L’Encyclopédie/1re édition/FOURNEAU

FOURNÉE  ►

FOURNEAU d’une mine, s. m. (Fortificat.) c’est une espece de cosse pratiqué à l’extrémité de la galerie pour mettre la poudre dont la mine doit être chargée. On appelle aussi le fourneau la chambre de la mine Voyez Mine & Chambre. (Q)

Fourneau superficiel, terme de Fortification qui signifie la même chose que caisson. C’est une caisse remplie de trois, quatre, cinq ou six bombes, & souvent remplie simplement de poudre. On s’en est servi dans les sieges pour faire sauter les logemens du chemin couvert & du fossé sec ; mais ces caissons ne sont plus guere d’usage. On leur a substitué les fougasses. Voyez ci-dev. Fougasse ou Fougade. (Q)

* Fourneau, chez les Bimblotiers faiseurs de dragées pour la chasse ; c’est un massif de maçonnerie qui entoure une chaudiere de fer dans laquelle on fond le plomb dont on doit faire les balles ou dragées. Voyez la Planche de la fonte des dragées. C’est le fourneau ; A la chaudiere, autour de laquelle sont deux anneaux de fer qui garantissent la maçonnerie du fourneau du frottement des moules qui la détruiroit en peu de tems ; D l’ouverture par laquelle on met le bois allumé sous la chaudiere ; E la cheminée du fourneau par laquelle la fumée du bois qui est sous la chaudiere passe dans la grande cheminée F qui couvre tout le fourneau, d’où elle se perd hors de l’attelier ; B une ouvriere assise près du fourneau, & qui tient un moule dans ses mains qu’elle ouvre pour en faire sortir la branche (voyez Branche), qu’elle tire avec des béquettes, sorte de pinces plates : les branches sorties au moule sont posées à terre sur un ais placé en G à côté de l’ouvriere.

Fourneau à fondre les caracteres d’Imprimerie ; il est fait de la terre dont se servent les Fournalistes pour la fabrique des creusets, mais moins fine. C’est un mélange de ciment de pot-à-beurre cassé & de terre glaise petris ensemble ; sa grandeur ou hauteur est de 18 à 20 pouces, 10 à 12 de diametre, sur deux piés & demi de longueur. Il est séparé en deux dans la hauteur ; on met le bois dans la partie supérieure, au bout de laquelle est une grille aussi de terre qui donne l’air qui est nécessaire pour faire allumer le bois. La partie inférieure est composée du cendrier & des ventouses pour l’air ; on pose sur la partie supérieure dudit fourneau la cuilliere dans laquelle est le métal qui est toûjours en fusion par le feu continuel qui est dessous. Depuis la grille jusqu’à la partie supérieure, on ménage une ouverture sur laquelle on met un tuyau de tôle, qui sert de passage à la fumée qui s’échappe hors l’attelier. Voyez les Planches de la Fonderie en caracteres.

* Fourneau, (Chapelier.) Ces ouvriers en ont de trois sortes : un qu’ils mettent sous les plaques, lorsqu’ils bâtissent & dressent ; un plus grand dans la foulerie sous la petite chaudiere, qui contient l’eau chaude & la lie à fouler ; un troisieme très-grand sous la chaudiere à teinture. Ces fourneaux n’ont rien de particulier, qu’on n’apperçoive d’un coup-d’œil sur les Planches. Voyez les Planches de Chapellerie & leur explication.

* Fourneau, (Cuisine.) c’est un ouvrage de maçonnerie qui est fait de brique, qui a environ trois piés de haut, & sur lequel sont scellés des réchaux qui déposent leurs cendres dans une espece de voûte pratiquée sous le fourneau, & à-peu-près vers le milieu. Le bâti qui soûtient cette maçonnerie est de pierre. Les contours de la partie supérieure sont garnis & liés de bandes de fer.

Fourneau des grandes Fonderies ; voyez l’article Bronze.

Fourneau des Usines en Cuivre ; voyez l’article Cuivre.

Fourneau des Usines en Fonte ; voyez ci-devant à l’article Forge, Forges (grosses-).

Fourneau des Usines en Fer ; voyez aussi ci-devant à l’article Forge, Forges (grosses-).

* Fourneau des Tailleurs de limes ; c’est une espece de moufle faite de brique. Le tailleur de limes les y renferme avec la suie, & autres matieres de la trempe en paquet. Voyez l’article Trempe. Voyez aussi Planches de Taillanderie & Fourneau. 9 le fourneau, 5 son cendrier, l les supports de la grille qui porte le paquet.

Fourneau, chez les Mégissiers ; voyez l’article Chamoiseur.

Fourneau des Fondeurs en sable ; voyez à l’article Sable, Fondeur en sable.

* Fourneau, (Plombiers.) ils en ont trois ; la fosse, la poesle, & le fourneau à étamer.

Ils fondent dans la fosse le plomb destiné pour les grandes & petites tables ; & c’est-là qu’ils jettent aussi d’autres ouvrages. Voyez l’article Fosse.

La poesle est une partie de la fosse. Voyez le même article & l’article Poesle.

Le fourneau à étamer est un chassis quarré de grosses pieces de bois ou massif de maçonnerie, sur lequel est un foyer de brique. Il est élevé de terre d’environ deux piés & demi, sur quatre piés de longueur, & presque la même largeur ; il est bordé de brique ou de terre grasse tout-autour ; mais le rebord est plus haut par-derriere & par devant, que par les côtes : c’est-là que les Plombiers étament. Voy. l’article Etamer.

Leur étamage occupe deux ou trois ouvriers qui tiennent la piece à étamer élevée au-dessus du fourneau, jusqu’à ce qu’elle ait pris le degré de chaleur convenable. Voyez nos Planches de Plomberie & leur explication.

* Fourneau, (Potier d’etain.) il est comme le fourneau de cuisine, fait de brique, long d’environ huit à dix pouces, de la même profondeur, large de six à sept pouces, ouvert par-devant, coupé par une grille qui porte le charbon. On y met chauffer les fers à souder ; fondre l’étain dans la cuillere à jetter les anses ou autres garnitures, &c. Les Potiers d’étain ont des fourneaux portatifs de fer, de tôle ou de brique, qui leur servent aux mêmes usages.

* Fourneau, en termes de Raffineur de sucre, est un massif de brique à plusieurs feux, d’environ six piés de large sur quinze de long ; il est ordinairement chargé de trois chaudieres, séparées par des élévations triangulaires, sous lesquelles sont les évents des fourneaux. Au-dessous des chaudieres qui y sont descendues jusqu’à un pié de leur bord, sont des grilles sur lesquelles on jette le charbon, & qui donnent passage aux cendres & au vent qui vient des aspiraux. Voyez Aspiraux. Ce fourneau est fermé sur le devant d’une porte de fer, couvert de plomb & garni de trois poeslettes. Voyez Poeslette & nos Planches.

Fourneau, (Fontaines salantes.) Voyez les articles Sel & Salines.

Fourneau des Teinturiers. Voyez l’article Teinture.

Fourneau de Verrerie ; voyez l’article Verrerie.

Il y a dans les Arts un beaucoup plus grand nombre de fourneaux ; mais nous croyons devoir en renvoyer la construction & les usages aux articles principaux de ces Arts.

Fourneau, (Chimie philosophique.) furnus de furvus, c’est à-dire noir ; in furnum calidum condito, Plaut. cas. act. II. scene v. vers l. Il se rend encore en latin par fornax & fornacula, qui ont de même été employés forcément pour signifier les fourneaux dont nous avons à parler, pendant qu’il est évident qu’ils ont toûjours désigné de grands fours ou fourneaux : quantis fluerent fornacibus æra effigies ductura tuas. Claud. &c. Les fourneaux sont des ustensiles destinés à contenir la pâture du feu, & à appliquer cet élément comme instrument aux substances qu’on veut changer par son action : on peut les ranger parmi les vaisseaux. Nous allons proposer des exemples des différentes especes de ceux que des travaux assidus & une longue suite d’expériences ont perfectionnés, notre but n’étant point d’en donner un traité complet, c’est-à-dire une vaste compilation de tout ce qui a été fait de bon & de mauvais dans ce gente. La plûpart de ceux qui se trouvent dans nos Planches sont représentés avec les vaisseaux qu’on a coûtume de leur adapter, afin de donner une idée des différens appareils. Ici il ne sera question quant au fond que des fourneaux : si on y parle des vaisseaux, ce ne sera qu’en passant ; réservant pour leur article le détail qu’ils exigent chacun séparément, la maniere de les ajuster ensemble & avec leurs fourneaux ; ensorte que par cette réunion qui porte le nom d’appareil, il y sera question des fourneaux, comme ici des vaisseaux.

Pour observer quelqu’ordre, nous tirerons notre division des opérations.

Des fourneaux à distiller par ascension. Ce sont ceux qui se trouvent représentés dans nos Planches de Chimie, fig. 2. 14. 76. 84. 96. & 123. Du-moins ce dernier-ci l’est-il en partie ; celui de la fig. 2. est fait en terre. Il a un pié 10 pouces de haut, sur quatorze pouces de diametre à sa partie inférieure, & dix-sept à la supérieure, hors d’œuvre. Voyez son explication. On commence par faire une plaque circulaire de terre épaisse de deux pouces, & on éleve les parois de la même épaisseur. Il est divisé en trois corps ; l’inférieur a sept pouces de haut : on l’appelle le cendrier, cinerarium, conisterium ; on y ouvre une porte ou soupirail large de cinq pouces, & haute de trois. Cette porte est embrasée ; on peut toutefois se dispenser de séparer ce corps du suivant : celui-ci s’appelle le foyer, focus, pyriaterium : il a huit pouces & demi de haut ; à sa partie inférieure il a trois ou quatre pitons en terre pour soûtenir une grille de fer ; ces pitons paroissent imités de ceux que le Fêvre met dans son fourneau à lampe. Immédiatement au-dessus de cette grille est la porte ou bouche du foyer ; elle est large & haute de trois pouces & demi, & sémi-circulaire par sa partie supérieure ; au milieu de ce corps extérieurement sont deux poignées ou anses de terre pour le manier aisément. Reste enfin le troisieme corps ou supérieur qu’on appelle l’ouvroir, le laboratoire, ergasterium : celui-ci n’a rien de particulier que trois ou quatre trous faits à sa partie supérieure pour servir de regîtres. Ces trous vont de bas en haut, & sont très-larges intérieurement. Au-dessus, dans le bord intérieur & supérieur de ce corps est un rebord de terre appliqué dans le tems qu’on a fait le fourneau, qui sert à éloigner le vaisseau distillatoire de ses parois : ce fourneau est donc conique. Il est mieux de le faire d’une seule piece que de trois ; on le relie avec de gros fil d’archal pour le soûtenir & empêcher qu’il ne se fende ; on s’en sert pour distiller avec l’alembic de cuivre polychreste ; on le monte ordinairement sur un pié-d’estal qui le met plus à portée des mains de l’artiste.

La grille, craticula, doit être faite premierement d’un cercle de fer auquel on cloue de petites barres de cinq ou six lignes d’équarrissage, posées en losange, & éloignées de cinq ou six lignes aussi les unes des autres. Cette disposition a pour but de favoriser la chute des cendres & des petits charbons qui pourroient nuire au passage de l’air. C’est par la même raison qu’il faut que la grille soit de telle grandeur, qu’il y ait un bon doigt entre sa circonférence & les parois du fourneau. Nous parlerons plus particulierement dans la suite de la maniere dont on construit un fourneau en terre, & nous dirons les raisons de la plupart des faits que nous avons avancés.

Ce fourneau doit être garni de ses portes pour le soupirail & la bouche du feu. On les trouve marquées lettres op ; ces deux portes sont les mêmes pour le fourneau que nous venons de décrire, & pour celui de la fig. 1. La porte o est creusée par deux petites fossettes faites de façon qu’on peut le prendre avec des pinces ou les doigts, & la porte a une petite poignée pour le même sujet. Il est bon de remarquer que cette poignée ne peut la faire tomber, par la raison qu’elle porte sur une mentonniere ou saillie extérieure qui est de niveau avec la bouche du feu. Nous n’avons point donné ici de grille en particulier ; nous aurons assez occasion d’en voir dans la suite. Ce fourneau n’est que celui de la Pl. V. de Lémery, dont on a ôté le dôme. On le trouve communément chez les fournalistes de Paris.

Le fourneau marqué fig. 14. ne differe guere du précédent que par ses dimensions ; il est destiné aux cucurbites de verre basses. Il est de terre & a treize pouces de haut sur dix & demi de diametre par le bas, & un pié par le haut hors d’oeuvre. Le sol du cendrier, ainsi que les autres parois, sont épais d’un pouce & demi ; il est d’une seule piece ; son soupirail est large de trois pouces & haut de deux ; la bouche du feu est arquée & a les mêmes dimensions ; la grille est éloignée de trois pouces du sol du cendrier ; il a deux anses de terre extérieurement, quatre regîtres au haut comme la fig. 2. & une grille de la même façon : mais à trois ou quatre pouc. au-dessus la grille, sont deux trous qui percent ses parois de part en part, destinés à recevoir une barre de fer capable de soûtenir le vaisseau qu’on y met ; il lui faut aussi deux portes comme à la fig. 2.

Le fourneau de la fig. 76. destiné à renfermer entierement une cucurbite, peut être considéré comme celui de la fig. 2. à laquelle on a ajusté un dôme, fornix ; il est de terre & conique également ; il est haut de deux piés deux pouces ; il a neuf pouces de diametre par le bas, & quatorze à la partie la plus large de son dôme hors d’œuvre ; il est communément divisé en quatre corps ; le premier ou cendrier & les deux suivans sont hauts de sept pouces, & le dôme l’est de cinq ; le sol du cendrier & les parois des autres corps ont deux pouces d’épais, excepté que le dôme est un peu aminci vers sa grande ouverture. La porte du cendrier est large de trois pouces & haute de deux ; la grille ni ce qui la porte n’ont rien de particulier. La bouche du feu qui se trouve au second corps est large & haute de trois pouces, & demi-circulaire par le haut ; il est comme les précédens muni de deux anses ; le troisieme corps ou l’ouvroir n’a rien de particulier : ce n’est qu’un cercle de terre fait en cône renversé. Dans l’endroit ou il se joint avec le second, on a fait au bord supérieur & intérieur de celui-ci quatre échancrures pour loger deux barres de fer. Ces deux barres destinées à soûtenir la cucurbite, sont également éloignées entr’elles & des parois du fourneau ; elles sont paralleles : ainsi on sait la situation des échancrures ; on a soin de les creuser ou de choisir les barres, de façon que le second & troisieme corps du fourneau joignent bien ensemble. Au reste une seule barre peut suffire, quoique deux ne nuisent pas & fassent même mieux. Le quatrieme corps ou dôme est une espece de voûte demi-circulaire, qui a au milieu de son élévation un trou assez grand pour passer le col d’une cucurbite de terre ou de verre. On voit dans sa partie intérieure quatre trous servant de regîtres. Il seroit mieux pour donner plus de chaleur, de les faire le plus près du grand qu’il seroit possible ; mais alors le chapiteau en seroit échauffé. Les portes dont nous avons parlé, sont comme celles des fourneaux précédens, faites en embrasure & garnies chacune de leur fermeture. On met aussi ce fourneau sur un pié-d’estal convenable ; ce pié-d’estal au reste ne sert pas plus pour l’élever que pour le garantir de l’humidité que les corps chauds ne manquent pas d’attirer, & des inégalités du pavé qui l’endommageroit. Il est le même que le fourneau de reverbere qu’on voit Pl. V. dans Lémery.

On observera que les corps des trois fourneaux que nous venons de décrire s’agencent ensemble au moyen d’une languette qu’on pratique à la partie supérieure du corps inférieur, & d’une rainure faite à l’inférieure du supérieur. Ainsi placée elle ne se remplit pas d’ordures qui empêchent les deux corps de s’ajuster exactement ensemble, & font toujours perdre du tems. La languette & la rainure ont à peu-près le tiers de largeur de l’épaisseur des corps.

La fig. 76. n’est guere remarquable que par son vaisseau ; le fourneau qui en fait partie ne differe de la fig. 14. qu’en ce qu’il est cylindrique. On peut le faire en tôle comme en terre ; mais on garnit la tôle comme nous le dirons des fourneaux de fusion. Le cendrier fait environ un tiers de sa hauteur totale, & est ouvert aux deux côtes par deux trous qui servent à transmettre le col de deux cornues qui reçoivent leur chaleur du foyer supérieur. Ainsi ce corps doit être séparé du foyer ; les portes n’ont rien de particulier, elles sont toûjours en proportion avec les regîtres, le diametre du fourneau, & ce qu’on doit y introduire. Les regîtres sont pratiqués un peu au-dessous du bord inférieur de la partie qu’on peut appeller l’ouvroir, quoiqu’elle ne soit pas séparée du reste ; la grille est comme à l’ordinaire. Il faut pourtant remarquer que, comme la cucurbite ou vessie ne remplit pas exactement le fourneau par le haut, il est souvent nécessaire d’avoir un cercle de tôle ou de terre qui soit posé sur les bords supérieurs du fourneau pour boucher l’intervalle que laisse la cucurbite. Nous ne parlons point des soûtiens qu’on y voit attachés ; peu importe qu’ils tiennent au fourneau, ou qu’ils en soient isolés. Les fermetures des portes sont de tôle, & roulent sur des gonds. Nous détaillerons dans la suite des fourneaux qui répandront beaucoup de clarté sur la construction de celui-ci qui se trouve page 316. de Libavius.

La fig. 96. est un fourneau en briques ; il est quarré extérieurement ; il doit être rond intérieurement ; il a un cendrier, une grille, un foyer, un ouvroir, & quatre regîtres comme les précédens. La porte du foyer est quarrée, parce qu’il est plus aisé de lui donner cette figure avec des briques. Au reste, peu importe celle qu’elle aura, soit dans ce fourneau, soit dans ceux qui précedent ; il faut des fermetures à l’ordinaire. Il est dans Manget, Pl. X. & en remontant dans Lémery, Pl. II. qui l’a pris dans la Pl. IV. de Charas, qui l’a pris dans la Pl. I. de le Févre, tome I. Ce dernier le tient de Béguin, p. 162.

La fig. 123. représente un fourneau, au moyen duquel on peut distiller par en-haut & par le côté tout-à-la-fois. Comme cette espece de fourneau est mixte du côté de l’opération, & que les vaisseaux qu’il contient le sont aussi, nous n’en donnerons la description qu’à l’article Vaisseaux. Voyez Libavius, page 322.

On a vû que les fourneaux que nous venons de décrire ne different pas essentiellement entre eux ; nous ajoûterons ici que quand ils sont extrèmement grands, & qu’ils doivent recevoir un alembic de cuivre de deux piés de diametre, par exemple ; on les fait en briques, comme celui de la fig 96. & l’on ne fait pas le foyer de toute la largeur de la cucurbite, parce qu’il se consumeroit trop de bois inutilement.

Nous mettrons encore les fourneaux à lampe au rang de ceux qui servent à la distillation ascensoire. On en trouve deux dans nos Planches, marqués fig. 64. & 65. Le premier est un cylindre creux de tôle, de cuivre, ou de laiton, qui a environ neuf pouces de haut sur sept ou luit de large ; il a une ouverture au-bas pour recevoir le canal d’une lampe à pompe qui brûle à trois ou quatre meches ; on y brûle de l’huile d’olives à vil prix, ou de l’huile de navette ; mais il vaut mieux, si l’on peut, n’employer que celle d’olives, parce que celle de navette donne une forte odeur qui incommode. D’ailleurs elle produit plus de champignons que l’autre, toutes choses égales d’ailleurs. On aura soin de faire les lumignons courts, terminés en un petit pinceau, & assez gros pour remplir exactement les petits tuyaux par lesquels ils passent : on allume le nombre de meches nécessaire au degré de feu qu’on veut donner. Ce fourneau se trouve dans Libavius, d’où il a passé successivement dans les ouvrages de Beguin, de Sgobbis, connu sous le nom de Montagrana sa patrie, de Lémery, & de M. l’abbé Nollet, t. IV. de ses leçons de Physiq. expérim. mais avec quelques accessoires différens.

Le second, dont nous croyons le Fêvre l’inventeur, ou tout au-moins celui qui le premier en a donné la description, se trouve aussi tome II. de la bibliotheque pharmaceutique de Manget, Pl. XI. fig. 2. On le voit dans la II. Planche de le Fêvre, & il est marqué fig. 65. dans les nôtres. Ce fourneau, dit l’auteur où nous l’avons pris, peut servir à plusieurs opérations de chimie capables de satisfaire & de piquer les plus curieux. Il doit être fait d’une bonne terre bolaire, compacte, bien pétrie, bien liée, & bien cuite, afin que la chaleur de la lampe s’y conserve bien. Si l’on craignoit qu’elle ne transpirât, on pourroit enduire le dehors & le dedans du fourneau, après sa cuisson, avec des blancs-d’œufs qu’on auroit réduits en eau par une continuelle agitation.

Ce fourneau doit être de trois pieces, qui auront en tout 21 pouces de haut. Il sera épais d’un pouce, & en aura 8 de diametre dans œuvre. La premiere piece ou base en aura huit de hauteur ; son sol sera percé d’un trou de 4 pouces & demi de diametre. Cette ouverture est faite pour le passage de la lampe qui en aura 3 de diametre, & 2 de profondeur. Cette lampe sera ronde & couverte d’une platine ayant dans son milieu un trou environné de six autres également éloignés entr’eux, & de celui du milieu. Chacun de ces trous sera assez grand pour admettre une meche de 12 fils au plus. Le second corps aura 7 pouces de haut ; il faut qu’il s’emboîte juste dans le premier, & qu’il ait quatre pattes de terre qui ayent un pouce de saillie dans le fourneau, pour soûtenir un vaisseau de terre ou de cuivre qui aura six pouces de diametre & quatre de haut. Ce vaisseau de terre est une capsule dans laquelle on mettra à volonté de l’eau, des cendres, ou du sable, pour servir d’intermede & faire un bain qui en tirera son nom. Ce que nous disons ici, est une modification qui ne se trouve point dans la figure. Car on n’y voit qu’un petit rebord saillant d’un pouce tout-autour, qui soûtient un trépié ; ainsi on pourra choisir. Il faut aussi que cette seconde piece ou corps soit percé de deux trous à l’opposite l’un de l’autre, d’un pouce & demi de diametre. On y ajustera deux crystaux de Venise. Ces deux trous doivent être pris à la hauteur de 4 pouces du second corps, & ne lui laisser conséquemment qu’un pouce & demi au-dessus d’eux. Tout vis-à-vis, dans le vaisseau qui enferme l’œuf philosophique, seront ouvertes deux autres fenêtres, auxquelles on ajustera aussi deux verres pour voir le changement des couleurs, &c. dans l’opération, au moyen d’une chandelle qu’on mettra à la fenêtre opposée à celle à laquelle on regardera. La troisieme piece du fourneau doit être de 6 pouces, pour achever les 21 pouces de la hauteur entiere. Elle doit être faite en dôme ou en hémisphere, & avoir dans son milieu un trou d’un pouce de diametre. Il servira à recevoir plusieurs pieces pyramidales de trois lignes chacune, ayant un rebord qui s’appliquera sur le bord du trou, qu’on bouchera par ce moyen autant & aussi peu qu’on le voudra. On aura une autre piece aussi pyramidale, qui fermera le milieu s’il est nécessaire. Il faut qu’il y ait encore quatre autres trous faits comme le premier. Ils seront faits dans le troisieme & quatrieme pouce de la hauteur, & également éloignés les uns des autres. Ce sont ces trous qui servent de regître au fourneau de lampe, c’est-à-dire au moyen desquels on gouverne la chaleur ; sans compter qu’on remplit encore les mêmes vûes par l’éloignement ou l’approximation de la lampe. Cette lampe sera posée sur un rond de bois ajusté sur une vis qui l’élevera ou l’abaissera à volonté. On changera encore le degré de chaleur selon les différentes opérations, en allumant plus ou moins de meches, & les faisant avec plus ou moins de fils chacune. Mais on ne fixe guere bien le degré de chaleur au point où il convient, qu’au moyen d’un thermometre qui peut s’introduire aisément dans le fourneau. On pourra rectifier les huiles dont on se servira pour la lampe, sur de l’alkali fixe bien calciné. Par-là elles donneront moins de suie & plus de chaleur, parce qu’on leur enleve leur humidité & mucosité. Les meches doivent être d’or, ou d’alun de plume, ou d’amiante. On peut cependant leur substituer la moëlle de sureau ou de jonc bien desséchée, qu’on changera toutes les 24 heures ; ce qui fait qu’il faut avoir deux lampes qu’on substituera l’une à l’autre, afin qu’il n’y ait aucune interruption dans la chaleur. Si on employe la moëlle de sureau, il faut qu’il y ait une petite pointe de fer aiguë, qui soit soudée au fond de la lampe, & qui réponde au milieu du trou du couvercle qui doit contenir la meche. Ce couvercle peut encore être flottant, au moyen de quelques petits morceaux de liege, selon une méthode qui est trop connue pour que nous en parlions davantage.

Au reste, il est évident que ces fourneaux de lampe, particulierement ce dernier, & même tous ceux dont nous avons parlé jusqu’ici, sont employés à d’autres opérations. Nous en parlerons en son lieu.

Les fourneaux à capsule qui sont indiqués dans les auteurs latins sous le nom de furni catinarii, doivent être aussi placés avec les fourneaux à distiller par ascension, soit parce qu’ils y servent souvent, soit parce qu’ils sont du genre des autres bains, qui trouveront ici leur place. Ces fourneaux sont principalement de deux especes ; ou ils servent par emprunt aux capsules, ou bien ils y sont particulierement destinés ; & cette seconde espece se trouve quelquefois comprise sous le nom d’athanor. Quant à la premiere, elle est composée d’individus semblables à quelques-uns de ceux que nous avons déjà mentionnés, & à d’autres que nous verrons dans la suite sous le nom de fourneau de distillation latérale, & même d’athanors. Aussi n’en avons-nous représenté qu’un, pour l’appareil dont il est suivi ; c’est celui de la figure 13. il ressemble parfaitement à la fig. 14. ainsi nous n’en donnerons point de description. Nous dirons seulement un mot en passant du vaisseau d’où ils tirent leur dénomination.

Une capsule est un petit vaisseau hémisphérique de terre, de tôle, ou de fonte, & souvent une poële dont on a coupé la queue, ou ce que les officiers appellent un diable, qui sert à contenir l’intermede sec dont on se sert quand on ne veut pas exposer un corps à feu nud.

La seconde espece est un genre particulier, dont nous n’avons point encore vû d’exemple jusqu’ici. Nous renverrons à leur place ceux dont quelqu’accessoire a changé le nom. Ainsi nous ne parlerons ici que de la fig. 23. qui est un fourneau à capsule propre, ou un bain de sable uniquement employé à ce dont il porte le nom. On l’a pris dans la Planc. IV. tom. I. de Schlutter, qui l’employoit à départir. On apprendra par la suite que l’usage du bain de sable est très-étendu. L’auteur en question s’en servoit à placer plusieurs matras ou cucurbites. Pour cet effet, on construira des murs de briques, dont la longueur en-dehors sera de 4 piés sur 2 piés de large, & la hauteur de 2 piés 3 pouces. Il aura en-dedans un pié de large sur 3 piés de long à l’endroit du foyer. Son soupirail sera de 9 pouces en quarré. Le cendrier regnant dans toute la longueur du fourneau, sera de même largeur. Au-dessus seront des barres de fer posées sur un petit mur d’appui qui se trouve tout fait par cette construction. Ces barres serviront de grille à la chauffe ou foyer. A quelques pouces au-dessus du foyer, seront maçonnées au même tems que la brique, des barres de fer pour soutenir une plaque de tôle épaisse, sur laquelle on mettra le sable. Au bout du fourneau est un regître pour l’issue de la flamme & de la fumée. On lui ajuste un tuyau de poêle qu’on porte dans une cheminée, &c.

Les différentes especes de bains ne sont que des fourneaux semblables à quelques-uns de ceux dont nous avons déjà parlé, mais qui portent des nom, différens, relativement à l’intermede qui constitue ce bain. Ainsi nous ne parlerons pour le moment que d’un seul fourneau particulierement destiné au bain-marie. Ce fourneau ne differe du précédent qu’en ce qu’au lieu d’une simple plaque de tôle ou de fonte, on y a encastré un chauderon de cuivre pour tenir de l’eau. Mais ce chauderon pourroit également contenir du sable, des cendres, &c. s’il se brûloit trop vîte, on le feroit de fonte. Ce fourneau est notre fig. 11. On fait donc des murs de briques de telle épaisseur & longueur qu’on veut. La largeur est aussi indifférente ; mais on ne donne que peu de largeur à l’endroit où l’on met le bois, pour l’épargner, & parce qu’il ne faut pas un grand feu. On lui donne, par exemple, un pié de large, & autant de haut, si ce fourneau est de la même grandeur que le précédent, & si on ne lui met point de grille comme à notre fig. 11. & quand il est élevé à la hauteur convenable pour admettre un chauderon de 10 pouces de profondeur, par exemple, on l’y encastre en ménageant au bout opposé au soupirail un trou pour la fumée. On ajuste un tuyau de poêle à ce trou, & l’on couvre ce chauderon rond ou quarré, ou quarré-long, d’une plaque de cuivre ou de tôle, dans laquelle on fait des trous. Ces trous servent à passer les vaisseaux distillatoires, digestoires, &c. ou les plats, terrines, évaporatoires qu’on veut mettre au bain-marie. Le fourneau de la fig. 118. sert au bain-marie ou diplome des anciens. Outre les bains dont on a parlé à leur article, nous dirons qu’il y en a encore d’autres, comme par ex.

Le bain de limaille, où ce corps est employé à la place du sable.

Le bain de fumier, ou celui qui se fait au moyen du fumier échauffé par sa seule fermentation, ou par l’eau chaude, comme nous le verrons en parlant des vaisseaux, & le bain de marc de raisin. Voy. Verdet.

Le bain de sciure ou de rapure de bois dont parle Cartheuser, seconde édition de sa Chimie.

Le bain sec qui est de deux especes : celui où il n’y a d’autre intermede qu’une capsule, & il est opposé à l’humide ou au bain-marie, & celui où le vaisseau contenant la liqueur à distiller, par exemple, est exposé au feu immédiat, ce qu’on appelle encore feu nud.

Les fourneaux qu’on appelle de décoctions, sont encore des fourneaux de l’espece de ceux que nous avons vû. Dans ce rang nous placerons les fig. 12. 69. 72. & 162.

La fig. 12. est précisément la même que les 13. & 14. ainsi nous n’en donnerons point de description. On en voit un à-peu-près semblable dans la Pl. III. de Lémery, lettre s ; il paroît que s’il lui manque un cendrier, c’est par la négligence du dessinateur.

Les 69. & 72. n’en different que parce qu’elles représentent des fourneaux de fonte à piés, dont le premier est couvert ; celui-ci est de Glauber, Part. I. de ses fourneaux, & celui-là de Lémery, Pl. VI.

La 162. n’a rien qui demande une description particuliere quant au fourneau ; il est dans Libavius, p. 331.

On employe encore d’autres fourneaux en Chimie, qui sont à peu de chose près les mêmes que la plûpart de ceux qui précedent. Je veux parler des fourneaux à aludels ou de sublimation, qui est à proprement parler une distillation ascensoire seche. Tels sont ceux qu’on a marqués fig. 5. 66. 98. & 167.

Le premier est de l’adepte Géber. Il se trouve page 65. de la somme. Outre les fourneaux usités actuellement en Chimie, nous avons crû que nous devions exposer quelques figures des premiers qui ont été représentés, afin qu’on pût voir le point d’où l’on est parti, & sentir les additions & corrections qui ont été faites depuis. Géber, qu’on appelle le roi, à cause de son habileté en Chimie, est l’auteur le plus ancien qui les ait figurés, & qui y ait joint une description assez claire, & meilleure que ses figures qui n’y répondent pas trop exactement. Géber vivoit au vij. siecle, selon Boerhaave ; au viij. selon Moreri, & au jx. selon son continuateur, qui parle d’après l’abbé Lenglet, fondé sur la même autorité que Boerhaave. Quoi qu’il en soit, il est très-certain que Géber est fort ancien, & se trouve cité dans Albert le grand & Arnand de Villeneuve, qu’il n’a point cités. Avant cet artiste, l’ignorance & la mauvaise foi s’étoient toûjours enveloppées du voile de l’emblème & de l’énigme, même pour les plus petites choses, comme cela est encore arrivé depuis, & même de notre tems. Tout auteur qui écrivoit des choses inintelligibles, étoit un homme respectable, précisément parce qu’on ne l’entendoit point. Aujourd’hui la raison a repris le dessus ; & tout homme qui voudroit ramener ces tems précieux où l’on ne parloit ni n’écrivoit pour se faire entendre, & où la crédulité étoit la dupe du jargon mystérieux, feroit croire qu’il auroit de bonnes raisons pour en user de la sorte. Si Géber est tombé dans cet inconvénient quant aux opérations, au moins a-t-il pû être de quelqu’utilité par la description de ses ustensiles. Il avertit que le fourneau qu’il décrit & destine aux aludels, doit être plus ou moins épais & plus ou moins grand, selon la grandeur des vaisseaux qu’on y veut mettre, & l’intensité du feu auquel on veut les exposer. On éleve des parois circulaires à la hauteur de 9 pouces, en pratiquant une porte pour le bois, dont la partie inférieure soit de niveau avec le sol ou pié-d’estal du fourneau. On assujettit pour lors une barre de fer grosse comme le doigt, pour soûtenir l’aludel. On donne à-peu-près autant de hauteur au fourneau au-dessus qu’au-dessous de la barre de fer ; & au milieu de la partie du fourneau supérieure à cette barre, qu’on peut appeller le second corps, ou l’ouvroir du fourneau, on fait quatre trous ou regîtres, dont la grandeur doit être déterminée par celle du fourneau, & la vivacité nécessaire au feu. On couvre le tout d’un dôme un peu convexe, & ayant un grand trou au milieu pour recevoir l’aludel, quoique Géber & sa figure n’en disent rien. Entre ces vaisseaux & les parois du fourneau, il doit y avoir un espace de deux doigts, plus ou moins, selon le degré de chaleur nécessaire. On lutte l’aludel au fourneau. Ces deux vaisseaux ont la proportion qu’ils doivent avoir entre eux & avec le feu qu’on y tient, quand celui ci circule bien autour de l’aludel, que la matiere qui y est contenue reçoit le degré de feu convenable, & que la flamme & la fumée sortent bien par les regîtres. Si ces conditions ne se trouvent pas remplies, on diminue l’aludel, ou on aggrandit le fourneau : & on augmente ou retrécit les regîtres jusqu’à ce qu’on ait trouvé le juste point qu’on desire.

Pour peu que l’on compare ce fourneau avec ceux qui ont été faits depuis, on y trouvera, je pense, assez de ressemblance pour conjecturer qu’il n’a pas peu servi à contribuer à leur perfection & aux avantages qu’on en retire. Au-moins voit-on que l’auteur a bien entendu la méchanique du feu.

Le fourneau de la fig. 66. est non-seulement un fourneau sublimatoire, mais encore un fourneau où la matiere est exposée à feu nud. Nous en parlerons en particulier dans la section des fourneaux à distiller par le côté, pour ne pas le séparer d’un autre de cette espece.

La fig. 98. représente encore un fourneau tiré de Géber, p. 72. Il est destiné aux aludels dans lesquels on doit faire la sublimation de la marcassite, &c. Il dit que ce fourneau doit donner un degré de feu capable de fondre le cuivre ou l’argent, si cela est nécessaire. Le haut doit être fermé avec un disque percé pour recevoir la cucurbite, qu’on lutte à ce disque, pour empêcher que le feu ne vienne à échauffer l’aludel, & à fondre la matiere sublimée. On fait seulement quatre petits regîtres dans ce disque, avec autant de bouchons. C’est par-là qu’on met le charbon dans le fourneau. On en fait encore quatre autres dans les parois du fourneau, pour mettre également les charbons ; sans compter qu’il en faut encore 7 ou 8 capables d’admettre le petit doigt. Ces derniers doivent être toûjours ouverts, pour que le fourneau puisse se délivrer de ses fumosités. Ils seront pratiqués dans l’endroit où le fourneau se joint avec son couvercle.

Le fourneau qui donne un grand degré de feu, est celui dont les parois sont élevés de 3 piés, ayant dans leur milieu une grille de terre capable de soûtenir le grand feu, percée de quantité de petits trous en entonnoir renversé, afin que la cendre & les charbons puissent tomber aisément, & laisser une libre entrée à l’air. C’est cette liberté qu’a l’air d’entrer en grande quantité par ces trous inférieurs, qui excite un grand feu dans ce fourneau. Ainsi il n’est que de s’exercer sur ce point de vûe, & l’on en viendra à son but.

Il est aisé de voir que Géber vient de décrire un fourneau de fusion, quoiqu’il l’applique à ses aludels ; en suivant sa description, on doit réussir presque comme aujourd’hui à en construire un, excepté qu’on y a ajoûté quelque chose ; ainsi je ne vois pas pour quelle raison Glauber a eu tant de peine à trouver le sien, que nous décrirons à la section des fourneaux de fusion. On remarquera en passant qu’il semble que Géber n’ait pas dessiné lui-même ses figures, quoiqu’il en parle comme les ayant données. C’est une faute qu’on ne peut attribuer qu’au dessinateur ou graveur qui nous les a transmises.

L’édition de Géber dont nous avons tiré ce que nous avons donné de lui, est celle de Dantzic, faite en 1682, d’après un manuscrit du Vatican. C’est la meilleure ; elle est très-rare, comme l’a fort bien remarqué M. l’abbé Lenglet dans sa bibliotheque hermétique. Mais on la trouve imprimée en latin dans le vol. I. de la bibliotheque chimique curieuse de Manget, avec les planches fidelement copiées. Elle se trouve aussi, mais traduite en françois, dans le tom. I. de la philosophie chim. donnée par Salmon, en 4 vol. in-12.

Enfin le quatrieme ou dernier fourneau sublimatoire est celui de la fig. 167. Il ne se trouve dans nos Planches que pour l’élégance de l’appareil ; car ce n’est au fond qu’un pur fourneau de décoction ou à capsule, qui a un rebord à sa partie supérieure, & une barre pour soûtenir un aludel. Cet appareil est de Manget, Pl. IX. qui l’a pris dans la Pl. III. de Charas, ou bien Pl. II. de le Fêvre, où Charas l’a pris. Mais nous nous appercevons qu’il ne suffit pas de donner des proportions pour les fourneaux ; nous allons donc exposer la composition & la maniere de construire ceux qui sont en terre, avant que de passer à notre seconde section.

Les Fournalistes de Paris font leurs fourneaux avec de l’argille qu’ils prennent à Gentilli ou à Vanvres, & avec les taissons des pots de grais élevés & cylindriques, où l’on apporte à Paris le beurre salé de Bretagne & de Normandie ; ils font tremper pendant une nuit leur argille divisée en grosses pelotes, après quoi ils la corroyent & la pétrissent avec les piés, pour en écarter les corps étrangers, comme les pierres, les pyrites, &c. d’un autre côté, ils pilent les pots de grais & les passent par différens cribles pour en avoir des morceaux de même grosseur à-peu-près. La partie la plus fine est reservée pour les creusets, moufles, scorificatoires, &c. on employe pour les fourneaux celle qui est réduite en morceaux gros comme du millet, du chénevis, des lentilles, relativement à l’épaisseur de leurs murailles, quoiqu’une exactitude scrupuleuse ne soit pas nécessaire à cet égard. On met environ égales parties de ce ciment & d’argille préparée ; on les mêle bien intimement : on garde cette composition à la cave pour la tenir fraîche jusqu'à ce qu’on la mette en œuvre.

Pour construire un fourneau, soit donné, par exemple, celui de la fig. 2. l’artiste prend un morceau de sa composition qu’il juge assez volumineuse pour faire le sol du cendrier ; il la pétrit & en fait une plaque qu’il pose sur une pierre plate saupoudrée de cendres criblées, & portée horisontalement sur un billot de hauteur convenable. Quand il lui a eu donné la même épaisseur par tout, & qu’il l’a eu arrondie à vûe d’œil, il échancre ses bords en les pinçant, afin que l’argille qu’il doit ajoûter s’y incorpore : pour élever la paroi, il prend un autre morceau de sa pâte, le pétrit & le réduit en un cylindre long de trois ou quatre piés, suivant la quantité de cette pâte ; il en applique une extrémité sur la circonférence du sol, la presse avec le pouce, & continue ainsi d’en imprimer les empreintes sur toute la longueur du cylindre qu’il applique au sol. Ainsi la grosseur de ce cylindre est déterminée par l’épaisseur qu’on veut donner aux parois du fourneau ; non qu’il doive avoir un diametre égal à cette épaisseur, car il en faut retrancher ce qu’il peut acquérir étant applati. A ce premier cylindre en succede un second, & ainsi de suite, jusqu’à ce que les parois soient élevées jusqu’au foyer. Alors l’artiste donne le premier poli à son ouvrage, en ôtant l’excédent par-dehors avec un doigt qu’il passe à-peu-près perpendiculairement de bas-en-haut ; il passe presque de la sorte sa main par-dedans, pour voir s’il n’a rien à retrancher ; car si son fourneau est trop épais, il passe un couteau tout-autour pour emporter l’excédent, & il polit ensuite avec la main, puis avec une petite palette ou pelle de bois qu’il trempe de-tems-en-tems dans l’eau : on conçoit bien que cette palette doit être convexe d’un côté. Pour lors il enleve son ouvrage de dessus la pierre pour le placer sur la planche sur laquelle il doit sécher.

S’il veut faire le sol du foyer en terre, & qu’il veuille que ce sol soit fixe, il fait une plaque semblable à la premiere, mais convexe supérieurement, & en couvre les parois ; il l’échancre aussi en la pinçant, & il continue d’appliquer ses cylindres.

Mais s’il ne veut faire qu’un rebord, ou même que trois ou quatre mentonnets pour soûtenir une grille de terre ou de fer ; il se contente d’appliquer en-dedans & à la hauteur requise, un cylindre qui parcoure la circonférence du cendrier une fois ou deux, suivant la saillie qu’il veut faire, ou bien il ne l’applique que dans trois ou quatre endroits, mais à diverses reprises, pour faire la saillie nécessaire ; après quoi il continue comme auparavant, d’élever ses parois.

