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l’évaluation de l’alliage pour ajouter ou diminuer ce qui manque au titre, on dresse un bordereau des matieres qu’on veut fondre, contenant leurs qualités, leur poids & leurs titres ; on partage ensuite ce bordereau en deux autres, dont l’un comprend toutes les matieres qui sont au-dessus du titre auquel se doit faire la fonte ; & l’autre, toutes celles qui sont au-dessous.

Ayant calculé chaque bordereau séparément, on voit par le calcul des premieres ce que les matieres fortes de titre ont au-dessus du titre ordonné ; & par le calcul du second, ce que les matieres foibles ont au-dessous ; ensorte que les deux résultats étant comparés, on sait précisément par une soustraction, combien il faut ajouter ou de fin ou d’alliage pour réduire toutes les matieres au titre réglé pour la nouvelle fonte.

A l’égard de la fonte, si c’est de la monnoie d’or, elle se fait dans les creusets de terre, de peur que l’or ne s’aigrisse ; mais si c’est de l’argent, du billon ou de cuivre, on se sert de creuset de fer fondu, en maniere de petits seaux sans anses, ou de casses. Voyez Creuset.

Deux sortes de fourneaux sont propres pour la fonte des monnoies ; ceux à vent, & ceux à soufflet. Voyez Fourneau à monnoyer.

Quand l’or, l’argent, ou les autres métaux sont en bain, c’est-à-dire entierement fondus, on les brasse avec des cannes ou brassoirs de terre cuite, appellés quilles, pour l’or, & de fer, pour l’argent, billon & cuivre.

En cet état, on les coule dans les moules ou chassis pour faire les lames ; ce qui se fait de la même maniere que les Fondeurs en sable, tant pour les massifs, que pour la maniere de corroyer la terre & d’y arranger les modeles. Voyez Fonderie, Chassis & Moule.

Les modeles des monnoies sont des lames de bois élevées de relief sur la Planche gravée, voyez Planche gravée, longue d’environ quinze pouces, & à peu-près de l’épaisseur des especes à fabriquer. Les moules pour l’or & l’argent en ont communément sept pour le tour des louis, écus, & dix pour les demi-louis & petites pieces d’argent ou de billon ; on en fait à proportion pour le cuivre. Voyez Moule. La seule différence qu’il y a entre la maniere de jetter l’or en lame & celle dont on se sert pour les autres métaux, c’est que l’argent, billon ou cuivre se tirent des creusets avec de grandes cuillers à long manche, voyez Cuiller, pour les verser par le jet du moule ; & que pour l’or on se sert de tenailles à croissant, faites comme celles des fondeurs, avec lesquelles on porte aussi comme eux le creuset tout plein d’or en bain pour en remplir le moule. Voyez Tenaille à croissant.

Monnoyage au laminoir. Les lames ayant été retirées des moules, les parties baveuses en sont emportées avec une serpe, ce que l’on appelle ébarber ; on les gratte & nettoie avec la gratte-bosse ; ensuite on les passe plusieurs fois au laminoir, pour les applatir, & successivement par différens laminoirs, pour les réduire à la juste épaisseur qu’elles doivent avoir : ces lames sont destinées à faire flancs.

Il faut observer que les lames d’or sont recuites avant de passer au laminoir. Pour les recuire, on les met sur un fourneau de recuite ; on les fait presque rougir ; ensuite on les jette dans l’eau, pour les adoucir, faire qu’elles s’étendent plus facilement, & empêcher que leur aigreur ne les fasse casser au dégrossi, ce qui arrive néanmoins quelquefois malgré cette précaution.

Quant aux lames d’argent, elles passent en blanc,

étant recuites, au dégrossiment pour la premiere fois ; ensuite on les recuit, on les laisse refroidir d’elles-mêmes & sans les mettre à l’eau, de crainte que, par un effet contraire à l’or, la matiere ne s’aigrisse. On les recuit trois ou quatre fois, & on les passe sept ou huit au laminoir. Voyez Recuite.

Les lames soit d’or, soit d’argent, soit de cuivre, ayant été réduites autant qu’il est possible, à l’épaisseur des especes à fabriquer, on les coupe avec la machine appellée coupoir, qui est faite d’acier bien acre, en forme d’emporte-piece, dont le diametre est proportionné à la piece qu’on veut frapper. Le morceau de métal emporté par cet instrument est appellé flanc, & ne prend le nom de monnoie, qu’après que l’effigie du roi y a été empreinte.

Le coupoir dont on peut voir la fig. Pl. de Mon. est composé du coupoir dont on vient de parler ; d’un arbre de fer, dont le haut est à vis, & au-bas duquel est attaché le coupoir ; d’une manivelle pour faire tourner l’arbre ; d’un écrou où s’engraine la partie de l’arbre qui est à vis ; de deux platines, à-travers desquelles l’arbre passe perpendiculairement ; & au-dessous du coupoir est une troisieme platine taillée en creux, par le milieu du diametre du flanc qu’on veut couper. Voyez Coupoir. Sur la platine en creux on applique la vis baissant le dessous du coupoir par le moyen de la manivelle. L’emporte-piece coupe à l’endroit où elle porte à faux ; les flancs coupés, on les livre aux ouvriers, ajusteurs & tailleresses, pour les rendre du poids des denéraux, qui sont des poids étalonnés, sur lesquels doivent être réglées les monnoies, chacune selon son espece, voyez Denéral, Ajusteur. Si les flancs sont trop legers, on les cisaille ; s’ils sont trop forts, on les lime avec une écouane qui est une sorte de lime : les ajusteurs & les tailleresses répondent de leurs travaux.

Après que les flancs ont été ajustés, on les porte à l’attelier du blanchiment, c’est-à-dire au lieu où l’on donne la couleur aux flancs d’or, & l’on blanchit ceux d’argent ; ce qui s’exécute en les faisant recuire dans un fourneau, & lorsqu’ils ont été tirés & refroidis, en leur donnant le bouillitoire. Voyez Blanchiment, Bouillitoire.

Donner le bouillitoire aux flancs, c’est les faire bouillir successivement dans deux vaisseaux de cuivre appellés bouilloirs, avec de l’eau, du sel commun & du tartre de Montpellier ou gravelle ; & lorsqu’ils ont été bien épurés avec du sablon, & bien lavés avec de l’eau commune, les faire sécher sur un feu de braise qu’on met dessous un crible de cuivre où on les a placés au sortir des bouilloirs.

Le blanchiment des flancs se faisoit autrefois bien différemment ; & même l’ancienne maniere s’est encore conservée parmi plusieurs Orfévres ou ouvriers qui emploient l’or & l’argent pour blanchir & donner couleur à ces métaux : on en a fait un article particulier. Voyez Blanchiment.

Avant l’année 1685, les flancs qui avoient reçu le bouillitoire, étoient immédiatement portés au balancier, pour y être frappés & y recevoir les deux empreintes de l’effigie & de l’écusson ; mais depuis ce tems, en conséquence de l’ordonnance de 1690, on les marque auparavant d’une légende ou d’un cordonnet sur la tranche, afin d’empêcher par cette nouvelle marque, la rognure des especes, qui est une des manieres dont les faux-monnoyeurs alterent les monnoies.

La machine pour marquer les flancs sur la tranche, quoique simple, est très-ingénieuse. Elle consiste en deux lames d’acier faites en forme de regle épaisse d’environ une ligne, sur lesquelles sont gravées les légendes ou les cordonnets, moitié sur l’une, moitié sur l’autre ; l’une de ces lames est im-