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kali, dont est composée la soude qui sert à former les glaces & les verres.

La murie animale, muria animalis, se tire de l’urine, des os & autres parties du corps des animaux, quoique ces animaux ne mangent jamais de sel ; on en voit un exemple dans le sang de bœuf, & dans l’urine de cheval. (D. J.)

MURIER, s. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur en chaton. Il y a plusieurs étamines qui s’élevent du fond du calice. Ce calice est composé de quatre feuilles, & stérile. L’embryon naît séparément, & devient un fruit composé de plusieurs petits pelotons d’écailles pleines de suc, qui renferment une semence arrondie. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Murier, s. m. (Jardinage.) morus, arbre dont on connoît trois principales especes : le mûrier noir, qui s’est trouvé en Europe de toute ancienneté ; le mûrier blanc, qui est originaire de l’Asie ; & le mûrier rouge, qui nous est venu assez récemment de l’Amérique septentrionale. Ces arbres sont si différens, si utiles, si précieux, qu’on ne peut trop s’appliquer à rassembler tous les faits intéressans qui pourront servir à les élever & à les cultiver avec succès. Je traiterai donc de chacun séparément.

Le mûrier noir est un grand arbre dont la tige ordinairement tortueuse, prend une bonne grosseur, mais elle ne se dresse qu’à force de soins. Il jette beaucoup de racines qui n’ont presque point de chevelu, & qui s’étendent beaucoup plus qu’elles ne s’enfoncent. Elles sont fortes & actives ; elles s’insinuent sous les pavés, elles pénetrent dans les murs. Son écorce est ridée, épaisse, souple & filamenteuse ; ses feuilles sont grandes, dentelées, épaisses, rudes au toucher, lanugineuses en-dessous, & elles se terminent en pointe ; la plûpart sont entieres, & quelques-unes diversement échancrées ; elles sont d’un verd foncé : elles viennent tard au printems, & elles commencent à tomber dès la fin de l’été. Nulle fleur particuliere à cet arbre ; le fruit paroît en même-tems que les feuilles, & il porte les étamines qui doivent le féconder. C’est une sorte de baie assez grosse, longue, grumeleuse, qui est d’abord verte & âcre, qui devient ensuite rouge & acide, & qui est molle, noire & très succulente dans sa maturité. C’est au mois d’Août qu’elle arrive à sa perfection.

Cet arbre est robuste & de longue durée ; mais son accroissement est très-lent dans sa jeunesse ; il ne se multiplie pas aisément, & il ne réussit pas volontiers à la transplantation, sur-tout lorsqu’il a été arraché depuis quelque tems.

Le mûrier noir aime les lieux tempérés, les plaines découvertes, les pays maritimes : il se plaît aussi sur la pente des monticules, à l’exposition du levant, dans les terres meubles & légeres, franches & sablonneuses, ni trop seches, ni trop humides, dans les potagers, dans les basse-cours, & sur-tout dans le voisinage des bâtimens où il puisse être à l’abri des vents d’ouest & de sud-ouest, qui font tomber son fruit ; mais il se refuse au tuf, à l’argille, à la marne & à la craie, à l’humidité trop habituelle, au voisinage des grandes prairies & des eaux stagnantes ; il ne réussit pas dans les terres fortes, dures, arides & trop superficielles ; il dépérit dans un sol vague & inculte ; il craint les lieux trop exposés au froid, l’ombre des grands bâtimens, le voisinage des autres arbres, & on ne le voit jamais prospérer sur la crête des montagnes.

On peut multiplier cet arbre de plusieurs façons ; la plûpart fort longues, quelques-unes très incertaines, & d’autres d’une pratique peu aisée. D’abord de rejettons pris au pié des vieux arbres négligés ; mais ils sont presque toujours si mal enracinés, qu’ils manquent souvent, ou languissent long-tems. De

racines assez grosses, détachées de l’arbre & replantées ; autre expédient sujet aux mêmes inconveniens, & encore plus incertain. De boutures qui, faites à l’ordinaire, réussissent en très-petit nombre, & sont huit ou neuf ans à s’élever de six piés. De semences qui sont le moyen le plus long & le plus minutieux ; mais le plus convenable à qui veut se procurer un grand nombre de plants. Par la greffe que l’on peut faire de différentes façons, qui réussit difficilement, & qui ne donne pas de beaux arbres ; & enfin, de branches couchées, qui sont la voie la plus courte, la plus facile, la plus sûre & la plus propre à donner promptement du fruit.

On peut coucher ces branches depuis le mois d’Octobre jusqu’à celui d’Avril ; le plutôt sera le meilleur. En couchant les branches du murier noir, il faudra les marcotter. Pour l’exactitude de l’opération, voyez Marcotte. Si la terre est bonne & que l’ouvrage soit bien exécuté, quelques-unes auront d’assez bonnes racines au bout d’un an ; il sera pourtant plus sûr de ne les enlever qu’après la seconde année : mars si l’on veut avoir des plants un peu forts & bien conditionnés, il faudra ne les transplanter qu’au bout de trois ans, & l’on sera bien dedommagé de l’attente par le progrès qui suivra. Si l’on vouloit par cette même méthode se procurer un plus grand nombre de plants, il faudroit coucher en entier un mûrier de moyenne grandeur, marcotter toutes ses branches, & les couper à trois pouces au-dessous de terre ; de cette façon on acceléreroit du double l’accroissement des plants, & ils seroient plus forts, plus grands, mieux dressés & mieux enracinés au bout d’un an, que les marcottes faites au pié de l’arbre ne le seroient après deux ou trois ans.

Pour faire des boutures de murier, on prend ordinairement des jeunes rejettons de cet arbre, que l’on coupe de six ou sept pouces de longueur que l’on plante droits, comme un poireau dans des plate-bandes à l’ombre, que l’on abrite contre le soleil, que l’on arrose fréquemment, & qui avec tous les soins possibles ne réussissent qu’en très-petit nombre ; encore ces foibles productions sont elles deux ou trois ans à languir & à dépérir en partie : mais on peut faire ces boutures avec plus de succès. Il faut au mois d’Avril prendre sur un arbre vigoureux les plus forts rejettons de la derniere année, les couper avec deux ou trois pouces de vieux bois, choisir ceux qui pourront avoir au moins deux à trois piés de longueur ; on préparera, n’importe à quelle exposition, une planche de bonne terre de potager, meuble, légere, moëlleuse, qu’il faudra mêler de bon terreau & la bien cultiver jusqu’à deux piés de profondeur : la planche ainsi disposée, l’on commencera par faire à l’un des bouts une fosse de deux piés de largeur & de six à huit pouces de profondeur ; on y couchera douze ou quinze branches auxquelles on fera faire le coude le plus qu’il sera possible sans les casser ; on les arrangera de maniere qu’elles ne sortiront de terre que d’environ trois pouces, & qu’elles borderont l’extrémité de la planche : ensuite on couvrira ces boutures à peu-près de six ou huit pouces de terre en hauteur & en épaisseur du côté que les branches sont coudées ; puis on élargira d’autant la fosse ; on formera une autre rangée de branches couchées & relevées contre cette bute de terre ; on les recouvrira de même, & on continuera de suite jusqu’à ce que toutes les branches soient couchées : nul abri contre le soleil, nul autre soin après cela que de faire arroser abondamment ces boutures une fois la semaine dans les grandes sécheresses. Il en manquera peu, elles pousseront même assez bien dès la premiere année, & elles feront plus de progrès en cinq ans, que les boutures faites de l’autre façon n’en feront en dix années. Il faudra les lever au bout de trois