Quand le fourneau est fini, il examine s’il est bien rond, s’il n’est point plus panché d’un côté que d’un autre, ou si un bord n’est point plus haut que l’autre : quant à la rondeur, elle se donne aisément en pressant avec les deux mains le grand diametre du fourneau. On ajoûte au bord qui n’est pas assez élevé, ou l’on diminue celui qui l’est trop ; mais on ne corrige l’obliquité qu’en pressant avec les deux mains placées vis-à-vis l’une de l’autre, le côté qui rentre dans le fourneau, pour lui donner plus d’étendue & l’en faire sortir, & en frappant doucement avec la main le côté opposé qu’on doit refouler : on le polit ensuite comme avant, premierement avec les mains, & ensuite avec la palette, avec laquelle on le frappe d’abord également de toutes parts pour remplir les petits interstices qui peuvent y être restés. On fait tout-de-suite la mentonniere, les poignées du fourneau, & celles des parties qui doivent devenir les portes ; après quoi on les met sécher à l’ombre.

Telle est la pratique de l’artiste à qui un long exercice a donné le coup-d’œil qui supplée aux instrumens nécessaires à arrondir un fourneau, ou qui se soucie peu d’une exactitude géométrique qui d’ailleurs ne subsiste pas toûjours. Il n’en est pas de même de ceux qui commencent & qui veulent travailler avec soin : les uns ont pour guide un petit bâton poli planté perpendiculairement dans la planche sur laquelle ils construisent leur fourneau tout-autour de cet axe, & ils l’arrondissent en le mesurant avec une ficelle qui joue aisément autour de l’axe passé dans son anneau ; d’autres se servent d’une fausse équerre qu’ils ouvrent à angle droit, par exemple, quand c’est un fourneau cylindrique, & à angle aigu quand c’en est un en cone renversé qu’ils veulent faire.

Quand il a essuyé sa plus grande humidité, on le frappe & on le polit encore ; on coupe avec un couteau mince les portes en embrasure, on ouvre les regîtres, & on expose de nouveau le tout à l’air jusqu’à parfaite dessication ; après quoi on fait cuire.

Le four qui sert à cet usage est une cavité de cinq piés de profondeur sur quatre de large, cinq de haut dans le fond, & cinq & demi ou plus à l’embouchure ; il est fait en-dehors d’une maçonnerie capable de soûtenir la poussée de la voûte, & revêtu en-dedans de briques de Bourgogne placées sur deux rangs, excepté à la voûte. Du fond à l’embouchure regnent des deux côtés deux petits murs de brique, épais & hauts de neuf pouces, appliqués aux murs du fourneau : sa porte est marquée par deux petits piés droits, de même largeur & épaisseur que les deux petits murs d’appui : ils s’étendent de bas en-haut.

Quand on veut ranger les fourneaux dans ce four, on met pour les soûtenir, des barres de fer sur les petits murs d’appui, & on les place debout ou couchés ; peu importe : c’est le sens qui permet qu’on en mette davantage, qui décide. Le four étant plein, on ferme le devant avec de grands carreaux ou de grandes pierres plates qui s’étendent d’un côté à l’autre de la porte, avec toutefois la précaution de le laisser ouvert en bas à la hauteur des petits murs d’appui, pour le passage du bois, & en haut d’environ autant dans toute la largeur de la porte, pour le passage de la flamme : on remplit de menu bois tout l’espace compris entre les petits murs, & on entretient le feu de la sorte pendant huit heures ; on consume environ le quart d’une voie de bois. La cheminée de ce four est placée comme celle du four du boulanger, avec cette exception que la sabliere en est presque aussi basse que la partie inférieure de l’ouverture qu’on a laissée pour le passage de la flamme.

L’endroit du four où le feu est le plus vif, c’est la partie de la voûte qui est près du passage de la flamme : le fournaliste met cependant au milieu les grosses pieces qu’il a à cuire, sans doute parce qu’elles sont environnées d’une plus grande masse de feu, & non pas parce que le feu y est plus actif. L’ouverture supérieure ne devroit avoir que la moitié ou les deux tiers tout-au-plus de l’inférieure. Si l’on examine ce qui se trouve dans la cheminée, on voit à la paroi antérieure quantité de cendres bien calcinées ; & à celle qui est mitoyenne avec le four, un noir de fumée fort sec ; ce qui indique que la matiere fuligineuse est mêlée en petite quantité avec beaucoup de cendres.

L’argille de Gentilli est d’un bleuâtre assez foncé ; ce qui, joint aux pyrites qui s’y trouvent fréquemment, peut faire soupçonner qu’elle contient du fer ; aussi est-il inutile d’y ajoûter de la limaille, que quelques artistes regardent comme nécessaire à la composition de leur pâte. Toute argille s’amollit dans l’eau & y devient une pâte ténace & bien liée ; elle se durcit quand on la seche à l’air : si on ne l’expose qu’à un feu médiocre, d’abord elle y devient dure ; mais si on augmente son activité, elle se convertit en un verre demi opaque, d’un verd tirant sur le roux. C’est pour cette raison que les fournalistes ne donnent un feu ni trop long ni trop vif ; car leur argille est d’autant mieux disposée à prendre la vitrification, qu’elle est mêlée d’une matiere (les pots de grais) qui la favorise. On fait par expérience qu’un corps vitrifié veut être échauffé & refroidi lentement ; mais on ne peut pas observer ces précautions à l’égard des fourneaux, dans lesquels il faut pouvoir mettre le feu tout-d’un-coup, de même qu’il faut être le maître de l’en retirer de la sorte : ils ne doivent donc pas être vitrifiés ; il y a plus, c’est qu’il faut qu’ils soient assez poreux pour soûtenir constamment sans altération les vicissitudes de chaleur & de refroidissement qu’exigent l’opération ou la commodité de l’artiste. On n’a pas encore trouvé de matiere qui remplît mieux ces vûes que l’argille mêlée d’un corps étranger tel que le grais. L’argille a assez de consistence pour se lier malgré les obstacles qu’elle trouve ; mais en même tems ses parties ne s’unissent pas assez fortement pour former un corps qui ait les inconvéniens du verre : d’ailleurs le grais, quoique susceptible de se vitrifier avec cette terre, demande pourtant un feu assez vif ; ensorte que celui qu’on donne aux fourneaux ne produit tout-au-plus qu’un petit commencement de liaison.

On trouve différentes compositions pour les fourneaux dans les auteurs, qui mériteroient de trouver place ici, parce que ce sont des faits qui peuvent être utiles & qui sont dûs à une longue expérience : mais comme le même lut est applicable à différentes circonstances qui ne se trouvent point dans cet article, nous en ferons un article particulier auquel nous renvoyons. Voyez Lut & Vaisseau.

Des fourneaux à distiller par le côté. Tels sont ceux de nos fig. 1. 3. 7. 67. 69. 73. 145. & 161. celui de la fig. 1. est composé de quatre corps ; il est cylindrique, haut de deux piés cinq pouces, & large de 14 pouces en-dehors : son épaisseur est de deux par-tout, excepté vers le trou de son dôme ou il s’amincit ; son cendrier est haut de six pouces, en comptant l’épaisseur du sol ; le soupirail est large de quatre & haut de trois. Le second corps ou le foyer est haut de neuf pouces ; dans sa partie inférieure, on laisse en le construisant trois ou quatre pitons pour soûtenir la grille ; c’est pour cela que le second corps est plus élevé que le premier. La porte du foyer est haute & large de quatre ou cinq pouces, & demi-circulaire à sa partie supérieure. L’inférieure est élevée de deux pouces au-dessus de la grille : à la partie supérieure de ce corps, ou pratique quatre échancrures pour loger les barres de fer qui doivent soûtenir la cornue, ainsi que nous l’avons dit en parlant de la fig. 74. au commencement de cet article. Ces barres de fer ont communément huit ou dix lignes d’équarrissage. Le troisieme corps ou l’ouvroir est un cercle cylindrique dont le bord supérieur est échancré pour le passage du cou de la retorte : on sait toûjours cette échancrure demi-circulaire plus grande qu’il ne faut, parce qu’on bouche ce que la cornue laisse d’espace avec un lut convenable. Ce corps est haut de sept pouces ; le dôme ou quatrieme corps a la même hauteur ; il est, ainsi que le précédent, échancré demi-circulairement, avec cette différence que son échancrure est moins profonde que celle de l’ouvroir, quoique aussi large ; enfin ces deux échancrures font à elles deux une ovale dont le grand diametre est perpendiculaire : on sent bien que cela étoit nécessaire pour loger commodément le cou de la retorte qui est incliné pour l’ordinaire. Au milieu du dôme est un trou circulaire de deux pouces de diametre ; on le garnit quelquefois de terre qu’on termine en une naissance de tuyau, au quel on en ajuste un autre : ce fourneau le met, ainsi que la plupart des précédens, sur un dez de hauteur convenable. Nous avons déjà parlé de ses portes de soupirail & de foyer, en décrivant la fig. 2. Nous avons ajoûté une troisieme piece de terre tout-près de ces deux premieres ; elle est marquée q : elle sert à boucher l’échancrure du cou de la cornue, du-moins celle de l’ouvroir ; il en faut une seconde pour le dôme, de la grandeur requise : chacune de ces pieces s’emboîte dans son lieu au moyen d’une petite languette de chaque côté qui entre dans une petite rainure pratiquée dans l’échancrure, & elles ont outre cela la languette & la rainure qui se trouvent dans tous les corps de ce fourneau & des autres qui sont de même faits en terre. La grille est d’un fer de huit ou dix lignes d’équarrissage, & laisse entre elle & les parois du fourneau un espace d’un bon doigt, comme nous l’avons dejà dit. Ce fourneau est portatif, comme tous ceux que nous avons décrits, à l’exception de ceux qui sont en briques : on l’appelle aussi fourneau de reverbere ; qualité qui lui est commune avec d’autres bien différens ; il ressemble beaucoup à l’athanor de la Roquetaillade, que nous décrirons en son lieu. Il est le même que celui que Béguin a donné, p. 148. car celui-ci a 4 corps cylindriques & un seul trou au milieu du dôme : il a pourtant cette différence qui le met au-dessus du nôtre ; c’est que son foyer est elliptique par le bas, ensorte que le diametre de la grille n’a que la moitié de celui du fourneau. La cornue y est encore appuyée sur une tourte ; Béguin le chaussoit avec le bois de chêne ou de cornouiller, & s’en servoit aux mêmes usages qu’on l’employe aujourd’hui, c’est-à-dire à distiller les acides minéraux. Au reste, il ne faut pas confondre ce fourneau avec celui qu’il qualifie, pag. 80. servant à toutes les opérations de Chimie ; nous en toucherons deux mots à la section des polychrestes. Nous avons figuré le couvercle dont on se sert quelquefois pour fermer en partie la naissance du tuyau & ralentir le feu. On voit dans le laboratoire chimique de Kunckel, un fourneau de distillation latérale dont le foyer est elliptique par le bas, comme ceux de Charas, Béguin, &c. mais la grille dans ces auteurs, est à-proportion plus grande que dans Teichmeyer.

Le fourneau de distillation latérale marqué fig. 3. differe du précédent en ce qu’il est fixe, construit en briques & d’une seule piece, quant à ce qui répond aux trois corps de la fig. 1. Il se trouve dans la Pl. II. de Glaser deux fois & dans la Pl. I. de Lemery, qui l’a mieux décrit qu’il ne l’a représenté ; il y a toute apparence que lui & Manget le tiennent de Charas, au moins ces deux derniers se ressemblent-ils parfaitement ; mais ils différent de celui de Glaser en ce qu’ils ont la figure elliptique de celui de Béguin. Voy. Manget, Pl. XI. Charas, Pl. V. & Rhenanus, Pl. X. & XIII. Il est destiné aux mêmes opérations que le précédent, avec cette différence qu’on y fait celles qui demandent un feu violent & long-tems continué, comme le phosphore, par ex. on lui donne des dimensions qui varient à-proportion de la quantité de matiere qu’on y veut traiter. Cependant comme il faut y placer une grosse cornue, on agit en conséquence, & on le fait assez grand pour qu’il puisse la contenir : on commencera donc par élever des murs de briques à double rang, qu’on liera bien selon les moyens que nous dirons dans la suite ; on lui donne de l’épaisseur afin que la chaleur s’y puisse conserver plus long-tems. On fera le cendrier haut d’un pié pour le moins, rond ou quarré, peu importe ; on en tournera la porte, qu’on fera haute & large d’un demi-pié, du côté que vient l’air, s’il est possible : on posera dessus des barres de fer épaisses de cinq ou six lignes & larges de deux ou trois pouces, pour soûtenir les briques qu’on posera ensuite. Quelquefois au lieu de commencer tout-d’un-coup à élever son cendrier, on avance les deux premiers rangs de briques ou de grais, pour plus d’élégance, comme nous l’avons marqué dans notre fig. mais c’est un ornement qui ne sert qu’à embarrasser, & il n’en doit être guere question en Chimie. Ce que nous disons ici doit également s’entendre de tous les autres fourneaux massifs, comme de la forge, par exemple, pour laquelle on est encore dans l’usage d’entrer dans cette minutie. Après avoir élevé le cendrier de la hauteur convenable, & avant que d’élever le foyer, on pose deux grosses barres de fer, d’un pouce d’équarrissage au moins, qu’on scelle bien dans les murs : on ne les met pas en losange pour l’ordinaire, quoique ce n’en seroit que mieux d’observer cette position à leur égard. Ces barres sont destinées à soûtenir la grille qu’on peut faire d’une seule piece, comme celles dont nous avons parlé jusqu’ici, mais plus grosse & plus large, ou bien qui est brisée, c’est-à-dire composée de plusieurs morceaux de barres de fer qui ne tiennent point les uns aux autres : en ce cas on les lutte à chaque extrémité, pour les tenir en losange sur les deux premieres. Ces deux pratiques valent mieux que si on scelloit dans le mur du fourneau les différentes barres qui constituent la grille par leur réunion, parce qu’on n’est plus le maître de les changer quand elles sont usées, ou de les nettoyer quand elles s’obstruent. On éleve ensuite le foyer du même diametre que le cendrier, mais en rond ; & si on ne lui donne pas cette figure avec les briques, on en remplit les coins d’un lut ordinaire, comme Charas le conseille pour presque tous ses fourneaux. Le foyer sera haut de huit ou neuf pouces environ, depuis la grille jusqu’à deux barres de fer qu’on scellera dans le fourneau pour soûtenir la cornue : ces barres seront encore de dix lignes ou d’un pouce d’équarrissage : au-dessus de ces barres, on élevera encore ce fourneau à la hauteur nécessaire, pour qu’il puisse cacher la retorte, d’un pié, par exemple, parce qu’il s’agit ici d’un vaisseau qui a quelquefois ce diametre ; mais on laisse à côté une échancrure pour passer son cou, comme nous l’avons dit de la fig. 1. telle est la construction du massif du fourneau. On couvre ce massif d’une piece de terre mobile pour réverbérer la flamme ; c’est un dôme comme celui du fourneau de la fig. 1. qui a un trou dans son milieu avec une naissance de tuyau à laquelle on en adapte quelquefois plusieurs piés. Ordinairement on ne fait point d’échancrure à ce dôme, parce que celle du corps du fourneau est assez profonde ; & quand on veut l’employer à d’autres usages, comme par ex. au bain de sable, avant que d’y mettre une capsule, on a une piece qui remplit l’échancrure, comme nous l’avons dit de la fig. 1. Ce dôme & cette piece sont faits de la même pâte que les autres fourneaux en terre. Il est bon d’observer que comme ce fourneau est sujet à se fendre en conséquence de la violence du feu, on l’arme vis-à-vis de la grille & à sa partie supérieure, sous l’échancrure, de barres de fer larges d’environ deux pouces, & épaisses de cinq ou six lignes, pliées comme il convient. On les scelle dans le mur auprès duquel le fourneau est construit ; ou elles font le tour, s’il est isolé. On rentre quelquefois les briques qui doivent en être couvertes, afin que les barres soient au même niveau que le fourneau : il n’y a nul inconvénient à se permettre cette élégance, quand la chose est possible du côté de l’exécution.

La porte du foyer est de même largeur que celle du cendrier, mais moins élevée ; on les ferme l’une & l’autre avec des briques taillées exprès.

Charas vouloit que la figure du foyer fût ronde non-seulement, mais encore elliptique par le bas, comme nous l’avons dit du fourneau de Béguin, pour épargner, disoit-il, le charbon, & pour que la chaleur pût se porter vers le haut. Boerhaave aussi fait son fourneau elliptique : mais Charas après avoir si bien dit, veut que les quatre regîtres qu’il fait à son fourneau, dans le cas où il l’employe au bain de sable, commencent dès la grille. Ces quatre trous, quand on les fait, doivent être placés de façon qu’ils puissent être recouverts par le dôme, sans quoi ils diminueroient la violence du feu. Pag. 77.

On multiplie, pour ainsi dire, ce fourneau, en le construisant assez grand pour qu’il puisse contenir plusieurs cornues ; on en voit un Pl. I. de Lémery, qui en contient six ; il ressemble assez à la galere des distillateurs de Paris : Charas en a représenté un à quatre cornues, qui a passé dans la Pl. IX. de Manget ; mais nous allons décrire le plus grand de tous, c’est celui des distillateurs de Paris.

On l’appelle la galere (voyez notre fig. 7.) c’est un grand fourneau long, construit en briques qu’on joint ensemble à plusieurs rangs. On en éleve tout simplement sur le pavé deux murs paralleles de la longueur que demande la quantité de vaisseaux qu’on veut y placer, & à telle distance l’un de l’autre, que deux de ces vaisseaux puissent y aller de front : à un pié de haut, on scelle dans le mur du fourneau des barres de fer plates, de distance en distance, pour soûtenir les vaisseaux : on l’éleve encore de façon qu’il puisse cacher ces vaisseaux, & on fait le mur en talud extérieurement. La porte est de la largeur du fourneau ; elle est couverte par un ou deux rangs de briques qui font une petite élévation par-dessus, qui se trouve précisément de niveau avec la partie supérieure des vaisseaux. A l’extrémité opposée est un tuyau de poêle de cinq ou six pouces de diametre. Quand on veut distiller, on met un double rang de cuines tout le long du fourneau ; on les ajuste à d’autres qui servent de récipient & qui portent sur le mur en talud. Nous proscrirons cette mauvaise pratique en parlant des vaisseaux. On couvre tous les vaisseaux qui sont dans le fourneau avec des tuiles & des carreaux dont on bouche les intervalles avec de la terre à four, & l’on allume le feu qu’on fait de bois ; tel est l’appareil avec lequel les distillateurs font l’eau-forte à Paris.

La fig. 67. est non-seulement un appareil de distillation latérale, mais encore d’une distillation où l’on expose le corps à distiller au feu nud, sans l’intermede d’aucun vaisseau : nous avons promis, en parlant des fourneaux à aludels, de parler de la fig. 66. en même tems ; c’est aussi ce que nous allons faire, parce qu’elle est dans le même genre, quoiqu’elle soit pour la sublimation. Voyez Glauber, furn. nov. philosoph page 1.

La grandeur du fourneau, fig. 67. n’est point fixée, on peut lui donner celle qu’on voudra ; cela dépend encore de la quantité de matiere qu’on a à traiter ; peu importe aussi qu’il soit rond eu quarré, en briques, ou en terre. Sur un pan de diametre, il doit en avoir quatre de haut ; un depuis le sol jusqu’à la grille, un depuis la grille jusqu’au trou par où l’on jette le charbon, & les deux autres depuis ce trou jusqu’à celui qui est destiné au canal enfile par les vapeurs, qui doit sortir au moins d’un pan hors de la paroi, pour empêcher que les récipiens ne s’échauffent par la proximité du fourneau. Ce canal doit avoir à son extrémité le tiers du diametre du fourneau, sans compter que la partie qui y est scellée doit être plus large. Il faut que la grille soit telle qu’on ait la facilité de l’ôter au besoin pour la nettoyer ; car comme elle est aisément obstruée dans la distillation des sels qui se fondent à-travers les charbons, il arrive que la communication de l’air avec le feu est interceptée, & conséquemment la distillation interrompue. Pour plus grande commodité, on peut la faire de quatre ou cinq barres de fer isolées, soûtenues par deux autres ; il y aura entre elles un travers de doigt de distance, & elles sortiront du fourneau, afin qu’on ait la facilité de les en tirer avec une tenaille dans le cas où il faudra les nettoyer ; ensuite de quoi on les remet en place : il est même à-propos que le fourneau soit ouvert vis-à-vis la grille, pour plus de facilité.

Ce fourneau doit être couvert d’une pierre ou d’un carreau de terre ayant un trou au milieu, avec une rainure tout-autour pour recevoir ce couvercle & l’appliquer plus juste, à l’aide du sable ou des cendres qu’on y mettra : par ce moyen, le cercle borchera, & empêchera mieux la dissipation des esprits des corps qu’on jettera dans le fourneau ; ainsi ils seront forcés de passer totalement dans les récipiens : nous ne parlerons point ici de ces vaisseaux, c’est à leur article qu’ils doivent être renvoyés, & qu’on doit voir ce que nous avons à dire du manuel général de la distillation dans ce fourneau. Après ce que nous avons dit de celui qui sert pour la distillation latérale, nous n’avons que peu de choses à ajoûter au sujet de celui qui sert à la sublimation : le trou du premier, qu’on ferme d’un couvercle, est dans la fig. 66. fermé par le bas du premier aludel qui y entre ; son dôme n’a point de regitre, les aludels en servent.

Nous avons déjà parlé de la figure 69 : nous l’avons mise au nombre des fourneaux de décoctions ; mais elle peut encore trouver sa place ici en qualité de fourneau servant aux distillations latérales, comme il paroît par le vaisseau dont elle est chargée. Nous ne nous étendrons sur cet article qu’en parlant des vaisseaux.

La figure 73 n’est au fond que la répétition de la premiere, qu’on a mise ici plus pour l’appareil que pour l’utilité : nous en donnerons cependant les proportions, parce qu’elles sont un peu différentes. La figure en question a 22 pouces de haut, sur huit de diametre en-bas, & neuf & demi dans le haut, à la partie la plus large de son dôme, hors d’œuvre. Son épaisseur est d’un pouce & demi. Le cendrier a cinq pouces de haut, y compris l’épaisseur du sol ; le soupirail est large de trois pouces, & haut de deux & demi. Le foyer est haut de huit pouces, & a sa bouche arquée, ses pitons & sa grille, comme nous l’avons détaillé en parlant de la figure premiere : cette bouche est haute & large de trois pouces. L’ouvroir a son échancrure pour la cornue ; il est haut de quatre pouces & demi. Le dôme est de même hauteur, & a un trou ou regître au milieu d’un pouce de diametre, qu’on diminue à volonté au moyen d’un couvercle. Les portes ont leur fermeture à l’ordinaire.

La figure 145. est dans Libavius, pag. 322. qui l’a prise dans Evonynus, pag. 90. C’est un fourneau en briques quarré, pour distiller les acides minéraux à feu nud : on y voit deux matras posés horisontalement, dont l’un est le vaisseau distillatoire, & l’autre le récipient. Les barres sont courbées, pour s’ajuster au vaisseau qui passe par un trou, comme nous l’avons déjà vû fig. 69. tirée de Glauber Le dôme a un trou ou regître au milieu, comme il convient ; mais on voit encore quatre regîtres inutiles & nuisibles aux quatre coins. On a isolé exprès une des barres pour en donner l’idée. La même courbure se trouve aussi dans Dornæus. Nous n’en dirons pas davantage sur ce fourneau ; une plus longue explication seroit inutile. On en peut voir la figure.

La figure 161. est encore un fourneau dont nous avons parlé à la section des fourneaux à distiller par ascension, & dans ses subdivisions en fourneaux à capsule, à aludel ; & elle n’est en effet autre chose que les ustensiles représentés fig. 12, 13 & 14. L’appareil, qui est de Glauber, en sait la différence : cet auteur n’y met pourtant qu’un gros balon ; mais on sait depuis long-tems qu’on en a enfilé des centaines ensemble. Ainsi l’on voit de plus en plus qu’un même fourneau peut être employé à différentes opérations. C’est en partie pour cette raison que nous en avons présenté quelques-uns sous différens aspects. Nous examinerons pourtant, en parlant des polychrestes, jusqu’à quel point cela peut être vrai.

On fait encore des distillations latérales dans les fourneaux dont nous parlerons dans la suite ; comme aussi plusieurs des opérations auxquelles sont employés ceux de notre premiere section, nous en parlerons à-mesure que l’occasion s’en présentera.

Des fourneaux à distiller par descension. Comme ces sortes de fourneaux ne sont pas d’un grand usage, & que d’ailleurs on y peut suppléer par d’autres appareils, nous n’en avons donné qu’un seul exemple : il est tiré de la pharmacopée italienne de M. de Sgobbis. On le construit en briques, de la hauteur nécessaire pour contenir les vaisseaux. On ouvre de plusieurs côtés le cendrier, qui n’en est point un au fond, & on ne lui laisse même la plûpart du tems que quatre piliers, qui font les quatre coins : ensuite on place une grille à un pié de haut environ du sol ou pavé. Cette grille a un trou au milieu assez grand pour admettre le cou du matras descensoire ; il est même bon d’observer qu’on n’y en met que pour employer ce fourneau à un autre usage ; car dans le cas du descensoire il ne faut qu’un disque de terre cuite, au milieu duquel on introduit le vaisseau descensoire : ainsi on en met donc un de terre ou de tôle sur la grille. On place le vaisseau, & on allume le feu tout-autour : cet appareil ne peut donner qu’un feu doux. On pourroit toutefois l’augmenter si l’on vouloit ; ce seroit de conserver la grille, & de garantir le récipient par un entonnoir métallique dont il seroit couvert ; le sommet en seroit près de la grille, & la base environneroit le ventre du récipient. Nous avons ouvert tout le devant de ce fourneau, afin qu’on y vît la situation des vaisseaux ; & nous y avons ajoûté un dôme en cas de besoin. On peut voir la figure 161 ; on y trouve le corps inférieur d’un fourneau descensoire soûtenant un tonneau.

Des fourneaux à calciner. Ils peuvent encore être divisés en propres, & en impropres, ou qui sont particulierement destinés aux opérations en question, & qui peuvent y servir, quoiqu’ils soient construits pour d’autres. Dans ce second rang, on peut placer tous ceux dont nous avons parlé jusqu’ici & dont nous parlerons dans la suite, excepté les bains-marie propres, comme celui de la fig. 11. &c. Dans le premier nous compterons celui qui est marqué figures 15. & 16. nous en avons donné la coupe 15, avec l’élévation 16, pour en faciliter l’intelligence. Ce fourneau est construit en briques, est long de trois piés & demi, & haut de deux piés quatre pouces ; il est large de deux piés en devant. Si on l’éleve davantage, ce n’en est que mieux ; il est plus commode, mais cela ne change rien à sa construction : comme il seroit un peu bas, nous supposerons que nous allons le construire sur un foyer élevé d’un pié environ pour y manœuvrer aisément. On commence par asseoir un lit de briques de six pouces d’épaisseur ; on éleve ensuite deux murs à chaque côté de quatre pouces d’épais : le mur de derriere est de même épaisseur. La porte de ce foyer est large de 10 pouces & demi, & haute de sept en-dehors, réduite à un peu moins en-dedans : quand les murs ont cette hauteur, on met des barres de fer plates dessus en-travers, depuis la porte jusqu’à près de quatre pouces du fond ; on les couvre d’une couche ou deux de briques, en laissant une ouverture au fond, comme nous l’avons marqué en d dans la coupe 15 : on continue d’élever les murs à la hauteur de six pouces, après quoi on les couvre de barres de fer, qui soûtiennent les briques du dessus. La languette qui est entre le foyer a & l’ouvroir b, est en tout épaisse de trois pouces. La couche de briques qui couvre l’ouvroir est épaisse de six pouces ; le mur de devant est épais de quatre pouces, comme les autres ; la porte de l’ouvroir est de même grandeur, & un peu embrasée comme celle du foyer. Entre le mur du devant & la couverture du fourneau, regne dans toute la largeur du fourneau un espace, comme par derriere pour la languette ou plancher, mais qui n’est que de deux pouces de large, qui se termine en une petite cheminée c, épaisse de huit pouces & large de 14, hors d’œuvre. La longueur intérieure de la cheminée & sa hauteur sont de huit pouces. A un mur latéral, on voit à l’ouvroir b deux portes marquées d, d, fig. 16. en embrasure, hautes de cinq pouces, & larges de quatre en-dehors. Ces quatre portes doivent avoir leurs fermetures de briques cuites, & presque épaisses comme le mur dont elles ferment le trou. Ce fourneau sert à la calcination de la potasse, des cendres qu’on veut lessiver, & des métaux qu’on veut réduire en safran, en chaux : c’est celui de Glaser simplifié, c’est-à-dire qui n’a qu’un plancher, au lieu que Glaser en met deux ; ensorte que le feu sort à la partie postérieure, qu’il y a trois portes en-devant, point de cheminée, & quatre portes latérales ; Glaser dit qu’on y ajoûte un quatrieme, & même un sixieme étage & au-delà. Nous verrons dans la suite ou cette idée peut avoir été prise, ou du-moins quelque chose qui lui ressemble. Au reste le fourneau de Kunckel, aussi destiné à calciner la potasse, qu’on trouve Pl. XIII. pag. 311. de sa verrerie, ne differe du nôtre qu’en ce qu’il est rond, plus grand, & a un trou au milieu. Sa figure approche assez de celle d’un four de boulanger.

On peut encore mettre au nombre des fourneaux de calcination ceux d’essais ; parce qu’on n’essaye presque point de mines qu’on ne calcine, & cela dans ce fourneau sous la moufle.

Des fourneaux de fusion. Cette section sera un peu plus nombreuse que les deux précédentes, & par le nombre de ses individus, & par leur importance. Nous y ferons entrer les figures 6, 8-10, 25, 26-35, 36, 37, n°. 1. & 37, n°. 2. 38, 39-44, & 71, sans compter que nous toucherons quelques mots d’une figure, qui est trop commune pour avoir eu place dans nos Planches, qui d’ailleurs s’y trouve assez bien sous un autre nom, & qu’on peut encore voir dans d’autres Planches. Je veux parler de la forge ou fourneau à soufflet.

Le fourneau de la figure 6. est dû à Glauber, du moins c’est lui qui en a tout l’honneur, puisqu’il lui a donné son nom. Nous verrons dans la suite ce qui peut l’y avoir conduit sans peine. C’est dans Boerhaave que nous avons pris celui que nous donnons. Nous y avons conservé le tuyau de Glauber, comme étant plus propre à en recevoir un autre, que la cheminée de Boerhaave, & nous avons mis à côté le dôme de ceux qui ont été faits d’après celui de Glauber, au lieu de la voûte qu’il a jointe ainsi que Boerhaave, à son fourneau.

Tout le monde sait qu’un fourneau de fusion sert à fondre les métaux ; son nom le porte. Celui de tous qui est le plus en usage, est celui dont il s’agit : on le voit dans Glauber, part. IV. de ses fourneaux. Sur le sol ou pavé du laboratoire, on commence par élever un massif de pierres ou de briques constituant le cendrier du fourneau, à la hauteur de 3 piés, & d’un pié de diametre dans œuvre ; on lui donne cette hauteur, afin que la bouche du feu soit à-portée des mains de l’artiste, & on laisse ce cendrier ouvert en-devant à la hauteur d’un pié, qui est plus que suffisante. On pose la grille ; elle doit être faite de barres de fer qui ayent presque un pouce d’équarrissage, & qui soient éloignés d’à-peu-près autant ; elle a le même diametre que le cendrier. Par dessus on éleve encore le fourneau cylindriquement comme d’abord, à la hauteur de six pouces ; après quoi on lui donne intérieurement la forme d’un cone parabolique, dont l’axe est de huit pouces, l’ordonnée inférieure de six ; ensorte que le côté droit est de quatre pouces & demi, & le foyer est à un pouce un huitieme du sommet. Quand cette figure parabolique a été élevée à la hauteur de six pouces au-dessus de sa base cylindrique, on construit par-dessus une cheminée cylindrique de trois pouces de diametre & de deux piés de haut, si l’on veut ; mais nous aimons mieux, pour plus de commodité, faire au-dessus de ce trou de trois pouces de diametre, une naissance de tuyau de même diametre, à laquelle on en peut ajoûter un tant long qu’on voudra. A la partie antérieure du foyer à deux pouces au-dessus de la grille, il faut ouvrir une bouche de feu de cinq pouces de large, de six de haut, & arquée comme un arc de cercle de 12 pouces de diametre. Un pouce au-dessus de cette porte, on fera un trou conique d’un pouce de diametre, dont la direction soit telle qu’on puisse voir dans le creuset, pour examiner si la matiere est fondue ou non. Il faut un bouchon de même dimension pour le fermer. Les pierres ou les briques qu’on employe à ce fourneau, doivent être capables de résister au feu. Ses murailles sont épaisses de cinq pouces, bien maçonnées, & couvertes intérieurement de chaux bien polie. Ce fourneau donne un feu d’une vivacité prodigieuse, quand il est une fois échauffé, principalement au milieu de son axe, & dans sa hauteur supérieure. C’est ce que les Géometres sont en état de démontrer. On fermera la bouche du feu avec une porte de fer, qui remplira exactement la feuillure dans laquelle elle sera logée. Le sol du cendrier sera fait d’une plaque de fer, afin qu’on puisse recueillir le métal qui pourroit tomber d’un creuset cassé, ou qui flueroit.

Quoique nous ayons préféré la figure & la description de Boerhaave à toutes les autres, nous ne laisserons pas d’ajoûter des traits de la description de Glauber, qui ne se trouvent point dans le premier.

Il dit que son fourneau n’a point de grandeur fixe, & qu’elle est déterminée par la quantité de la matiere qu’on veut examiner, car il l’appelle son fourneau d’essai. Dans la supposition où on lui donnera un pié de diametre, on y pourra placer un creuset contenant deux ou trois livres de matiere. Sous la grille, qu’on peut faire brisée à l’imitation de celle du fourneau de la figure 67, on place à l’un des côtés un regître fait d’une lame de tôle, pour gouverner le feu. On fait la porte du foyer de six pouces de large, & d’un pié de haut ou à peu de chose près, pour introduire les creusets, les charbons & les autres ustensiles nécessaires, & cette hauteur est souvent indispensable : à la bonne-heure que la porte en soit de deux pieces pour contenir le charbon, dont il me paroît autrement fort difficile de mettre une suffisante quantité dans le fourneau. Cette porte doit fermer si exactement, que l’air n’y puisse entrer, car il faut qu’il vienne tout du cendrier. Par-dessus cette porte on éleve une voûte parabolique à la hauteur de huit pouces, terminée par un trou circulaire, dont le diametre soit le tiers du fourneau. A ce trou l’on ajuste un tuyau de tôle de cinq, six, & même de douze piés de haut, quand on veut un feu de la derniere violence. On peut, si l’on veut, construire au-dessus de la voûte, deux ou trois chambres garnies de leurs portes : c’est ainsi qu’on peut mettre à profit la flamme qui y entrera, pour diverses opérations, selon le degré de chaleur de chacune. L’inférieure peut mettre en fonte les sels, les minéraux & les métaux qui prennent aisément cet état ; elle peut servir aux calcinations, cémentations, réverbérations, à cuire & vitrifier les creusets & autres vaisseaux de terre, aux essais, grillages, &c. La seconde servira aux torréfactions des minéraux, & aux calcinations du plomb, de l’étain, du fer, du cuivre, du tartre, des os & des cendres du bois. La troisieme peut être employée à la dessication des vaisseaux de terre qu’on veut préparer à la cuisson. On peut encore se servir de ces chambres pour quantité d’autres usages, qu’il seroit trop long de détailler. Si l’on veut augmenter la vivacité du feu, on peut, au lieu d’ajuster une trompe au soupirail, bâtir ce fourneau dans une chambre haute, dont la cheminée ait pour contre-cœur la languette de la cheminée d’une chambre inférieure. On fera une ouverture à cette languette, qui percera dans le cendrier du fourneau, pour y dériver l’air de la chambre inférieure. Il faudra mettre un regître à ce trou pour gouverner le feu, & avoir soin de tenir la chambre inférieure ouverte : par ce méchanisme le feu sera plus violent que s’il étoit animé par les soufflets, & il le sera même au point, qu’on pourroit voir le fourneau se fondre lui-même, s’il n’étoit d’une terre bien fine ; car il arrive souvent que les meilleurs creusets coulent : de-là la nécessité du regître, ou plûtôt d’avoir de meilleurs ustensiles.

Avec un pareil fourneau l’on n’est point obligé de se fatiguer à souffler, & l’on n’a point à craindre de vapeurs empoisonnées, ni de chaleur excessive : toute la fumée s’échappe par le haut, & cela est si vrai que quand on ouvre la bouche du foyer, il tire une vapeur étrangere à la distance d’une coudée ; & ainsi il n’y a rien à craindre de la part du feu, puisqu’il se concentre en lui-même. Il faut cependant avoir soin de garantir la main qui tient la tenaille avec un gant mouillé fait de linge en trois doubles, & d’avoir un écran dans l’autre pour ménager ses yeux. Ces précautions indiquent tous les inconvéniens qui sont à craindre.

L’écran dont il est ici question a été décrit en son lieu. Nous en avons donné plusieurs especes, & nous ajoûterons ici que celui qui a un verre se trouve en usage chez les Emailleurs, & est représenté Pl. XII. fig. 37. de la méchanique au feu de Gauger ; un peu de différence dans la figure ne rait rien au fond.

Quand on se sert d’un fourneau à soufflet, il faut un second qui en tire la brimbale ; d’ailleurs le vent venant à frapper le creuset, il le casse, surtout quand le charbon manque vis-à-vis ; ce qui est fort sujet à arriver, parce qu’il se consume plus vite en cet endroit. Le creuset peut encore se renverser ; & comme il faut qu’il soit tout couvert de charbons, ce qui n’est pas nécessaire dans le fourneau à vent, il peut y tomber quelques matieres étrangeres.

Glauber met un regître à son fourneau, sous la grille immédiatement ; mais il est mal placé, il doit retenir les cendres. Il vaut mieux le mettre dans le tuyau, comme dans la figure 8-10.

Ce fourneau n’est pas bien rendu dans Glaser ; il n’a pas le sens commun dans Manget, qui en a pris la figure & la description de Barner. On le voit pag. 75. de celui-ci, & Pl. VI. de celui-là. Celui de Lémery en est une mauvaise imitation, comme on peut le voir dans sa Pl. I. d’ailleurs il est percé tout-autour.

Au reste quoique nous n’approuvions pas les trous dans l’ouvroir, & qu’il y a toute apparence même qu’ils doivent être proscrits, nous croyons malgré cela qu’on n’a pas encore bien examiné jusqu’à quel point ils sont nuisibles, ou seroient peut-être utiles ; la raison en est que celui de Glauber attire l’air, & qu’on ne sait pas encore ce que l’air, attiré avec la force dont il parle, apporte de changement au feu. Il est bien vrai que quand on ouvre la grande porte de celui de Glaser, le feu diminue de vivacité : mais pourquoi celui-ci n’attire-t-il pas comme l’autre ? Ce que j’improuve dans le fourneau à vent de Glaser, c’est que son dôme soit fait d’une autre piece que son foyer. Il est vrai que ce dôme revient en quelque sorte à cette voûte parabolique que Boerhaave & Glauber demandent ; mais c’est une piece séparée qui ne peut pas s’échauffer aussi-bien que si elle étoit unie au foyer, comme dans ces deux derniers auteurs. Je sens bien que Glaser en a usé ainsi pour avoir un fourneau de réverbere : mais nous examinerons si l’on peut avoir beaucoup de fourneaux en un seul.

Il paroît que Glauber est le premier qui ait introduit les tuyaux dans les fourneaux de la Chimie, car on n’en trouve point que je sache dans les chimistes qui ont écrit avant lui. On n’en voit point dans Libavius, &c. cependant il pouvoit y en avoir de son tems, & à plus forte raison de celui de Glauber, comme nous le dirons plus bas. Il est vrai qu’ils existoient dans l’économie domestique, où Glauber en a pû faire la conquête.

Il n’en est pas de même des figures elliptique ou parabolique, que nous mettons ensemble parce qu’on les employe aussi souvent l’une que l’autre, & que l’une a nécessairement dû mener à l’autre presque dans le même instant. On voit, p. 107. de Libavius un fourneau de fusion elliptique, qu’il a pris dans Ercker ; & pag. 252 du même auteur, un fourneau de fusion qui ressemble à notre fig. 1. excepté qu’il n’a point de bouche du feu, & qu’il a trois regîtres dans son dôme. Le dedans en differe encore, en ce que la grille n’est qu’au-haut du deuxieme corps ; ce qui n’est pas un défaut ; & en ce que sur les bords du troisieme il y a deux barres de cuivre en croix, qui se fendent en deux à l’endroit où elles doivent se croiser, pour former un trou rond destiné à soûtenir les creusets.

Le fourneau marqué fig. 8-10. differe de celui de fusion de Glauber, par quelques accessoires ; il est fixe, construit en briques, haut de trois piés & demi, & large de 16 pouces, tant sur le devant que sur les côtés. On éleve le cendrier de 10 pouces & demi jusqu’à la grille, & on y laisse une porte de six pouces de large, qu’on discontinue à la hauteur de sept pouces : peu importe que l’intérieur du cendrier qui a neuf pouces de large, soit rond ou quarré ; mais le foyer est rond, & a neuf pouces de diametre. La grille est faite de barres de fer de 10 lignes d’équarrissage, posées en losange, & est de la grandeur requise. Il faut observer les mêmes précautions que pour les grilles déjà mentionnées. Au-dessus de la grille, dont l’épaisseur est comptée pour un pouce, on éleve le foyer à la hauteur de treize ; on continue encore à l’élever, mais on laisse une porte en-devant de sept pouces de large, & haute de dix & demi : cette porte est bordée par un cadre de fer, dont l’usage est de conserver les briques & de joindre mieux avec la porte brisée dont nous parlerons. Il est encore bon d’observer que dès le bas de la porte on diminue tout-d’un-coup l’épaisseur du fourneau, de celle de son mur antérieur, ou de trois pouces & demi : outre cela, le cadre qui en fait les jambages n’est pas perpendiculaire, mais incliné, de façon que sa partie supérieure est de deux pouces de plus en-arriere que l’inférieure ; ainsi, avec le secours de la figure que nous avons donnée, & en se la représentant de profil, on peut avoir une idée de l’effet que cela doit faire. Au-dessus de la porte, la paroi antérieure du fourneau s’approche insensiblement de la postérieure, & les deux latérales l’une de l’autre, de façon que le diametre du fourneau, qui n’étoit plus pour lors que de cinq ou six pouces, se trouve réduit à un rectangle de trois pouces & demi de large d’arriere en avant, & à quatre pouces & demi de long d’un côté à l’autre, à quatre pouces & demi au-dessus de la porte : c’est dans cet endroit qu’on a mis un regître. Il est fait d’une brique un peu plus large que le trou qu’elle couvre, & assez longue pour sortir encore quand le trou est tout fermé : cette brique est logée dans une coulisse ; & elle est censée avoir un pouce ou un pouce & demi d’épais. Le fourneau se termine à deux pouces au-dessus, par une ouverture semblable aux dimensions qu’il a à l’endroit de son regître : on y ajuste un petit dôme, qui n’est guere que la naissance d’un tuyau qu’on met de la longueur qu’on veut. C’est ce que nous avons marqué fig. 10. La porte est brisée, c’est-à-dire qu’elle est faite de plusieurs pieces. C’est la fig. 9. Elle est composée de trois barres de fer plates, épaisses de six lignes, longues de neuf pouces, & assez larges pour faire à elles trois la hauteur d’un pié environ quand elles sont posées : elles ont un crampon au milieu, pour avoir la facilité de les prendre.

