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doute ainsi avant l’invention de la cédille, que pour laisser au e la prononciation douce qu’il a dans je commence.

Cette cédille inventée si à propos, auroit dû faire imaginer d’autres marques pour distinguer les cas où le c doit se prononcer comme un k devant la voyelle e, & pour faire connoître ceux où le g doit être articulé d’une façon opposée aux regles ordinaires. Ces signes particuliers vaudroient beaucoup mieux que l’interposition d’un e ou d’un u, qui est d’autant moins satisfaisante qu’elle induit à prononcer écuelle comme écueil, aiguille comme anguille, & même géographe & ciguë, comme George & figue, quand l’écrivain n’a pas soin, ce qui arrive assez fréquemment ; d’accentuer le premier e de géographe, & de mettre deux points sur le second i d’aiguille & sur l’e final de cigue ». [Le moyen le plus sur & le plus court, s’il n’y avoit eu qu’à imaginer des moyens, auroit été de n’attacher à chaque consonne qu’une articulation, & de donner à chaque articulation sa consonne propre.]

« Quoi qu’il en soit de mon idée de réforme, dont il n’y a point d’apparence qu’on voye jamais l’exécution, on doit envisager la voyelle e dans beau tout autrement que dans il mangea. Elle ne fournit par elle-même aucun son dans le premier de ces mots ; mais elle est censée tenir aux deux autres voyelles, & on la regarde en quelque sorte comme faisant partie des caracteres employés à représenter le son o ; au-lieu que dans il mangea, l’e ne concourt en rien à la représentation du son : il n’a nulle espece de liaison avec l’a suivant, c’est à la seule consonne g qu’il est uni, pour en changer l’articulation, eu égard à la place qu’elle occupe. Ce que je dis ici de l’e, par rapport au mot mangea, doit s’entendre également de l’u tel qu’il est dans guerre, recueil, quotité ; & ce que j’observe sur l’e, par rapport au mot beau, doit s’entendre aussi de l’a & de l’o dans Saone & bœuf ». Voyez Lettre, Voyelle, Consonne, Diphtongue, Orthographe, & differens articles de lettres particulieres. (B. E. R. M.)

Muet, en Droit, & singulierement en matiere criminelle, s’entend également de celui qui ne peut pas parler & de celui qui ne le veut pas ; mais on procede différemment contre le muet volontaire ou le muet par nature.

Quand l’accusé est muet ou tellement sourd qu’il ne puisse aucunement entendre, le juge lui nomme d’office un curateur sachant lire & écrire, lequel prête serment de bien & fidellement défendre l’accusé, & répondra en sa présence aux interrogatoires, fournira de reproches contre les témoins, & sera reçu à faire audit nom tous actes que l’accusé pourroit faire pour se défendre. Il lui sera même permis de s’instruire secrétement avec l’accusé, par signes ou autrement ; si le muet ou sourd sait & veut écrire, il pourra le faire & signer toutes ses réponses, dires & reproches, qui seront néanmoins signés aussi par le curateur, & tous les actes de la procédure feront mention de l’assistance du curateur.

Mais si l’accusé est un muet volontaire qui ne veuille pas répondre le pouvant faire, le juge lui fera sur-le-champ trois interpellations de répondre, à chacune desquelles il lui déclarera qu’à faute de répondre son procès va lui être fait, comme à un muet volontaire, & qu’après il ne sera plus venu à répondre sur ce qui aura été fait en sa présence pendant son silence volontaire. Le juge peut néanmoins, s’il le juge à propos, lui donner un délai pour répondre de vingt-quatre heures au plus, après quoi, s’il persiste en son refus, le juge doit en effet procéder à l’instruction du procès, & faire mention à chaque article d’interrogatoire que l’accusé n’a voulu répondre ; &

si dans la suite l’accusé veut répondre, ce qui aura été fait jusqu’à ses réponses subsistera, même la confrontation des témoins contre lesquels il aura fourni de reproches ; & il ne sera plus reçu à en fournir, s’ils ne sont justifiés par pieces.

Muets, (Hist. mod. turque.) Les sultans ont dans leurs palais deux sortes de gens qui servent à les divertir, savoir les muets & les nains ; c’est, dit M. de Tournefort, une espece singuliere d’animaux raisonnables que les muets du serrail. Pour ne pas troubler le repos du prince, ils ont inventé entr’eux une langue dont les caracteres ne s’expriment que par des signes ; & ces figures sont aussi intelligibles la nuit que le jour, par l’attouchement de certaines parties de leur corps. Cette langue est si bien reçue dans le serrail, que ceux qui veulent faire leur cour & qui sont auprès du prince, l’apprennent avec grand soin : car ce seroit manquer au respect qui lui est dû que de se parler à l’oreille en sa présence. (D. J.)

MUETTE, s. f. (Mythol.) déesse du Silence chez les anciens Romains. Sa fête se célébroit le 18 février, ou le 12 avant les calendes de Mars.

Muette, s. f. (Vennerie) maison bâtie dans une capitainerie de chasse, pour y tenir la juridiction concernant les chasses, ou y loger le capitaine ou autre officier, les chiens & l’équipage de chasse. On appelle ainsi celles du bois de Boulogne, de Saint-Germain, &c. parce que c’est là que les gardes de chasse apportent les mues ou têtes de cerfs qu’ils trouvent dans la forêt. On donne encore le nom de muette au gîte du lievre & du levreau. Au lieu de muette il y en a qui disent meute : comme dans cette exemple, la meute du cerf : le cerf à la voix des chiens quitte facilement la muette ou la meute.

MUÉZIN, s. m. (Hist. turque.) On appelle muézin en Turquie l’homme qui par sa fonction doit monter sur le haut de la mosquée, & convoquer les Mahométans à la prière. Il crie à haute voix que Dieu est grand, qu’il n’y a point d’autre Dieu que lui, & que chacun vienne songer à son salut. C’est l’explication de son discours de cloche ; car dans les états du grand-seigneur il n’y a point d’autre cloche pour les Musulmans. Ainsi les Turcs, pour se moquer du vain babil des Grecs, leur disent quelquefois, nous avons des cloches qui pourroient vous apprendre à parler. Le petit peuple de Sétines (l’ancienne Athènes) ne règle les intervalles de la journée que par les cris que font les muézins sur les minarets, au point du jour, à midi, & à six heures du soir (D. J.)

MUFFLE DE LION, voyez Anthirrinum.

Muffle de veau, antirrhinum, genre de plante à fleur monopétale, campaniforme, tubulée, faite en forme de masque, & divisée en deux levres, dont la supérieure est fendue en deux parties, & l’inférieure en trois : le pistil sort du calice ; il est attaché comme un clou à la partie postérieure de la fleur, & il devient dans la suite un fruit ou une coque qui ressemble en quelque façon à une tête de cochon, car on y distingue le derriere de la tête, les orbites & la bouche. Cette coque est divisée en deux loges par une cloison, & contient des semences le plus souvent petites & attachées à un placenta. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante.

Muffle, s. m. (Venn.) c’est le bout du nez des bêtes sauvages.

Muffle, (Architect.) ornement de sculpture qui représente la tête de quelqu’animal, & particulierement celle du lion, qui sert de gargouille à une cimaise, de goulette à une cascade, & sert aussi d’ornement à des consoles, à des corniches, à des pilastres, &c.

MUGE NOIR, (Hist. nat. Ichtiolog.) poisson de