu du centre commun de toutes les planetes.

Car la quantité de matiere du Soleil étant à celle de Jupiter, comme 1033 à 1, & la distance de Jupiter au Soleil étant au demi diametre du Soleil dans un rapport un peu plus grand ; le centre commun de gravité du Soleil & de Jupiter sera un peu au-delà de la surface du Soleil. On trouvera par le même raisonnement que le centre commun de gravité de Saturne & du Soleil sera un point un peu en-deçà de la surface du Soleil ; de sorte que le centre de gravité commun du Soleil & de la Terre & de toutes les planetes sera à peine éloigné du centre du Soleil de la grandeur d’un de ses diametres. Or ce centre est toujours en repos ; car en vertu de l’action mutuelle des planetes sur le Soleil & du Soleil sur les planetes, leur centre commun de gravité doit ou être en repos où se mouvoir uniformément en ligne