L’avantage de ce fourneau consiste en ce qu’on peut, au moyen de la construction de sa porte, regarder dans le creuset ; car dans celui de Glauber, on auroit de la peine à y voir une petite quantité de matiere. Il est d’ailleurs construit selon les bons principes. Il n’y a à y ajoûter que ce qu’on peut ajoûter à tous les autres. Je veux parler d’une trompe au soupirail. Nous l’avons fait dessiner d’après nature dans le laboratoire de M. Rouelle.

La fig. 25. est un grand fourneau de fusion en briques, dont le devant est ouvert, pour avoir la facilité de puiser dans les grands creusets, qui sont chargés de quelques quintaux de métal. Quand on n’a besoin que d’un feu médiocre pour fondre une grande quantité de métal à-la-fois, on construit avec des pierres des grands fourneaux quadrangulaires, dont les plus considérables ont leurs côtés larges de 4 piés ; ensorte qu’on y peut placer des creusets d’ipsen, capables de contenir ce qu’on a à fondre. Pendant la fusion on en tient le devant fermé avec des briques, qu’on ôte quand on veut puiser le métal. Par là on évite les efforts nécessaires à les élever, & le danger qui en résulteroit. Le sol du cendrier est en glacis, & incliné en-avant, pour déterminer le métal qui peut tomber des creusets fêlés, à couler dans un creux fait devant la porte du même cendrier. Il est bon de remarquer que cette fig. qui est la 17. de la Pl. IV. de M. Cramer, doit être élevée, & se terminer en une pyramide comme un fourneau d’essai.

Nous comprendrons la forge, qui est un fourneau de fusion, au nombre des ustensiles nécessaires dans un laboratoire philosophique, quoique nous n’en ayons pas représenté, & cela par les raisons que nous avons alléguées. Mais nous croyons devoir avertir que la casse en doit être plus grande que trop petite.

La casse est cette boîte ou foyer rond ou quarré, d’un pié de diametre, & profond d’à-peu-près autant, où les charbons allumés sont contenus autour du creuset, & reçoivent le vent d’un soufflet double qui vient par-dessous ; elle est quarrée pour l’ordinaire. On donne encore ce nom à la boîte ou foyer d’un fourneau de fusion à vent.

On fait communément la casse plus grande qu’il ne la faut pour l’ordinaire, parce qu’on la diminue avec des carreaux qu’on fait faire au fournaliste. On en ferme le dessus avec un carreau qu’on leur fait faire aussi, qui a dans le milieu un gros bouton servant de poignée, pour réverbérer la flamme & augmenter la vivacité du feu. Le soufflet en doit être fait comme celui du maréchal, à deux vents, & de cuir épais, afin qu’on puisse forcer le vent à volonté. Ceux qui ressemblent aux soufflets d’orgue, ont bien le vent plus égal, mais il est plus foible ; & il ne s’agit pas ici d’une grande précision. C’est la coûtume de diviser en deux le tuyau descendant du soufflet à une certaine hauteur. On suppose que le soufflet soit plus élevé que la forge. Cette division se fait par un sommier à-peu-près semblable à celui de l’orgue ; au moyen duquel on donne à volonté le vent au tuyau de la casse, ou à un autre tuyau qui va s’ouvrir sur le foyer de la forge, pour servir au petit fourneau de fusion de la fig. 37. n°. 1. par exemple, mais quelques artistes y renoncent, par la raison que ce regître est sujet à se déjetter, en conséquence de la chaleur voisine, & perd le vent du soufflet. Je crois cependant que s’il étoit fait de bois de vauge ou de Hollande, la chose n’arriveroit pas. En voici la construction : le tuyau du soufflet porte son vent dans une petite chambre du sommier, que nous nommerons la laie. La paroi opposée à celle qui reçoit le tuyau du soufflet, est composée de trois petites planches couchées les unes sur les autres. Celle du milieu n’est pas si large que les deux autres, mais elle est plus longue ; c’est celle qu’on appelle proprement regître. Elle n’a qu’un trou, & les deux autres en ont deux. Ce qui lui manque de largeur à chaque côté, est rempli par des liteaux ajoûtés à l’une des deux autres, ou bien pris sur leur épaisseur. Les trous de la planchette extérieure reçoivent les deux tuyaux qui vont à la casse & au foyer de la forge. Ces deux tuyaux sont bien étoupés comme ceux des porte-vents, pour boucher juste. Les trous de la planchette intérieure reçoivent le vent de la laie, & le communiquent au tuyau, vis-à-vis duquel se trouve le trou du regître. Ce trou se rencontre justement vis-à-vis l’un des deux tuyaux au moyen de deux arrêtes qu’il a à chaque extrémité. On conçoit que les deux planches entre lesquelles il glisse, sont garnies de peau blanche pour empêcher la dissipation du vent.

Au reste, si l’on ne veut pas se donner la peine de construire ce sommier, ou si l’on craint d’en manquer le succès, on peut y suppléer par un autre moyen, qui n’est pas non plus sans inconvénient ; c’est d’avoir un boyau de cuir qui établisse la communication entre le tuyau du soufflet & le tuyau de la casse, qui sont en droite ligne, ou qui doivent y être. Ce boyau de cuir sera attaché par ses deux bouts à deux cercles de fer-blanc fort, dont le supérieur recevra la partie du tuyau venant du soufflet, & l’inférieur sera reçu dans celle qui va à la casse : ensorte que quand on voudra appliquer le soufflet de la forge au petit fourneau de fusion placé sur son foyer ou en-dehors, on retirera la partie inférieure du boyau du tuyau allant à la casse, pour l’introduire dans le tuyau postiche représenté avec ce petit fourneau de fusion fig. 37. n°. 1. Ce boyau est sujet à dessécher, & à tirer à lui l’un de ses anneaux quand il est trop juste, ou bien à rapprocher ses parois quand il est trop long. Il est bon d’observer que ces sortes de tuyaux ne veulent pas être recourbés à angles droits. La vivacité du souffle en est amortie. Ainsi, au lieu d’un angle droit, il en faut faire deux ou trois obtus, ce qui approchera d’une courbe.

Le soufflet doit être à deux vents, sans quoi il seroit bien-tôt brûlé. Les tuyaux de cuivre valent mieux que ceux de fer-blanc. On tient toûjours le soufflet tendu quand on ne s’en sert pas, pour empêcher le cuir de se couper, & on le frotte trois ou quatre fois l’année d’huile de baleine.

On trouve une forge semblable à celle qui convient dans un laboratoire philosophique dans la Pl. X. de Manget, qui la tient de la Pl. XI. de Charas, ou de la page 6 de Rhenanus. Nous avons indiqué les corrections qu’il y faudroit faire.

Il faut encore dans un laboratoire philosophique, un soufflet comme celui dont nous venons de parler, monté sur un chassis, afin de l’appliquer aux fourneaux où il est nécessaire. Ce chassis doit être construit de façon qu’on puisse monter le soufflet au point nécessaire. Nous n’en avons point représenté dans nos Planches ; la chose se comprend assez aisément. Ceux qui voudront voir quelque détail là-dessus, peuvent consulter les docimastiques de Cramer & de Schlutter, ou le laboratoire portatif de Beccher.

Au lieu d’un soufflet, on peut faire usage d’une éolipyle. C’est une sphere creuse de cuivre. On la fait de 16 pouces de diametre à-peu-près. On y soude un tuyau gros comme celui d’un soufflet, dans la direction d’une tangente ; on la remplit d’eau jusqu’aux deux tiers : on la fait bouillir, & elle souffle vivement le feu vers lequel on tourne son tuyau. Faute de cet instrument, on peut employer tout vaisseau qui en approchera, c’est-à-dire où l’on pourra faire bouillir de l’eau, & qui aura un bec à-peu-près dans le même goût. Cependant le soufflet double mérite la préférence, parce qu’on est mieux le maître de gouverner le feu quand on s’en sert, sans compter qu’il en est de l’éolipyle comme du chalumeau dans lequel on souffle. Il sort de l’un & de l’autre des gouttes d’eau qui peuvent troubler l’opération. Elle est malgré cela en usage depuis plus de cent ans pour les fourneaux & pour les lampes de l’émailleur, comme on peut le voir dans un livre anglois intitulé the art of distilation un peu postérieur à Glauber, qu’il a copié, & dans Libavius, page 107. Vitruve l’a employée pour empêcher la fumée.

La fig. 37. n°. 1. représente le petit fourneau de fusion fait en terre des fournalistes de Paris. Il a 13 pouces de haut & 11 pouces de diametre hors d’œuvre. Il est épais de 2 pouces, & d’une seule piece. Il a deux anses pour la facilité du transport. La porte du soupirail est large de trois pouces, & haute de deux. On la tient fermée & lutée quand on se sert du gros soufflet. A côté est un trou pour recevoir le tuyau qui en vient. La grille est forte, à trois pouces du sol, claire, & bien détachée des parois sur lesquelles elle porte au moyen des trois mentonnets. Quand on employe ce fourneau pour la fusion, on le couvre du dôme de Glaser, que nous avons représenté avec le fourneau de Glauber. fig. 6. On en anime le feu au moyen du soufflet monté sur un chassis, ou bien avec celui de la forge, par les moyens que nous avons indiqués en en parlant ; c’est pour cela qu’il a été représenté avec le tuyau qui doit communiquer avec son gros soufflet double. Ce fourneau est trait pour trait une petite forge portative ronde.

On trouve encore chez les mêmes fournalistes d’autres fourneaux portatifs à vent ; ce sont aussi des petites tours ou cylindres creux sans fond, qui se posent sur un trépié où l’on a mis une grille de fer. Ces especes de tours, qui sont quelquefois renflées vers le milieu, sont percées tout-autour de plusieurs trous : ainsi ce fourneau prend l’air par-dessous & par les côtés. On met dessus un dôme qui finit en-haut par un tuyau d’un demi-pié, qu’on peut alonger à volonté. A ce dôme il y a une porte par laquelle on introduit ce qui est nécessaire à l’opération. Cette notice est de M. Hellot ; on ne l’a mise ici que pour en dissuader l’usage, comme cet illustre artiste, qui a reconnu qu’ils étoient peu propres à la fusion, & conséquemment aux essais, pag. 90. Elle répond & à la description du petit fourneau de fusion qu’on voit Pl. I. de Lémery, & à celle du dôme de Glaser, dont nous avons dit qu’on appliquoit l’usage au petit fourneau fig. 37. n°. 1. qu’on peut voir avec la fig. 6. dans nos Planches.

La fig. 36. représente un petit fourneau quarré portatif pour les essais. Il a 7 ou 8 pouces d’ouverture, & 8 ou 9 de hauteur. On s’en sert à la place de la forge dont nous avons parlé. On y fait faire à un pouce au-dessus de son fond, deux trous opposés, ou vis-à-vis l’un de l’autre, dans lesquels on ajuste avec du lut deux goulots de bouteilles de grès pour servir de tuyere, & diriger le vent de deux soufflets, quand on a besoin d’un feu extrème, sur la partie de la tute où le bouton doit se rassembler. Dans le troisieme côté de ce fourneau quarré, M. Hellot a fait faire une porte qui lui sert, lorsqu’un essai est fini, à retirer la braise, pour pouvoir y placer le creuset d’un nouvel essai sans être exposé à la grande chaleur de cette braise ; qu’il est difficile d’enlever entierement sans cette porte. Si l’on a à faire un essai de mine douce, comme le sont presque toutes les mines de plomb, on approche d’une seule tuyere le soufflet à deux vents, qu’on suppose monté pour cet usage sur un chassis de fer mobile. Si c’est une mine de cuivre jointe à une roche de fusion difficile, à laquelle il faille un feu plus fort que pour la mine de plomb, on couvre le fourneau d’un couvercle aussi quarré, pour concentrer la flamme du charbon & la réverbérer sur le creuset. Dans l’un & dans l’autre cas, il faut boucher exactement d’un bouchon de terre enduit de lut, la tuyere qui est vis-à-vis celle par laquelle on introduit le vent du soufflet double. Enfin lorsqu’il s’agit de fondre une mine de fer, ou pour connoître la quantité de fer qu’elle peut rendre dans les travaux en grand, ou pour scorifier le fer avec du plomb, & introduire dans celui-ci l’argent & l’or que celui-là peut contenir, on se sert de deux soufflets qu’on applique aux deux tuyeres opposées. L’un est le soufflet double dont on vient de parler, l’autre peut être absolument un soufflet simple. Mais il faut que le canal de fer qu’on ajuste à son tuyau soit long de 2 piés au moins ; sans quoi il pomperoit la flamme jusque dans son intérieur, & se brûleroit, pag. 88. Mais il vaut mieux que les deux soufflets soient chacun à deux ames. Cela peut se trouver dans un laboratoire où il y a une forge & un soufflet monté sur un chassis. En mettant le fourneau sur l’aire de la forge, il n’est plus question que d’avoir un canal un peu recourbé, qui aille du soufflet mobile à la seconde tuyere du fourneau.

La figure 26. avec laquelle doivent aller les suivantes jusqu’à la 35e inclusivement, est un fourneau de fusion en tôle, varié pour la facilité de l’appliquer à différentes opérations. C’est le second de ceux qui sont nécessaires à l’essayeur, celui de coupelle étant le premier. On le fait de tôle ; on peut le construire à l’aide du moule elliptique, fig. 35. Ainsi on fera une ellipse creuse, de façon que ses deux foyers soient éloignés l’un de l’autre de douze pouces, & les ordonnées soient de cinq pouces. On retranchera ensuite les deux extrémités comprises entre le foyer & le sommet de la figure : ensorte que celle qui en résultera, sera notre 26. 1°. On fera près de son bord inférieur quatre trous de 8 lignes de diametre, deux desquels seront vis-à-vis des deux autres cc. 2°. Les bords inférieur & supérieur de cette cavité elliptique seront garnis chacun d’un anneau de tôle d, large de près d’un pouce & demi, que l’on attachera en-dedans. On placera aussi intérieurement à 3 ou 4 pouces les uns des autres, de petits crochets de fer de la longueur de 6 lignes, pour tenir conjointement avec les anneaux, le garni qu’on y appliquera. Voyez cet article. Reste maintenant pour que le corps du fourneau soit achevé, à lui attacher supérieurement en-dehors deux anses de fer pour avoir la commodité de le transporter. 3°. Quant au dôme, fig. 27. on pourra lui donner la figure des parties retranchées de l’ellipse, fig. 35. a. On y fera une porte haute de 4 pouces, large de 5 par le bas, & de 4 par le haut, à laquelle on appliquera une fermeture convenable roulant sur des gonds, fig. 34. Sa surface interne sera garnie d’un rebord qui remplira exactement l’ouverture de la porte ; la largeur doit en être telle, que la saillie qu’il formera intérieurement, soit au niveau de la surface du lut, au soûtien duquel il est destiné. L’aire qu’il renferme sera aussi munie de quelques crochets de fer. L’on garantira également de l’action du feu le dôme, fig. 27. dont on garnira le dedans de terre, après y avoir enfoncé des crochets de fer & ajusté un anneau de tôle pour le soûtenir, comme nous l’avons prescrit pour le corps du fourneau fig. 26. On attachera en-dehors à la partie supérieure du dôme, fig. 27. deux crochets de fer longs de six pouces, pour le prendre avec des tenailles quand il sera chaud. On pratiquera à son sommet une ouverture circulaire de 3 pouces de diametre, à laquelle on attachera un bout de tuyau long de quelques pouces, presque cylindrique, destiné à être reçû dans un autre tuyau de tôle, semblable à celui de la fig. 38. Ce fourneau exige encore deux pié-d’estaux mobiles : l’un pour recevoir les cendres & l’air qui doit animer le feu, l’autre destiné aux réductions & fusions des métaux qui se font en stratifiant avec les charbons les mines métalliques ou les chaux, ou scories métalliques. Le premier, fig. 28. se fait de tôle & est cylindrique. On laisse la partie supérieure ouverte, mais on ferme l’inférieure avec une plaque de même matiere. On lui donne cinq pouces de haut, & un diametre tel qu’il puisse recevoir un demi-pouce du corps du fourneau fig. 26. On est aussi obligé pour cet effet d’attacher à la partie intérieure de ce pié-d’estal, à un demi-pouce de son bord supérieur, un cercle de fer large d’un demi pouce, pour soûtenir le corps du fourneau. Ce pié-d’estal ou cendrier doit avoir un soupirail haut & large de 4 pouces, qui se ferme exactement avec une porte roulant sur deux gonds, afin de pouvoir à son aide augmenter ou diminuer le jeu de l’air, & conséquemment gouverner le feu. Au côté gauche de cette porte, environ à la moitié de la hauteur du cendrier, on fera un trou rond d’un pouce & demi de diametre, pour recevoir la tuyere d’un soufflet, en cas que les circonstances l’exigent. Le second cendrier, fig. 32. sera semblable au premier pour la figure, la matiere & le diametre ; mais il aura le double de hauteur. On y attachera pareillement un demi-pouce au-dessous de son bord supérieur, un anneau semblable à celui du premier cendrier, & destiné aux mêmes usages. Immédiatement au-dessous de cet anneau, on fera une ouverture arquée par sa partie supérieure, large de trois pouces & haute de deux. Au côté gauche de celle-ci, en commençant également tout-près de l’anneau, on en fera une seconde large de deux pouces, & s’étendant en hauteur jusqu’à la moitié de celle du cendrier. Cette ouverture est destinée à recevoir le cone 0, qui doit lui-même admettre une tuyere de soufflet. A droite de la premiere, à 3 pouces du sol du cendrier, on en fera une troisieme circulaire, de deux pouces & demi de diametre. On appliquera dans tout l’intérieur de ce cendrier, excepté au-dessus de l’anneau, un garni composé de terre glaise préparée & mêlée d’une bonne quantité de sable & de petites pierres, qui fassent l’office d’un mur. On fera au fond du même cendrier un bassin ou catin, dont la figure sera celle qu’on voit décrite par la ligne fgh.

Un bassin ou catin de réception est donc un accommodage qu’on fait dans un fourneau, ou par-dehors avec une matiere appropriée à l’opération. Cette matiere est ce qu’on appelle une brasque.

La brasque est de deux especes ; il y a la pesante & la legere. La brasque pesante est composée d’argille séchée & de charbon pilé & tamisé, mêlés à parties égales. On humecte le tout jusqu’à ce qu’on puisse le manier sans qu’il s’attache aux mains. Si l’argille étoit trop grasse & trop compacte, & conséquemment se fendoit aisément au feu, on en prendroit qui en eût déjà éprouvé l’action. On la pile, on la tamise, & on en ajoûte une moitié ou un tiers à celle qui n’a pas encore servi ; car toute argille n’est pas propre à recevoir une quantité de charbon pilé qui réponde à toutes les circonstances ; n’en admettant que difficilement un volume qui excede le double du sien. La différente nature des substances qu’on a à fondre, celle de l’argille qui doit être combinée avec le charbon, empêchent qu’on ne puisse établir de proportion entre ces deux dernieres matieres. La brasque legere n’est autre chose que du frésil ou poussier de charbon ; on en connoît les propriétés. Quand on réduit une mine de fer dans le fourneau dont il s’agit, elle est d’une nécessité absolue. Sans elle l’opération manqueroit. On met encore de la brasque legere entre la pierre de zinc & la chemise du fourneau, où l’on traite la mine de Rammelsberg. Voyez Schlutter, tome II. page 241. Planche XX.

Il y a une chose à remarquer à l’égard de la préparation & de l’usage de la brasque pesante : c’est que plus on y fait entrer d’argille, plus elle est solide & durable, & par conséquent plus difficilement rongée par les matieres fondues qu’il reçoit. Mais aussi d’un autre côté, la quantité de scorie devient plus considérable ; il faut pour lui donner le degré de chaleur nécessaire, avant qu’on puisse mettre dans le fourneau les matieres qu’on y doit fondre, un feu plus violent & plus long-tems continué. Lorsque c’est au contraire le charbon pilé qui excede la quantité de l’argille, le mélange est rongé plus aisément par les matieres en fonte, sur-tout si elles sont arsénicales, sulphureuses, ou demi-métalliques ; pendant que le métal n’y déchoit pas tant, que le bassin se seche plus aisément, & exige pour être échauffé moins de tems & de feu. Le meilleur parti qu’il y ait à prendre en pareille occurrence, c’est de prendre le juste milieu en-deçà & au-delà duquel on seroit exposé aux inconvéniens en question.

Il est bon d’observer en général que les effets du froid & de la chaleur ne se communiquent jamais avec plus de difficulté que quand ils ont à traverser des corps solides qui sont en même tems rares, caverneux, & spongieux. Ainsi on peut empêcher un corps fondu & qui a un grand degré de chaleur, de se refroidir promptement en le couvrant de charbon pilé ; & l’on ne peut pas soupçonner que cette chaleur soit entretenue par le feu que ce corps embrasé peut avoir mis au corps, puisqu’il faut pour cela le contact de l’air, & qu’on ne voit point d’ailleurs de cendres qui en ayent été produites. Il s’ensuit que c’est autant pour conserver au métal l’état de fusion que l’état métallique par le phlogistique, qu’on mêle le poussier de charbon à l’argille. On peut se convaincre de la vérité de cette doctrine, si on examine la disposition des grands fourneaux des fonderies & des travaux qui s’y font ; comme aussi les inconvéniens qui en naissent, & les remedes qu’on y apporte.

Pour rendre notre bassin plus durable, on le saupoudrera avec des scories pilées, & on l’applanira avec une boule de laiton. On choisira celles qui ne peuvent plus donner rien de métallique par une réduction ordinaire, & qui ne contiennent ni soufre, ni arsénic. Si on n’en a point de semblables à celles qui doivent rester après la fusion qu’on est sur le point de faire, lesquelles sont préférables à toutes les autres, on leur substituera du verre pilé. On observera que le bassin en question doit avoir au milieu une petite cavité g, qui soit le segment d’une sphere creuse plus petite que celle qui auroit formé la cavité totale. Cette cavité exige les mêmes précautions que les grandes coupelles, c’est-à-dire qu’il en faut tasser la brasque avec un pilon à dents, l’applanir avec une boule de laiton, & y passer aussi un plane courbe.

Le fourneau fig. 26. est principalement destiné aux fusions : on les y peut faire avec des vaisseaux, ou même sans ce secours. Si l’on s’en sert, on mettra le corps du fourneau fig. 26. sur le premier piédestal, fig. 28. garni d’une porte roulant sur deux gonds ; l’on introduira deux barres de fer dans les trous cc de la partie inférieure de la fig. 26. pour soutenir la grille fig. 29. qu’on y fera entrer par l’ouverture supérieure. Au milieu de cette grille on placera une tourte ou culot de terre cuite, très-unie, & d’égale épaisseur ; on la fera rougir pour la sécher ; sans quoi l’on risqueroit de faire fêler les vaisseaux, les grands sur-tout qu’elle soûtiendroit, en conséquence des vapeurs humides qui s’en éleveroient pendant l’opération. Sa hauteur & son diametre doivent excéder un peu celui du fond du creuset qu’on veut mettre dessus, qui n’est convenablement échauffé qu’à la faveur de cette élévation, & suffisamment stable que par la largeur en question. On met ensuite sur cette tourte le creuset contenant la matiere à fondre ; on l’entoure de toutes parts de charbons qu’on range avec les précautions que nous avons indiquées, en parlant du fourneau de coupelle à l’article Essai. On gouverne le feu en ouvrant ou fermant la porte du cendrier, fig. 28. on l’augmente en mettant le dôme fig. 27. & ensuite le tuyau de la fig. 38. au moyen duquel on a un feu de fusion très-violent : mais l’on surpasse de beaucoup celui d’une fournaise ordinaire, si l’on introduit la tuyere d’un soufflet par le trou du cendrier, (fig. 28.) destiné à cet usage d ; après avoir préalablement luté exactement avec une fine pâte d’argille les jointures du corps du fourneau & du cendrier, & même celles de la porte, qui ne peut jamais fermer assez bien, pour qu’on puisse s’en dispenser. L’avantage qu’on retire de cette méthode consiste en ce que les creusets ne sont pas si sujets à se briser, le vent du soufflet ne donnant pas directement dessus, & animant également le feu de tous côtés. Ainsi voilà une expérience qui contredit celle de Glauber ; mais il y a toute apparence que ce chimiste n’avoit pas la précaution de faire passer de même le vent de son soufflet par un cendrier, comme il passe aussi dans la forge dont nous avons parlé. Cet appareil peut servir à examiner les pierres, lorsqu’on veut savoir quel sera sur elles l’effet d’un feu extrème. Nous ne nous croyons pourtant pas dispensés pour cela de donner le fourneau de M. Pott ; les effets en sont connus ; au lieu qu’il n’est pas de même aussi évident que celui de la fig. 26. donne les mêmes résultats.

Mais si l’on veut fondre à feu une des mines de cuivre, de plomb, d’étain, de fer, ou réduire leurs chaux ou scories, on se servira du cendrier, (fig. 32.) qui contient un catin ou accommodage, & l’on observera de déboucher d’abord avec un couteau les ouvertures e & d fermées par le garni, de retrancher proprement les bavûres, & de remplir d’argille les petites cavités. On assujettira dans l’ouverture d, à gauche du soupirail, le cône de tôle o destiné à recevoir la tuyere du soufflet à deux ames. On parlera de la disposition que doivent avoir le cone & le soufflet, quand on traitera les opérations qui exigeront cet appareil. Le trou arqué c du cendrier sert à différens usages ; on connoît par-là, au moyen d’un crochet de fer, si la matiere contenue dans le bassin de réception est fondue ou non : par-là on a la facilité d’écarter les corps qui pourroient fermer le passage du vent du soufflet, comme aussi de retirer les scories qui s’y trouvent dans de certaines occasions. Il est à-propos de luter intérieurement la jointure qui résulte de l’assemblage du cendrier, & du corps du fourneau, afin de ne plus faire qu’une seule & même surface de ce qui étoit séparé avant. Avant que de mettre dans le fourneau la matiere qu’on a à fondre, on y jette du charbon de la hauteur d’un pan ; on l’allume & on l’anime avec le soufflet, afin de rougir le bassin : faute de cette attention, ces scories se refroidissent & se congelent avant que la matiere réguline se soit précipitée & réunie. On fournit de nouveau charbon à mesure qu’il s’en consume ; le bassin étant convenablement échauffé, on met du charbon de nouveau, puis de la matiere à fondre : mais il faut faire attention que la quantité n’en soit pas assez considérable pour empêcher l’action nécessaire du feu. On ne peut déterminer ici cette quantité, parce qu’il n’y a que l’expérience seule qui puisse l’apprendre. On met un nouveau lit de charbon, & par-dessus un lit de matiere à fondre ; & ainsi successivement, en faisant plusieurs couches les unes sur les autres. Si la matiere fondue n’étoit pas capable de soûtenir un certain tems l’action du feu, ou que l’on en voulût fondre à-la-fois une plus grande quantité que le bassin n’en peut contenir ; on creuseroit pour lors dans le lut du bassin un canal, qui, commençant dès sa petite cavité g, iroit aboutir à l’ouverture circulaire (fig. 32. e) du cendrier ; & l’on recevroit dans un catin ou autre vaisseau garni d’un mélange d’argille & de charbon (fig. 33. i), la matiere qui découleroit du premier. Nous avons déjà dit que ce ne seroit qu’en décrivant les opérations qui se font par cet appareil, qu’on pourroit détailler les précautions qu’elles exigent par leurs variétés.

Le fourneau qui vient d’être décrit peut encore servir à d’autres opérations, soit en l’employant tel qu’il est, soit en y faisant des changemens. Nous en parlerons encore dans la section des polychrestes ; il est tiré de Cramer, part. I. nous en allons décrire d’autres qui en approchent, & qui peuvent en avoir donné l’idée. Voyez celui de Beccher.

Le fourneau de fusion qui doit être placé ici, est celui que nous a donné Beccher dans son laboratoire portatif, que nous avons marqué fig. 71. mais comme cet auteur en a plus fait un polychreste que toute autre chose, & qu’il n’y a presque rien à en dire sur la fusion, que nous n’ayons dejà dit à l’occasion de celui qui précede, ou que nous ne soyons sur le point de dire au sujet de celui de M. Pott, dont nous allons parler, nous n’en ferons mention qu’à la section des polychrestes.

Mais je crois devoir parler avant d’un fourneau qui mérite attention par sa singularité : il est tiré du commerc. litterar. de Nuremberg, ann. 1741. p. 224. & Pl. II. fig. 8. On en parle comme d’un extrait des ouvrages de M. de Kramer de Vienne, qui s’exprime en ces termes : « Je serois fâché de passer sous silence que j’ai connu il n’y a pas long-tems une nouvelle espece de fourneaux chimiques. Voyez nos Planches de Chimie, fig. 37. n°. 2. Ces sortes de fourneaux sont portatifs, & propres à toutes sortes d’opérations chimiques ; ils ne deviennent jamais rouges à l’extérieur, quoiqu’ils puissent donner intérieurement tous les degrés de chaleur : on peut même y pousser le feu au point d’y mettre en fonte toutes les terres connues ; ils ne font d’ailleurs aucun mal, pourvû qu’ils soient placés sous une cheminée. Ces propriétés sont particulierement fondées sur trois conditions ; la matiere dont on les fait, leur figure, & leur construction. On employe pour les faire une espece de pierre tendre & legere, qu’on appelle pierre ollaire ; il est bon d’observer qu’elle est plus legere que la pierre ollaire de Pline, à laquelle les Suisses donnent le nom latin d’appen-zellensis, ou de clarensis, que Scheuchzer a fait connoître dans sa description de la Suisse, & qu’elle est d’une nature bien différente. On en tire beaucoup à Hesse-Cassel, ou plûtôt dans la province de Nassau, & dans la Thuringe, tout près d’Ilmeneau, où on l’employe principalement à la construction des édifices, parce qu’on peut la tailler & la scier. Quand on veut l’employer au fourneau en question, on en façonne plusieurs segmens circulaires de la maniere que la figure du fourneau & la nécessité de les maçonner exactement ensemble, l’indiquent. D’ailleurs, on arme ces segmens depuis le bas jusqu’au haut du fourneau de cercles de fer qui les empêchent de se désunir & de se briser. On en construit un fourneau cylindrique extérieurement à la hauteur d’environ trois piés ; on le couvre d’un dôme fait de la même pierre, & dont la figure varie selon les différentes opérations ; la grille peut se placer à différentes hauteurs. Pour donner accès à l’air ; il n’est question que de déplacer un ou deux segmens circulaires, suivant le degré de feu qu’on veut donner. La cavité de ce fourneau est telle, que dans quelque point qu’on le coupe, pourvû que ce soit horisontalement, on aura une ouverture parfaitement ronde : mais si on l’examine de-haut en-bas, on trouvera qu’il est formé par deux demi-ellipses ; au reste tout est dans l’exactitude. Je ne doute point qu’on ne puisse au moyen de ce fourneau séparer l’argent que je sais faire la moitié du plomb ; car cette opération ne se fait qu’au moyen d’une vitrification excitée par un feu de la derniere violence, & de vaisseaux qui y résistent, qu’on doit faire de cette pierre ».

On trouvera ce fourneau mieux figuré dans de Sgobbis, Pl. II. lettre Z, que dans nos Pl. parce que nous avons voulu prendre la figure trait pour trait, quoique la description la rectifie. Il n’est je crois pas besoin d’avertir que le dôme doit avoir un regître au milieu, quoiqu’on n’en voye rien dans la figure.

La fig. 38. représente un fourneau de fusion qui produit des effets inconnus jusqu’ici : quoiqu’il soit imité de celui de Beccher, comme son auteur l’avance, nous avons cru que nous devions les prendre tous deux, parce qu’ils ont des différences considérables ; nous les examinerons dans la suite : c’est M. Pott qui parle.

Lorsque j’ai dit dans mon traité de Lithogéognosie, que le feu des cuisines & des fonderies n’étoit pas assez fort pour les opérations & les fusions que j’ai décrites dans le cours de cet ouvrage, j’ai aussi au en vûe les fourneaux des Apothicaires, & même ceux des verreries & des manufactures de porcelaine, dans lesquels on ne mettra pas en fusion, quoiqu’à l’aide d’un feu de plusieurs jours, les matieres que je ferai fondre dans mon fourneau avec un feu de deux heures, comme les grenats orientaux, ceux de Bohème, & même les Hyacinthes.

Mon fourneau est à-peu-près le même que celui dont Beccher a donné la description dans son laboratoire portatif, pag. 32. il sera facile d’en voir la différence. Le corps de mon fourneau AA est fait de lames de fer, afin qu’il soit en état de mieux résister à l’action du feu : le dedans est enduit d’argille blanche, crue, mêlée avec parties égales de la même argille, détrempée dans du sang de bœuf.

BB est aussi couvert de lames de fer, & enduit de même en-dedans ; il se met sur le corps AA, & contient la porte D, par laquelle on met le charbon, & le tuyau de fer A, dans lequel on emboîtera un autre tuyau H, qui ait au moins six piés de long. Plus ce tuyau sera long, & plus le feu agira avec force ; il faut attacher ce tuyau dans la cheminée avec une chaîne de fer, de peur que par son poids il ne vienne à faire pencher le fourneau.

Si on vouloit que ce fourneau augmentât encore plus la violence du feu, il faudroit ajoûter un tuyau C à l’ouverture B du cendrier, de façon que l’entonnoir C placé hors de la fenêtre, pût attirer de fort loin l’air extérieur dans le fourneau.

On ne doit employer dans ce fourneau que des charbons de la grosseur d’un œuf de poule ou d’oie ; ceux qui se trouveront plus petits ou plus gros, doivent être rejettés ; il faut emplir le fourneau de charbon presque jusqu’au haut, afin que le creuset soit toûjours couvert de charbon allumé, & le feu dans toute sa force. Il faut aussi avoir soin de mettre des charbons ardens dans le fourneau au-moins toutes les huit minutes : on doit ensuite fermer promptement & exactement la porte ; par ce moyen tout ce qui est fusible dans la nature sera mis en fusion dans l’espace d’une heure ou deux. Pott, Lithogéognosie, part. I. pag. 421.

Nous n’avons point donné l’échelle de M. Pott, parce qu’elle est particuliere à son fourneau ; mais en voici les rapports. Suivant cette échelle divisée en cinq piés, le cendrier de son fourneau est haut & large d’un pié ; le corps est haut de deux piés deux pouces, & a un pié neuf pouces de diametre dans la plus grande capacité de son ventre. On sent bien que le bas a un pié de diametre, ainsi que le cendrier : son dôme BB, ainsi que l’ouverture supérieure du corps du fourneau, a seize pouces de diametre, & sept ou huit pouces de haut jusqu’à la naissance de son tuyau, qui a environ cinq pouces de diametre dans le bas. La porte du cendrier y est trop élevée, devant être de niveau avec le sol. L’on conçoit qu’elle doit être plus large que le tuyau supérieur. Si l’on prévoit que l’on soit obligé dans quelque cas d’appliquer le canal e, il faudra la faire ronde, ou boucher les vuides avec de l’argille & des platras.

Ce fourneau, comme on le peut voir, a encore beaucoup de ressemblance avec celui de fusion de M. Cramer, fig. 26. & suiv. Néanmoins il y a entre eux des différences essentielles qui nous les ont fait admettre tous les deux. Celui de M. Cramer est plus composé & plus varié, & conséquemment peut être appliqué à plus d’opérations ; mais celui de M. Pott donne le plus fort degré de feu qui ait jamais été produit par aucun fourneau.

La fig. 39-44. trouvera aussi sa place avec les fourneaux de fusion, quoiqu’elle serve plus particulierement à la vitrification des terres, pierres, &c. qui n’est au fond qu’une fusion de ces mêmes corps. Le fourneau nécessaire à ces sortes d’expériences, se trouve représenté dans la Pl. XI. de l’art de la Verrerie de Kunchel, mise en françois par M. le baron d’Holbach. Mais comme M. Cramer s’en est beaucoup servi pour les émaux, &c. il l’a corrigé de façon que le feu peut être donné plus fort aux vaisseaux, qu’on y peut introduire plus de choses, & que les torréfactions & calcinations nécessairement longues en pareil cas, peuvent se faire en même tems que le reste.

Pour le construire, on employe des pierres capables de soûtenir la violence du feu. C’est ce qu’il est aisé de connoître, si l’on se sert d’une pierre pareille pour soûtenir un creuset dans lequel on fait une fusion qui demande un feu vif, telle que celle du cuivre ; car si elle n’adhere pas au fond du creuset, quand on le retire ; si elle ne prend point de vernis, à-moins que ce ne soit un très-leger enduit ; si elle ne se gerse point, & si elle garde sa dureté étant refroidie, alors on peut être sûr qu’elle a toutes les qualités requises. Il faut rejetter comme mauvaises celles qui, après avoir soûtenu un grand feu, se fendent en refroidissant. On peut se servir pour mortier de la composition argilleuse dont on a fait les briques du fourneau, si c’en est qu’on employe, ou celle dont on a fait les moufles d’essai. On observera que les pierres joignent si bien entr’elles, que le trait de rustique soit très-petit, c’est-à-dire qu’une legere couche de mortier suffise pour les maçonner.

Il faut qu’il y ait dans le lieu où l’on construira le fourneau en question une cheminée pompant bien la fumée ; que toutes les grandes ouvertures qui s’y trouvent puissent être fermées exactement ; & que le fourneau soit placé près de la cheminée, de façon que l’artiste puisse tourner librement autour.

La figure extérieure d’un fourneau peut être celle d’un cylindre terminé par une voûte. Son diametre sera de 24 pouces, ou plus, selon la différence des pierres : sa hauteur de 48 ; l’épaisseur du mur dans les endroits les plus minces sera au-moins de quatre pouces ou de six : sa cavité intérieure sera divisée en chambres, dont la voûte doit suivre la direction d’une ligne parabolique. La plus basse qui sert pour le cendrier, sera haute de 12 pouces, & son plus grand diametre ou l’inférieur en aura 14, & ainsi l’on voit quelle est la direction de la ligne parabolique. On fera à sa voûte une ouverture de 10 pouces de diametre ; en sorte qu’il ne restera sur son dos qu’un bord circulaire de deux pouces. Ce bord sert à soûtenir des barres de fer équarries que l’on met sur cette ouverture, au lieu d’une grille. On scelle ces barres à l’endroit du rebord d’une couche de lut de même épaisseur, qu’on applanit avec soin, pour qu’elle puisse recevoir les vaisseaux qu’on y place de toutes parts. On laisse à la base du cendrier une ouverture ou soupirail en quarré long, large de six pouces sur quatre de haut, qui se ferme avec une porte de fer roulant sur des gonds.

La seconde chambre élevée sur la premiere, est le foyer ou lieu recevant l’aliment du feu. Elle est de même largeur & hauteur que la précédente, excepté que les pierres n’en soûtiennent pas si bien l’action du feu. C’est pour cette raison qu’on lui donne quelques pouces de plus en largeur, & qu’on remplit cet excédent d’un garni soûtenant la derniere violence du feu. Ce garni se fait, si l’on n’en a point d’autre, de creusets d’ipsen pilés, qu’on mêle avec l’argille la plus réfractaire qu’on peut trouver. Au milieu de la voûte est un trou circulaire de six pouces de diametre, dans la circonférence duquel la voûte n’a qu’un doigt d’épais. Sur le dos de cette voûte est un emplacement large de quatre pouces, servant à mettre les vaisseaux. Dans la circonférence de cette chambre on fait sept portes arquées, à égales distances les unes des autres, six desquelles sont larges & hautes de six pouces, & dont la septieme a deux pouces de plus. Leurs bases sont éloignées de deux pouces de la couche du lut qui assujettit les barres de fer, laquelle doit être regardée comme le pavé de cette chambre. Le mur du fourneau est diminué d’un tiers de son épaisseur, entre la base de chaque porte & le sol de la chambre. Toutes les portes sont garnies de fermetures roulant sur des gonds, faites ainsi que nous venons de le dire, en décrivant la fig. 26. & couvertes d’un garni de deux doigts d’épais ; elles seront reçues dans une feuillure large de quelques lignes, & de même profondeur que l’épaisseur du garni. Chaque fermeture a d’ailleurs à sa partie supérieure un petit trou, à-travers duquel on peut voir aisément ce qui se passe dans le fourneau.

La troisieme chambre, supérieure à la seconde, est parfaitement semblable aux deux précédentes, si ce n’est que sa voûte est plus basse de deux pouces, & que le trou au moyen duquel elle communique avec la quatrieme chambre, est de quatre pouces en quarré seulement, & n’est pas dans le milieu.

La quatrieme & derniere chambre est de même largeur que les autres ; mais sa voûte n’est élevée que de huit pouces. A l’opposite du trou qui établit la communication de cette chambre-ci avec l’inférieure, & à deux pouces de son pavé, est un tuyau cylindrique de tôle de quatre pouces de diametre, servant à déterminer la fumée & la flamme dans cette chambre. Entre ce trou & ce tuyau ou cheminée, est une ouverture haute & large de six pouces, commençant dès le sol de la chambre. Elle est garnie d’une fermeture de fer, & sert à introduire & retirer les vaisseaux. Ce fourneau est exécuté dans le laboratoire de M. Roüelle.

On se sert de ce fourneau de la maniere qui suit. On allume le feu dans la seconde chambre ; il se fait de charbon ou de bois sec, & principalement de hêtre, qu’on y introduit par la maîtresse porte. Mais il est bon d’observer les choses suivantes, quant au choix d’une pâture propre à donner un feu violent en général. Si l’on veut donner la derniere violence du feu à un vaisseau absolument couvert de son aliment, il faut que les charbons soient petits ou d’une grosseur médiocre, & que les tourtes n’ayent pas plus de trois doigts de haut, si les vaisseaux sont grands, ni moins d’un, s’ils sont petits. Mais si l’on met les vaisseaux à côté ou dessus l’aliment du feu, comme il arrive d’ordinaire dans ce fourneau, pour leur donner la chaleur & la flamme la plus vive, il faut préférer en ce cas le bois & les gros charbons. Maintenant si l’on fait dans le mur du laboratoire une ouverture un peu grande, ou du moins égale au soupirail, qu’on établisse un canal de tôle ou de planches qui conduise de l’un à l’autre, & qu’on ferme d’ailleurs le laboratoire de tous côtés, pour qu’il n’y entre que peu d’air : alors son action est d’autant plus rapide par ce canal, que la cheminée du laboratoire est échauffée ; de sorte qu’on parvient à donner au feu un degré de la derniere violence. Il sera si vif aux petites portes de la seconde chambre, que quelques onces de cuivre, jettées sans addition dans un creuset rougi, seront fondues au bout d’une minute, bouilliront, & seront beaucoup plus embrasées qu’il n’est nécessaire, pour lui faire prendre dans un moule la figure qu’on veut. On met les vaisseaux par ces petites portes, & on les place sur le lut servant à assujettir les barres de fer faisant l’office de grille. On place autant de vaisseaux dans le pourtour de la chambre, qu’il y a de portes. Les vaisseaux qu’on y introduit, avant que le fourneau soit parfaitement chaud, peuvent se poser sur une tourte épaisse d’un pouce, & difficile à vitrifier. On peut voir & examiner la matiere contenue dans les vaisseaux par le petit trou pratiqué dans cette porte. Comme le sol de la troisieme chambre est beaucoup plus large que celui de la précédente, il est capable de tenir un double rang de douze vaisseaux chaque, ou plus s’ils sont de médiocre grandeur. Le feu n’est pas si fort dans celle-ci que dans la précédente, & son degré n’est que celui d’une fonte médiocre. Enfin dans la quatrieme & derniere le feu est beaucoup plus doux. Il y est très-propre aux calcinations & grillages, qu’on doit faire à un feu leger ; car les vaisseaux ne font qu’y prendre un commencement de rougeur. Si l’on veut les placer dans le fourneau déjà embrasé, on les chauffera bien d’abord ; ensuite on les mettra dans la quatrieme chambre, après quoi ils seront en état, par le rouge médiocre qu’ils auront pris, de passer dans la troisieme ou seconde.

Avant que d’allumer le feu, il faut avoir des appareils pour plusieurs opérations. On fait ainsi quantité d’expériences avec très peu de peine, en peu de tems, & à peu de frais. Enfin M. Cramer assûre qu’il n’en a jamais fait qui lui ayent procuré autant de plaisir que celles qu’il a faites dans le fourneau en question, quoiqu’elles soient d’ailleurs très-ennuyeuses, parce que le feu doit y être très-fort & très long-tems soûtenu dans le même état ; & il affirme qu’il avance peu, en disant que tout en est dix fois plus aisé, si on en sait tirer parti.

Les vaisseaux qu’il employe pour son fourneau, sont des creusets & des tutes qu’on y place avec ou sans couvercle. Mais si l’on est obligé d’examiner ou d’agiter souvent la matiere qu’ils contiennent, & de les garantir en même tems de la chûte des cendres qui voltigent, il faut faire une échancrure à leur bord supérieur, puis y appliquer une fermeture qu’on assujettira avec du lut. On peut encore construire exprès des vaisseaux cylindriques fermés par le haut, n’ayant qu’une ouverture par le côté, qu’on aura soin de tourner vers la porte, enfin ce qu’on appelle des creusets de Verrerie. Si l’on se sert de creusets triangulaires, il faut que l’un des angles soit dirigé vers le centre du fourneau, & le côté opposé tourné du côté des portes. Faute de ces précautions, les vaisseaux sont sujets à se fendre.

Au défaut de ce fourneau, M. Cramer s’est servi autrefois, avec assez de succès, de son athanor que nous avons marqué fig. 56. & que nous décrirons plus bas. Il ajustoit une trompe à son cendrier comme au précédent ; il plaçoit les vaisseaux sur des tourtes dans la chambre voisine de la tour ; il levoit tout-à-fait la plaque de fer destinée à empêcher l’accès du feu de la tour dans la premiere chambre ; il maçonnoit la porte de cette chambre avec des briques & du mortier, laissant pour introduire les vaisseaux deux petites portes qu’il fermoit avec des pistons ; il plaçoit les vaisseaux qui demandoient le plus grand feu tout près de la fenêtre biaise, au moyen de laquelle le feu passe du foyer dans la premiere chambre ; ceux à qui un feu plus doux suffisoit, au milieu de la chambre, & vis-à-vis la même fenêtre. Mais comme les pierres n’étoient pas des meilleures, & qu’il y avoit soûtenu pendant deux jours un feu de la derniere violence, le fourneau s’étoit tout détruit, & les tourtes s’étoient confondues avec les pierres vitrifiées, quoiqu’il ne se fût pas répandu de verre des vaisseaux ; inconvénient qu’on doit prévenir avec tous les soins imaginables ; car s’il arrive un certain nombre de fois, le fourneau est hors d’état de servir davantage.

Des fourneaux d’essai. Ce sont ceux dont nous avons donné la description à l’article Essai, & qui dans nos Planch. de Chimie sont marqués fig. 45-48. 49-50-53. 54 & 55. leur place naturelle eût été celle-ci. Après les fourneaux de calcination & de fusion, doivent venir ceux qui sont cela tout-à-la-fois ; mais nous nous contenterons d’y faire quelques additions. Voici les proportions que les fournalistes de Paris donnent à ceux qu’ils font en terre, fig. 54. Ils font un sol de 18 ou 20 lignes d’épaisseur, de 12 ou 13 pouces de large, ou d’un côté à l’autre, & de 13 ou 14 pouces de devant en-arriere ; quelquefois ils le font tout-à-fait quarré, & le fourneau en est tout aussi bon. Tantôt il est plus grand, & tantôt il l’est moins ; cela dépend du nombre d’essais qu’on y veut faire à-la-fois, & de la quantité de matiere qu’on a à y traiter. Ils élevent ensuite des murailles à la hauteur de trois pouces ou trois pouces & demi ; & c’est pour lors qu’ils pratiquent le petit rebord qui soûtient les barres faisant l’office de grille. Ces murailles ont aussi 18 ou 20 lignes d’épais. Ils pratiquent trois ouvertures ou soupiraux au cendrier, une en-devant & une de chaque côté. Toutes trois ont en largeur quatre pouces & demi d’embrasure réduits à quatre pouces en-dedans sur trois de hauteur. Au-dessus des barres-grilles qui sont posées en losange, & qui, ayant huit lignes d’équarrissage, occupent environ un pouce d’épaisseur horisontale, ce qui fait quatre pouces & demi de haut, ils élevent encore les murailles de deux pouces, & quelquefois de trois ou quatre, avant que de faire les trous pour placer les barres soûtenant la moufle. Ces trous sont au nombre de quatre, deux devant & deux derriere. Ils ont huit ou neuf lignes de diametre pour recevoir des barres rondes de même grosseur à-peu-près. Comme ces barres terminent la couche de charbon placée entre la grille & la moufle, & que cette couche ne suffit pas à beaucoup près pour la plûpart des essais, nous avons déjà remarqué à leur article que c’étoit un inconvénient à corriger, & qu’il falloit quatre ou cinq pouces, au lieu de deux, entre la moufle & les barres-grilles. Cet espace doit même être plus considérable, quand on veut employer ce fourneau à l’émail, soit tel qu’il est, soit modifié de la façon particuliere qui convient à ce genre de travail. Voyez Email. Du-dessus des barres au haut du fourneau, il y a cinq ou six pouces d’espace. Deux ou trois lignes au-dessus de ces mêmes barres, on fait une ouverture demi-circulaire de cinq ou six pouces de large en-bas sur trois ou quatre de haut dans son milieu. C’est la porte de la moufle. Quand celle-ci est un peu longue, & qu’on y place des vaisseaux un tant-soit-peu grands, il manque de l’élévation à sa porte. Ainsi on ne risque rien de la faire d’un pouce ou d’un demi-pouce plus haute. Au-dessus de ce corps qui est en tout haut de quinze pouces, est le dôme en pyramide quarrée haute en tout de cinq pouces, & se terminant par une ouverture de quatre pouces aussi quarrée. Cette ouverture doit se terminer de façon qu’on y puisse ajuster la buse i ou naissance de tuyau qu’on voit au-dessus de la fig. 54. pour augmenter le feu, & avoir la facilité de continuer cette cheminée. Ainsi la hauteur totale du fourneau est de vingt pouces sans sa cheminée.

On fait encore des fourneaux d’essai sur le champ avec des briques & des barres de fer, ou bien une grille d’une seule piece. On leur laisse en côté une fenêtre pour observer si le charbon s’affaisse bien sous la moufle & à ses côtés : cette fenêtre est aussi nécessaire dans les autres especes de fourneaux d’essai.

Le fourneau d’essai sans grille qu’on voit représenté Planche I. tome I. de Schlutter, & fig. 55. de nos Planches, est celui de Fachs. Ercker en a senti les inconvéniens, & préfere celui qui a un cendrier. Le fourneau de Fachs se trouve dans Libavius & Glaser. Celui de Cramer est pris d’Ercker. Il est précisément le même, si on en excepte peut-être que les deux portes en coulisse du cendrier ont chacune, de même que celles de la bouche du foyer, un trou qui n’y est pas fort nécessaire. Celui qu’on voit dans Rhenanus est aussi le même que celui d’Ercker.

Fachs a fait beaucoup de corrections aux fourneaux d’essai d’Agricola ; mais il les a laissés sans grille. Ceux d’Agricola sont très-défectueux ; ils ressemblent assez à certains fourneaux d’émail qui sont encore aujourd’hui en usage.

Stahl me paroit être le premier qui ait demandé pour les fourneaux d’essai, comme pour ceux de reverbere, un tuyau ajusté à leur dôme, fund. chem. p. 44. Il avance p. 157. que l’espece de fourneau en question ne demande pas, pour être construit, autant de précision qu’on l’a cru, & que c’est s’amuser à des inutilités & à des minuties ; que les qualités que doit avoir un fourneau d’essai se réduisent à ce qu’il pompe bien l’air, & puisse fondre de l’argent. Ces vûes sont remplies par des regîtres placés à la partie supérieure du fourneau, un cendrier garni de sa porte, & un couvercle pour donner froid, par une juste proportion de la moufle & une distance de deux doigts entr’elle & les parois du fourneau. On verra par la lecture de cet article, si Stahl n’a pas pu se tromper.

Le fourneau d’essai à l’angloise (fig. 45-49.) en brique, & celui qui est en terre, dont nous avons donné la description, ne se trouvent, que je sache, qu’une fois chacun à Paris.

Le fourneau d’émail qu’on voit dans Haudicquer de Blancourt, est sans grille comme tous les autres. Il est plus que probable que l’émail qui doit son origine à la chimie, lui doit aussi le fourneau qui y est employé. C’est le fourneau d’essai qu’on a pris, mais le fourneau d’essai sans grille. Depuis ce tems les Chimistes ont corrigé ce défaut de grille ; mais les Emailleurs qui en ont été séparés n’ont point profité de cette correction ; & cela n’est point étonnant. La plûpart des essayeurs eux-mêmes ne l’ont pas encore admise ; & l’on fait même encore des essais avec une moufle sans sol, comme celle des émailleurs ordinaires : construction qui peut avoir ses avantages pour les essais, mais qui me paroît n’avoir que des inconvéniens pour l’émail. Voyez Moufle.

On n’a mis à l’article Essai que ce qui regardoit la construction du fourneau de la fig. 50-53. au-moins s’est-on peu étendu sur son usage général. Le voici. Pour faire usage de ce fourneau, l’artiste l’élevera de deux ou trois piés, de quelque façon qu’il le fasse, afin qu’il puisse voir commodément par l’embouchure de la moufle les progrès de l’opération, sans être obligé de se baisser. Il passera dans les quatre trous inférieurs qui répondent les uns aux autres, deux barres de fer épaisses d’un pouce, & de telle longueur que leurs extrémités débordent un peu les parois du fourneau de chaque côté. Ces barres sont destinées à soûtenir la moufle qu’on introduit par l’ouverture supérieure du fourneau, avant que d’y mettre le dôme pyramidal ; on la place de façon que son embouchure ne semble faire qu’une seule & même piece avec le bord de la porte qu’on appelle de son nom : après quoi on la lute avec ce même bord, parce qu’il faut l’assujettir. La substance qui doit servir d’aliment au feu & la grille se mettent par le haut du fourneau, dont le dôme doit être conséquemment mobile encore pour cette raison, & assez leger. Les charbons faits de bois dur, & surtout ceux de hêtre, sont les plus propres pour ces sortes de circonstances. On les met par morceaux de la grosseur d’une noix, & l’on en couvre la moufle d’une couche de plusieurs pouces. Nous donnons l’exclusion aux charbons qui sont plus longs ou plus gros, parce qu’ils ne se rangent pas bien autour de la moufle, & ne remplissent pas exactement l’espace étroit qui est entr’elle & les parois du fourneau : d’où il arrive que le feu est, ou inégal, ou trop foible, à cause des vuides qui se rencontrent nécessairement pour lors. C’est pour cela que nous avons conseillé de faire une petite porte à côté du fourneau. Il est cependant un juste milieu duquel on ne peut s’écarter ; car si l’on cassoit le charbon trop petit, la plus grande partie passeroit à-travers la grille, & tomberoit dans le cendrier ; ou bien se réduisant trop promptement en cendres, elle boucheroit bien-tôt la grille par la quantité en laquelle elle s’y amasseroit, & empêcheroit le libre passage de l’air, qui est si nécessaire en pareille occasion.

Comme les opérations qu’on fait avec ce fourneau exigent pour l’ordinaire un feu conduit avec exactitude, on fera attention aux circonstances suivantes. 1°. Le fourneau étant plein de charbons allumés, si l’on ouvre entierement la porte du cendrier, & qu’on approche l’une de l’autre les coulisses de la porte de la moufle, on augmente le feu. Son action deviendra plus forte, si on met le dôme, & qu’on lui adapte le tuyau de deux piés (fig. 49.). 2°. Mais on aura un feu extrème, si, laissant le fourneau dans l’état dont nous venons de parler, excepté la bouche de la moufle qu’on ouvrira, on lui applique le canal de tôle rempli de charbons ardens. On est rarement obligé d’en venir à cet expédient pendant l’opération ; on n’y a recours que quand on commence à allumer le feu, parce que ce seroit en pure perte qu’on attendroit patiemment pendant quelques heures qu’il eût acquis le degré d’activité convenable. On est encore obligé de recourir à cette disposition, quand on a à faire une opération qui exige un feu violent pendant un tems chaud & humide, l’air étant en stagnation, & n’étant plus capable par la diminution qu’il souffre de son ressort, de donner au feu l’activité nécessaire au succès de l’entreprise. On peut déduire de ce que nous avons dit, quels doivent être les moyens de diminuer le feu.

Lorsqu’il a été poussé à la violence qu’il peut avoir dans le fourneau en question, elle devient moindre si l’on retire les charbons du canal de tôle, & si l’on ferme la porte de la moufle ; on lui ôtera encore un degré d’activité en retranchant le tuyau du dôme ; l’action du feu se ralentira encore, si on ne laisse la porte de la moufle fermée que par la coulisse qui a la plus petite ouverture : sa diminution sera plus considérable, si on lui substitue la seconde coulisse dont l’ouverture est plus grande. Le feu enfin sera encore affoibli si l’on ôte le dôme, & s’éteindra ensuite tout-à-fait, si l’on ferme en tout ou en partie la porte du cendrier, puisqu’on interdit par-là le passage à l’air, dont le jeu est nécessaire à l’entretien & à l’augmentation du feu. On a encore un moyen de diminuer l’ardeur du feu presque tout-d’un-coup si l’on veut, c’est d’ouvrir tout-à-fait la bouche du foyer ; car l’air froid qui y entre pour lors avec impétuosité, raffraîchit tellement les matieres qui sont placées sous la moufle, qu’il n’est point d’opération qui demande un degré de feu si foible, puisque l’ébullition du plomb cesse même entierement. Si l’on voit que le feu commence à manquer, ou même à devenir inégal dans quelque endroit de la moufle, c’est une preuve que le charbon ne s’est pas affaissé à-mesure qu’il a brûlé, ou bien même avant qu’il fût allumé, & qu’il a laissé conséquemment des vuides entre la moufle & les parois du fourneau : ainsi on les fera tomber à l’aide d’une petite baguette de fer qu’on introduira par l’œil du fourneau. S’il arrivoit que le feu fût plus fort d’un côté de la moufle que de l’autre, on pourroit le diminuer incontinent, si on le jugeoit à-propos, avec un instrument ou regître. On saura en général qu’on n’aura promptement un degré de feu égal & convenable, qu’autant qu’on aura la précaution d’ôter les cendres & de nettoyer le foyer avant que d’y mettre le charbon. Voyez Essai, Moufle, &c.

Des fourneaux d’affinage & de raffinage. Les fourneaux qui servent à ces deux opérations sont exactement les mêmes ; ce sont ceux que nous avons représentés fig. 17. 18. 19. 20. 21. & 22.

Un fourneau d’essai est bien certainement un fourneau qui peut servir à l’affinage & au raffinage de l’argent ; mais il n’est pas fait pour qu’on y en puisse traiter une grande quantité à-la-fois : ce n’est pas que notre dessein soit de parler de l’appareil en grand qui sert à ces sortes d’opérations ; il n’entre point dans notre plan : mais nous allons donner les fourneaux qui peuvent être nécessaires au chimiste, qu’on trouve dans les monnoies & chez les Orfevres, & qu’un essayeur ne peut se dispenser d’avoir. Nous n’avons point parlé des fourneaux de liquation qui auroient dû précéder ceux-ci, non-seulement parce qu’ils demandent une grande suite de fourneaux, mais encore parce que cette opération regarde strictement les travaux en grand. On ne liquéfie l’œuvre ou plomb chargé de l’argent du cuivre, qu’après l’avoir fondu avec ce cuivre dans un fourneau à raffraîchir ; après quoi on le passe au fourneau de liquation, puis à celui de l’affinage ; pendant que d’un autre côté on desseche les pieces de liquation dans un fourneau de ressuage : toutes opérations qui sont du ressort de la Métallurgie. Dans les essais on détruit le cuivre, & on a d’ailleurs tous les jours beaucoup d’argent allié, de la vaisselle, &c. à affiner & raffiner, comme à départir.

Le fourneau (fig. 17 & 18.) est tiré de Schlutter : cet auteur rapporte qu’en Bohème, en Saxe, en Hongrie, & ailleurs, les fourneaux d’affinage sont construits à-peu-près comme une forge ; mais cette forge est couverte d’une voûte au milieu de laquelle il y a une cheminée, au-dessous est un arceau sur lequel se trouvent deux foyers pour deux tests ou coupelles ; chacun de ces foyers a quatre piés de long sur trois piés & demi de large : à côté est un mur à-travers lequel passent deux tuyaux de cuivre jaune, venant du soufflet, & c’est sur ce mur que la voûte est portée. Ce mur h, k (voyez la coupe & l’élévation) se fend en deux ou est creusé de chaque côté vis-à-vis les tuyaux du soufflet, pour pouvoir toucher à leurs robinets, & donner le vent du côté qu’il est nécessaire. Le soufflet qui est de bois, est monté sur son chassis ; on en tire la brimbale avec le pié : le vent de ce soufflet entre dans un porte-vent ou boîte de bois qui reçoit les deux tuyaux qui vont aux deux foyers. Comme il n’y a qu’un test occupé à-la-fois, on ferme exactement le canal de l’autre.

Les fig. 19-21. représentent un fourneau dont Schlutter se dit l’inventeur, & prétend n’en avoir pas vû de semblable ; il est vrai qu’on n’avoit pas encore appliqué le fourneau à fondre les canons, ou prétendu anglois, à l’affinage de l’argent ; mais il n’en existoit pas moins, & celui de Schlutter, à ce que je pense, n’en differe pas beaucoup, s’il n’est pas tout-à-fait le même, comme on va le voir. Ce fourneau se chauffe avec le bois ; il est construit en briques, & le sol en est élevé de trois piés, avec un cendrier de même hauteur à l’un de ses côtés : on place la grille au haut du cendrier, ou plûtôt un peu au-dessous du sol du fourneau, comme on peut la voir en b, fig. 19. C’est sur cette grille qu’on fait le feu, qui par conséquent se trouve à l’un des côtés du fourneau, le test ou coupelle étant à l’autre. L’endroit où se met le bois, & qui est séparé du sol en-bas par un petit mur, s’appelle la chauffe. La chauffe & le sol ou coupelle sont couverts d’une voûte commune c, fig. 19. Il y a devant le test une ouverture c (fig. 21.), en-travers de laquelle on met quelques barres de fer qui servent à faire entrer & sortir le test : quand il est placé, on ferme cette ouverture avec des briques, & on n’y laisse qu’une petite embouchure, comme on le voit même fig. 21. il y a pour mettre le bois dans la chauffe b, fig. 20. une autre ouverture a, qu’on ferme avec une porte de fer chaque fois qu’on y a jetté du bois. On place une plaque de fer fondu e, au-devant de ce fourneau ; & près du test d, (fig. 20.) on ménage dans l’intérieur du mur f, un tuyau pour la sortie de la flamme, f, fig. 21. La maçonnerie extérieure du fourneau a cinq piés de long & trois piés quatre pouces de large, y compris la plaque de fer. Le fourneau anglois est aussi plus long que large, & cela avec d’autant plus de raison que le sol en est ovale, au lieu qu’ici le sol ou la coupelle sont ronds. Le dedans est de deux piés de long sur un pié & demi de large. La grille de la chauffe a neuf pouces de large sur un pié six pouces de long. Le petit mur c, (fig. 19.) n’est guere élevé que de l’épaisseur d’une brique ou deux tout-au plus, parce que l’élévation de la chauffe doit se prendre sur le cendrier pour la place de la quantité de bois nécessaire : au reste, la grille b, (fig. 20.) est composée de barres de fer isolées & portées sur deux autres plus grosses posées en-travers dans des mortaises qui doivent avoir huit ou dix pouces de haut, afin qu’on puisse élever la grille ou la baisser à volonté, suivant la quantité qu’il faudra d’aliment au feu, & la nature de cet aliment. La voûte qui couvre tout ce fourneau ne doit être élevée que de quinze pouces ; mais cela doit s’entendre depuis la grille b, (fig. 19.) jusqu’à la voûte qui est immédiatement au-dessus ; car elle ne doit pas faire l’arc comme en e, mais aller toûjours en baissant jusqu’en f, commencement de la cheminée, pour rabattre la flamme & la déterminer sur le métal : ainsi la courbure de la voûte doit être prise dans un autre sens, c’est-à-dire que sa naissance ou chaque extrémité de son arc doit porter sur les murs des côtés, & non sur ceux gg, (fig. 21.) des extrémités ; ce qui est encore indiqué par la situation de la cheminée. Le cendrier est, comme la grille, large de neuf pouces ; son soupirail est de même largeur, & haut d’un pié : les poêles dont on se sert pour former avec des cendres le test où l’on met les matieres à affiner, sont de fer fondu. Voyez nos Planches & leur explication ; voyez aussi le fourneau anglois. Ce fourneau doit être très-utile dans un laboratoire philosophique ; il est meilleur que celui de nos fig. 15 & 16. qui pourtant peut avoir son utilité. Je dirai ici en passant, que les Anglois ont appliqué le fourneau qui porte leur nom à l’affinage ; je ne sai point si c’est depuis Schlutter ou avant ; mais ils y ont fait ce changement. Au lieu du massif qui porte le test dans notre fig. 19. il y a un vuide ; & la coupelle, qui est un cercle de fer de trois ou quatre piés de diametre, & haut de sept ou huit pouces, est soûtenue sur deux grosses barres de fer posées selon la longueur du fourneau. Il y a une petite ouverture au-dessus de la coupelle, comme en c, (fig. 21.) pour laisser passer le vent d’un gros soufflet, & une autre à l’opposite pour la chûte de la litharge : c’est ainsi qu’on affine une grande quantité de plomb à-la-fois. J’observerai encore ici une chose que j’ai déjà dite ailleurs ; c’est que Schlutter est tombé dans l’erreur sur l’origine du fourneau anglois : il rapporte, page 114. de l’édition publiée par M. Hellot, qu’on prétend qu’il a été inventé vers l’an 1698 par un medecin chimiste nommé Wrigth : mais ce medecin n’en a pu faire qu’une application à la fonte des mines de plomb & de cuivre d’Angleterre ; puisque le fourneau pour la fonte des cloches qui lui est absolument semblable, est très-ancien & remonte peut-être à quelques milliers d’années. Il est vrai qu’on n’en trouve point dans Agricola ; mais Biringuccio, auteur italien traduit en françois par Vincent en 1572, l’a figuré & décrit de plusieurs façons. Voyez cet auteur, p. 121. il l’appelle fourneau de réverbere. Wrigth tout au plus y a ajoûté la cheminée d’après les tuyaux des poêles & des fourneaux de fusion.

La fig. 22. représente un fourneau à vent à affiner l’argent dans un test sous une moufle ; cette figure est de M. Cramer, & se trouve aussi dans Schlutter : on s’en sert au hartz. On construit plusieurs de ces fourneaux le long d’un mur sur un foyer commun qui non-seulement sert de support, mais encore de tuyaux pour le jeu de l’air : pour cela on y fait des fentes étroites, comme on voit en e pour le passage de l’air ; ces fentes commencent des le pavé, & sont hautes de trois piés, comme le foyer ou support. Comme ces fourneaux sont à côté les uns des autres, l’air de chaque soupirail est conduit à leurs foyers par deux tuyaux tant d’un côté que de l’autre ; de sorte qu’un fourneau reçoit par quatre tuyaux l’air de deux soupiraux. Du fond de chaque fourneau s’éleve un tuyau de respiration qui a sa sortie près du mur & par-dessus le fourneau, comme on le voit en f ; à cela près que cette sortie est au milieu du dôme, & doit être par le côté ; les bases de ces fourneaux sont construites en briques ; ils le sont aussi en partie, & peuvent l’être en entier : mais on fait ordinairement leur dôme en terre, comme on le voit en B. Chacun d’eux a par le bas un pié huit pouces de large, & la même étendue en long, quand ils sont fermés par des briques ; leur hauteur est de deux piés, & ils se resserrent vers le haut, où il ne reste qu’onze pouces de large sur quinze pouces de long. Le devant demeure ouvert jusqu’à ce que le test & sa moufie y soient placés, comme on le voit en A, qu’on a représenté ouvert : alors on le ferme avec de méchantes briques, & on ne laisse d’ouvert que l’embouchure ; ou bien on y fait une très-grande porte en tôle g, comme en B, à laquelle on fait un petit guichet h pour le besoin. Le dôme est encore garni d’une autre porte i, roulant sur des gonds, comme la premiere, qui est l’œil du fourneau & l’endroit par où l’on jette le charbon : on arme ces fourneaux de cercles de fer & de plaques ; sans quoi il faudroit les rétablir souvent. Les poêles où l’on fait les tests sont de fer à l’ordinaire, & les moufles sont sans sol. Voyez ces articles.

Des fourneaux de verrerie. Nous n’entendons par-là que ceux qui peuvent être de notre plan, ou entrer, comme nous l’avons déjà répété plusieurs fois dans d’autres occasions, dans le laboratoire du chimiste. Ces sortes de fourneaux ne sont, à proprement parler, que des fourneaux de fusion ; la vitrification n’étant elle-même qu’une fusion, mais une fusion qui demande un degré de feu supérieur à celle des métaux. Cette nuance n’a pu nous déterminer à faire un article séparé des fourneaux de vitrification dont nous avions à parler ; on les a trouvés à la fin de la section des fourneaux de fusion : ce sont ceux du commercium litterarium, fig. 37. n°. 1. celui de M. Pott, fig. 38. & celui de M. Cramer, fig. 39-44 : on peut encore y ajoûter le fourneau de fusion, fig. 26.

Des athanors. Nous en avons représenté quatre dans nos Planches ; le premier est la fig. 56-60. celui de M. Cramer : le second est la figure 61. qu’on voit chez M. Roüelle : le troisieme est la fig. 62. dont M. Maloüin a donné la description, art. athanor : & le quatrieme, celui de Rupescissa, qui n’est qu’un fourneau philosophique : nous parlerons de celui-ci en son lieu, & nous donnerons en même tems quelques remarques sur le mot athanor.

L’athanor, le fourneau de la paresse, acedia en latin, tiré du grec ἀκηδὴς, ou qui ne donne aucun soin, est un fourneau où l’on entretient du feu long-tems. On construit 1°. avec des pierres capables de résister à un violent feu de fusion, une tour quarrée, (fig. 56. a a a a), dont les murailles épaisses chacune de six pouces, en doivent avoir dix de large dans œuvre, bbbb. On la fait plus ou moins haute, suivant le tems qu’on veut que le feu dure sans être obligé de lui donner de nouvel aliment ; on lui donne pour l’ordinaire cinq ou six piés de haut. 2°. Dans la partie la plus inférieure de cette tour, on fait une ouverture quarrée c, large & haute de six pouces, qu’on ferme exactement à l’aide d’une porte de fer roulant sur deux gonds, excédant le soupirail d’un pouce dans tout son contour, & reçûe dans une feuillure ou entaille à angles droits, large aussi d’un pouce, pratiquée tout-autour du bord extérieur du même soupirail. 3°. A dix pouces au-dessus du sol de la tour, on place une grille d, faite de plusieurs barres de fer d’un pouce d’équarrissage, & éloignées de trois quarts de pouce les unes des autres. On les dispose en losange, ou de façon que deux des angles d’une barre, sont opposés à ceux des deux autres barres au milieu desquelles elle est, & que les deux autres sont tournés l’un vers la partie supérieure de la tour, & l’autre vers l’inférieure. Cette disposition sert à favoriser la chûte des cendres. 4°. Immédiatement au-dessus de la grille on fait une autre ouverture e, arquée, large de sept pouces, & haute de six, garnie, comme le soupirail, d’une porte de fer suspendue sur deux gonds ; cette porte sera munie intérieurement de crochets de fer & d’un rebord qui remplira exactement l’ouverture de la tour, afin qu’elle puisse soûtenir le lut qui la doit garantir de l’action du feu. 5°. On ferme le sommet de la tour avec un couvercle ou dôme de fer f, garni d’une anse, & excédant l’ouverture de la tour de deux pouces dans tout son contour. On fait ce dôme d’une tôle épaisse, dont on forme une pyramide creuse, quarrée, ouverte par sa base, & se terminant par un bord presque tranchant qui est reçû dans une feuillure ou rainure d’égal contour, pratiquée dans le bord intérieur de la partie supérieure de la tour : telle est la construction de la principale partie de ce fourneau.

6°. Un pouce & demi ou deux pouces au-dessus de la grille d, on fait à la muraille droite de la tour une ouverture rectangle biaise, c’est-à-dire allant en montant du dedans de la tour en-dehors, gg, haute de quatre pouces & demi sur dix de large. Cette ouverture est faite pour établir une communication entre la tour & la cavité dont nous allons parler.

On construit donc cette cavité ou chambre tout contre la muraille percée de la tour : on la fait de pierre & de façon que sa partie inférieure est un prisme creux hhhh, haut de six pouces, long & large de douze, terminé par une voûte ii, décrivant un arc de cercle de six pouces de rayon ; ensorte que la hauteur du milieu de la chambre est en tout de douze pouces ; elle doit être totalement ouverte antérieurement, & garnie d’une porte de fer K, (fig. 59.) au moyen de laquelle on la ferme exactement. La surface intérieure de cette porte sera couverte d’un garni de deux pouces d’épais, qui sera soûtenu, comme nous l’avons dit en parlant de la porte du fourneau de fusion, & même de celle de la bouche du feu de la tour. Au milieu de cette porte on fera un trou circulaire ou plûtôt ovale l, de quatre ou cinq pouces de diametre, à la circonférence duquel on attachera perpendiculairement au plan de la porte une bande de tôle saillant en-dedans, également pour contenir l’enduit qu’on y appliquera. L’embouchure de la chambre sera pourvûe d’une feuillure large d’un pouce & profonde de deux, pour recevoir la porte lutée. L’usage du trou circulaire l, qui est au milieu, est de donner passage au cou d’une retorte ; & en cas qu’on n’en ait pas besoin, on la ferme à l’aide du piston A. Deux barres de fer horisontales nn, l’une en-haut & l’autre en-bas, tiennent la grande porte en situation, au moyen de quatre crochets de fer oooo, enclavés dans le mur près du bord de la même partie. 8°. Comme on doit être le maître de diminuer le feu, supposé que faute de l’avoir manié assez fréquemment, on lui ait laissé faire trop de progrès ; il est à-propos d’établir entre la tour & la chambre que nous venons de décrire, une porte de fer qui ferme l’ouverture oblongue gg, & qui intercepte par conséquent la communication qu’elles avoient entr’elles. On aura donc soin, en construisant la voûte de la chambre, de laisser entre elle & la muraille de la tour une rainure longue d’onze pouces & large d’un demi, laquelle descendra aussi perpendiculairement le long des bords antérieur & postérieur de l’ouverture de la tour gg, & un demi-pouce au-dessous de son bord inférieur. Cette rainure servira à maintenir une plaque de fer (fig. 58.) épaisse de six lignes, longue d’onze pouces & haute de cinq, & débordant par conséquent l’ouverture de toutes parts. A son bord supérieur seront attachées deux chaînes pp, pour l’élever ou l’abaisser. On les tiendra suspendues au moyen de deux clous à crochet **, scellés dans le mur adjacent de la tour, & posés perpendiculairement sur chaque chaîne, dont on pourra varier l’élévation au moyen des différens chaînons qu’on accrochera. La plaque de fer étant mise en place, on bouchera la rainure par laquelle on l’aura introduite, avec des pierres & du mortier, & on ne laissera que les deux petits trous nécessaires pour le passage des chaînes.

9°. Au côté droit de la chambre, à huit pouces de son fond, on construira avec des briques une cheminée qqqq, quarrée, haute de quatre piés, large de trois pouces & demi par le bas, & de trois seulement par le haut ; on la fermera avec une plaque de fer garnie d’un manche rr, (fig. 57.) & encadrée dans une rainure de tôle, ssss, qui l’assujettira de tous côtés, excepté par-devant, où les deux lames de tôle doivent s’ouvrir pour la laisser mouvoir, ou manquer tout-à-fait. On scelle cette plaque avec son cadre dans les murs de la cheminée, à la hauteur la plus commode.

10°. Sous cette cheminée on fera une ouverture en quarré long tt, semblable à la premiere gg, allant obliquement de bas en haut, & communiquant avec une autre cavité cylindrique haute de huit pouces uuuu, d’un pié de diametre, ouverte par sa partie supérieure, & garnie dans son bord intérieur d’un cercle épais d’un pouce & large d’un demi, destiné à soûtenir un chauderon de fer. A la partie antérieure de cette cavité, l’on fera une échancrure demi-circulaire, large de cinq pouces, & profonde de trois, allant en talus par-devant, vv, pour transmettre le cou d’une cornue.

11°. Cette cavité exige un chauderon de fer, (figure 60.) de douze pouces de diametre, de dehors en-dehors, à-peu-près profond de neuf, entouré à un pouce & demi de son bord supérieur, d’un cercle de fer xx, large d’un pouce, qui y sera assujetti : ce cercle, au lieu de continuer sa route en ligne circulaire, comme il convient, l’interrompra pour accompagner le bord d’une échancrure aussi demi-circulaire y, large de cinq pouces & profonde de quatre & demi, faite au chauderon, la partie inférieure de laquelle doit être reçûe par celle du mur vv.

12°. Vis-à-vis l’ouverture tt, en quarré long, qui établit la communication entre la premiere cavité & la seconde, on en fera, à deux pouces du fond de celle-ci, une pareille z aux deux autres gg, tt, allant également en montant du côté d’une troisieme chambre iiii, égale & semblable à la seconde uuuu afin que le feu puisse passer de celle-ci dans celle-là.

13°. On élevera sur le mur, du côté postérieur de l’ouverture z, une cheminée semblable à la premiere qqqq, de même hauteur 2 2 2 2, & pareillement garnie d’une plaque de fer, (fig. 57.) pour la fermer.

14°. On fera enfin au côté droit de la cavité iiii, une troisieme ouverture semblable aux précédentes gg, tt, z, mais plus éloignée du fond, laquelle au lieu de communiquer par sa partie latérale droite avec une autre cavité, sera fermée par un mur, & ouverte par sa partie supérieure qui répondra à une troisieme cheminée 5 5 5, semblable aux deux premieres qqqq, 2 2 2 2. Telle est la construction de ce fourneau, qui est très-propre à un grand nombre d’opérations. Nous en allons détailler une partie, & parler de ses usages & du méchanisme du feu dans l’athanor.

On peut introduire par la bouche du foyer de la tour qui est arquée e, une moufle longue de douze pouces, de même longueur & largeur que cette ouverture, épaisse de trois quarts de pouce, ouverte par-devant & par-derriere, supposé qu’elle puisse être fermée par la partie postérieure de la tour, jusqu’à laquelle elle doit s’étendre. On mettra sur la grille du cendrier d une plaque de terre cuite, pour servir de base à la moufle : cette moufle aura des trous près de son sol, ainsi que les moufles ordinaires ; on y place des creusets de cémentation, ou d’autres corps, qui exigent pour être calcinés un feu long & violent : néanmoins ces sortes d’opérations peuvent se faire indépendamment de ce secours, quoiqu’avec moins de commodité & de facilité, pour voir ce qu’on fait & pour conduire le feu. 2°. On peut se servir de la premiere chambre pour faire des distillations, qui demandent un feu immédiat & violent ; car on y peut mettre des retortes ou des cuines ; mais il faut avoir soin de les placer de façon, soit qu’elles portent sur le sol de la cavité, soit qu’on les éleve sur des pié-d’estaux particuliers de différente hauteur, selon la grosseur du vaisseau, que leur cou puisse passer librement à-travers l’ouverture l, de la porte kkk. Lorsqu’elle est bien assujettie à la faveur de ses deux barres, on lute toutes les fentes qui se trouvent autour de la porte & du cou de la retorte ; après quoi on lui ajuste une alonge, c’est-à-dire un fuseau ou espece de cone tronqué, long de dix pouces ou plus, par l’intermede duquel les vapeurs brûlantes ont le tems de se rafraîchir, avant que d’arriver au récipient, qui est toûjours de verre, & qui se casseroit sans cette précaution. Cette alonge qui embrasse par sa base le cou de la rétorte, est reçûe par son sommet dans celui du récipient, qu’on appuie ou sur le pavé, ou sur un trépié ou pié-d’estal, qu’on éleve ou abaisse à volonté, au moyen de trois vis. 3°. Cette même chambre peut encore servir à des cémentations, à des calcinations, & à d’autres travaux qui exigent un feu de reverbere ; & pour lors on ferme le trou l circulaire de la porte avec son bouchon A, & on ne l’ouvre que quand on veut voir ce qui se passe dans la chambre. 4°. La seconde & la troisieme chambres sont employées principalement aux opérations qui se font avec le bain de sable, de cendre, ou de limaille. On introduit dans l’une des deux cavités le chauderon de fer fig. 60, & on lute avec de la terre glaise un peu molle, la petite fente qui se trouve entre son cercle & le bord de la cavité sur lequel il est appuyé, ou bien on la bouche avec du sable mouillé qu’on presse bien tout-autour. C’est pour donner un exemple de cet appareil, qu’on a représenté la retorte 9, placée dans le chauderon & ajustée à son récipient. Dans l’autre chauderon de fer, on voit une cucurbite surmontée d’un chapiteau 11, adapté à un balon ou récipient à long cou 12.5°. Ces deux dernieres chambres peuvent encore servir, ainsi que la premiere, à des distillations au feu de réverbere ; & quoique le feu n’y soit pas si actif, il ne laisse pourtant pas de faire passer l’eau-forte. Pour cette opération on renverse le chauderon de fer fig. 60, & l’on introduit dans l’embouchure de la chambre son bord supérieur, saillant d’un pouce & demi au-delà de son cercle ; ensorte qu’il résulte de l’assemblage de son échancrure y, & de celle du fourneau vv, un trou propre à transmettre le cou d’une cornue. 6°. L’appareil étant dressé, quel que soit celui qu’on aura choisi pour faire plusieurs opérations à-la-fois, on introduit d’abord par le haut de la tour quelques charbons allumés ; puis on la remplit de charbons noirs, en tout ou en partie, à-proportion du tems qu’on veut faire durer le feu. On ajoûte incontinent son couvercle, & l’on répand tout-autour de son bord du sable, ou des cendres qui valent encore mieux, & on les comprime legerement. Si on n’avoit cette attention, tout l’aliment du feu contenu dans la tour flamberoit & brûleroit en même tems.

Comme on ne peut avancer rien d’absolument particulier sur le régime du feu dans le fourneau dont il est question, nous ne toucherons ici que quelques généralités sur cette matiere : le reste s’apprendra aisément par la pratique, pour peu qu’on soit versé dans la Chimie. On rend très-violent le feu de la premiere chambre, si la porte du cendrier & la premiere cheminée sont entierement ouvertes, & si la plaque de fer est tout-à-fait levée : au contraire plus cette cheminée & la porte du cendrier sont fermées, plus on y diminue la chaleur ; mais ce phénomene ne se passe jamais plus promptement que quand on abaisse en partie la plaque suspendue par les chaînes, car alors le feu contenu dans la tour ne brûle plus que de la hauteur comprise entre la grille du cendrier, & le bord inférieur de la plaque de fer. Si l’on a intention de diminuer un degré de feu trop violent, sans cependant que les vaisseaux cessent d’être rouges, on doit se procurer cet avantage, en fermant autant qu’il convient la porte du cendrier & l’ouverture de la cheminée, la plaque de fer demeurant suspendue aussi haut qu’elle le peut être, & totalement renfermée dans la muraille ; parce que si l’on s’en servoit pour remplir ces vûes, l’activité du feu auroit bientôt détruit la partie de cette plaque qui lui seroit exposée : d’où il suit qu’elle ne doit jamais être employée que lorsqu’il s’agit de régir un feu médiocre ou bien d’en diminuer un grand, au point qu’il ne rougisse que médiocrement les vaisseaux. On observera aussi qu’on ne tiendra ouvert que le moins qu’il sera possible, le trou circulaire de la porte de la premiere chambre, dans les opérations qui ont besoin d’un grand feu ; parce que l’air qui y entreroit avec impétuosité, auroit eu bien-tôt refroidi les corps qu’on y auroit placés. On peut faire en même tems dans la seconde & troisieme chambres les distillations latérales & ascensoires dont nous avons parlé, puisque le feu se communique de la premiere à la seconde, & qu’on l’augmente dans celle-ci en ouvrant sa cheminée ; observant de diminuer l’ouverture de celle de la premiere, de la même quantité qu’on ouvrira celle de la seconde. Par la même raison, on peut déterminer l’action du feu sur des corps contenus dans la troisieme chambre, & même lui donner issue par sa cheminée seulement, lui interceptant tout passage par les deux premieres, ou bien ne lui en laissant par l’une des deux, ou par les deux ensemble, qu’autant qu’on lui en diminuera par la troisieme. Il suit évidemment qu’on ne peut avoir un grand feu dans la troisieme chambre, que les deux précédentes n’en ayent un semblable, & qu’on peut au contraire le diminuer dans celle-là, en fermant sa cheminée, sans changer son état dans celles-ci ; ce qui s’exécute en donnant la plus grande ouverture à la seconde cheminée. Les phénomenes sont les mêmes pour la seconde chambre, respectivement à la premiere. Enfin l’on ne peut donner un grand feu à la moufle placée dans le foyer, que la premiere cavité n’y participe : ce feu s’augmente ou se diminue en fermant ou en ouvrant la porte de la bouche du foyer, changement qui n’empêche pas que les degrés des autres chambres ne soient constans relativement les uns aux autres, quoique susceptibles de différentes nuances. Le reste s’apprendra facilement par l’usage.

Quoique la grandeur qui a été fixée pour l’athanor & les fourneaux d’essai fig. 50, & de fusion fig. 26 & suiv. soit la plus avantageuse pour les expériences en petit & en grand, il n’est pas absolument nécessaire de s’y conformer ; on peut l’augmenter selon le nombre & la nature des travaux qu’on y doit faire, en gardant toutefois les proportions que nous avons établies. On peut aussi faire l’athanor en tôle, si on veut l’avoir portatif.

Il suit donc évidemment qu’un pareil fourneau doit être utile à un essayeur qui voudroit aller à l’épargne de ces sortes d’ustensiles, puisqu’on peut faire dans celui-ci quantité d’opérations qu’il est obligé de faire lui-même ; il lui convient d’autant mieux que la plûpart d’entr’elles exigent un feu long-tems soûtenu. Si la quantité de charbon que peut contenir la tour ne suffit pas, on peut en remettre comme dans les autres fourneaux : d’ailleurs le degré de chaleur en est toûjours constamment le même, à-moins qu’on ne le change, & on a vû qu’il pouvoit se varier considérablement. Enfin ce fourneau est d’autant plus commode, qu’on peut appliquer facilement par son moyen tous les degrés de feu qu’il peut donner par différentes voies, & qu’on peut faire plusieurs travaux différens en même tems, & avec le même feu.

L’athanor fig. 61. se construit en briques, & reçoit les proportions qu’on lui donne, selon ce qu’on en veut faire. Celui-ci a trois piés de long, autant de haut, & 18 pouces de large. On éleve quatre petits murs de l’épaisseur d’une brique, & en même tems on en fait un qui va d’un côté à l’autre, entre les deux portes e & d. Il sert à séparer la cavité du cendrier d d’avec une autre cavité qui est en e, que nous appellerons l’étuve. Quand on a élevé en même tems ces cinq murs de briques à la moitié de la hauteur qu’on veut donner au fourneau, on couvre l’étuve qui occupe une moitié du bas, d’une plaque de tôle afin que la chaleur y pénetre. J’ai dit que les quatre murs du tour étoient épais de la largeur d’une brique, mais il est bon d’avertir que le mur latéral du cendrier est plein jusqu’à sa porte, comme la ligne ponctuée l’indique. Quand la plaque de tôle est posée, on continue tous les murs du contour jusqu’à la hauteur de quatre ou cinq pouces, excepté le mur de refend, qui ne passe pas la premiere plaque de tôle : d’ailleurs au lieu de continuer le mur à gauche du cendrier de la même épaisseur, on le fait en talud jusqu’au-haut que commence la tour, où il n’a d’épais que la largeur d’une brique. La ligne ponctuée indique ce trajet. On peut voir la même chose dans Charas & le Fêvre dont l’athanor est le double de celui-ci. Cet auteur couvre le talud d’une plaque de tôle unie, afin que le charbon coule mieux. La porte du foyer c ne s’ouvre qu’au besoin, mais celle du soupirail doit l’être continuellement, sans quoi le fourneau n’iroit pas. A 4 ou 5 pouces de la premiere plaque de tôle, on en met une autre aussi de tôle ou de fonte, qu’on encastre pareillement dans le mur : celle-ci est destinée à soûtenir le sable ; on laisse cependant aux quatre coins la place de quatre regîtres, qui sont quatre tuyaux de tôle d’un pouce de diametre, qu’on diminue si l’on veut avec des bouchons percés de différente grandeur. On éleve ensuite les murs & le massif qui doit porter la tour à la hauteur d’un pié environ ; ensuite de quoi on fait la tour en terre, ou en tôle, ou en briques, cela est indifférent : on lui fait aussi un couvercle, qui la ferme bien juste, comme nous l’avons déjà dit du précédent athanor, dont la description ne sera pas inutile pour celui-ci, quoique inapplicable dans bien des cas. La tour & son dôme dans notre figure 61 sont de terre. On conçoit aisément que la porte f de la chambre du feu, & la porte e de l’étuve, doivent être continuellement fermées, & particulierement la porte f, car la porte e s’ouvre de tems en tems pour ce qu’on a à faire sécher à l’étuve.

Quoique l’invention des athanors, dont le feu brûle dans la tour, soit effectivement bien commode, on a inventé après eux une sorte de tour, de laquelle le charbon tombe dans le foyer des fourneaux qui lui sont joints, & qui contiennent les matieres, lesquelles par ce moyen en sont bien plus échauffées qu’elles le seroient par une chaleur qui ne viendroit que de la tour.

Si après avoir allumé le feu dans les foyers des fourneaux de l’athanor de Charas (ce sont ses remarques), on remplit les canaux de la tour de charbon qui ne soit ni trop gros ni trop menu, & si ensuite on bouche les ouvertures de la tour & les portes des foyers des fourneaux, car la tour n’en a point du tout, non plus que de soupirail, on peut être sûr d’avoir un feu égal, qui continuera du-moins pendant vingt-quatre heures ; ce feu chauffera très doucement, si on bouche encore les soupiraux des fourneaux adjacens, & qu’il n’y ait d’ouvert que leurs regîtres.

Quelquefois on fait quarrée la tour de l’athanor, afin qu’elle communique sa chaleur à un plus grand nombre de fourneaux. On en voit un dans Libavius, dont la tour est hexagone ; ensorte qu’elle est environnée de cinq fourneaux, & a ses portes à son sixieme côté. Ces sortes d’athanors se placent pour lors au milieu du laboratoire ; mais ils doivent marcher difficilement.

Le Fêvre & Glaser disent que le dôme de la tour de l’athanor peut être converti en un appareil utile, & qu’il suffit pour cela de mettre une terrine à sa place. L’intermede qu’on y mettra, déterminera la nature du bain auquel elle servira ; mais je croi que la chaleur de ce bain doit être bien foible : au reste c’est un essai qu’on peut faire aisément d’après le Fêvre qui en parle comme par expérience ; & peu importe que le dôme ferme la tour par sa partie convexe ou concave. Voyez-en l’appareil, page 144. de Biringuccio.

Nous pourrions citer ici avec le Fêvre, Glaser & Charas, une foule d’auteurs qui ont toûjours mis quatre regîtres aux quatre coins de leur athanor, comme on le voit dans notre figure 61. mais les deux regîtres voisins de la tour ne me paroissent faits que pour ralentir l’action du feu ; & cela doit être évident pour ceux qui auront lû attentivement la description de l’athanor de Cramer, & qui considéreront le jeu du feu dans le grand fourneau anglois, ou dans notre figure 19-21. qui est la même chose, ou dans tous ceux qui approchent de leur structure.

Outre la grille du foyer de la tour de l’athanor, fig. 61, il faut qu’il y en ait encore une autre horisontale, comme celle des artistes qui font la cire d’Espagne. Charas n’en a rien dit, & il ne le pouvoit pas ; il vouloit que le charbon de sa tour tombât dans le foyer des fourneaux adjacens, & les remplît : mais il n’en est pas de même de notre figure 61, le charbon ne doit pas passer la grille de la tour, mais il la passeroit nécessairement s’il n’étoit pas retenu par une grille horisontale qu’on ne voit pas, mais que la raison supplée aisément. Quand il y a deux fourneaux & qu’il n’y a qu’une tour, il faut nécessairement une plaque à l’une & à l’autre, comme à celui de Cramer, pour gouverner le feu. Cette plaque se trouve dans quantité d’auteurs, & est fort ancienne. Par ce moyen on peut se servir de leurs foyers sans allumer le charbon de la tour ; parce qu’on n’a pas toûjours occasion de faire marcher deux fourneaux à-la-fois, & de faire des opérations qui demandent un feu de vingt-quatre heures ; mais pour lors les quatre regîtres doivent être ouverts.

La tour de notre athanor, fig. 61, est conique. Cette figure est exigée par la plûpart des auteurs. Voyez Charas, &c. Mais M. Cramer, comme on peut le voir, a cru pouvoir négliger cette précaution qu’on ne prend que pour empêcher que deux charbons se rencontrant par l’une de leurs extrémités, ne viennent à s’arcbouter par l’autre contre les parois de la tour, & à empêcher la chûte de ceux qui se trouveroient par-dessus : mais il est bien aisé de voir que cet inconvénient n’aura jamais lieu dans une tour dont les parois verticales seront bien polies, & qu’il pourroit très-bien arriver même dans une tour de figure conique, dont les parois seroient raboteuses. On peut éviter cet inconvénient, soit que la tour soit conique ou pyramidale, en cassant le charbon comme pour les fourneaux ordinaires, avant que de le mettre dans la tour.

Il suit donc que si M. Cramer n’est pas le premier qui ait senti la nécessité de bien construire un athanor, il est au-moins le premier qui y ait remédié & qui l’ait bien figuré & expliqué. Son athanor va comme il le dit. On en a construit un à Paris d’après sa description, qui le prouve. Le méchanisme de ce fourneau doit être fondé sur ce que le feu veut monter, & non descendre. M. Cramer l’a bien vû, & c’est une remarque qui ne doit pas échapper à ceux qui examineront son fourneau : mais il me semble qu’il y a encore quelque chose à y mettre de plus ; c’est l’inclinaison dont nous venons de parler au sujet de la figure 61, afin que le charbon de sa tour, au lieu de descendre perpendiculairement comme il fait, descende obliquement pour s’approcher de la premiere chambre, & rende par-là le canal du feu plus droit. Nous appellons ici le canal du feu, la ligne que nous faisons passer par le soûpirail, le cendrier, la grille, le foyer, la fenêtre biaise & la premiere cheminée, ou par la derniere cheminée aussi si l’on veut, & nous remarquons que plus cette ligne sera droite & ira de bas en-haut, mieux l’athanor marchera : mais comme cette premiere chambre a pour regître une plaque de fer, il faudroit de toute nécessité à son fourneau la grille horisontale dont nous avons parlé, pour empêcher que le charbon venant à tomber sous cette plaque, ne s’oppose à la liberté qu’elle doit avoir de joüer dans ses coulisses, & de fermer tout-à-fait la fenêtre biaise de communication. Cette grille & l’inclinaison dont nous parlons, peuvent même être prises dans l’épaisseur du mur de la tour de M. Cramer.

L’athanor de Gellert ou celui de Ludolf, qui sont presque la même chose, ne sont quant au fond que celui de Cramer, augmenté de plusieurs chambres qui ne doivent pas beaucoup servir, si ce n’est d’étuve, peut-être, ou à empêcher que le fourneau n’aille bien, ou à y faire faire un feu si violent pour qu’il puisse être de quelqu’effet à l’autre bout, que le fourneau ne pourroit manquer de couler. Il y a pourtant cette différence commune entre les athanors de Cramer & de Gellert, & celui de Ludolf, que ce dernier auteur a construit le sien de façon qu’il faut que le feu descende au lieu de monter. Voyez le même défaut, Planche III. de Barchusen, page 77. de Barner, & Planche IV. de Manget. Au reste, on peut bien ne pas regarder les dernieres chambres que Ludolf & Gellert ont ajoûtées au fourneau de Cramer, comme tout-à-fait inutiles ; au-moins peuvent-elles n’être pas nuisibles entre les mains d’un bon artiste ; la longueur de l’athanor pouvant être considérée ainsi que nous l’avons déjà avancé, comme le canal qui sert à augmenter la vivacité du feu dans les fourneaux de fusion, & par cette raison-là étant dirigé obliquement de bas en-haut : il s’ensuit donc que la chaleur qui regne dans les chambres les plus éloignées, peut servir à quelques opérations, quoiqu’elle y soit foible. Je sens bien qu’en raisonnant sur les principes de la construction de quelques fourneaux en grand, comme du fourneau à l’angloise, on croira que la chaleur dans le canal de l’athanor doit être semblable à celle de la cheminée de ces grands fourneaux, mais on seroit dans l’erreur si l’on se fondoit sur cette idée. Il y a une très-grande différence entre la flamme du bois qu’on brûle dans le fourneau anglois, & la flamme du charbon, qui est peu de chose.

On peut considérer les fourneaux à lampe comme des athanors différens des autres par la forme & la pâture du feu. Il y a une certaine analogie entre la pompe d’une lampe & la tour d’un athanor.

Des fourneaux polychrestes. Ce sont des fourneaux qui, comme on peut le conjecturer par la signification du mot grec composé dont on les qualifie, servent à plusieurs opérations. Il y a même des auteurs qui prétendent qu’avec un pareil fourneau bien construit, on peut se dispenser d’avoir tous les autres, pourvû toutefois qu’on n’ait pas plusieurs opérations à faire à-la-fois. Examinons ces prétentions.

Les Chimistes ont observé que le même fourneau servoit à plusieurs opérations. La nécessité en a étendu l’usage, & est devenu un principe. On a donné des preuves de sa sagacité en mettant les fourneaux à la torture ; mais on a fait voir qu’on n’en connoissoit point la méchanique. Ceux qui ont appliqué les fourneaux à plus d’objets, ont été regardés comme les plus habiles ; & en effet, il a fallu de l’imagination. De-là est venu l’axiome, qu’un bon artiste avoit besoin de peu d’instrumens. Mais cela ne prouve que de l’analogie dans l’esprit de l’artiste, & de la sagacité si l’on veut, & non point-du-tout que les instrumens soient bons à exécuter son idée ; de façon qu’elle ne pourroit l’être en moins de tems, de peine, de dépense, & avec plus de facilité par un autre. Malgré cela les plus habiles se sont exercés à chercher des fourneaux qui pussent servir à toute sorte d’usages, & il faut avoüer qu’ils y ont réussi jusqu’à un certain point. Cependant on ne peut se dissimuler qu’ils sont partis d’après un principe erroné ; & quel principe ne l’est pas, ou peut être général ? Ils ne se seroient pas donné tant de peine s’ils eussent été bien convaincus que l’art des fourneaux n’étoit & n’est encore que dans son enfance ; & que leurs bonnes ou mauvaises qualités dépendent d’un rien qui n’a point été connu, & qui vraissemblablement ne le sera jamais. La connoissance des fourneaux seroit certainement plus avancée, s’ils ne l’eussent pas retardée par leurs idées de vouloir prévenir la nature. Il falloit commencer par faire un fourneau simple parfait pour un seul usage, avant que de le vouloir appliquer à plusieurs ; & sans doute qu’ils eussent été guéris de cette demangeaison. Ce n’est pas que je regarde la chose comme aisée & même comme possible ; car il me semble que l’exécution d’un pareil ustensile dépend de la connoissance composée de la nature des matériaux qu’on y employe, du feu qui y exerce son action, des vaisseaux & des corps qu’ils contiennent, & de l’espace à parcourir ; comme celle d’une machine dépend de la raison composée de la flexibilité des leviers, de leur poids, densité, frottement, &c. mais on peut au-moins tenter d’approcher de l’une & de l’autre.

Nous avons à donner deux exemples particuliers de fourneaux polychrestes, sans compter que nous considérerons sous ce point de vûe la plûpart de ceux dont nous avons déjà parlé. Il ne faut pourtant pas croire qu’il faille autant de fourneaux que d’opérations, & que le même fourneau ne puisse & ne doive servir à plusieurs du même genre. Il faut donc entendre par polychreste, celui qui pourra servir à plusieurs opérations disparates, comme par exemple, distillation & fusion, &c. Nous avons à parler en premier lieu du fourneau de Dornæus, fig. 75. & de celui de Beccher, fig. 71. le plus polychreste de tous, si l’on peut parler ainsi, ou celui qui se prête le mieux à la plus grande quantité d’opérations. Nous ferons revenir ensuite comme tels ceux qui nous paroissent plus précaires que ce dernier. Au reste, nous ne voulons point prevenir l’esprit du lecteur. Nous allons le mettre à portée d’examiner.

Les esprits fourmillent quelquefois d’inventions singulieres qu’ils varient sans aucune nécessité jusqu’à l’intempérance. Quelquefois la nécessité ou l’économie cherchent à abréger les travaux, sans faire attention que, quand on veut faire à-la-fois deux choses différentes, on ne fait souvent ni l’une ni l’autre. Un bon artiste ne cherchera point à abréger mal-à-propos, & il évitera avec le même soin de prodiguer ses peines. Il sait employer les fourneaux & les instrumens nécessaires, quoiqu’il voye qu’il faudra plus de tems & de dépense. Ceux qui voudront essayer de faire plusieurs travaux en même tems & au même feu, peuvent consulter Dornæus. Ce chimiste donne un fourneau où l’on peut distiller de trois façons : par ascension au bain de sable & de cendres ; par le côté à la retorte ; & enfin par descension, dans le même tems, avec le même feu, sans beaucoup plus de peine, & dans peu d’espace ; car son fourneau est élevé & étroit ; & il ne lui étoit pas même difficile d’augmenter son fourneau & ses vaisseaux, au cas que l’élévation de l’endroit le lui eût permis, pour distiller aussi au bain-sec, au bain marie, & à ceux de vapeurs, de cendres, & de sable.

Il éleve deux murs de briques, fig. 75. à un pié & demi l’un de l’autre. Ils ont aussi un pié & demi de haut, & autant de large ; ainsi le premier étage du fourneau est ouvert par-devant & par-derriere. Il pose sur ces deux murs deux barres de fer en-avant, & autant en-arriere, pour soûtenir les murailles & le sol du second étage. Ces barres, comme on peut juger, ne paroissent qu’en-dessous. Elles sont à la hauteur de O ; on peut toutefois s’en passer en faisant un petit arc de voûte entre les deux murs latéraux, comme on voit dans la partie antérieure du premier corps A. On laisse dans le sol qui sépare le premier du second étage B, un trou circulaire de 4 pouces de diametre, pour passer le col d’un matras descensoire : ensuite on éleve trois murs d’un pié & demi de haut, à angles droits sur les barres O, pour former le second étage. Le devant est ouvert par une grande porte arquée. Sur les murs de ce second étage, on met des barres de fer à un doigt de distance les unes des autres ; c’est ce qu’on voit sous la retorte, dans l’espace I. On éleve après cela trois murs nouveaux sur la grille pour former le troisieme étage C. Mais quand on en est à la moitié de l’élévation, on place dans les deux murs latéraux deux barres de fer arquées au milieu, comme nous l’avons dit du fourneau d’Evonymus, fig. 45. à la sect. des fourneaux pour la distillation latérale ; ces barres servent à soûtenir la retorte. Dans l’un de ces murs, au-dessous des barres de fer, on laisse une ouverture pour passer le col de la cornue. Le mur antérieur est toûjours ouvert, & on ne le ferme que quand la cornue est placée ; seulement on y laisse deux petites ouvertures pour remuer le charbon. On met encore des barres de fer sur ce troisieme étage pour soûtenir les murs & le pavé du quatrieme O. Mais avant on voûte la chambre de la cornue pour en faire un reverbere, & on laisse au milieu de la voûte un trou pour y jetter le charbon. On le ferme avec une brique, s’il est nécessaire. On éleve ensuite les murs de la quatrieme chambre, qu’on couvre aussi d’une voûte au milieu de laquelle on laisse le trou S. On fait une porte arquée R dans la partie antérieure. Au trou S on met une grille pour soûtenir un bain, si l’on veut se servir du trou T ; enfin on éleve les derniers murs d’un pié & demi comme les précédens, pour former le cinquieme étage E, en laissant encore ouverte une porte arquée pour donner la facilité de fermer le trou S d’une brique. On ferme la partie supérieure de ce cinquieme étage avec de l’argille, mais on laisse encore un trou T au milieu pour une capsule de terre ou de cuivre. Aux quatre angles sont quatre regîtres capables d’admettre le doigt, qu’on ferme avec des bouchons quand il est nécessaire. Telle est la structure de ce fourneau. Libavius, p. 168.

La capsule X contient du sable, au moyen duquel on distille de l’esprit-de-vin ou de l’eau-de-vie. Le récipient Y est dans cet auteur une cornue appesantie par un cercle de plomb à la maniere d’Ulstadius, pour empêcher qu’elle ne flotte dans le bacquet Z plein d’eau froide. On voit encore une cornue servant de récipient dans la seule figure du laboratoire de Kunckel. Dornæus se servoit de ce fourneau pour tirer des huiles des végétaux & des animaux, comme il l’apprend, liv. III. chap. jv. de sa Chimie ; sans doute qu’il faisoit quelque digestion dans la quatrieme chambre.

Je ne vois nul inconvénient à se servir d’un pareil fourneau. Je ne présume pas qu’on y puisse faire toute sorte d’opérations indistinctement ; mais je crois qu’il peut s’en trouver qui s’accordent assez bien pour aller ensemble, avec toutefois les restrictions que nous avons déjà mises. Au reste, on n’y dépense pas plus en charbon pour un vaisseau seul, que dans un autre plus simple. On peut, je crois, le regarder comme un fourneau de distillation latérale, dont la troisieme chambre est l’ouvroir, les deux inférieures le cendrier, & les deux supérieures le tuyau de cheminée. Il semble que Glauber y ait pris l’idée des chambres qu’il met à côté du tuyau de son fourneau de fusion, fig. 6. & que Kunckel l’ait imité dans son fourneau de verrerie que nous avons donné, corrigé par Cramer, fig. 39. Ces derniers vont bien, celui-ci doit aller de même.

Le fourneau du laboratoire portatif de Beccher, fig. 71. dont nous avons renvoyé ici la description, à la section de ceux qui servent à la fusion, a 3 piés 3 pouces de haut, 16 pouces de large dans la plus grande capacité de son ventre, & 9 de diametre dans le bas. Ainsi c’est une figure conique ou entonnoir qui est voûté ou elliptique supérieurement. On le fait de tôle forte, & on lui donne un pouce & demi d’épais ; car c’est jusqu’à ce point qu’on le couvre d’un garni fixe au feu, qu’on soûtient avec des crochets de fer ; & on met aux bords supérieurs & inférieurs des différens corps, des anneaux de fer qui servent aussi à le soûtenir : ainsi que nous l’avons dit du fourneau de fusion de Cramer, fig. 26.

Ce fourneau est composé de quatre parties ; 1°. d’un dôme, 2°. d’un cercle ou couronne, 3°. de son corps, 4°. de son fond, pié-d’estal, ou cendrier.

Ce dôme, à l’ordinaire, sert à couvrir l’orifice du fourneau, soit que la couronne y soit ou n’y soit pas. Les dimensions de l’un & de l’autre sont les mêmes, & la couronne est parfaitement cylindrique. Il sert à concentrer & reverbérer la flamme, comme cela est nécessaire dans les essais à la coupelle, la cémentation, la reverbération, & la distillation à la cornue, qui se font à feu ouvert. Ce dôme est aussi garni en-dedans, pour supporter le feu. Il a un trou supérieurement, qu’on peut tenir ouvert ou fermé jusqu’à un certain point. Non-seulement il est d’un grand usage pour gouverner le feu, il sert encore à recevoir les pots ou les balons sublimatoires qu’on lui peut ajuster pour faire toutes les sublimations des fleurs, des minéraux, & les distillations abondantes des esprits salins ; c’est-à-dire toutes les opérations de Géber & de Glauber ; voyez nos fig. 5. 66. 67. & 98. en jettant les matériaux sur les charbons ardens, par la porte du corps, qu’on ferme sur le champ. On ôte les grilles de fer, & pour lors le feu tombe dans le cendrier D1 ; on l’anime avec le soufflet ; & ainsi la matiere quoique fixe en quelque sorte, est obligée de monter ou sous la forme de fleurs, ou sous celle d’esprit ; & le feu ne s’éteint point comme dans les fourneaux de Glauber. Le corps est muni de deux anses.

Vient ensuite le cercle ou la couronne, qui n’a que deux variétés dans nos Planches, comme on voit en B1. & B2. & qui dans Beccher en a cinq que nous avons crû inutile de représenter, parce qu’elles peuvent s’entendre sans ce secours. La couronne B1. sert à amplifier le fourneau, & à donner le feu de suppression dans la distillation & le coupellage ; à la cémentation, au reverbere, à l’ignition, & à la calcination. Pour donner le feu de suppression, on met donc ce cercle B1 sur le corps C, & on lui adapte le dôme A avec la seconde grille seulement ; car il en faut trois pour ce fourneau. La premiere est celle qui se met en-bas tout près du cendrier ; la seconde, celle du milieu ; & la troisieme, celle qui se met sur le corps C au-dessus de sa porte. Ces trois grilles tiennent par la seule figure du fourneau. C’est leur largeur qui fixe leur place, parce que le fourneau est un cone renversé. Il est à-propos, quand le garni est frais, d’y enfoncer un peu chaque grille, de façon qu’elle y fasse une petite gouttiere, qui, quand il sera sec & dur, la soûtiendra plus exactement. Dans cette circonstance où l’on employe la seconde grille, on met le pié-d’estal ou trépié D2, s’il ne faut pas un grand feu, ou D1, s’il le faut vif ; auquel cas on employe le soufflet dont nous nous sommes contentés de représenter le mufle e. Pour lors on ajuste une cornue de terre ou de verre, de façon que son col passe par la porte ou échancrure du corps C, qu’on lute tout-autour de la cornue : ou bien on y met une moufle dans la même situation ; mais ensorte qu’on puisse fermer la porte. Les choses étant ainsi disposées, on jette par le trou du dôme, d’abord des charbons ardens, si l’on veut distiller de l’eau-forte ; ou bien si l’on veut un feu de suppression, on ne mettra les charbons ardens que les derniers. On laissera le feu s’allumer par les degrés qu’on voudra, & l’on continuera l’opération de même avec un feu plus ou moins violent. A l’aide de cet appareil, on pourra distiller à la cornue de l’eau-forte, de l’huile-de-vitriol, & autres esprits concentrés à la violence du feu. Mais si l’on veut calciner, cémenter, ou réverbérer, on ôtera la grille du milieu : on mettra la premiere au-dessous, & on ajoûtera la troisieme ; après quoi on adaptera le dôme après le cercle ou couronne B1. On met les vaisseaux cémentatoires sur la troisieme grille. On peut examiner les degrés du feu par la porte du cercle. Dans ce cas on se sert du pié-d’estal en trépié. On peut gouverner la flamme par le regître du dôme. On met les charbons par la porte du corps ; ainsi la flamme surpasse la grille la plus haute, leche & rougit les vaisseaux que cette grille soûtient. Si la matiere à cémenter, à reverbérer, ou à calciner étoit volatile, & qu’on voulût en retenir la partie la plus subtile & la plus mobile, il faudroit mettre au regître du dôme des vaisseaux sublimatoires, comme on en voit dans la figure. On voit évidemment l’utilité qu’on peut retirer d’une opération qui se fait sur un corps qui demande la troisieme grille & le dôme. On peut encore essayer & réduire des mines dans des petits pots de cémentation, avec le flux noir ou un autre, à l’imitation des Métallurgistes. On peut mettre plusieurs vaisseaux en même tems dans ce fourneau.

Le second cercle B2 s’ajuste avec le corps, de la même maniere que le cercle B1 ; avec cette différence qu’on n’employe ni la troisieme grille, ni le dôme. On a par ce moyen trois bains secs, à l’aide desquels on peut distiller dans des cornues de verre non lutées, sans observer les degrés de feu. Et il ne faut pas craindre malgré cela qu’elles se brisent. On peut même pousser le feu au point de les faire fondre, pourvû qu’elles restent dans leur entier ; l’opération n’en est pas moins sûre, & elle en va plus vîte ; car il ne faut que trois heures pour l’achever. Beccher dit qu’une pareille opération avoit été admirée du roi d’Angleterre, qui l’avoit vûe avec le prince Rupert ; qu’il avoit fait quantité d’expériences par cette méthode ; qu’en étoit surpris qu’il les fît avec tant d’exactitude en si peu de tems, avec si peu de dépense & de charbon ; & qu’il lui eût été impossible de s’en tirer à l’aide de son fourneau, de quelque genre qu’elles eussent été. On peut examiner les retortes tant qu’on veut, en levant le couvercle des bains secs. Tout ce cercle est aussi de fer avec les bains, mais il n’est pas couvert d’un garni en-dedans ; parce qu’il n’exige pas un si violent feu. Les trois petits couvercles qu’en voit dessus, ferment autant de regîtres. On en voit un quatrieme ouvert.

Le troisieme cercle dont parle Beccher, & qu’il représente même, est un chauderon de cuivre ou de laiton, qui ne differe en rien quant à sa figure du cercle B1. II sert pour les décoctions différentes, l’extraction, l’évaporation, l’inspissation. On l’ajuste à l’orifice du corps, dont on ouvre la porte pour laisser sortir les vapeurs ignées ; c’est aussi par-là qu’on jette les charbons sur la 1ere ou 2e grille. Ainsi l’on voit que ce chauderon doit avoir les mêmes dimensions, du-moins du côté du diametre, que le cercle B1, pour s’appuyer sur les bords du corps sans y entrer. Le corps du fourneau alors est porté sur son trépié. On peut de même employer pour toute sorte de décoctions un feu de la force requise. D’ailleurs si l’on a travaillé tout le jour, il conserve sa chaleur toute la nuit, & l’on peut en profiter pour la digestion de quelque corps, en y mettant un bain-marie, ou de cendre, ou de sable. Si on met la troisieme grille dans le cercle B1, sur ce cercle le vaisseau digestoire dont nous avons parlé, & si on introduit une lampe par la porte de ce cercle, on a un très-bon fourneau de lampe. Quelques artistes, comme le docteur Dinckinson, se sont fait construire ce fourneau pour faire des digestions seulement, parce qu’ils le trouvoient très-propre à ces sortes d’opérations.

Le quatrieme cercle dont parle Beccher, & qu’il représente aussi, est une capsule de plomb, aussi semblable au chauderon & au cercle B1 ; elle est conséquemment à large fond ; elle est garnie d’un alembic d’étain, ayant à-peu-près la même forme que les cucurbites qu’on vendoit publiquement à Londres de son tems. Celles du nôtre peuvent y aller tout de même. Cette capsule distillatoire se met sur le corps immédiatement. On donne le feu, comme on l’a dit, au sujet du chauderon digestoire ; & l’on peut ainsi distiller très-commodément au-bain-marie des eaux de toute espece, qui demandent cet intermede ; telles que les eaux & les huiles essentielles des plantes aromatiques, &c. On peut encore dissoudre avec cet appareil l’or des sables qui en contiennent, & autres corps dont Glauber fait mention, & dit qu’il retiroit son dissolvant. Ce quatrieme cercle n’est pas si bon qu’un chauderon de cuivre. Il n’a nul avantage qui doive le faire préférer, & il peut être sujet à un inconvénient qui doit le faire rejetter : c’est celui de se fondre.

Le cinquieme cercle est une forte poêle de fer qu’on met sur le corps monté sur le trépié. On allume le feu sur la premiere ou seconde grille. Par ce moyen on peut ensoufrer & calciner pour la vitriolisation, faire des cendres d’étain & de plomb pour le minium, l’ochre & la litharge, décrépiter du sel marin, sécher la frite, fondre de l’alun, calciner du vitriol, & faire plusieurs autres opérations qui demandent un feu plus fort ; telles, par exemple, que celles qui conduisent à la vitriolisation & à la mercurification des métaux & minéraux. Toutes ces préparations peuvent être exécutées très-commodément avec cette méthode.

Jusqu’ici nous avons donné les usages raisonnés du dôme & des cinq cercles, ou plûtôt cinq corps ou vaisseaux dont il étoit inutile de représenter les trois derniers que tout le monde connoît ; nous avons aussi parlé assez en général du corps du fourneau, & spécialement de ses trois grilles ; actuellement nous allons l’examiner en particulier. Il ne varie point, il est toûjours le même pour tous les appareils. Il ne sert qu’à une seule opération, c’est la fusion, qui se divise en deux especes : car il faut remarquer qu’il s’en fait avec & sans grille, avec & sans creuset, ce qui peut s’exécuter supérieurement dans le corps C. Dans ces deux cas, il ne faut ni le dôme, ni le cercle B1. Le corps sera ouvert par le haut & par le bas, il n’aura que le pié-d’estal D1 avec le soufflet portatif monté sur son chassis. Si l’on veut fondre d’abord dans le creuset, il faut le mettre sur la grille du milieu, ou quelque massif de fer, ou un morceau de pierre apyre, dont la largeur sera déterminée par celle du pié du creuset ; car il ne faut pas qu’il soit à nud sur la grille, il se refroidiroit. Le creuset étant couvert, ou avec du fer ou de la terre, jettez les charbons dessus, & faites joüer le soufflet, après avoir préalablement fermé la porte du corps : & la matiere se fondra ; pourvû toutefois que le soufflet soit animé par une puissance active. Il y a trois avantages à considérer dans cette méthode. 1°. L’air ou la colonne supérieure de l’atmosphere ne peut frapper le creuset, ni conséquemment le casser, comme il arrive communément à ceux qui fondent le fer ; & l’on peut régler le feu à volonté : cela dépend du jeu qu’on donne au soufflet ; ce qui est impossible dans les fourneaux à vent. 2°. S’il arrive que le creuset flue, la matiere tombe dans le pié-d’estal D1, & n’est pas perdue. 3°. On peut toûjours regarder dans le creuset pour examiner le progrès de l’opération, & remuer la matiere ; & l’on peut modérer le feu aisément par la facilité qu’on a de ne mettre que si peu de charbon qu’on veut, beaucoup mieux que dans les fourneaux de Glauber, ou semblables.

En second lieu, si l’on veut fondre sans creuset & sans grille, comme en Métallurgie, on ne sauroit avoir d’appareil qui remplisse mieux ces vûes ; & c’est même un très-bon moyen de faire un essai exact. Il ne faut pourtant pas vouloir travailler de la sorte en grand ; car les amateurs en ont été dégoûtés par les sommes considérables que cela exigeoit : malgré cela, on y fait par la réduction, des opérations très-utiles & des alliages de métaux peu connus jusqu’ici des artistes, à cause des difficultés de l’opération : on le fait même commodément & pas trop en petit ; car on y peut traiter à-la-fois jusqu’à dix livres de métal ou de mine, & de fer même. Or la disposition du fourneau est telle pour cette circonstance qu’elle l’étoit dans la précédente, c’est-à-dire pour la fusion dans le creuset ; à cette différence près, qu’on n’employe ni creuset ni grille : seulement on conserve le soufflet & le pié-d’estal D1. On allume le feu par degrés, ensuite de quoi l’on jette alternativement des charbons & de la matiere à fondre. Ce qui est fondu tombe dans le pié-d’estal. Nous parlerons de cette opération en dernier lieu : enfin ce fourneau, dans cette circonstance, revient au même que celui de M. Cramer (fig. 26.).

Nous voici enfin parvenus à la derniere piece de notre fourneau, c’est son fond ou fondement, ou pié-d’estal, ou cendrier, qui est de deux especes, comme nous l’avons déjà dit, & qu’on peut encore le voir en D1. & D2. Le premier est un cylindre dont on voit assez la grandeur & la figure, pour qu’il soit inutile d’en parler ; on le remplit de brasque pesante : quand elle est un peu seche, on y enfonce un hémi-sphere de bois au point qu’on juge nécessaire, pour que la cavité pratiquée puisse contenir la matiere fondue. On fait au fond un trou d’un pouce de diametre qui va sortir à l’un des côtés du pié-d’estal ; on est le maître de le tenir ouvert ou fermé. Le soufflet donne son vent vis-à-vis, directement à la superficie de la matiere ; les scories & les charbons nagent sur son bain ; elle coule sitôt qu’on ouvre le trou. En un mot Beccher assûre avoir trouvé par ce moyen plusieurs mines, & fait des observations singulieres au sujet de cette fusion : quant à la précédente, il est avantageux qu’on puisse toûjours voir le creuset. Ici quand la matiere est fondue, on ôte le corps, & elle reste dans le catin, ou bien on la verse au moyen d’un manche qu’on lui ajuste dans un crampon qu’on y attache exprès, si on ne la veut pas faire couler par le canal qui perce dans le milieu de sa cavité. Nous nous sommes déjà étendus là-dessus en parlant du fourneau de fusion de M. Cramer, fig. 26 & suiv.

D2. est un trépié qui permet l’accès de l’air libre au fourneau pour différentes opérations, dans les cas où il ne faut pas un grand feu, c’est-à-dire l’appareil du soufflet & du pié-d’estal D1. car quand on employe la fig. D2. il faut aussi se servir de la premiere ou seconde grille. Il donne pourtant une grande flamme avec la fig. D2. & la pousse à quelques coudées par-dessus l’orifice. Il est pour lors d’un usage admirable dans plusieurs opérations où il n’est pas besoin de soufflet ; mais il faut encore faire remarquer une autre décomposition & assemblage de ce trépié D2. Mettez dessus le dôme renversé, & par-dessus le cercle B1. & vous aurez un très-beau fourneau descensoire. Vous pourrez mettre ou une cucurbite ou une retorte dans cette cavité, en faisant passer son cou à-travers le regître du dôme ; lutez tout-autour & ajustez un récipient : allumez le feu par-dessus, & vous aurez le résultat que vous pouvez desirer, si vous employez toutefois les matieres qui sont propres à être traitées par cette voie. En voici assez sur la structure & les applications de ce fourneau ; les Planches & leurs explications doivent y avoir suppléé.

Il faut avoüer que Beccher épuise la matiere par l’étendue de l’application qu’il donne à son fourneau ; on ne peut qu’admirer ses vûes, & l’on ne doit pas douter qu’il ne dise vrai. MM. Cramer & Pott ne l’auroient pas imité & n’auroient pas fait les merveilles qu’ils racontent, si ce fourneau ou ses imitations n’avoient un mérite réel ; mais il doit user une quantité considérable de charbon, souvent pour peu de chose, ce qui est un grand inconvénient ; sans compter qu’il y a encore des opérations qui ne s’y font pas, & qu’il doit être fort incommode pour d’autres. Cependant nous croyons qu’il peut être exécuté avec beaucoup de fruit, & qu’il peut être très-utile : au reste, on appercevra aisément entre les trois fourneaux en question les différences qui nous les ont fait admettre tous trois. On trouve quelque analogie entre ceux de Beccher & de Glauber.

Le fourneau de fusion de M. Cramer (fig. 26. & suiv.), que nous avons décrit à sa section, peut encore servir aux distillations & sublimations ; opérations très-utiles & même nécessaires ; ensorte qu’un essayeur, par exemple, qui n’auroit point l’athanor, pourroit se servir de celui-ci, pour y faire une partie des opérations qu’il exécute au moyen de l’athanor. Ce dernier lui est pourtant moins nécessaire qu’un fourneau de fusion ; car il peut faire dans celui-ci tout ce qu’il fait dans l’autre, à l’exception du coupellement qu’il fait dans son fourneau d’essai, & même encore le peut-il par la nouvelle variété suivante. Pour le rendre propre à tous ces usages, on n’a qu’à pratiquer au corps du fourneau une ouverture garnie d’une porte roulant sur deux gonds a (fig. 30.), semblable à celle du dôme. Sa base sera éloignée de trois pouces de l’anneau inférieur ; elle sera arquée, large de quatre pouces par le bas, & haute d’autant dans son milieu. La cavité elliptique en question recevra son complément du dôme (fig. 31.), garni de deux poignées au moyen desquelles on pourra le manier aisément. Ce dôme destiné à recevoir le chauderon de fer (fig. 60.), muni d’une échancrure, en aura pareillement une c, qui répondra à la premiere. Cette échancrure sera fermée d’une porte quand il faudra faire des opérations auxquelles le chauderon de fer ne devra point avoir de part. Pour favoriser le jeu de l’air & la conduite du feu, l’on pratiquera, tant dans le cercle supérieur du dôme, que dans le bord du chauderon, quatre trous ou regîtres à égale distance les uns des autres ; & l’on fera autant de couvercles pour fermer le passage à l’air, quand on le jugera à-propos, quoique la porte du cendrier (fig. 28.), employée avec le fourneau dont il s’agit, puisse servir aux mêmes fins : les figures & l’explication que nous en avons données répandront de nouvelles lumieres sur ce que nous venons d’exposer.

La variété dont nous venons de parler peut être employée dans la place de la fig. 26. & lui est même semblable, excepté qu’elle est séparée en deux corps, & qu’elle a des portes que l’autre n’a pas, mais qui ne préjudicient absolument à aucune opération, si ce n’est peut-être en donnant moins de chaleur & en s’échauffant plus lentement que la fig. 26.

Depuis fort long-tems on a pensé aux fourneaux polychrestes, comme on l’a vû par celui de Dornæus : depuis ce tems-là, & peut-être même avant, tous les auteurs en ont donnés & se sont exercés pour en trouver : Libavius, Béguin, Rhénanus, Glauber, Glaser, le Fêvre, Charas, le Mort, Beccher, Barner, Lémery, Manget, Barchusen, M. Teichmeyer, Boerhaave, Juncker, Cramer, Cartheuser, & Vogel, dont la succession est indiquée par l’ordre que je leur donne, en ont parlé les uns plus, les autres moins : il n’y a pas jusqu’au fourneau de notre fig. 1. qui ne se mêle aussi d’être polychreste ; car on peut s’exprimer de la sorte après avoir parcouru la description de celui de Beccher. Le premier que je sache qui l’ait donné, & donné comme polychreste, est Béguin, comme je l’ai déjà dit en son lieu ; je dis comme polychreste. Voyez la section suivante des philosophiques ; il est intitulé, pag. 80. de cet auteur, servant a toutes les opérations de Chimie. Il en dit ce qu’on peut penser là-dessus, & moins même quand on se rappelle le détail de Beccher.

Voici ce qu’on peut dire en particulier sur les fourneaux de décoction proprement dite, où l’on expose la matiere dans une bassine, un chauderon, une cuilliere de fer, &c. avec l’eau exposée à l’air libre. Ce sont les mêmes qui servent pour la distillation à feu nud, si le chauderon est surmonté d’un chapiteau ; au bain-marie, si l’on met dans ce chauderon un vaisseau d’étain qui baigne dans l’eau contenant la matiere à distiller, soit à sec, avec l’eau ou l’esprit-de-vin ; au bain de vapeur, si ce même vaisseau d’étain n’étant pas assez profond pour baigner dans l’eau, qui en même tems n’est pas en assez grande quantité pour y atteindre, n’en reçoit que la vapeur. Voy. les artic. Vaisseaux, Alembic, Polychreste, Bain-marie & Bain de vapeur. Si l’on change l’intermede des bains, ils seront pour lors des bains de cendre, de sable, de limaille de fer, de farine de briques, qui y sont placés dans une poêle de fer ou capsule : ils servent encore aux calcinations qu’on y fait dans des capsules de terre ou de fer. On les employe aux distillations dans la cucurbite basse ou chapelle des anciens, en passant une barre de fer ou deux dans des trous faits exprès, & lutant le contour de la cucurbite. Si les regîtres ne sont point au-dessous du bord, on en laisse en lutant, & on les détourne du vaisseau distillatoire au moyen du lut ; ainsi c’est une peine de moins quand ils sont au-dessous du bord & non dans le bord intérieur. Les mêmes fourneaux servent encore pour les sublimations du soufre, du benjoin, &c.

Les fourneaux de lampe qui sont encore des polychrestes, ne sont, comme nous l’avons dit, que des fourneaux de décoction ou de distillation ascensoire & latérale, & par conséquent de bain marie, de vapeurs, de cendres, de sable, ou de limaille, & de farine de briques, qui, au lieu d’être chauffes par des charbons, le sont par une ou plusieurs meches de lampe, parce qu’on a pour but d’y soûtenir le degré fixe d’une chaleur modérée. Voyez les fig. 64 & 65. On ne fait plus guere d’usage aujourd’hui des fourneaux de lampe en Chimie ; le second peut servir pour la distillation latérale à feu nud. Voyez la section des philosophiques. Le premier est un de ces petits instrumens qui ne sert plus guere qu’à ceux qui ne sont point chimistes de profession ; quelques physiciens, les gens du monde, & des femmes l’employent à distiller quelques onces d’esprit-de-vin, d’eau-de-vie, d’eau de-lavande, de thym, de romarin, de fleurs-d’orange, simples on spiritueuses, de roses, de myrthe, de lait, de miel, &c. (voyez Abdéquer) ; à faire chauffer du bouillon, de la tisanne, &c.

On peut regarder à juste titre les athanors comme des polychrestes ; mais on ne peut pas dire l’inverse : c’est pour cette raison que nous avons mis les polychrestes après.

Le fourneau de verrerie de M. Cramer (fig. 39-44. voyez la section des fourneaux de fusion) est aussi un polychreste ; les fourneaux d’essai, & les fourneaux de fusion en sont aussi : mais il ne faut pourtant pas abuser de ce terme au point de l’étendre à un fourneau où l’on fait deux opérations de même genre, comme on l’a déjà dit, comme les bains-marie & tous les bains, les fourneaux de décoction, &c. car il n’est point de fourneau où il ne se fasse qu’une seule opération ; & de la sorte tous les fourneaux seroient des polychrestes. Au reste il seroit peut-être bon que cela fût ; la manie d’en faire de particuliers pourroit cesser.

J’ai dit qu’on avoit étendu la nécessité de faire servir un fourneau à plusieurs opérations de différens genres, & ce sont sans doute celles d’un même genre qui y ont conduit ; la preuve en est que les premiers fourneaux qui ont été employés dans ce dessein, ont pris le nom de polychrestes, que l’enthousiasme a ensuite converti en celui de catholiques ou universels. Cependant celui de Beccher, qui est le plus en droit de prétendre à cette prérogative, n’atteindra jamais à cette universalité ; & les enthousiastes du polychrestisme seront obligés de convenir qu’il laisse les autres bien loin derriere lui, comme plus précaires ; tels que les athanor & fourneau de fusion de Cramer : mais il y a toute apparence qu’il ne rond pas des corps d’aussi difficile fusion que celui de M. Pott.

Des fourneaux philosophiques. On donne ce nom aux fourneaux qui sont particulierement consacrés au grand œuvre, quoiqu’il s’entende aussi de tous ceux qui sont du ressort de la chimie philosophique, ainsi qu’on peut s’en convaincre par le titre de nouveaux fourneaux philosophiques, donné par Glauber au traité qu’il a fait sur cette matiere. Ces sortes de fourneaux different peu des autres, & ils peuvent être employés à la plûpart des mêmes usages ; de même que les autres peuvent presque tous être employés à la confection de la pierre philosophale (voy. Philosophie hermétique), en les ajustant toutefois à ce sujet.

Nous n’avons donné qu’un exemple de fourneaux philosophiques, à moins qu’on ne comprenne au même rang les fourneaux à lampe (fig. 64 & 65.) les fourneaux de Geber (fig. 5 & 98), qui sont aussi des fourneaux philosophiques ; c’est celui de la Roquetaillade, plus connu sous le nom de Rupescissa, que la coûtume pédantesque de son tems lui avoit fait prendre : la coupe de ce fourneau que nous avons prise seule, se trouve pag. 48. de son livre in-4° intitulé liber lucis ; ouvrage qui, pour le dire en passant, n’a point été mis au nombre de ceux de ce cordelier, dans la notice que nous en a donné Bayle. Voyez son diction. critiq. art. Roquetaillade, note E. Ce chimiste appelle ce fourneau son athanor : athanor à la vérité, est un nom qu’Abulcasis donne indifféremment à toutes sortes de fourneaux chimiques, comme on peut le voir dans son liv. II. où il traite du vinaigre distillé. Mais il est bon de savoir que ceux qui ont traité de la pierre philosophale, ont entendu particulierement sous ce nom le fourneau qui leur servoit à cet usage, où ils convertissent, par ex. leur mercure préparé en lait de la Vierge, c’est-à-dire le dissolvent, le coagulent, & l’exaltent. Ce fourneau des arcanes, ce fourneau d’Hermès & des philosophes, ce fourneau enfin qui portera tel beau nom qu’il plaira à MM. les adeptes de lui donner, doit être construit de façon qu’il puisse fournir trois degrés de chaleur à la volonté de l’artiste, & sans que le feu frappe immédiatement la matiere du grand-œuvre, ni le vaisseau qui la contient ; il faut qu’il ne donne précisément qu’une vapeur chaude qu’on soit le maître de modérer. Il faut donc qu’il ait un foyer & même une grille de cendrier, en cas qu’on veuille le chauffer avec le charbon, comme cela se fait d’ordinaire ; car on peut avoir recours au ventre de cheval ou au feu de lampe ; l’ouvroir y est nécessaire : c’est pour éloigner le vaisseau du feu, qu’on a fait le foyer élevé, & pour reverbérer la chaleur qu’on a mis un dôme ; ensorte que ce fourneau est fait de quatre pieces. Ce dôme est concave, parce que le ciel a cette figure (ou paroît l’avoir) ; ce qui lui a fait donner le beau nom d’Uraniscus. Il a des trous autour pour regîtres ; celui du milieu sert à observer le degré de chaleur : Libavius qui a représenté ce fourneau, pag. 166. de son alchimie, dit l’avoir fait exécuter en terre, s’en être servi, y avoir vû ce noir qu’on appelle la tête du corbeau, & y avoir fait toute la putréfaction & séparation ou dissolution.

La hauteur du fourneau sera de trois piés & demi, & la largeur d’un pié & demi inclusivement : le cendrier sera haut d’un pié, y compris la grille & le sol du fourneau. Le foyer sera terminé à la hauteur de neuf pouces par un diaphragme de fer ou de terre, ayant dans son milieu un trou rond de quatre pouces de diametre, pour la communication de la chaleur. On aura trois regîtres ou lames de tôle plus larges que le trou ; ces lames de tôle seront percées & auront, la premiere une ouverture de trois pouces de diametre, la seconde une de deux, & la troisieme une d’un seul ; on appliquera sur le diaphragme celle qu’il faudra ; cela dépendra du degré de chaleur qu’on voudra donner. L’ouvroir aura quinze pouces de haut depuis le diaphragme jusqu’au dôme : sur ce diaphragme on placera un trépié de terre ou de fer, de trois pouces & demi de diametre, & de six de haut ; c’est sur ce trépié qu’on place l’œuf philosophique : le tout est surmonté d’un dôme de fer hémisphérique, haut de six pouces. Le regître du milieu est d’un pouce de diametre, on en approche la main pour régler le feu ; on place sur le trépié une sphere creuse partagée en deux hémi-spheres : cette sphere a sept pouces de diametre ; on y enferme un œuf philosophique de terre.

Le trou du diaphragme sans regître étant de quatre pouces de diametre, passe pour donner une chaleur de quatre degrés. Si l’on ne veut que le troisieme degré, on a recours au regître ayant un trou de trois pouces de diametre, & ainsi de suite. La grille est de beaucoup trop grande pour le premier & second degré : ainsi il faut la changer ou mettre dessus une feuille de tôle qu’on puisse graduer à volonté : Libavius en a fait faire de différentes pour les divers degrés de feu, percées comme la grille d’une rape. Quelques artistes ont un catin où ils mettent du feu ; ce catin est percé de petits trous, & placé sur la grille dont il fait les fonctions ; on lui fait de grands bords. Quand on a fixé le regître l, on lute bien les vuides qu’il laisse. Dans Libavius il y a un tuyau de quelques doigts de haut, attaché au bord du trou du diaphragme ; & le regître se glisse néanmoins entre deux : le trépié l’embrasse & porte dessus à la place des œufs partagés en hémi-spheres. On met encore une cucurbite dans laquelle on renferme l’œuf philosophique, & qu’on scelle quelquefois hermétiquement ; car si la figure de Rupescissa a été faite selon son intention, il y a toute apparence que tantôt il a scellé ainsi sa cucurbite, & tantôt il l’a laissée ouverte. Ce fourneau est portatif & peut être divisé en moins de corps ; on peut encore le faire de différentes grandeurs ; quelques artistes l’ont voulu transporter, comme il arrive aux faux-monnoyeurs de transporter avec eux tous leurs ustensiles : mais le vrai chimiste sera un philosophe sédentaire, pag. 165 de la Scevastique de Libavius. On trouve encore la description & la figure de ce fourneau, pag. 87. tom. I. de la bibliotheque chimique de Manget.

Le fourneau de lampe est appellé fourneau secret des philosophes, & aussi fourneau des arcanes. Ceux qui en voudront davantage là-dessus pourront consulter les descriptions qui en ont été données par Isaac le Hollandois, Paracelse, Despagnette, Raimond Lulle, Bernhard, &c.

Il est évident que le fourneau donné par la Roquetaillade, qui vivoit au quatorzieme siecle, a dû fournir tout naturellement la construction du fourneau de notre fig. 1. qui n’en differe qu’en ce qu’au lieu d’un diaphragme ouvert, elle a deux barres de fer & un trou pour passer le cou de la cornue ; on observe encore qu’il n’y a qu’un regître au dôme.

Nous aurions peut-être dû placer les fourneaux polychrestes après ceux-ci, comme étant censés servir aussi au grand-œuvre par la généralité qu’ils affectent ; mais nous aurions par-là confondu la philosophie hermétique avec la Chimie positive ; ce que nous avons voulu éviter.

Généralités sur la division des fourneaux. Il est évident que tous les fourneaux qui précedent tirent leur dénomination des opérations auxquelles ils sont destinés.

On eût peut-être souhaité que cette division eût été déduite des qualités intrinseques de chaque espece de fourneau, de même qu’on a distingué les plantes par les pétales, par exemple, &c. mais les fourneaux sont un acte de la raison humaine ; ils sont tous construits sur le même principe, l’action de l’air & du feu ; & leurs accessoires dépendent du corps à traiter ou du vaisseau qui le contient, ou bien de tous les deux ensemble. Ainsi quoiqu’ils puissent absolument être considérés en eux-mêmes, & abstraction faite de ces différentes conditions, elles cessent en quelque sorte de leur être étrangeres, puisqu’elles sont le principe de leur structure ; & l’on ne peut les en séparer, qu’on ne sépare les moyens de la fin qui leur a donné naissance, & qu’on ne réduise alors les fourneaux à de simples êtres chimériques & devant leur origine au hasard, quoique capables de servir à quelques usages. On n’en peut pas dire autant des vertus des plantes, qui ne sont pas des productions humaines ; il a donc fallu diviser les fourneaux, non d’après l’action combinée de l’air & du feu, qui n’y exige par elle-même aucune différence, mais d’après les corps auxquels on veut appliquer le feu.

Telle est la division que nous avons crû devoir établir pour mettre quelque ordre dans ce que nous avions à dire : on la regardera peut-être comme un système de plus qui ne servira qu’à charger la mémoire ; mais il est aisé de ne faire attention qu’aux faits.

Nous avons fait onze sections des fourneaux, d’après l’usage dont ils sont dans les opérations ; ce n’est pas qu’elles se bornent à ce nombre, mais il y en a quantité & même de très-différentes, qui se font dans les mêmes ; & nous entendons parler de celles qui demandent quelque changement particulier dans la construction d’un fourneau, quoiqu’elle soit presque la même quant au fond ; il est bon d’avertir qu’il se trouve dans la plûpart d’entre eux des diminutions ou additions qui les rendent plus propres à remplir les vûes qu’on se propose. Si nous n’avons point parlé des fourneaux de cémentation, par exemple, c’est que cette opération ressemble à une fusion, quant à l’appareil, & que les fourneaux de celle-ci servent à celle-là ; car quoi de plus semblable qu’un creuset à fondre, & un creuset ou pot de cémentation ? cependant on ne confondra pas aisément ces deux opérations.

Les derniers fourneaux n’ont été mis avec les vaisseaux, qu’afin que l’appareil fût complet, c’est-à-dire pour accompagner les vaisseaux & figurer avec eux, de même que ceux-ci ont été représentés au commencement pour accompagner les fourneaux ; avec cette différence toutefois, que les fourneaux sont faits pour les vaisseaux, quoi qu’en dise Manget, qui appelle ceux-ci vaisseaux secondaires. L’utile nous a conduits, l’agréable s’y est trouvé.

Autant que nous avons pû, nous avons fait dessiner d’après nature les fourneaux représentés dans nos Planches ; mais il en est un certain nombre qui ne se trouvent que dans les ouvrages des Chimistes. On s’attend bien de trouver sur tout parmi nos ustensiles, ceux qui sont aujourd’hui en usage ; on pensera même tout naturellement que nous avons dû consulter le laboratoire de M. Roüelle, qui est très-bien fourni en ce genre. Nous n’avions garde de négliger cette ressource, & il nous a été ouvert avec cet empressement qui naît du desir de contribuer au progrès des Sciences. Nous lui devons les figures 1, 2, 3, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 54, 61, 73, 74 & 161. Nous aurons soin en parlant des vaisseaux & ustensiles, de reconnoître aussi ceux que nous aurons fait dessiner chez lui. Par-tout nous avons indiqué nos sources, & nous avons cité de notre mieux en parlant des différens auteurs où l’on peut voir la même figure, afin de satisfaire ceux qui seront curieux d’y recourir, & de reconnoître en même tems ce que nous devons à autrui. Tout devient intéressant pour ceux qui aiment & cultivent une science ; non contens d’être parvenus à ses bornes, ils aiment encore à en examiner les progrès, & savoir à qui l’on est redevable de ceux qui l’ont amenée au point où ils la trouvent. Nous ne devions pas épuiser les matieres, mais nous avons fait ensorte de piquer la curiosité de ceux qui voudroient en savoir autant qu’il est possible.

On ne voit pas, au moins que je sache, que les chimistes qui ont écrit avant Geber, ayent eu soin de nous parler des ustensiles qu’ils ont employés pour leurs opérations ; c’est cependant par-là qu’ils devoient commencer. Est-ce mystere ou ignorance de la vraie méthode ? On peut dire qu’ils font l’extrème de quelques auteurs modernes, qui pour lier un fait à ce qui a été inventé avant eux, commencent leur narration des les élémens de la science, dont leur découverte doit reculer les bornes.

Quoiqu’on puisse faire quantité d’opérations chimiques dans le même fourneau, & qu’il y en ait quelques-uns de ceux qui sont représentés dans nos Planches qui reviennent presqu’au même, nous avons cru devoir rassembler tous ceux qui pouvoient entrer & être nécessaires dans un laboratoire philosophique qu’on voudroit rendre complet, & dans lequel on seroit obligé de faire plusieurs opérations à-la-fois dans différens genres, afin que ceux qui voudroient s’occuper de ce travail, pussent choisir dequoi se satisfaire. La plûpart des auteurs s’accordent sur six, qu’ils regardent comme nécessaires & suffisans : ceux de distillation latérale, le grand fourneau de décoction pour la cucurbite de cuivre, un fourneau à capsule, un fourneau de fusion à vent, un fourneau d’essai, & un athanor.

Nous avons cru devoir nous étendre sur cette matiere avec d’autant plus de raison, qu’on n’en trouve rien dans les autres dictionnaires. Trévoux n’en dit que très-peu de chose, & même ce qu’il y en a n’est pas exact. Le grand dictionnaire de Medecine, où l’on auroit dû trouver cet article très-détaillé, avec de nombreuses planches, n’en donne qu’une mauvaise définition de quatre lignes. MM. Boerhaave & Cramer ont fait l’un & l’autre une faute contre la vraie méthode, en commençant l’un sa chimie & l’autre sa docimastique par la théorie, ou la partie la plus abstraite de ce qu’ils traitoient, & en comprenant dans cette théorie, & encore à la fin, la partie des fourneaux & des vaisseaux, qui sont un sujet très-pratique. On doit écrire comme on doit enseigner ; & dans un livre & un cours de Chimie faits méthodiquement, on doit débuter d’abord par les vaisseaux & fourneaux.

Si quelques personnes croyent que nous avons trop insisté sur le détail de la description de chaque fourneau en particulier, nous les prions de considérer que nous avons cru ne pouvoir être utiles qu’en nous comportant de la sorte ; que tel qui veut construire un fourneau aime à en trouver la description à son article, sans être obligé de l’aller chercher par comparaison dans celle d’un autre fourneau différent, ou dans des généralités inutiles à ceux qui ne savent point & à ceux qui savent ; par la raison que les premiers n’en sauroient faire l’application à des cas particuliers qu’ils ignorent, & que les derniers n’en ont pas besoin, parce qu’ils les savent. Enfin je serois presque tenté de dire que ceux qui trouveront que nous en avons trop dit, sont précisément ceux pour qui nous n’en avons pas dit assez, & qui seroient incapables d’exécuter la plus étendue de nos descriptions, même quand nous l’augmenterions encore. Une pareille description doit être jugée sur la facilité de son exécution ; il faut pourtant supposer que ceux qui l’entreprendront soient artistes, au moins en général. Nous ne parlons point des autres.

Nous avons rejetté comme insuffisantes les distinctions qui ont été faites des fourneaux en fixes & portatifs, en ronds & quarrés, en simples & composés, en fourneaux à vent, à soufflet, à tour, ainsi que celles qui ont été tirées du vaisseau dans lequel on y traite les corps ; de la maniere dont le feu y est appliqué, du nom de l’auteur, de l’effet de leur matiere, figure, de leur grandeur : ces différens noms doivent être connus ; mais comme ils ne sont dûs qu’à quelques accessoires, à des conventions ou à des qualités communes à quelques fourneaux seulement, ils n’ont pû se prêter à la méthode que nous avons voulu suivre par les raisons que nous allons détailler.

Il n’y a peut-être point d’auteur qui ait parlé des fourneaux, qui n’ait répété machinalement la plûpart des divisions que nous venons de proscrire, sans en mentionner les avantages ni les inconvéniens. Il n’étoit pas étonnant qu’ils ne parlassent point des avantages, nous ne pouvons y en trouver ; mais nous allons indiquer les inconvéniens que nous y voyons.

Les moindres sont un fatras de noms qui ne servent qu’à charger la mémoire. Voici les autres.

1°. La division en fixes & en portatifs n’est d’aucune utilité, en ce qu’elle ne change point la nature du fourneau ; car le même exactement peut être fixe & portatif dans bien des cas. On peut comparer nos figures premiere & trois dans tous les cas où il ne faudra que le degré de feu que le fourneau de la figure premiere pourra supporter ; car alors on pourra toûjours se servir de la figure troisieme, comme de la figure premiere : d’ailleurs il n’est pas toûjours nécessaire qu’un fourneau soit fixe pour soûtenir la violence du feu ; celui de Pott qui est en tôle, en est la preuve.

2°. Que veut dire la distinction entre fourneau rond & fourneau quarré ? La figure extérieure, car c’est d’elle qu’il s’agit ici, influe-t-elle sur les qualités du dedans ? C’est faire trop d’honneur à des distinctions aussi frivoles, que d’en parler.

3°. Celle des simples & des composés a d’abord un air spécieux : mais que signifie-t-elle au fond ? veut-on mettre en comparaison des fourneaux qui servent à plus d’opérations, ou qui ont plus de parties, ou qui ont plus de variétés que d’autres ? Nous avons fait voir que tous les fourneaux pouvoient servir à plusieurs opérations, plus ou moins ; ainsi on ne peut rien dire que de vague sur cet article. En second lieu s’agit-il ici de la différence qui peut être entre un athanor & un fourneau de distillation, quant à la quantité des pieces ? il est vrai qu’il y a de ces derniers qui n’en ont qu’une ; mais il y en a aussi qui en ont quatre & cinq, comme il y a des athanors qui n’ont que la tour & un petit fourneau de décoction pour lequel seul elle a été construite ; & d’ailleurs l’athanor est d’une seule piece.

4°. En fourneaux à vent & fourneaux à soufflet. Sous le nom de fourneaux à vent, on entend tous ceux dont le feu n’est point animé par les soufflets, mais seulement par le jeu de l’air ; ensorte qu’il seroit plus à-propos de les appeller fourneaux à air, si l’usage n’en avoit autrement décidé : ainsi tous ceux que nous avons mentionnés doivent être placés dans ce rang, hors ceux-ci seulement ; la forge qu’on peut voir dans les Planches du Fondeur en cuivre, qui est le seul vrai fourneau à soufflet, & qui ne va jamais sans cela ; les fourneaux de fusion, fig. 26, 36, 37 n°. 1. & 71, mais seulement quand ils vont par le moyen du soufflet, car ils sont plus souvent animés par le jeu de l’air. Ainsi ce que nous pourrions avoir à dire actuellement sur les fourneaux à soufflet, s’entend assez par la distinction que nous venons de faire. La Chimie philosophique n’employe le soufflet que dans un petit nombre de circonstances, si l’on considere le nombre total de ses opérations, & ce n’est guere que pour le regne minéral qu’elle en fait usage. Il s’ensuit donc qu’on ne doit regarder que comme un nom, l’expression qui ne tombe vraiment que sur la forge seule, ou tout-au-plus encore sur notre fourneau d’affinage (figure 17), qui n’est au fond qu’une forge ; cette expression étant équivoque pour les autres fourneaux que nous avons exceptés, par la raison qu’ils sont tantôt à vent, & tantôt à soufflet.

5°. En fourneaux à tour : ceci n’est encore qu’une expression qui ne tombe que sur un seul fourneau qui est l’athanor.

6°. On a encore nommé quelques fourneaux du nom du vaisseau dans lequel on y traite les corps, tels sont les fourneaux à capsule ; mais on a dû remarquer qu’en ôtant leur vaisseau on leur ôtoit aussi leur nom, & qu’ils n’étoient plus pour lors que des fourneaux de décoction ou de distillation ascensoire, ou même latérale. Voyez nos figures 5, 12, 13, 14, & 161. Il est vrai qu’il y en a qui ne servent qu’à cet usage, comme par exemple notre athanor, fig. 61, en supposant qu’il n’eût point de tour ; mais ce sera un bain de sable tout simplement ; & s’il a une tour, ce sera un athanor à bain de sable ; autrement il faudroit dire un fourneau à tour & à capsule.

7°. D’autres ont été nommés fourneaux de reverbere, d’après la maniere dont le feu y est appliqué. Toutes les fois qu’on a vû un fourneau où la flamme ne pouvant s’échapper librement, & refléchie par leurs parois ou d’autres obstacles, retomber sur elle-même, ou se frapper continuellement, se reverberat, verberibus in se agit, d’où ce terme est venu, on a appellé ce fourneau de reverbere : mais comme on n’a vû ou cru voir ce phénomene que dans quelques fourneaux seulement, il n’y en a eu aussi que quelques-uns qui ont été décorés de ce titre. On a encore appellé de la sorte ceux où la flamme n’étoit que refléchie sur le corps sans circuler autour, comme celui de notre figure 15, & le grand fourneau anglois, ainsi que nous l’avons dit à la section de ceux qui sont employés à l’affinage. Mais il me semble qu’il y a plus de fourneaux de reverbere qu’on ne pense, & qu’il n’y en a peut-être pas un seul en Chimie, où la qualité reverbératrice ne se rencontre. Nous la voyons dans les fourneaux de distillation ascensoire, où la chaleur est certainement obligée de circuler & de se refléchir sur elle-même & autour de la cucurbite, avant que de sortir par les regîtres ; & nous ne voyons pas un individu dans cette section toute entiere qui fasse exception. Ceux de distillation latérale sont ceux qui ont été nommés plus généralement fourneaux de reverbere, mais ils ne le sont pas plus que les autres ; il est vrai que le vaisseau y est entouré de la chaleur, mais il l’est bien mieux encore dans une forge, &c. & ce n’est pas du vaisseau environné de la chaleur que ce nom est tiré, mais de l’action de la flamme ; car le fourneau (fig. 15.) à calciner la potasse, & le fourneau anglois, sont des reverberes. Les fourneaux de distillation descensoire seront certainement des reverberes, si on les couvre par le haut. Tous les fourneaux de fusion sont éminemment dans le même cas, comme nous le verrons plus particulierement dans la suite, & cependant on n’a jamais pensé à joindre ces deux mots ensemble, fusion & reverbere. Enfin les fourneaux d’essai, d’affinage, de verrerie, les athanors, les fourneaux polychrestes & philosophiques, sont tout autant de reverberes. La forge, sur-tout quand on la couvre d’un carreau, les fourneaux à lampe, de décoction, & généralement tous les fourneaux, peuvent être appellés des fourneaux de reverbere ; & ce n’est pas abuser des termes, comme on a fait en ne nommant ainsi que quelques fourneaux : car soit que la chaleur y circule par une construction particuliere, ou par un dôme, ou par un vaisseau, qui en fait en quelque façon l’office, ou un carreau, ou une plaque de tôle, la chose revient au même, & c’est une qualité qui entre dans la définition d’un fourneau. C’est pour cette raison que nous avons fait plus d’usage de ce mot dans nos descriptions, comme signifiant une action dont la flamme étoit susceptible, que nous ne l’avons employé comme une qualification ; & si nous l’avons employé quelquefois dans ce dernier sens, c’est parce que nous n’avons pû renoncer tout-d’un-coup à l’usage reçu. La division des fourneaux d’après les opérations, prouve ce qu’on avance. Il s’ensuit donc qu’on peut rejetter & admettre ce mot dans le sens que nous avons expliqué.

8°. Quelques fourneaux ont retenu le nom de leur auteur, & il faut avoüer que cela apprend quelque chose, & qu’il est juste que ceux à qui l’on a ces obligations, en retirent tout l’honneur qu’ils méritent ; mais ce n’est qu’un trait historique qui ne désigne point la nature du fourneau. Les noms de Beccher, Glauber & Dornæus qui servent à distinguer leurs fourneaux dans l’usage, ne veulent point dire que celui de Beccher est un fourneau de fusion qui sert à quantité d’opérations, &c. au reste je crois qu’il vaudroit mieux que tous les fourneaux portassent le nom de leur auteur, & n’eussent que celui-là ; ce seroit un embarras de moins, & on n’en connoîtroit pas moins tous les usages auxquels ils peuvent s’étendre.

9°. On s’attend bien que nous aurons de l’indulgence pour ceux qui ont nommé les fourneaux d’après leur effet ; mais nous aurions souhaité qu’ils eussent été plus conséquens. De tous les auteurs que nous avons parcourus sur cette matiere, & qui ont parle de cette distinction, nous n’en avons pas trouvé un seul qui n’en ait admis d’autres en même tems ; elles se trouvent parmi celles que nous proscrivons.

10°. Les différentes matieres employées à la construction des fourneaux, leur ont encore mérité des noms qu’on a cru pouvoir apprendre quelque chose. Il est vrai que dans leur description on doit dire, s’ils sont fixes, ronds ou quarrés, en terre, en brique, en tôle ou en fonte ; mais je ne vois pas que ces noms doivent leur rester ; ils n’y apportent aucune différence, le même fourneau pouvant être construit de diverses matieres.

11°. La figure des fourneaux (on entend ici l’intérieure) a été trop vague aussi pour qu’on ait pû s’en servir comme d’un signe pour les reconnoître. Un fourneau elliptique n’est pas plus un fourneau de fusion que de distillation, &c.

12°. Leur grandeur n’a pas dû non plus constituer leurs noms ; ce n’est une distinction bonne tout-au-plus qu’à s’entendre dans un laboratoire, soit pour les fourneaux du même laboratoire, soit pour ceux des travaux en grand.

13°. La qualité de fourneau à dôme est encore applicable à plusieurs especes, & par conséquent trop vague.

14°. Les fourneaux domestiques ne font rien à la Chimie ; à la bonne-heure que l’économie les ait admis, de même que la Chimie a profité de l’économie domestique. Nous dirons néanmoins que ce sont pour l’ordinaire des fourneaux de décoction, comme ceux des figures 12, 13, &c. plus ou moins mal-faits, & criblés de trous. Il y en a d’autres cependant qui ont leur utilité, & qui sont très-bien construits pour ce à quoi ils sont destinés. Qu’on s’imagine qu’au fourneau de la décoction de la figure 12, il y a à l’opposite de la bouche du foyer un trou d’un pouce & demi de diametre environ, auquel on fait un petit tuyau de terre qui se termine aux ords du fourneau, & va quelquefois un peu plus haut, pour être reçu dans un tuyau de poêle ; ils servent à la cuisine. Quant aux autres fourneaux de cuisine, ils n’entrent point dans notre plan, quoiqu’ils soient de notre compétence. Nous n’en parlons ici que pour dire qu’ils sont très-mal faits pour l’ordinaire.

On fait mal-à propos synonymes fourneaux domestiques & d’apothicaire.

15°. On a pû voir par ce que nous avons dit des fourneaux de lampe, que l’aliment du feu n’y apportoit pas une différence bien considérable ; car c’est du feu de la lampe qu’il est ici question, & non de sa figure, soit qu’on y brûle de l’esprit-de-vin ou de l’huile : on auroit dû par la même raison dire fourneaux à bois, à charbon, à tourbe, &c.

Tout fourneau a son cendrier, sa grille & son foyer, disent Stahl, le Fêvre, Charas, & quantité d’autres ; mais il existe un fourneau d’essai qui n’a ni grille ni cendrier, ou dont le cendrier & le foyer sont confondus : d’ailleurs le fourneau à lampe n’a pas de grille ; mais on peut dire, je crois en général, comme le même Stahl, qu’il n’y a point de fourneau qui n’ait une partie dont la figure est la même dans tous, & que chacun en a outre cela au-moins une qui lui est propre.

Nous ne parlerons point des autres distinctions en ouverts & fermés ; en fermés par une fermeture plate ou convexe ; en droits & renversés ; à canaux ; perpétuels & extemporanés ; composés de parties contiguës & continues ; paresseux & vigilans ; libres & fixés au mur ; elles ne servent de rien, & ne méritent pas qu’on s’y arrête.

Nous n’avons encore rien dit des regîtres qu’en passant & en particulier ; nous ne les avons, pour ainsi dire, encore guere considérés que comme des trous qu’on faisoit au-haut d’un fourneau, excepté en parlant de l’athanor (fig. 50.), du fourneau de fusion (fig. 26), & de quelques autres. Voici ce que nous avons à ajoûter sur cette matiere.

Des regîtres. Un regître est une ouverture pratiquée à la partie supérieure des fourneaux, pour servir de passage aux vapeurs fournies par l’aliment du feu, & au torrent de l’air qui l’anime. Ce nom vient de régir, parce qu’on gouverne le feu par ce moyen. On n’a point encore de regles certaines pour la proportion que ces regîtres doivent avoir avec le reste du fourneau. Glauber demande un tiers de son diametre pour le regître : Boerhaave n’en veut qu’un quart pour le même fourneau de fusion. Il est fort peu question des autres.

On avoit fait des fourneaux de décoction, &c. ayant pour regître des échancrures dans le bord qui touche le vaisseau, & il faut avoüer que c’étoit-là la meilleure place qu’on pût leur donner ; mais on est revenu à faire quatre trous au-dessous de leur bord supérieur. Voyez nos figures 2, 12, 13. C’est la méthode ancienne ; voyez notre figure 76, qui est de Libavius.

Quand on met un bain au lieu de dôme dans le fourneau de distillation latérale fig. 1, les regîtres se trouvent faits tout naturellement par les échancrures des barres inutiles pour lors.

Il y a des regîtres qui méritent vraiment ce nom par l’espece de ressemblance qu’ils ont avec ceux des orgues ; tels sont ceux de la forge & du fourneau de fusion fig. 8. Au reste c’est leur usage, & non la figure qui décide. On appelle encore regîtres les instrumens, ou ces petits parallélipipedes de terre cuite, qu’on met devant les soupiraux de la moufle.

Une ouverture seule au milieu du dôme fait que la chaleur est par-tout égale dans le fourneau, & plus concentrée ; d’ailleurs il est plus aisé de la fermer. Quand il y en a trois ou quatre, il faut les tenir toujours ouverts, ou si on les ferme dans la suite, ne les pas rouvrir ; car il arrive que la partie de la retorte qui est vis-à-vis, & qui s’est refroidie pendant qu’ils ont été fermés, parce que la chaleur n’a plus été déterminée de ce côté-là, se fend parce qu’elle est frappée d’une chaleur subite : cet inconvénient arrive d’autant mieux qu’elle est plus épaisse, par la raison que la table interne ne peut pas être dilatée en même tems que l’externe. Cet usage d’un seul regître au milieu du dôme est fort ancien, comme nous l’avons remarqué à la section des fourneaux philosophiques. Peu d’auteurs en ont mis quatre. Il n’y a eu que quelques mauvais artistes ou fournalistes qui en ont introduit ce nombre de tems-en-tems.

Si les regîtres sont au nombre de quatre, & tout-autour du dôme du fourneau servant à la distillation du vinaigre, de la manne, du miel, &c. fig. 74. c’est qu’on ne peut pas les placer ailleurs, qu’on les laisse ouverts continuellement, & qu’il ne faut qu’une chaleur douce pour ces sortes d’opérations.

Quoiqu’il soit vrai qu’on augmente le feu en ouvrant les regîtres, cela n’a pourtant lieu qu’à l’égard de ceux qui ne sont pas trop grands ; car plus on en ouvriroit, & plus on devroit augmenter le feu, au lieu qu’on le diminue réellement si on en ouvre trop ou s’ils sont trop grands : ainsi il n’est question dans cet axiome que des regîtres qui sont en proportion avec le reste.

Les regîtres doivent être au plus un tiers ou un quart du diametre du cendrier, dont je crois qu’on peut regler la porte sur le diametre du fourneau. Celui de Glauber, par ex. a un pié de diametre, ainsi égale dimension suffira pour son soupirail, & le tiers ou le quart, comme on a dit, pour le tuyau. Quant au soupirail, je pense qu’il suffit qu’il fournisse au foyer ; mais le foyer n’a que cette largeur, & elle est même diminuée par la grille & les charbons : ce sera donc assez pour le soupirail, ce sera même trop ; mais dans le cas où l’on ne peut apprétier au juste la quantité convenable, il vaut mieux pécher par cet excès que par le contraire ; & je crois qu’on doit s’en tenir à cette dimension, une plus grande ne seroit pas fondée en raison, comme on voit au fourneau de Boerhaave ; elle est même nuisible, comme il est aisé de le penser, & comme nous le dirons en parlant des athanors. Mais il n’en est pas de même du tuyau ou cheminée, il ne doit pas avoir le même diametre que le fourneau : ceci au reste est une affaire d’expérience, sur laquelle on n’a pas encore fait beaucoup d’observations On peut néanmoins assûrer, qu’en faisant un fourneau de maniere qu’il aille toûjours en retrécissant, il admettra plus d’air qu’il ne lui en faut.

Au reste, si l’on pense qu’un soupirail de même diametre que le fourneau ne suffise pas, il faudroit, non l’élever ni faire plusieurs portes tout-autour du sol du cendrier, cela seroit inutile, mais aggrandir le diametre du cendrier lui-même ; & par ce moyen on auroit une porte plus large ; car il est aussi inutile de la faire plus haute que large quand elle est de la largeur du cendrier, que d’en mettre plusieurs tout-autour, de cette même largeur. Cela ne peut avoir lieu que quand chacune d’elles n’a qu’une partie du diametre du cendrier, & en de cas elles ne doivent faire entr’elles que la somme de sa largeur.

Des degrés du feu. C’est par le moyen des regîtres & du soupirail, comme nous l’avons déjà dit en plus d’un endroit, qu’on regle les différens degrés du feu. Voyez ce qu’on en a dit à l’article Feu.

Les Chimistes se sont un peu plus donné de peine pour regler les degrés du feu, que pour la construction des fourneaux ; & cependant l’un & l’autre devoient aller ensemble.

Les anciens avoient distingué quatre degrés de feu ; le premier étoit le bain de vapeur, le second l’eau bouillante, le troisieme la rougeur des métaux, & le quatrieme la fusion. Ils avoient fait encore une autre gradation, dont les distances étoient moindres : le premier degré étoit le bain de vapeur, le second l’eau bouillante, le troisieme le bain de cendres, le quatrieme le bain de sable, le cinquieme le bain de limaille, &c. Nous nous contentons de les exposer pour en montrer l’insuffisance.

Ils avoient encore distingué les premiers degrés de feu par le tact ; mais cette méthode étoit extrèmement incommode, & n’alloit pas bien loin ; d’ailleurs on sait en Physique qu’elle est très-incertaine.

Vanhelmont compte quatorze degrés du feu d’après l’intensité qu’il doit avoir dans son application, & l’augmentation exacte de cette intensité.

Le degré des bains de vapeur & marie sont les mêmes, & approchent beaucoup, selon la remarque de Czwelfer, de celui de l’eau bouillante, qui est le seul constant ; ainsi il ne faut pas les donner dans toute leur étendue, si on veut qu’ils approchent, par exemple, de la chaleur animale.

Le bain de vapeur s’appelle encore bain de rosée ; & le bain-marie a d’abord été nommé bain d’immersie ou de mer ; &, par une corruption introduite par Basile Valentin, bain-marie, en l’honneur de la Vierge.

Les cendres, qui doivent être criblées, donnent un degré presque aussi fort que celui du sable, & s’échauffent plus lentement : mais comme il seroit à craindre qu’elles ne fissent casser le vaisseau en conséquence de l’humidité que prend leur sel, il les faut dessaler avant. Elles ne retiennent pas non plus la chaleur si long-tems que le sable, &c. par cette même raison qu’elles sont plus rares.

On peut donner le même degré de chaleur à une cornue au bain sec, comme nous l’avons vû en parlant du fourneau de Beccher, & peut-être plus fort qu’au bain de sable ou de limaille, par la raison que les particules ignées ne se dissipent point en l’air.

Il faut que le sable soit pur & criblé ; s’il étoit mêlé de grosses pierres, il s’échaufferoit inégalement & casseroit les vaisseaux. Il doit aussi être sec ; s’il étoit mouillé, il casseroit encore les vaisseaux, ou, s’il avoit le tems de se sécher, il formeroit des pelotes qui reviendroient au même que les pierres ; & ainsi de la limaille & des cendres dans le même cas. Il faut que la capsule de ces bains soit couverte d’une autre pour éviter le contact de l’air froid.

D’autres ont évalué les degrés de feu par les différentes ouvertures des regîtres ; d’autres au moyen du thermometre de mercure divisé en degrés très-petits, comme on peut le voir par la chimie de Boerhaave. Cette méthode est assez exacte, & seroit préférable à toutes les autres ; mais l’application de cet instrument est quelquefois très-difficile, d’autres fois tout-à-fait impossible ; car on peut à peine aller jusqu’au mercure bouillant ; d’ailleurs on est sujet à en casser une prodigieuse quantité. Nous croyons cependant qu’on en peut faire usage, & que cet usage peut avoir son utilité dans les travaux qui ne demandent qu’un leger degré de chaleur. Vogel, d’après Boerhaave, divise le feu en cinq degrés : le premier est celui de la chaleur animale, & il s’étend depuis le trente-quatrieme jusqu’au quatre-vingt-quatorzieme degré du thermometre de Farhenheit ; le second depuis le quatre-vingt-quatorzieme jusqu’au deux-cents-douzieme degré de l’ébullition ; le troisieme depuis le deux-cents. douzieme jusqu’au six centieme, & c’est celui de la combustion, & qui rend les vaisseaux d’un rouge obscur ; le quatrieme degré depuis le six-centieme jusqu’à la fonte du fer ; & le cinquieme celui des miroirs catoptriques & dioptriques. Telle est la preuve que nous avions à donner des difficultés de trouver les degrés du feu.

On peut voir dans la physique soûterreine de Beccher, page 500. l’application des thermometres aux fourneaux.

Mais puisque les thermometres ne peuvent aller que jusqu’à un certain point, & que la plûpart des chimistes veulent avoir une connoissance des degrés du feu qui ne me paroît pas fort importante ; car le degré de feu nécessaire à fondre de l’or, est celui où ce métal se fond : ne pourroit-on pas mettre en œuvre la dilatation de certains corps solides, du fer, du cuivre, par exemple ? On en feroit passer une barre à-travers un fourneau, & on pourroit mesurer sa raréfaction ou son alongement, comme on le fait en Physique, au moyen d’une machine graduée ; & dans les cas où l’on passeroit la fusion du fer, ne pourroit-on pas avoir recours à un cylindre de pierre apyre ? Il est vrai que je propose ici des machines embarrassantes, & peut-être même impraticables ; j’invite les savans à nous donner quelque chose de plus satisfaisant.

On ne connoît point encore les bornes du feu produit par les miroirs ardens, à cause de la difficulté de s’en servir. Voyez les Mém. de l’acad. des Sciences, les élém. de chim. de Boerhaave, page 121. & l’article Lentille de Tschirnaus. Avant M. Pott, on ne savoit pas que le feu ordinaire s’étendît au-delà de celui des fourneaux de verrerie ordinaires. Voyez ce que nous avons dit à la fin des fourneaux de fusion. On peut toutefois établir cette gradation entre les feux les plus violens, en commençant 1°. par le fourneau de M. Pott, au dessus duquel sont encore les feux ; 2°. la lentille de Tschirnaus, connue sous le nom de lentille du palais royal ; 3°. le miroir de Vilette, ou concave du jardin du Roi ; & enfin 4°. celui du Briquet, qui est le plus vif de tous, puisqu’il scorifie le fer dans un instant presque indivisible.

Nous avons dit qu’il étoit difficile de conserver un thermometre de mercure en l’introduisant dans un fourneau ; car il ne peut pas toûjours l’être dans le vaisseau, quoique cela fût mieux, & qu’on risquât qu’il ne s’y rompît. Nous avons aussi laissé penser que les progrès d’une opération étoient le meilleur thermometre sur lequel un artiste exercé pouvoit se régler. Mais dans le cas où il seroit possible d’employer cet instrument, ne pourroit-il pas se faire que la même opération précisément demandât un degré de feu différent, parce qu’elle se feroit dans un fourneau & un vaisseau plus ou moins épais, ou avec une quantité de matiere différente ? Au reste, la connoissance de ces degrés de feu, n’est qu’une curiosité de plus, & n’est pas d’une grande utilité.

De l’aliment du feu. Les différentes matieres combustibles avec lesquelles on entretient le feu dans les fourneaux ont été mentionnées à l’article Feu. Cet élément est le principal instrument des Chimistes, comme il l’est de la nature ; ils ne font rien que par le feu ; aussi ont-ils pris le titre vrai & sublime de philosophes par le feu. Les Romains avoient fait une divinité de certains fours. Voyez les fastes d’Ovide. Si les Chimistes eussent été moins philosophes, ils auroient peut-être fait le même honneur à leurs fourneaux ; mais ils les ont imités à bien plus juste titre en déïfiant le feu, leur agent universel. Le feu s’entretient dans les fourneaux, non-seulement de la pâture qu’on lui donne, mais encore de ce que l’air nécessaire à son mouvement lui porte. Le concours de l’air est nécessaire pour l’embrasement, comme tout le monde sait, & comme le seul Stahl l’a bien expliqué dans ses trecenta, & autres ouvrages : ensorte qu’on pourroit définir le feu une matiere qui fait effervescence avec l’air, & qui tire sa force du mouvement qui nait de ce mélange. Mais l’air n’anime pas seulement le feu par ses parties propres, il augmente encore son aliment par les corps qu’il y porte. Tels sont le feu élémentaire qui est peut être nécessaire pour le rendre fluide ; l’acide sulphureux volatil qui s’y trouve (Voyez Stahl, trecenta) ; la transpiration des animaux, les sels volatils, les huiles, les semences, les poussieres, les odeurs, l’eau, les sels, & peut-être des minéraux & des métaux. Boerhaave. Il ne fait donc pas jouer le feu des fourneaux par sa simple qualité de vapeur élastique ; peut-être même produit-il ce phénomene plus par l’eau qu’il contient, que par lui-même, soit que cette eau agisse directement comme un corps mu, ou indirectement en le condensant ; ce qui est prouvé par l’action de l’air qu’on tire d’un endroit frais, comme de la rue ou d’une cave, par le moyen d’une trompe.

Il y a un choix à faire dans le charbon ; les plus durs & les plus sonans doivent être préférés : ils conservent la chaleur plus long-tems, & la donnent plus vive. Ceux qui sont faits de bois plus durs que le chene, valent encore mieux. Tels sont ceux de gayac, par exemple, qui rendent un son clair, & sont très-compactes & pesans. Les plus mauvais de tous sont ceux de tilleul & de sapin ; ils sont mous, brûlent vîte, & donnent peu de chaleur. On doit rejetter les fumerons ou charbons mal cuits, parce que la suie ou l’humidité acido-huileuse qu’ils exhalent, peut nuire aux opérations où l’on ne peut pas employer le bois ; cet inconvénient a fait quelquefois tomber en apoplexie le fameux distillateur Glauber. Les charbons doivent être tenus dans un lieu sec ; ceux qui ont pris de l’humidité pétillent & s’écartent de toutes parts en conséquence de l’explosion que leur cause l’humidité dont ils sont impregnés, explosion qui brise souvent les vaisseaux.

Le charbon de terre donne une chaleur plus vive & plus durable ; mais il donne de mauvaises exhalaisons, même quoiqu’on l’ait calciné. Barner, Stahl.

La tourbe qui est composée de pédicules & de racines de plantes entrelacées & impregnées d’une terre bitumineuse, conserve aussi le feu assez long-tems, & elle donne une flamme claire : mais elle donne encore des exhalaisons nuisibles. Quand on en veut chauffer un fourneau, on en prend un morceau, on le fait flamber dans le feu, & on l’éteint dans l’eau : quand on en veut allumer d’autres morceaux, on met celui-ci dans le feu ; il s’embrase promptement, & sert à mettre le feu aux autres. Stahl, fund. page 46.

Tout le monde sait quel est le meilleur bois pour l’usage, & de quelle grosseur il doit être pour ce qu’on en veut faire.

L’huile & l’esprit-de-vin sont très-commodes, en ce qu’ils fournissent en abrégé un aliment qui entretient long-tems le feu, quand il le faut doux sans doute : mais Vogel y trouve cet inconvénient, que l’esprit-de-vin est trop cher, & que l’huile donne un charbon qui retombe aisément & souvent sur les meches, s’allume tout-d’un-coup & occasionne une explosion ; il dit encore que quelquefois elles sont éteintes par le charbon ou le champignon qu’elles forment ; ensorte qu’outre la dépense on court du danger, si l’explosion se fait quand on en est près. Mais je ne crois pas qu’on doive se laisser aller à ces craintes : en premier lieu, on ne feroit pas au même prix avec le charbon ce qu’on fera avec l’huile ; si cet aliment coûte beaucoup, c’est qu’il faut qu’il brûle long-tems ; il a raison au sujet de l’esprit-de-vin, il est beaucoup plus cher & dure moins que l’huile : en second lieu, si les lampes ont fait beaucoup de charbon, c’est qu’il en a mal arrangé les meches, & qu’il a brûlé de l’huile très-épaisse. Quand le lumignon d’une lampe est bien fait (voyez Leutmann), on peut le laisser brûler quatre sans y toucher : de toutes les huiles qu’on brûle la plus mauvaise, sans contredit, pour la poitrine, est celle de navette ; cette huile contient un alkali volatil qui échappe au-moins en partie à la déflagration, ou qui s’éleve de la lampe échauffée.

Généralités sur le jeu de l’air & du feu, & sur son aliment dans les fourneaux. On chauffe pour l’ordinaire les grands fourneaux de décoctions, ou servant à la courge, au grand alembic de cuivre de quelques piés de diametre ; enfin ces fourneaux que nous avons dit ressembler à notre fig. 3. excepté qu’ils sont un peu moins élevés à-proportion ; on les chauffe, dis-je, avec le bois, pour épargner la dépense. Ils ont un tuyau de poêle pour la sortie de la fumée : mais s’ils sont mal construits, c. a d. si le cendrier & le foyer ne sont distingues que par leur grille, qui ne laisse entrevoir au-dehors qu’une seule & même porte, comme on le voit dans quantité de laboratoires, & par notre fig. 84. tirée de la Pl. III. de Lémery, ou il y en a deux l’un contre l’autre ; la fumée est sujette à sortir par la porte du cendrier, sans qu’on puisse l’en empêcher, à moins que le tuyau qui dérive la fumée ne soit bien fait & bien exposé, & encore y a-t-il des tems où il fume. Il faut donc que ces deux portes soient éloignées l’une de l’autre, sinon comme dans notre fig. 3. au-moins à-peu-près autant : on peut la citer comme un exemple de ces sortes de fourneaux, au-moins quant au fond ; car les autres n’ont besoin ni d’échancrure ni de dôme. Il s’ensuit donc nécessairement que le fourneau de décoction aura une grille, & ils n’en ont pas tous ; ce qui est un défaut ; & cette grille est nécessaire pour remédier à l’inconvénient en question. Par-là la bouche du foyer étant exactement fermée avec une brique qui aura l’épaisseur de la paroi du fourneau, & lutée, s’il est nécessaire, la fumée sera obligée d’enfiler son tuyau de poêle, ou de descendre dans le cendrier ; & elle ne peut pas s’échapper par ailleurs : car on suppose que le fourneau n’ait pas de crevasses, & que la cucurbite de cuivre soit bien lutée tout-autour. Mais la fumée ne pourra descendre dans le cendrier, qu’elle ne passe à-travers la flamme ; & elle n’a pas le tems de faire ce trajet, qu’elle est toute consumée & qu’on n’en voit rien ; car on n’a jamais vû de fumée sortir du cendrier, pourvû toutefois que la grille soit bien garnie de braise. Ce phenomene qui existe particulierement dans le poêle sans fumée, & qui est le principe de sa construction, pourroit être appliqué aux poêles ordinaires ; nous en parlerons encore dans la suite. On auroit plus de chaleur avec la même quantité de bois, sur-tout si on y joignoit la disposition du poêle à l’italienne, imité de ceux de Keslar & des ventouses de Gauger, quant au tuyau seulement, & non quant à la circonvolution de la flamme : on y a, dis-je, plus de chaleur, parce que la fumée s’y brule ; ce qui est autant de perdu pour l’aliment du feu ; & il n’en faut pas nettoyer le tuyau si souvent.

Que la fumée devienne la pâture du feu toutes les fois qu’elle est soûmise au mouvement de ce principe, c’est ce que nous n’entreprenons point de prouver ici : on peut voir les articles Fumée, Huile, & Phlogistique  : au reste il est aisé de comprendre que la suie n’est qu’une fumée concrete, & l’on ne sait que trop qu’elle est capable de brûler. Nous nous bornons donc à parler des cas où la chose arrive. La fumée du four du boulanger n’est plus humide, plus blanche, ne blesse moins la vûe, & enfin ne sent mieux celle du foin mouillé qu’on commence à allumer, que parce que l’huile qui en fait une grande partie est presque toute consumée avant que de sortir du four où elle étoit renfermée, où elle a circulé & a été forcée de passer à-travers une étendue de flamme assez considérable ; ce qui fait qu’on n’en nettoye que rarement les cheminées, & qu’on n’y trouve qu’une petite quantité de noir de fumée, qui ne se voit point dans les cheminées des cuisines.

La flamme du grand fourneau anglois ne ressemble point à la flamme ordinaire ; je puis même avancer qu’on n’en a aucune idée si on ne l’a vûe : cette singularité n’est dûe qu’à la fumée, qui étant exposée à l’ardeur de la flamme dans un long canal (car ce fourneau a souvent une cheminée de vingt à trente piés de haut, au-dessus de laquelle on voit la flamme la nuit), brûle en vapeurs, c’est-à-dire étant divisée en des molécules très-fines qui forment autant de petits points lumineux très-rouges : pour en donner une idée qui en approche, je la comparerai à du carmin en poudre fine qu’on agiteroit rapidement dans un vase de verre crystallin, ou aux vapeurs formées de l’acide nitreux le plus concentré, qui auroient l’éclat du feu ; car la flamme de ce fourneau est obscure, tant elle est chargée ; ce qui peut venir de la cendre qu’elle entraîne. On a encore quelque chose d’approchant dans quelques compositions de feux d’artifice. Il ne doit donc point ou presque point sortir de fumée par la cheminée de ce fourneau : la chose est démontrée par l’art qu’on a de mettre au sommet de la flamme d’une chandelle ou d’une lampe, un petit tuyau métallique où la lumiere monte & consume le peu de fumée qu’elle laisse échapper. Nous avons vû qu’on peut se dispenser d’employer ce tuyau pour la meche de la lampe par l’arrangement qu’on lui donne ; ce qui est encore appliquable à ce dont il est ici question.

On pourroit m’objecter que les fourneaux des cloches & des canons remplissent l’atmosphere du hangard qui les couvre d’une matiere fuligineuse, tendre, & legere, comme on peut le voir à l’arsenal de Paris, &c. mais c’est prêter de nouvelles forces à ce que j’ai avancé. Cette matiere fuligineuse ne blesse point la vûe ; elle est en petite quantité, malgré celle du bois qu’on brûle pendant plusieurs heures, & si legere qu’elle se soûtient dans l’air sans paroître tomber, semblable à celle de la chandelle qui ne se repose que dans les endroits les plus tranquilles & les plus à couvert de l’agitation de l’air ; avec cette différence pourtant, que celle ci est plus charbonneuse, plus noire, & plus nuisible : d’ailleurs ces sortes de fourneaux sont sans cheminée ; ils n’ont pour regîtres que trois ou quatre ouvertures de six ou huit pouces en quarré, selon la grandeur du fourneau, horisontalement disposées contre la chûte des corps. Que deviendra donc cette matiere fuligineuse, quand elle aura été encore exposée pendant la longueur de vingt ou trente piés, à l’action d’une flamme beaucoup plus vive & plus rapide, en conséquence de la longueur qu’elle a à parcourir ? elle doit être résoute en ses élémens, & être invisible comme le noir de fumée que Stahl a brûlé dans un creuset.

Si on approche deux chandelles l’une de l’autre, la petite atmosphere lumineuse qui paroissoit à-peine d’abord, étant vûe à un pouce ou deux de distance, devient sensible, soit en conséquence de l’augmentation de mouvement, soit parce que le charbon qui s’en échappe peut être brûlé.

Une chandelle allumée n’en allume une autre inférieure mal éteinte & qui fume encore, que parce que la fumée ou les parties grasses & charbonneuses qui s’élevent encore de celle-ci, fournissent un aliment qui touche la flamme de la supérieure, & que celle-ci suit.

L’auteur ingénieux du poêle sans fumée, focus acapnos, est M. Dalesme, qui le publia en 1686, comme on peut le voir pag. 116. du journal des Savans de la même année. M. Justelius, anglois, fut le premier qui en rendit la figure publique ; il la donna presque en même tems dans les mémoires de la société royale de Londres : comme nous n’en avons point représenté la figure, nous prendrons parmi nos fourneaux de quoi nous faire entendre. Soit donnée la fig. 37. n°. 1. on fait un cylindre creux en tôle, au milieu duquel on met une grille, comme à un fourneau : la partie supérieure est aussi ouverte ; on peut encore le faire cubique de cinq lames de tôle, dans le goût de la fig. 36. & cela est même plus aisé. Par-dessous la grille on ajuste un tuyau elliptique au cendrier : on fait ce tuyau le plus gros qu’il est possible, & même on fait l’axe de l’ellipse égal au diametre du foyer, & conséquemment horisontal. Il est dans la même position précisément que notre tuyau b, à cela près qu’il est plus gros, comme nous l’avons dit, recourbé à angles droits, & deux ou trois fois plus haut que le corps du fourneau : on commence par échauffer la partie horisontale du tuyau ; on met des charbons ardens sur la grille du foyer, & ensuite quelque matiere combustible, comme du bois, de la tourbe, &c. La flamme passe à-travers la grille, descend dans le cendrier, & enfile le tuyau b ; & toute la chaleur sort par son orifice b. Mais la fumée est obligée de suivre le même chemin, c’est-à-dire d’enfiler aussi le tuyau b, & de passer à-travers la flamme qui remplit tout ce tuyau : ensorte qu’elle perd sa consistence & son caractere de fumée, se convertit en flamme, & sort sous cette apparence par l’extrémité du tuyau b, sans donner aucune marque de sa nature ; car elle est devenue insensible ; ce que nous venons de donner est plus la correction qui se trouve dans les remarques que M. de la Hire a ajoûtées dans l’endroit cité du journal des Savans, que la premiere ébauche qui en a paru. Peu importe qu’on chauffe la partie horisontale du tuyau avant que de mettre des charbons sur la grille ; si-tôt qu’ils y sont, l’air s’échauffe au commencement de ce tuyau, & on n’y met des charbons ardens que pour l’échauffer plus vîte ; ainsi on peut se dispenser de cette peine. Voyez plus bas ce que nous rapporterons des expériences de Gauger. A mesure que l’air s’échauffe sous la grille dans le tuyau, la chaleur qu’on sentoit sur la grille diminue : ensorte qu’à la fin on voit la flamme passer par l’extrémité b, & qu’on ne sent plus aucune chaleur au-dessus de la grille. Quand les choses en sont à ce point, si on jette de la paille sur le charbon, la flamme passe rapidement sous la grille, & sort par l’extrémité du tuyau sans donner de fumée : mais elle y produit une vive chaleur, tandis que le froid continue au-dessus de la grille. Le bois, la tourbe, le soufre, les huiles, donnent le même phénomene, & le tuyau s’échauffe au lieu de rougir ; on y entend même siffler la flamme, tant sa rapidité est grande. On observe que les corps qui répandent en brûlant une puanteur insupportable ou un parfum agréable, ne donnent ni bonne ni mauvaise odeur dans ce poêle, & ne laissent d’autres vestiges de leur combustion, que des cendres. Enfin tous les corps combustibles subissent le même sort ; leur flamme est également chassée par l’air qui presse le foyer plus bas que l’extrémité du tuyau, dans toute la longueur duquel réside la chaleur : c’est pour cette raison que la fumée y devient flamme ; elle s’y atténue enfin à un point que tout ce qui étoit combustible ou capable de prendre le mouvement igné, ne laisse plus aucune trace de sa premiere existence. Ainsi la matiere du feu se résout en ses élémens, & ne paroît point sous une espece d’aggrégation, comme dans le noir de fumée ; tant le mouvement qui lui est imprimé est considérable. Boerhaave, element. chem. pag. 163.

Ne pourroit-il pas se trouver des occasions où il seroit nécessaire d’employer une flamme qui n’auroit que très-peu ou point-du-tout de fumée, & conséquemment d’avoir recours à la construction du poêle sans fumée ? La fumée est nuisible, par exemple, dans les fourneaux de verrerie, où les creusets demeurent toûjours ouverts. Elle gâte le verre, & l’empêche de se perfectionner. Neri, préf. page 17. Le fourneau qui seroit le plus approchant de ce poêle, celui auquel il y auroit moins de changement à faire, seroit le grand fourneau anglois, ou notre fig. 19. On m’objectera que la fumée ou partie charbonneuse fine du bois qui échappe à l’embrasement, y est nécessaire pour le succès de certaines opérations, comme, par exemple, du minium, de la fonte des mines, de celle du cuivre, &c. mais on peut répondre à cela, que si cette partie charbonneuse est consumée dans le commencement de son trajet à-travers la flamme, ce qui n’est pas démontré, il s’ensuit que cette méthode ne sera pas bonne dans les circonstances où la partie charbonneuse est nécessaire ; & en effet on parle de celles où elle seroit nuisible. On pourroit donc en ce cas, au lieu de mettre la grille en b au-dessous du sol, la placer au niveau de la voûte qui est immédiatement au-dessus ; on ouvriroit un espace au-dessus de la grille, comme dans celui du poêle sans fumée, capable de contenir l’aliment nécessaire au feu ; & sous la grille on condamneroit le cendrier qui pour lors seroit inutile & nuisible, & on le mettroit au niveau du sol du fourneau ; ensorte qu’on auroit un vrai poêle sans fumée en toutes les regles, mais en grand. Mais il faut observer que la cheminée, comme celle des fourneaux anglois, seroit nécessaire en ce cas, & qu’on ne pourroit pas faire ce changement aux fourneaux des canons de l’arsenal de Paris, à-moins que d’y en construire une.

Nous avons encore observé, en parlant du fournaliste, que dans sa cheminée on trouvoit des cendres noires, ou une matiere noire & seche qui n’étoit pas onctueuse comme le noir de fumée. On trouve encore la même matiere à la partie supérieure que les fourneaux y ont dans son four, c’est-à-dire dans cet endroit qui y est le moins exposé à l’action du feu ; & cette matiere y est encore moins noire & fuligineuse que celle de la cheminée.

Le four du potier de terre est beaucoup plus large & plus long que celui du fournaliste ; mais sa cheminée est derriere, & la flamme n’est pas obligée de s’y réfléchir, ce qui la rend d’autant plus vive : aussi n’apperçoit-on ni sur les pots ni dans la cheminée pas le moindre vestige de suie. J’ai aussi remarqué que l’endroit le plus vitrifié, celui qui avoit le plus éprouvé l’action du feu, c’étoit l’extrémité du four & le commencement de la cheminée.

On peut profiter de tous ces exemples pour la Chimie & l’Economie domestique : ce n’est pas que nous conseillions de faire des poêles sans fumée dont le tuyau seroit ouvert dans les appartemens ; nous ne connoissons que trop les accidens qui arrivent tous les jours de la part de la vapeur du charbon ou matiere du feu, quoiqu’invisibles, encore associées à des corps qu’on ne connoît pas, comme les gas de Vanhelmont ; mais il n’y auroit rien à craindre, si les tuyaux avoient une issue au-dehors ; & s’il restoit encore des doutes sur l’ouverture de la partie supérieure de la grille, on pourroit la fermer & dériver l’air, qui lui seroit nécessaire, par un tuyau recourbé qui perceroit dans une chambre inférieure, ou même qui seroit horisontal & viendroit du dehors. Nous en parlerons dans la suite.

Quand on allume les fourneaux, on sent pour l’ordinaire une odeur de foie de soufre, & quelquefois de soufre brûlant ; on en trouvera les raisons aux articles Soufre & Phlogistique.

Quand on les veut allumer lentement, on met, comme nous l’avons déjà dit à l’art. Essai, les charbons ardens par le haut sur les charbons noirs dont on les a eu remplis. Les soupiraux & les regîtres étant ouverts, le feu descend ; c’est de la sorte qu’on allume ordinairement la tour des athanors, & qu’il faut nécessairement allumer celle qui n’a point de bouche du feu, comme dans Charas, à-moins qu’on ne veuille se donner la peine d’ôter le charbon dont elle peut être pleine. Son dôme & son soupirail étant ouverts, le feu descend de haut-en-bas, à-peu-près dans la même quantité qu’on l’y a mis ; c’est-à-dire que les charbons allument de proche en proche pareille quantité de charbons à-peu-près, & perdent l’ignition qu’ils ont communiquée, jusqu’à ce que l’embrasement étant parvenu au fond du charbon ou du fourneau, il se communique enfin à tout celui qui est dans la tour, si on n’a soin de fermer sa partie supérieure : voilà le fait ; cherchons-lui quelque application. L’air passe par le soupirail ou par les regîtres qui sont inférieurs à la partie supérieure de la tour, pour se mettre en équilibre avec celui qui étant raréfié par le feu, doit déterminer son action par en-haut ; puisque le feu étant plus leger que l’air, il doit s’élever au-dessus de celui-ci : ou, ce qui revient au même, que l’air chaud, qui est plus rare & plus leger, doit s’élever au-dessus de celui qui est froid : ensorte que le feu, au-lieu de s’étendre par en-bas, s’éteindroit faute de pâture au-dessus de lui. Quelle est donc la cause qui produit ce phénomene, & qui change le cours de l’air, non-seulement dans la circonstance présente, où il est tout le contraire de ce qu’il est ordinairement ; mais encore dans la suite, où le charbon de la tour étant allumé par le bas, l’air reprend son jeu ordinaire ? seroit-ce par un méchanisme approchant de celui du poêle sans fumée ? La chose ne s’y passe de la sorte que parce qu’il a un tuyau qui est supérieur à son foyer : ainsi il ne seroit pas étonnant que la même chose arrivât dans l’athanor de M. Cramer, en supposant que l’une de ses petites cheminées fût plus haute que la partie supérieure de la tour, & ouverte aussi, selon les expériences de Gauger. Si l’on expose un tuyau au feu horisontalement, il donne une vapeur chaude à chaque extrémité : si on l’incline, le côté supérieur soufflera un air chaud capable d’éteindre la flamme d’une bougie ; & cet air le sera d’autant plus, qu’on l’élevera davantage. La chose sera la même, si l’on change de bout ; celui qui étoit supérieur d’abord se refroidira, & celui qui est devenu le supérieur, d’inférieur qu’il étoit avant, s’échauffera à son tour ; & quoiqu’on bouche l’extrémité inférieure, l’air ne laissera pas de sortir, quoiqu’avec moins de vivacité ; par la raison qu’il fait pour lors comme dans un tuyau d’orgue à vent fermé, où il a une colonne entrante & une colonne sortante. Ainsi une moufle d’essai pourra n’avoir point de soupiraux ; & l’agitation de l’air, malgré cela, ne laissera pas d’entraîner ses vapeurs, quoique plus foiblement. Au reste, il y a au-moins certainement une vapeur ignée comme autour des poêles, &c. qui produit le phénomene qu’on attribue peut-être mal-à-propos à l’air : d’où il s’ensuit que l’air le plus chaud est le plus leger & prend le dessus, & qu’une chambre doit être plus chaude en-haut qu’en-bas, &c. Mais si au lieu du tuyau droit dont nous venons de parler, on en employe un courbé comme un syphon, la chose sera précisément la même, c’est-à-dire que l’air sortira pour lors par la plus longue branche. On pourroit comparer la tour de l’athanor de Cramer avec son foyer & une de ses cheminées à un syphon.

Mais on observe que la petite flamme que donne le charbon se porte en-haut pendant que l’ignition prend le bas ; ensorte que si on répete l’expérience même dans un petit fourneau bien fait, le fond en est plûtôt rouge que le corps qu’on mettra dessus. Il faut donc qu’un fourneau ne s’allume bien que quand la partie inférieure, & sans doute les parois, en sont bien échauffées : & en effet qu’on allume du feu dans une cheminée qu’on n’a chauffée depuis quelque tems, le bois ne brûlera jamais bien qu’elle ne soit échauffée. Il est vrai que l’humidité y contribue ; mais la chose est la même sans humidité. Qu’on jette un tas de charbons embrasés dans un coin très-sec ; comme ils ont beaucoup à échauffer, ils s’éteindront, non pas faute d’air, mais parce qu’ils ne sont pas en assez grande quantité pour échauffer l’endroit qu’ils occupent, & pour se consumer ensuite. Il résulte delà que la matiere des fourneaux est d’un choix plus important qu’on ne pense communément ; son épaisseur aussi doit être considérée : il s’ensuit encore que là structure y doit entrer pour beaucoup, & que les fourneaux en tôle avec un garni, méritent peut-être la préférence sur les autres : nous examinerons cela bien-tôt. Qu’on se rappelle ici ce que nous avons dit, article Essai, que des charbons noirs mis à l’entrée de la moufle du fourneau de coupelle, s’allumoient d’eux-mêmes ; que Glauber a dit qu’ils s’allumoient aussi d’eux-mêmes dans son fourneau ou notre fig. 67. que Beccher a dit que la chaleur se conservoit très-long-tems dans le sien, ou notre fig. 71. Non-seulement la construction des fourneaux épargne le charbon, mais encore on peut conserver le feu avec peu d’aliment, quand le fourneau & les vaisseaux sont échauffés ; mais il faut avoir eu soin pour cela de fournir du charbon : car si l’on n’en a mis que peu-à-peu, il brûle de même, & fait peu d’effet, en sorte qu’il ne faut presque plus compter que sur la chaleur qu’on en tire. Il suit conséquemment que, si l’on vouloit manier le feu à volonté, & être maître de passer tout-à-coup d’un extrème à l’autre, il ne faudroit pas employer des fourneaux épais ; ils conserveroient leur chaleur trop long-tems. Il seroit à-propos qu’en pareil cas ils fussent minces & métalliques. Les vases de métal ne conservent pas long-tems leur chaleur, & l’ébullition, p. ex. cesse si-tôt qu’ils sont hors du feu ; au lieu que les vaisseaux de terre non-seulement la conservent long-tems, mais encore en donnent une plus considérable, le moment d’après qu’ils sont ôtés de dessus le feu. Une pareille espece de fourneau peut être nécessaire en certains cas. On aura beau fermer tous les regîtres du fourneau massif qui sera bien échauffé, le feu s’y éteindra à la vérité ; mais il n’en est pas de même de l’embrasement des briques, &c. le concours de l’air ne lui est pas nécessaire pour subsister.

On conçoit aisément comment le charbon brûle dans le foyer d’un athanor ; il se trouve placé, ainsi qu’on l’a déjà dit, comme dans un canal placé dans un courant d’air qui s’étend depuis la porte du cendrier jusqu’à l’extrémité des regîtres : plus ces regîtres seront élevés, & mieux l’athanor ira. Aussi le grand art de M. Cramer est-il d’avoir élevé ses regîtres par les petites cheminées qu’il y a faites ; sans compter qu’il a encore disposé sa porte de communication entre la tour & la premiere chambre, dans les mêmes vûes, c’est-à-dire selon l’idée qu’il avoit qu’il étoit de la nature du feu de monter & de ne pas descendre.

On peut encore croire que l’air monte & descend dans la tour de l’athanor fermée & allumée, comme il fait dans un tuyau d’orgue à vent fermé, quoique par une cause différente : car il est très-certain que l’air qui remplit les interstices du charbon, est raréfié par la chaleur, comme on a dû le conjecturer par le conseil de Glaser & le Fêvre, &c. de mettre un bain sur le haut de la tour ; que l’air du dehors doit se mettre en équilibre avec lui, & conséquemment le chasser & s’introduire à sa place ; ensorte qu’il y aura une colonne d’air nouveau qui montera continuellement & fera descendre une autre colonne d’air raréfié.

D’ailleurs on peut encore penser que le feu descend dans la tour ouverte d’un athanor, comme celui de notre fig. 61. parce que la partie inférieure de cette tour & le corps de l’athanor font ensemble un canal dans lequel l’air est raréfié comme s’il étoit dessus, ou, comme il arrive au poêle sans fumée, dans lequel le feu ne peut pas être déterminé à passer par son canal, quoique plus long, qu’il n’ait une cause, qui est la raréfaction de l’air dans ce canal qu’il doit conséquemment échauffer avant : ensorte que l’air tendant à se mettre en équilibre avec lui-même, il ne pourra manquer de descendre, au moins en partie. Il est vrai qu’un tuyau qu’on chauffe au milieu à-peu-près, peut donner l’air chaud constamment à sa partie supérieure ; mais si on le chauffoit à cette extrémité supérieure, même ouverte, nécessairement l’air chaud devroit passer par le bas. Dans les réchaux où le feu n’a de tuyau ni par le haut, ni par le bas, il est long-tems à s’allumer, parce qu’il ne peut presque se déterminer d’aucun côté ; & il faut qu’il ait rougi sa grille pour être agité par l’air : & cela est si vrai, que si on le comble de charbon, ce qui en excede les bords, & même un peu au-dessous, ne s’allume jamais qu’après la rougeur de la grille, & même n’est jamais parfaitement allumé. On m’objectera peut-être que du moment que je mets des charbons allumés dans le haut de la tour, sa partie inférieure n’est pas plus échauffée que la supérieure ; mais il est aisé de voir que la chaleur se répandant de toutes parts, raréfiera plus la colonne d’air inférieure que la supérieure ; par la raison que celle-là est renfermée : ce qui, je crois, n’a pas besoin de preuves. Ainsi donc l’air pourra tendre à se mettre en équilibre en allant de haut en-bas. C’est sans doute par la même raison en partie qu’une trompe qui communique avec un cendrier, augmente la rapidité de l’air & la vivacité du feu. Car non-seulement on tire de l’air frais du dehors par son moyen, mais encore on en accélere la vîtesse, parce qu’il y est certainement raréfié.

Il y a des bains-marie faits d’un grand chauderon, au milieu duquel passe une tour de fonte qui contient le feu comme une tour d’athanor. On en a une image en petit dans les bouilloires en cuivre qui servent ordinairement au thé, ou dans ces appareils destinés aux bains, à laver la vaisselle. Si la grille est de même niveau que le fond du chauderon, il faut que le haut de la tour soit ouvert, ou ait un tuyau de poêle, voyez the art of distillation & Leutmann ; mais on peut le fermer si la tour est prolongée, & même un peu enflée en-dessous ; car alors on y fait des regîtres qui, non-seulement font brûler l’aliment du feu jusqu’à l’endroit où ils sont ouverts, mais qui échauffent encore le fond du chauderon ; & on a par ce moyen un vrai athanor. La tour peut encore être fermée, la grille étant de niveau avec le fond du chauderon, si on éleve à fleur-d’eau de petits tuyaux servant de regîtres, qu’on sera de la longueur qu’on voudra, & qu’on détournera à sa commodité ; & pour lors l’aliment du feu ne brûlera que de la hauteur des regîtres, & ce sera encore un athanor. Il est aisé de concevoir que les tours qui ont un tuyau de poêle, doivent ressembler à un poêle à cloche.

En Pharmacie, on est dans l’usage de sécher les plantes, & de tenir seches les drogues qui ne doivent point prendre d’humidité, avec un athanor, notre fig. 61. par exemple, dont le bain de sable est dans la petite chambre servant d’étuve, & la tour est dehors au moyen d’une petite cloison de planches, ou d’un petit mur de briques bâti entre la tour & le bain de sable. Par cette précaution on a pour but de garentir ce qui est dans l’étuve, de la poussiere du charbon, qui gâte & noircit tout. Mais si on n’a pas la commodité d’y introduire un tuyau de cheminée comme ceux de Gauger, il vaut mieux se servir du poêle à l’italienne, qui peut aussi servir d’athanor.

Ce poêle communiqué à M. Duhamel par M. Maréchal, se trouve dans le traité de la conservation des grains du premier, pag. 173. On en peut prendre une bonne idée en suivant ce que nous allons changer à la coupe de celui de la calcination de la potasse, fig. 15. de nos Planches. La cavité inférieure a, où le foyer en est plus élevé, c’est-à dire qu’il y a plus de distance entre le sol & le plancher intermédiaire, à-peu-près autant que dans un poêle ordinaire. Le sol en est fait d’une plaque de fonte sous laquelle il y a une petite chambre de même largeur, & de quelques pouces de haut seulement. Cette petite chambre a en devant une ouverture qu’on peut fermer avec une porte de fer ; & en-arriere elle communique avec le trou inférieur d’un autre petit poêle de fonte en cloche, dont la porte ordinaire est fermée & lutée, lequel occupe précisément la place du mur de derriere de notre fourneau, & ferme une partie du fond. Au-dessus de ce sol est une voûte qui, comme le plancher de notre fig. 15. laisse un passage à la flamme par-derriere en d : ensorte qu’elle est obligée de revenir en-devant où elle enfile un tuyau placé comme la cheminée c de notre fourneau. Le reste de la partie postérieure du poêle est fermé par un mur, qui met par ce moyen presque tout le petit poêle de fonte en-dedans, & ne laisse paroître que son tuyau, qui passe à-travers. Ce tuyau est alongé de quelques pouces, & est ouvert dans l’étuve pour lui donner sa chaleur. Cette chaleur y est déterminée d’abord par son propre mouvement ; mais on y joint encore l’air. C’est à son accès & pour l’échauffer, qu’est destinée la chambre située sous le foyer. Le grand poêle est terminé supérieurement par une autre plaque de fonte garnie de sable, pour donner une chaleur plus douce, & il a son ouverture hors de l’étuve. Les murs des côtés sont en briques ; & quand le feu est tombé, les différens massifs qui le constituent donnent encore de la chaleur pendant long-tems. Telle est cette machine ingénieuse. Nous omettons bien des particularités qui ne sont pas de notre objet ; mais nous y reconnoissons un mérite réel, quoiqu’il eût été à souhaiter qu’il s’y fût trouvé un peu plus de simplicité, & que nous y voyions de la ressemblance avec les cheminées de Gauger, qui existoient même avant cet auteur, comme on le voit par l’architecture de Savot, qui dit qu’il y avoit au Louvre une cavité sous l’atre & derriere le contre-cœur de la cheminée du cabinet des livres.

On croira peut être qu’un poêle ordinaire peut revenir au même pour les petites étuves ; il se trouve tout fait à la vérité, mais il sera plus dispendieux ; & il n’aura pas l’avantage qui se trouve dans le poêle italien, ou les ventouses de Gauger. Dans le poêle à l’italienne, les surfaces se trouvent multipliées ; l’étuve n’en reçoit que de la chaleur, & point de fumée, ni de vapeurs ; & ce qui est capital, c’est que l’air y est renouvellé continuellement, & comme il est très-chaud, il en desseche d’autant plus vîte. D’ailleurs la flamme y fait un trajet qu’elle devroit faire dans tous les poêles, pour donner plus de chaleur avec moins de bois. Pour cela il ne seroit question que d’une plaque de fer de plus, & de mettre le tuyau sur la porte directement. Par-là on auroit moins de fumée, parce que le feu en consumeroit plus : & il faudroit nettoyer le tuyau plus rarement. Il est encore d’autres moyens de corriger les poêles, & de les appliquer aux étuves. Mais cette correction peut être appliquée aux poêles simples dont M. Duhamel propose l’usage pour les petites étuves à sécher le blé.

Un pareil poêle sera préférable aux athanors servant à l’étuve des apothicaires, par la raison qu’il renouvelle l’air & ne porte point dans l’étuve la vapeur charbonneuse qui sort des quatre regîtres de l’athanor ; vapeur qui peut changer la couleur & la saveur de bon nombre de plantes, quoiqu’elle ne fasse point de tort au blé, selon M. Duhamel. On peut donc renvoyer les regîtres, même dans l’athanor, au moyen d’une plaque de fonte qui fera circuler la flamme ou la chaleur comme dans le poêle, à un tuyau commun, ou à plusieurs qui monteroient le long de la paroi interne du mur de séparation, & serviroient encore par là à l’étuve.

Une chose digne de curiosité, ce seroit de savoir si on a imaginé les poêles d’après les fourneaux, ou ceux-ci d’après les poêles ; ou peut-être encore les premiers indépendamment des seconds, & réciproquement. Ce qu’il y a de vrai, c’est qu’on y trouve le même méchanisme. L’observation du feu de la cheminée, & peut-être de la lumiere de la chandelle, a pû donner lieu à ce méchanisme. Peut-être aussi l’idée refléchie n’en est-elle venue que d’après quelques ébauches de l’ustensile en question, employé peut-être par hasard. Quoi qu’il en soit, on a vû, soit dans les premiers fourneaux, soit dans les premiers vaisseaux qui pouvoient en approcher, ou dans la cheminée, & la chandelle, qu’un corps embrasé étoit un fluide qui tendoit de bas en-haut ; que ce fluide étoit moins actif quand il ne recevoit pas d’air par ses parties inférieure ou supérieure. C’est d’après ces connoissances réflexives qu’on a vû qu’il falloit toujours construire les fourneaux de façon que l’air pût avoir accès à la partie inférieure de l’aliment embrase, & suivre son trajet. Mais on a encore remarqué qu’il falloit qu’il y eût une proportion entre la grandeur du fourneau, la quantité de la pâture du feu, & ses ouvertures inférieures & supérieures. C’est ce qui a fourni les principes généraux ou les réflexions ultérieures qui ont éclairé la pratique des artistes déjà instruits des particularités qui concernent la même matiere.

On voit de l’analogie entre nos fourneaux & les ventouses, les tambours physiques, & le poêle sans fumée. C’est peut-être dans les fourneaux qu’on a puisé l’idée de construire un grenier à-travers le blé duquel il se fait un courant d’air, au moyen d’une espece de pavillon ou trémie, exposée au nord, & d’une issue au midi ; celle d’allumer du feu à une ouverture pratiquée dans le plafond des salles d’un hôpital, &c. pour renouveller l’air aux malades ; celle d’allumer du feu dans les mines, ou auprès d’un de leurs puits, pour en changer aussi l’air. Voyez Agricola. Mais les ventouses de Gauger valent mieux, pour renouveller l’air, au-moins en hyver ; elles le donnent chaud ; au lieu que ce foyer allumé sur un plafond donne du froid, qui peut incommoder les malades.

Au reste, il pourroit bien se faire que l’économie domestique eût aussi fourni à la Chimie. Au-moins est-il vrai que c’est d’elle que cette science a tiré ou pû tirer la meilleure construction de ses fourneaux ; car les poêles de Keslar ont paru 30 ou 40 ans avant le fourneau de fusion de Glauber. Le fourneau de Beccher est pris d’ouvriers qui s’en servoient pour remettre des piés de fonte à des marmites de fer. Ils mettoient un manche au pié-d’estal D1, au moyen d’un crampon dont ce pié-d’estal étoit muni, à-peu-près comme certaines caffetieres, sans doute ; & ils s’en servoient comme d’un vase avec lequel ils auroient puisé. Ne pourroit-on pas ajuster ce fourneau de façon qu’on pût s’en servir pour fondre des canons pendant une campagne ? mais voyons où Glauber a pû trouver son fourneau.

Les poêles de Keslar ont beaucoup de ressemblance avec notre fig. 15. que nous prendrons encore pour piece de comparaison. Qu’on se rappelle ce que nous en avons déjà dit. Mais ces sortes de poêles, au lieu de deux étages qu’a notre fourneau, en ont jusqu’à huit les uns sur les autres. Ils ont une grille & un cendrier. Nous croyons devoir nous dispenser d’entrer dans un grand détail là-dessus, parce qu’il en faudroit une figure ; quoiqu’il soit possible d’en donner une idée sans cela. Keslar, par exemple, sépare ses corps ou étages les uns des autres pour multiplier les surfaces. On peut s’en former une idée en s’imaginant qu’au niveau de l’extrémité de la cheminée c de la fig. 15. commence un autre plancher de briques qui porte sur de petites colonnes de quelques pouces de haut ; qu’à l’extrémité de ce plancher opposé à la cheminée, on fasse une autre cheminée, & ainsi de suite. D’ailleurs après avoir élevé son foyer un peu plus qu’il ne faut pour le bois, il n’en employe que la moitié postérieure pour communiquer la chaleur au premier plancher, dont l’extrémité antérieure est d’un pié plus longue que le cendrier, & est conséquemment soûtenue par deux colonnes qui portent des barres de fer. L’autre moitié est couverte d’un bain de sable. Mais ce qu’il y a de mieux, c’est que le soupirail tire son air du dehors par une trompe, & que la fumée y est aussi dérivée par un tuyau. Ces deux tuyaux ont chacun une soûpape ou fermeture en-dehors pour le gouvernement du feu dont Keslar a très-bien connu la méchanique ; car sa raison de préférence en tirant l’air du dehors, étoit qu’on n’en attiroit point d’air froid, ni mauvais. Il a cependant vû qu’on ne purifioit pas celui de la chambre ; aussi conseille t-il de faire deux soupiraux à son cendrier ; l’un pour la trompe, & l’autre qui soit ouvert dans la chambre, afin d’en renouveller l’air. Gauger a encore mieux remédié à cet inconvénient, & il a peut-être connu l’ouvrage de Keslar. Quoique celui-ci usât du bois dans son poêle, il étoit rarement obligé de le nettoyer.

Il a aussi donné quantité d’autres poêles domestiques, dont on peut tirer parti. Il dit encore qu’on en faisoit de rôle, qu’on enduisoit d’un garni.

Mais Gauger a rendu un service important par les nouvelles cheminées qu’il a publiées. Il en fait l’atre, la tablette, & le contre-cœur de plaques de fonte. Derriere ces plaques sont des canaux de 5 ou 6 pouces de large, qui communiquent entr’eux. Ces canaux tirent l’air du dehors, & se terminent dans la chambre à côté de la cheminée, par une ouverture qui a sa fermeture. Le feu étant allumé, l’air des cavités se raréfie, est poussé par celui du dehors, entre dans la chambre, & l’échauffe ; il en renouvelle l’air, & fournit celui qui est nécessaire à faire monter la fumée, & empêche que l’air froid du dehors n’y puisse entrer. Cette méthode renferme tout-à-la fois l’avantage des poêles, & n’en a point les inconvéniens.

Il prouve par plusieurs expériences bien faites, que, quand il tiroit son air de la chambre même, par une ouverture qui communiquoit comme celle du dehors avec les canaux des ventouses de la cheminée, & par laquelle on pouvoit fermer celle du dehors, sa chambre ne s’échauffoit pas si rapidement, étoit sujette à fumer, & attiroit des vents coulis.

Il part d’après cette expérience pour ces ventouses. Si on met dans le feu un tuyau de quatre pouces de diametre, fait en syphon, & que ce tuyau ait une de ses extrémités en dehors, celle du dedans donne un air très-chaud avec quelque rapidité qu’il passe dans ce tuyau. Mais comme ceux qu’on met derriere les plaques des cheminées ne peuvent s’échauffer que par une petite surface, relativement à leur circonférence, il arrive qu’ils ne donnent jamais la même chaleur, quelque longueur qu’on leur donne ; mais ils en donnent toûjours assez & même plus qu’il ne faut pour échauffer une chambre.

On peut par ce moyen échauffer l’air d’une chambre supérieure, inférieure, ou latérale, en y conduisant le tuyau ouvert au haut de la cheminée ; mais soit que l’air soit tiré du dehors ou de la chambre qu’on veut échauffer, il faut toûjours que celui qui doit donner la chaleur, soit plus élevé que l’autre, selon une expérience que nous avons rapportée.

Pour plus d’élégance, il n’a pas voulu placer ses tuyaux dans le feu ; il les a cachés sous l’atre, la tablette, & derriere le contre-cœur ; mais il me semble qu’il étoit bien-aisé de le faire sans se départir de son principe. Il n’étoit question que de faire servir les chenets à cet usage. Il faudroit qu’ils fussent un peu plus gros qu’à l’ordinaire, doubles, & fixes. Enfin je voudrois appliquer cette idée à tout. Je voudrois ajuster dans le même goût les barres de fer qui soûtiennent une cornue, & qui servent de grille dans un fourneau fixe. On pourroit encore faire passer de pareils tuyaux à-travers un poêle ordinaire, & échauffer ainsi plusieurs chambres ; & l’on pourroit alors en dériver l’air du dehors, selon la méthode de Keslar.

Ainsi donc si les Apothicaires n’échauffent pas bien leurs étuves, s’ils y font passer des vapeurs nuisibles, & s’ils font trop de dépense pour cela, c’est qu’ils ne savent pas tirer parti de choses très-avantageuses, & déjà assez anciennes pour être bien connues.

Il est aisé de voir l’analogie qu’il y a entre ces cheminées de Gauger, & le poêle à l’italienne. On y trouve aussi quelque ressemblance avec le bain sec de Glauber. Voyez Vaisseau. Gauger met encore d’après quelques autres une petite trape devant l’atre qui donne l’air du dehors pour souffler le feu. Cette invention vient encore originairement des poêles de Keslar.

Il est une espece de fourneaux en Chimie, à la figure desquels on dispute son mérite, quoique les auteurs & l’expérience ayent assez parlé en sa faveur. C’est des fourneaux de fusion elliptiques & paraboliques qu’il est question. Béguin en est pour la figure cylindrique & l’elliptique ; je place la cylindrique avec, parce qu’elle doit avoir le même sort. On conçoit aisément qu’elle ne peut s’entendre que d’un fourneau qu’on ne voudra pas faire elliptique ; & qu’on préfere cette figure à la quarrée. La figure cylindrique doit être aussi essentielle pour réflechir les rayons horisontalement vers un même centre, que l’elliptique pour les refléchir en haut & en bas. Barchusen se déclare pour la forme ovoïde, & dit que par son moyen on peut exciter un grand feu. Il veut aussi la ronde au sujet de son fourneau universel, qui est celui du reverbere de Glaser. Teichmeyer n’en veut qu’à l’elliptique, & il faut avoüer qu’il a outré les choses ; car il aime tant à ne rien perdre de l’ellipse, que les grilles placées à leur sommet ont à peine le quart du diametre de ses fourneaux. Vogel qui est vraissemblablement celui qu’il appelle son disciple chéri, dit que c’est la meilleure pour les fourneaux, & qu’elle est d’un avantage bien supérieur à son épaisseur, comme on le peut voir par le fourneau de M. Pott. Enfin Charas, le Mort, Barner, & Juncker demandent tous la figure ronde & l’elliptique. Glauber l’admet pour son fourneau. Le fourneau de Beccher, fig. 71. en approche. Boerhaave s’en sert non seulement pour le fourneau de Glauber, mais encore pour son fourneau de distillation latérale ; & il est aisé de voir par l’explication qu’il en donne, qu’il y croyoit ; & l’on sait quel homme c’étoit que Boerhaave dans une pareille matiere. M. Pott a fait un fourneau qui devroit imposer silence aux ennemis de la figure elliptique. M. Cramer, encore bon juge dans cette matiere, l’a admise pour son fourneau de fusion ; & la parabolique pour celui de verrerie ; & il est aisé de voir que s’il n’y compte pas tout-à-fait, il la croit au-moins la meilleure de toutes, par les soins qu’il a pris d’ajoûter quantité de variétés au fourneau de fusion dont il se sert. Enfin tous les Chimistes ont admis pour couvrir leurs fourneaux, un dôme qu’ils n’ont peut-être pas regardé comme elliptique, mais qui ne l’est pas moins, ou qui en approche. Voici cependant les objections qu’on fait contre cette figure.

On ne doit pas être d’une exactitude scrupuleuse quand il s’agit de donner aux fourneaux dans lesquels on doit faire un feu violent, une figure qui tende à ramasser en un centre les rayons ignés refléchis.

1°. Parce que le garni qu’on leur donne n’est pas fort propre à recevoir le poli : & que, quand bien même il seroit possible de le lui donner, il ne pourroit manquer d’être bien-tôt altéré.

2°. Sans compter que les rayons du feu donnés par les charbons ne suivent pas des lois si constantes que les rayons solaires & les sonores, & ne peuvent conséquemment être déterminés sur le corps qui en doit éprouver l’action.

3°. Et que les vaisseaux qui contiennent la matiere à fondre, ou cette matiere même mise à feu nud, sont entourés de charbons de toutes parts.

4°. D’ailleurs un foyer de peu d’étendue seroit presque inutile, puisque le feu ne pourroit agir que sur une très-petite partie du corps qui lui seroit exposé.

5°. Une pareille figure ne sert qu’à ramasser les cendres, & à nuire au jeu de l’air & à l’action du feu.

Telles sont les objections, excepté la derniere, que fait M. Cramer contre la figure qu’il adopte ; il faut donc croire qu’il a des raisons contraires qui sont plus fortes, qu’il n’a pas dires : essayons d’y suppléer.

On ne doit pas être d’une exactitude scrupuleuse, &c. A la bonne heure ; mais s’ensuit-il de-là qu’on n’y doive pas apporter tous ses soins, & que si on pouvoit y réussir, la chose en iroit plus mal : & d’ailleurs n’y a-t-il que cette raison de préférence ? c’est la principale à la vérité ; mais les accessoires doivent-elles être négligées ? La sphere est la figure qui contient le plus de matiere sous la même surface ; mais un fourneau ne peut avoir cette figure, & l’elliptique qu’on lui donne est celle qui en approche le plus ; ainsi donc celui qui sera construit de la sorte, contiendra le plus de charbon autour du vaisseau qu’on y place. C’est un avantage qu’on ne contestera pas.

1°. Parce que le garni, &c. Mais ce garni ne sera pas plus poli dans un autre fourneau ; & s’il s’altere plus dans celui-ci, ce qui doit être, c’est une preuve que le feu a été plus fort.

2°. Sans compter que les rayons, &c. Cela est très vrai ; mais ces rayons qui se refléchissent à droite, à gauche, & en tous sens, sont-ils autant de perdus pour la somme totale du degré de feu qui regne dans le fourneau ? non sans doute. Ils doivent concourir à augmenter le mouvement sur quelque endroit qu’ils tombent. Il devroit s’ensuivre par la même raison que les miroirs ardens ne devroient produire aucuns effets, parce qu’ils ne produisent pas tous ceux qu’ils pourroient, ainsi que tout le monde le sait ; car s’ils sont vûs de plusieurs endroits, c’est qu’ils y réfléchissent des rayons de lumiere.

3°. Et que le vaisseau, &c. Il seroit à souhaiter à la vérité que le charbon produisît son effet, sans nuire par sa présence ; mais de ce que tous les rayons ignés ne parviennent pas au vaisseau, s’ensuit-il qu’il n’en vienne aucun, & en viendroit-il davantage, si le fourneau n’étoit pas elliptique ? Il s’ensuit au-moins, selon M. Cramer même, que la figure elliptique doit être conservée dans les endroits ou le charbon ne sera point un obstacle entre le rayon igné refléchi, & le corps qui doit subir son action, & par la même raison la parabolique : tel est le principe de structure du dôme, du four du Boulanger, de tous les tours quelconques, & de la plûpart des fourneaux en grand, comme le fourneau à l’angloise, ceux d’affinage & de raffinage, &c. où la voûte ne doit pas être regardée comme une simple commodité de construction.

4°. D’ailleurs un foyer, &c. Quand ce foyer ne seroit qu’un point indivisible, devroit-il être négligé ?

5°. Une pareille figure, &c. Oüi quand elle est fermée par le bas, ou terminée par une grille de la petitesse de celles de Teichmeyer ; mais si on suit les exemples donnés par MM. Boerhaave, Cramer & Pott, & que d’ailleurs on veuille se ressouvenir des pitons ou des barres soutenant la grille, & de sa distance des parois des fourneaux, on les verra tomber comme à l’ordinaire. L’angle n’est point assez considérable pour qu’elles puissent s’y soûtenir. Ceci nous donne occasion de remarquer une particularité du fourneau de M. Pott qui pourroit échapper aisément ; c’est que son fourneau s’éleve presque cylindriquement au-dessus du cendrier ou pié-d’estal, & que l’ellipse ne commence qu’à une certaine distance de ce même cendrier. Par-là, si la figure elliptique retient les cendres, comme pourroient toûjours le prétendre contre toute raison les détracteurs de cette figure, ces cendres ne peuvent manquer d’en être précipitées par les charbons, à-mesure qu’ils s’affaissent en brûlant ; ensuite dequoi elles se trouvent auprès d’une paroi perpendiculaire qui n’en fera certainement pas un amas.

Enfin quand il seroit vrai qu’on ne sauroit pas comment l’ellipse donne un feu plus fort que les autres figures, s’ensuit-il qu’il faudroit se refuser à l’expérience de Pott, par exemple, qui est la meilleure raison qu’on puisse donner ; il est bon d’avertir qu’elle est postérieure aux objections de M. Cramer. Il ne faut pas s’imaginer avoir épuisé l’art des fourneaux à beaucoup près ; il en est de cette partie de la Chimie la plus nécessaire & la plus maniée cependant, comme de toutes les autres opérations, où il y a toûjours plus de découvertes à desirer, qu’il n’y en a de faites. La plûpart des grands artistes ont négligé de nous donner des idées étendues à ce sujet, quoiqu’elles fussent du détail de leurs opérations, que presque tous ayent parlé des fourneaux, & qu’ils fussent assez philosophes pour ne trouver rien de petit en Physique. L’illustre M. Pott mérite particulierement ce reproche, lui qui a donné un fourneau qui peut passer pour un chef-d’œuvre, puisqu’il donne un degré de feu supérieur à tout ce qu’on connoissoit de la part de cette sorte d’ustensile. On eût donc souhaité, & il faut espérer qu’il le fera ; on eût donc souhaité, dis-je, qu’il nous en eût donné une description très-circonstanciée, & les raisons de ce qu’il prescrit. On desireroit de savoir, p. ex. quelque chose de plus sur la nature de son garni, quels en sont les avantages & les desavantages, quelle en est l’épaisseur, s’il est après la premiere opération tel qu’il sera après la vingtieme, s’il est demi-vitrifié, ou s’il l’est tout-à-fait ; à quelle hauteur il met sa grille, quel est le corps qui soûtient son creuset, & sa hauteur ; de quelle composition est ce creuset. Si sa grille est posée, comme on peut le soupçonner, à un pié du sol du cendrier, il faut que le soûtien de son creuset soit très-haut, comme on peut l’inférer de ce qu’il dit, qu’il faut emplir le fourneau de charbon presque jusqu’au-haut, pour l’en couvrir. On sent bien qu’il prescrit d’y mettre des charbons ardens, parce que les noirs refroidiroient : mais il me paroît que l’intervalle de huit minutes est bien long pour un pareil feu, & qu’il faut vraissemblablement mettre des charbons noirs très-souvent, encore de crainte de refroidissement ; cependant il n’est point question de ceux-ci. S’il y a des cendres dans le cendrier autant qu’il doit y en avoir à-peu-près ; s’il en passe beaucoup par le tuyau de fer ; quelle est l’épaisseur de ce tuyau ; jusqu’à quelle hauteur il rougit ; s’il paroît un jet de flamme au-dessus ; quelle est communément sa hauteur, & ce qu’il est capable de faire ; enfin quels sont les inconvéniens qu’il a éprouvés avant que de parvenir à ce point, qu’on peut appeller de perfection. Toutes ces questions bien éclaircies de la part de M. Pott, & quantité d’autres encore que cet illustre chimiste est capable de se faire, ne pourroient manquer de répandre une grande lumiere sur la théorie des fourneaux qui éclaireroit sur leur construction. Il pourroit encore ajoûter à cela une docimastique de terres & de pierres, dans les vûes de les employer à la construction des fourneaux & vaisseaux ; ce qui abregeroit peut-être bien des tâtonnemens.

Il est aisé de voir que son fourneau n’est guere destiné qu’à ce à quoi il l’a employé, & il n’en vaut certainement que mieux : on peut cependant y mettre une grille de treize pouces de diametre, si on veut élever le foyer ; celle qui sera à la partie inférieure du corps près du cendrier, n’en peut avoir que neuf, en comptant un pouce & demi d’épaisseur pour son garni. J’ai dit que ce fourneau n’en valoit que mieux de ne servir qu’à un usage ; & en effet il y a toute apparence que cet illustre artiste ne l’a divisé en différens corps le moins qu’il a pû, que parce qu’il a vû que c’étoit autant de perdu pour la chaleur : de-là l’inconséquence de ceux qui veulent tout faire avec le même. On ne disconvient pas que cela ne fût mieux si cela pouvoit être, & qu’on ne réussisse même jusqu’à un certain point ; mais on n’a recours à ces sortes de fourneaux abregés qu’en cas de nécessité, preuve certaine de leurs défauts en bien des circonstances ; & je ne crois point du tout que celui de Beccher, par exemple, pût fondre les corps qui se fondent dans celui de M. Pott : le fourneau de Beccher peut cependant être appellé un chef-d’œuvre dans le genre des polychrestes, comme celui de M. Pott l’est en fait de fusion.

Le maréchal reverbere la flamme avec l’eau dont il arrose son charbon, & l’expérience lui dit qu’il a raison : mais la concentration qu’on se procurera de toutes parts sans éteindre une partie du charbon, & avec des parois qui l’allumeroient s’il étoit éteint, ne doit-elle pas l’emporter infiniment sur celui de la forge ? Les rayons ignés doivent toûjours être comptés pour quelque chose, quelque direction qu’ils ayent ; soit qu’ils soient droits, qu’ils aillent vers un centre commun, qu’ils soient refléchis vis-à-vis d’un charbon, ou d’un autre rayon igné ou non, ils doivent toûjours augmenter le mouvement : ainsi donc il n’importe peut être pas tant qu’on le croit que le garni ait le poli d’un miroir parabolique ; d’ailleurs il faut remarquer que, comme on ne craint point de casser ce garni par une chaleur subite, on a la commodité de le faire, & on le fait aussi d’une composition qui donne un verre opaque, qui refléchit beaucoup plus de rayons ignés que la composition des autres fourneaux qu’on est obligé de faire poreux, de crainte qu’ils ne se cassent. Nouvelle raison de faire les fourneaux de fusion elliptiques en tôle, & les fourneaux de tôle elliptiques ; mais si la figure elliptique est celle qui approche le plus de la sphérique, la cylindrique approche aussi plus de l’elliptique que la quarrée : d’où il suit que cette derniere est la plus mauvaise de toutes.

Si les fourneaux en tôle coûtent plus que les autres, on en est bien dédommagé par ailleurs ; outre les avantages considérables que nous venons de parcourir, ils ont encore celui de la durée : on croiroit peut-être qu’ils seroient détruits par la rouille ; mais cet inconvénient n’arrive qu’avec l’aide de l’humidité, & un fourneau par sa nature n’est pas destiné à y être exposé : il est vrai qu’il a à essuyer celle du garni, mais pour lors il est neuf, il la supporte mieux, elle n’est pas de longue durée, & d’ailleurs on peut le vernir pour l’en garantir. On sait que le fer résiste long-tems au feu ; nous en avons exposé les raisons, article Flux. Voyez aussi Phlogistique & Réduction. A la vérité le garni empêche que la carcasse du fourneau ne jouisse de cet avantage ; mais il se trouve toûjours de petites crevasses, à travers desquelles il se fait jour : au reste il est d’expérience que ces sortes de fourneaux sont les plus durables, ils ne se cassent pas comme ceux de terre ; & on doit remarquer que les artistes les plus exercés, tels que les Allemands, les préferent à tous les autres. Si l’on craignoit encore la rouille malgré ce que nous venons de dire, on pourroit avoir recours au cuivre ; mais il coûteroit bien plus cher, & pourroit se calciner.

Il y a des fourneaux dont la figure paroît être d’abord précisément le contraire de celle qui donne le feu le plus violent ; je veux parler de ceux de décoction, qui sont en entonnoir : mais il ne faut pas un grand feu pour faire bouillir de l’eau, & en second lieu il faut qu’ils reçoivent un vaisseau large : cependant si l’on considere, comme on le doit faire, le fourneau avec son appareil, on verra que son ouverture est réduite aux quatre regîtres ; ce qui corrige leur défaut apparent : je dis apparent, & en effet il n’est que cela. Les fourneaux coniques sont des especes de fourneaux elliptiques ; ils donneroient certainement moins de chaleur s’ils étoient cylindriques, tout étant égal d’ailleurs, c’est-à-dire s’ils avoient une ouverture de même diametre pour recevoir le même vaisseau, & si la quantité du charbon étoit la même. On observe qu’on les fait souvent trop élevés de foyer. Quoique la chaleur monte tout naturellement, & soit poussée en-haut par l’air qui frappe la grille, on ne doit pas laisser de faire un fourneau elliptique ou conique par le bas ; parce qu’il faut moins d’aliment pour le feu, que la même quantité y est plus à l’étroit, & fait un tas plus élevé, ce qui est capital, & que le feu en est plus fortement refléchi vers le haut. Enfin un fourneau de fusion doit être elliptique, par la même raison que ceux de décoction sont coniques. Je ne crois pas qu’on soit tenté de nier que le feu acquierre de nouvelles forces par l’augmentation de quantité, par la réflexion ; il n’est question pour appercevoir la vérité de ce fait, que de se rappeller qu’il est plus fort dans un fourneau qui ne prend point l’air par les côtés, que dans celui qui le prend ; & qu’un charbon seul perd peu-à-peu son mouvement igné, pendant que ce mouvement se conserve entre plusieurs, & est d’autant plus rapide, qu’il est entretenu par un plus grand nombre de corps qui se le communiquent & se le réfléchissent. On sait que plusieurs fils-d’archal liés ensemble comme une gratte-bosse & soufflés vivement, se son lent. Ce feu refléchi de toutes parts doit augmenter de vivacité, par la même raison que quand il est animé par plusieurs soufflets places circulairement. Mais si le mouvement constitue l’action du feu, comme il n’y a pas lieu d’en douter, il doit y avoir quelques endroits du fourneau où ce mouvement sera le plus considérable, comme à un certain espace du foyer, au milieu ou à l’extrémité supérieure du fourneau. Cette conjecture est tirée du rapport que paroît avoir le feu qui y est contenu avec celui de la lampe de l’émailleur : ne devroit-elle pas exciter les artistes à placer dans leurs fourneaux, à diverses distances le l’aliment du feu, des vaisseaux contenant des matieres qui pourroient leur donner de nouvelles lumieres sur son action ?

Nous n’avons point examiné si le feu étoit plus fort par la structure des fourneaux, qu’avec plusieurs soufflets. On ne trouve point de comparaison là-dessus dans les auteurs, qui la plûpart ont dit oüi & non. Je crois qu’il n’est pas nécessaire d’avertir que, si les soufflets ne peuvent donner un feu plus violent que celui que donne le fourneau de M. Pott par sa structure, il s’ensuit qu’il faut s’en tenir à cette derniere ; elle épargne les soufflets & leur embarras.

Mais les figures elliptiques & paraboliques n’ont pas été seulement appliquées aux fourneaux, Gauger en a encore fait usage pour ses cheminées ; il en a fait les jambages paraboliques, ou en quart d’ellipse, parce qu’il n’est question d’y refléchir la chaleur que vers leur partie inférieure, afin qu’elle entre dans la chambre : ainsi elles different des fourneaux, en ce que ceux-ci contenant le vaisseau qui doit subir l’action du feu, ils peuvent être coniques ou elliptiques par le bas, pour refléchir la chaleur vers leur milieu. Ce n’est pourtant pas qu’il n’y en ait aussi dans le goût des cheminées, c’est-à-dire de paraboliques seulement par le haut ; mais ils ne doivent pas être aussi bons par les raisons que nous avons alléguées, quoique l’air pousse le feu en haut & supplée en quelque sorte aux fonctions des courbes. Mais le tuyau des cheminées de Gauger est trop large ; son contre-cœur devroit être parabolique comme ses jambages, sans qu’on pût craindre la fumée. Ses cheminées sont imitées en quelque sorte dans les cheminées à la Nanci, qui sont en tôle & qu’on dit ne pas fumer ; ce que je crois volontiers. Leur tuyau est bien en ce qu’il n’a guere qu’un demi-pié de long sur quatre ou cinq pouces de large : mais si elles ont cet avantage sur celles de Gauger, en revanche elles ne sont pas si bien par le devant, qui fait une hotte à-peu-près parabolique comme les côtés. Ce devroit être le derriere ; il est vrai qu’elles n’auroient pas tant de grace, mais ce qui est bon doit être beau. Les jambages paraboliques de Gauger empêchent encore la fumée conjointement, avec ses ventouses & son soufflet ; on pense bien que c’est parce que cette fumée est concentrée sur la flamme, & en est brulée en partie : c’est ce qui doit arriver dans les cheminées à la Nanci, dont le tuyau est encore plus étroit ; & je crois que cette méthode doit être admise, parce que ces sortes de cheminées peuvent encore chauffer considérablement par leur tuyau, qu’il faut prolonger en tuyau de poêle.

Généralités ultérieures. Il faut que les corpuscules du feu dégagés de leur combinaison, passent à-travers les pores du fer, d’un poêle par exemple, tels qu’ils sortent à-peu-près du charbon ; car on voit sur un poêle & même sur un fourneau, le même fourmillement dans l’air que sur un réchaud dont les charbons ou la braise sont à l’air libre. On peut s’assûrer de ce phénomene en fixant la vûe sur un mur blanchi, un peu au-dessus du foyer qu’on voudra examiner ; on apperçoit un fourmillement qui fait vaciller la vûe sur le mur, soit que la direction des rayons de lumiere qui en viennent soit troublée, ou que la vapeur qui en est la cause soit visible ou fasse cette illusion. De quelque façon que cela soit, on appelle ce phénomene fourmillement, parce qu’il paroît que la sensation est la même à-peu-près que dans la maladie qui porte ce nom. Enfin qu’elle soit due ou à l’air, ou au feu, ou à une action particuliere de l’un & de l’autre, elle n’en existe pas moins, & elle est même plus visible, si le soleil éclaire l’endroit où l’on fait l’expérience. Tout le monde connoît l’effet qu’elle produit sur les spirales qu’on attache aux poêles ; mais il faut qu’un chimiste sache que l’air qui monte avec cette vapeur, est autant de perdu pour l’intérieur de ses fourneaux : cet inconvénient n’est jamais plus sensible que quand on en allume plusieurs les uns près des autres. Le feu y est en partie suffoqué, en conséquence de la raréfaction & de la legereté de l’air environnant. La chose a également lieu quand le soleil, sur-tout en été, éclaire l’endroit où le fourneau est situé. On retient l’air qui est entraîné par cette vapeur, en fermant la cheminée & n’y laissant que le tuyau du fourneau, ensorte que tout l’air du laboratoire ne peut passer que par son soupirail.

L’effet n’est pas toûjours le même de la part du même appareil, quoiqu’on gouverne le feu avec la même exactitude : ces différences viennent de celle de l’atmosphere : car comme il est vrai à n’en pouvoir douter que tout charbon est d’autant plus animé que l’air est plus dense & le frappe avec plus de rapidité, ce qui est prouvé par le vent des soufflets ; il est évident que le feu des fourneaux sera beaucoup moins actif lorsque le tems sera chaud & mou, & que l’air de l’atmosphere sera plus leger. Barner remédie à cet inconvénient d’après Keslar & Glauber, en mettant au soupirail de ses fourneaux une trompe qui descend dans la cave ; & Charas en construisant son fourneau près d’un puits, dans lequel il descend tout près de l’eau un pareil tuyau qui aboutit à son soupirail.

Tout corps qui passe d’un milieu plus large dans un plus étroit, disent quelques physiciens, prend une accélération de mouvement ; & l’on croit expliquer par-là pourquoi une riviere est plus rapide quand son lit s’étrécit, & pourquoi l’air qui passe à-travers un fourneau acquiert une rapidité qu’il n’avoit pas. On croit aussi par la même raison que ces deux cas sont précisément les mêmes. Nous allons tâcher de faire voir que c’est, comme on dit, le feu & l’eau.

En premier lieu, nous croyons qu’une riviere ne devient plus rapide quand son lit s’étrécit, que parce que l’eau ne pouvant plus couler avec la même facilité, s’arrête, s’éleve & retarde celle qui est derriere, laquelle étant aussi devenue plus élevée, a nécessairement plus de poids, & doit pousser avec plus de violence l’eau qui est devant elle. Peu importe que ce soit à une écluse, ou à un pont, ou dans son lit, la chose est la même ; & il faut croire qu’elle perd encore de cette rapidité par le frottement que M. Bouchu a découvert qu’elle éprouvoit en passant dans un canal étroit ; mais elle peut gagner du terrein en-dessus, au lieu que l’air ne peut pas faire la même chose dans un tuyau dont toutes les parois ne lui laissent aucune ressource pour s’étendre : l’eau d’ailleurs reste la même, & l’air se raréfie.

En second lieu, s’entend-on bien quand on dit que l’air accélere son mouvement, parce qu’il passe d’un lieu plus large dans un lieu plus étroit ? Si l’on approche la main du tuyau d’un fourneau horisontal qui n’est point allumé, on n’y sent point d’air du tout ; cependant l’air n’est jamais tranquille, & on devroit le sentir sans feu comme avec du feu dans un fourneau. Gauger n’a dû sentir l’air sortir du tuyau de cuivre de quatre pouces de diametre, que quand il l’a exposé au feu, & point avant. Je sens qu’on me répondra que rien ne détermine l’air à enfiler un tuyau froid, & qu’il faut pour cela le concours du feu : mais le tuyau de Gauger étoit cylindrique ; d’ailleurs m’étant trouvé devant le soupirail d’un grand fourneau anglois, j’ai senti l’air frais qu’il attiroit, & cet air n’avoit certainement pas passé d’un endroit plus large dans un plus étroit, car il n’étoit pas encore entré dans le fourneau ; & quand il fait du vent, est-ce que l’air de l’atmosphere passe d’un endroit plus large dans un plus étroit ?

C’est donc uniquement à la raréfaction de l’air par le feu, qu’il faut attribuer le jeu qu’il éprouve dans les fourneaux. L’air le plus chaud est le plus leger, & l’air le plus leger & le plus chaud est le plus élevé dans une chambre, comme Gauger l’a éprouvé par le thermometre & par le tuyau exposé à une chandelle, & d’autres physiciens avant & après lui. Ainsi toutes les fois qu’il y a du feu allumé quelque part, il raréfie l’air en tout sens, & le rend plus leger ; mais cet air plus leger monte au-dessus de celui qui est plus pesant, & d’autant plus rapidement qu’il est plus leger : plus le feu est violent, plus il raréfiera l’air & le fera monter rapidement ; mais cette raréfaction sera d’autant plus considérable, que l’air sera plus long-tems exposé au feu, & il le sera plus dans un long tuyau que s’il n’y en avoit point-du-tout ; & d’ailleurs ce tuyau lui-même est fort chaud, puisque la flamme le surmonte encore. Ainsi le tuyau mis sur un dôme servant à la raréfaction de l’air qu’il enferme, occasionnera nécessairement l’abord rapide de celui qui tend à se mettre en équilibre en frappant le cendrier, lequel traversera le charbon avec d’autant plus de vivacité qu’il trouvera moins d’obstacles ; & il en trouve très-peu, parce que l’air y est très-rare, & que la colonne est très-longue : il devra donc monter avec d’autant plus de rapidité, qu’il a plus de place à occuper ; mais il ne peut passer lui-même à-travers ce canal embrasé, qu’il ne subisse la même raréfaction, & une raréfaction plus considérable dans le second instant que dans le troisieme. Il passera donc plus rapidement, & augmentera conséquemment le mouvement ou la chaleur ; ensorte que la colonne qui lui succédera, sera encore plus raréfiée & suivie d’une autre plus rapide, & ainsi de suite. Tels sont les accroissemens successifs & rapides de la chaleur dans les premiers instans qu’on met un tuyau sur un dôme : mais cela ne va que jusqu’à un certain point.

Les descriptions particulieres que nous avons mises à la tête de cet article, peuvent apprendre à construire des fourneaux, qui sont des objets particuliers : voici actuellement les corollaires généraux qu’on en peut tirer, qui ne servent guere qu’à satisfaire la curiosité ; parce qu’on ne bâtit point de fourneau en général, & qu’il est impossible de les appliquer à des objets qu’on ne connoît pas. La partie la plus essentielle d’un fourneau, celle pour qui toutes les autres sont faites, c’est le foyer, ou le lieu où le feu est tenu, animé, & déterminé. Mais comme le feu qui a besoin d’un aliment continuel ne peut subsister sans une cheminée qui dérive la fumée, & un soûpirail qui donne passage à l’air, & enfin une porte pour introduire sa pâture ; on a dû voir aisément quelles réflexions on pourroit tirer de leur construction. En second lieu, quand on a bâti un fourneau, on y a toûjours eu en vûe d’y conserver l’énergie du feu animé, de façon qu’elle ne pût se dissiper en vain, & que tout au contraire elle fût déterminée dans les endroits où elle est nécessaire pour y exercer son action. En troisieme lieu, on y a ménagé un endroit propre à contenir les vaisseaux chargés de la matiere à altérer, afin qu’ils pussent y subir l’action du feu uniformément, & dans le degré qui convient, jusqu’à ce que l’opération fût finie.

Le meilleur fourneau dans son genre sera donc celui qui sera capable de produire les effets qu’on en attend, avec le moins de frais qu’il sera possible, autant de tems qu’on le voudra, avec toute l’égalité qu’on peut souhaiter, & de façon qu’on puisse le gouverner aisément, c’est-à-dire sans trop de peine de la part de l’artiste, & sans qu’il soit obligé à une présence continuelle. La premiere condition est remplie, si le fourneau est construit de façon que la chaleur excitée soit toute appliquée au corps à changer, sans trop de dépense. On obtient cet avantage si le fourneau est fait d’une matiere très-solide, & si la surface intérieure est figurée de façon à déterminer dans le lieu destiné les forces qui se développent & sont dardées par la pâture du feu. La fabrique pourra aussi en être telle que l’artiste soit sujet à peu d’assiduités, pour fournir de quoi entretenir le feu. On remplit la seconde, quand la matiere combustible bien choisie se consume le plus lentement qu’il est possible, en fournissant toutefois la chaleur nécessaire. On a cet avantage quand le foyer, la cheminée, & les regîtres sont entre eux dans des proportions convenables. C’est en conséquence de ce que nous avons dit, que d’habiles artistes remplissent leur fourneau de charbon ; ensorte qu’ils ne sont obligés d’y en remettre de long-tems. La troisieme condition, & la plus nécessaire de toutes, c’est qu’on puisse soûtenir long-tems le feu sans augmenter ni diminuer son degré. La Chimie prouve qu’un degré de feu donné produisoit un effet déterminé sur chaque corps ; & que quand l’action du feu étoit forte ou foible, les produits étoient différens ; en sorte que ce mélange confus de produits chimiques, étoit le résultat de ces alternatives d’augmentations & de diminutions. D’ailleurs on sait qu’elles changent la nature d’un corps, de façon qu’il n’est plus le même à chaque degré de feu déterminé. Car s’il arrive qu’en se servant du même feu pour les opérations chimiques, on confonde ses degrés d’une façon dans une opération, & d’une autre maniere dans une autre, le même corps ne donnera pas le même produit. C’est ce qui donne lieu à des erreurs souvent dangereuses. On a vû que l’artiste en construisant ses fourneaux, avoit pensé d’abord à la quantité de matiere combustible que le foyer devoit recevoir, contenir, entretenir. En second lieu, à l’espece de matiere qu’il y vouloit mettre pour ce qu’il avoit à faire. En troisieme lieu, à la force du feu requise pour chaque opération en particulier ; par la raison qu’égale quantité de la même matiere peut produire dans le foyer du même fourneau toutes les nuances de chaleur qui s’étendent depuis le plus foible degré jusqu’au plus fort, & cela d’une façon soûtenue. En quatrieme lieu, à se ménager la facilité de donner à son foyer l’accès de tout l’air qui lui est nécessaire ; il faut encore qu’il soit en état d’apprécier la force avec laquelle il frappe le foyer, soit qu’il y soit déterminé par le jeu ordinaire que lui donne ce foyer, soit qu’il y soit poussé par les soufflets : & enfin qu’il examine les différens états de l’athmosphere, comme la pesanteur, la legereté, l’humidité, la secheresse de l’air, sa froidure & sa chaleur. Car quand le barometre annonce que sa pesanteur est considérable, que cette pesanteur est accompagnée d’une grande secheresse, & qu’en même tems un froid vif roidit tous les corps, on peut s’attendre que le feu sera de la plus grande vivacité. Cinquiemement enfin, on a fait attention à l’issue qu’il falloit donner au feu qu’on vouloit allumer dans le foyer. On a vû qu’il ne falloit pas compter sur une grande activité de la part de celui qui auroit pû s’échapper aisément de toutes parts, & par de grandes ouvertures : mais qu’on pouvoit tout se promettre de l’action du feu, dont les forces réunies étoient déterminées vers le point auquel l’artiste avoit intention de faire subir ses effets. Nous avons indiqué en détail les circonstances particulieres, où tout ce que nous venons de dire en général ou d’une maniere vague, pourra trouver son application & ses exceptions ; & nous finirons par ce corollaire ultérieur, qu’un usage aveugle nous a obligé de changer en une définition inutile dans la place qu’elle occupe ; qu’un fourneau est un vaisseau au moyen duquel on peut tenir du feu, le gouverner, & l’appliquer comme instrument & quelquefois comme principe, aux corps qu’on veut changer par le feu.

En citant les auteurs dans cet article, on a eu pour but de faire voir à qui appartenoit ce dont il y étoit question. Voici donc par ordre chronologique la plûpart des ouvrages dont on s’est servi. Ce catalogue servira pour les articles Ustensiles & Vaisseaux, qui sont nécessairement liés avec celui-ci, & pour tous ceux où il sera question des mêmes auteurs, qui n’ont guere traité les fourneaux que proportionnellement au reste.

Gebri regis Arabum philosophi perspicacissimi summa perfectionis magisterii, &c. Gedani, 1682. in-12. p. 278. Géber étoit grec, & a écrit en arabe. On trouve dans cet ouvrage des traits qui feroient honneur à des chimistes d’aujourd’hui.

Joannis de Rupescissa liber lucis, 4°. Colon. Agripp. 1579. Nous avons dit que Rupescissa vivoit au xjv. siecle.

Agricola de re metallica, lib. XII. fol. Basil. 1521. Cet auteur mériteroit encore de notre tems tous les éloges que lui donne Boerhaave.

Thesaurus Evonymi Philiatri, de remediis secretis, liber physicus medicus & partim etiam chimicus, &c. Tiguri, 1552.

Fachs a écrit en 1567.

La Pyrotechnie ou l’art du feu, contenant dix livres, &c. composée par le sieur Vanoccio Biringuccio, Siennois, & traduite d’italien en françois par feu Jacques Vincent, 8°. Paris, 1572. C’est le livre d’un homme qui paroît instruit de ce qu’il traite, & qui le décrit si mal, qu’on a de la peine à y entendre ce qu’on sait de mieux.

Ercker, aula subterranea, &c. 1574. Voyez l’article Essai sur cet auteur & l’avant-dernier.

Alchymia Andreæ Libavii, &c. fol. Francofurti, 1606. Dans sa compilation, ce medecin a rassemblé au sujet des fourneaux & vaisseaux presque tout ce qui avoit existé avant lui. C’est celui qui a le plus écrit sur cette matiere, & il a quelquefois bien écrit.

Epargne-bois, c’est-à-dire nouvelle & par-ci devant non-commune ni mise en lumiere, invention de certains & divers fourneaux artificiels, &c. par François Keslar, peintre & habitant à Francfort, maintenant publiée en françois pour le bien & profit public de la France, & de tous ceux qui usent de cette langue, par Jean-Théodore de Bry, marchand libraire & bourgeois d’Oppenheim, qui est sur le Rhin, 1619. petit in-4°. de 72 pages.

Les élémens de Chimie de M. Jean Béguin, &c. troisieme édition, in-12. Paris, 1624.

Rhenani opera chimiatrica, in-12. Francof 1635. Cet auteur contient peu de chose.

Furni novi philosophici, &c. per Joannem Rudolphum Glauberum, Amstel. 1658. & suiv.

Kunckel laborat. chim. 1670.

Traité de la Chimie, par feu Christophe Glaser, &c. in-12. Paris, 1673.

Le Fêvre, seconde édition, in-12. 2. vol. Paris, 1674.

Pharmacopée royale de Charas, 4°. 1676. Charas est celui des François qui a le mieux écrit sur les fourneaux, & qui a le mieux connu la nécessité d’en donner des descriptions détaillées.

Le Mort, Chimia rationalis & experiment. in-12. Lugd. Bat. 1688.

J. Joac. Beccheri tripus hermet. seu laborat. portat. &c. in-12. Francof. 1689.

Barneri chimia philosophica perfectè delineata, &c. in-12. Noribergæ, 1689.

Cours de Chimie, par Nicolas Lémery, 8°, Paris, 1701. M. Baron n’a rien ajoûté à la partie des fourneaux.

Mangeti bibliotheca pharmaceutica, &c. fol. 2. vol. 1703. Il est bon d’avertir que, quand nous avons cité Manget sans nom d’ouvrage, c’est celui-ci que nous avons entendu. La sixieme & septieme planche de cet auteur qui sont contenues dans la même page, sont de Barner ; les autres sont toutes les figures de Charas, & quelques unes de celles de le Fêvre.

Mangeti theatr. chim. curiosum. fol. 2. vol. 1705.

La méchanique du feu, &c. par M. Gauger, Paris, 1713. ouvrage excellent qui n’est pas assez connu.

Barchusen, element. chim. 4°. Lugd. Batav. 1718. C’est la seconde édition de l’ouvrage que l’auteur donna en 1698. sous le titre de pyrosophia.

Vulcanus famulans ou méchanique du feu, ouvrage destiné à l’épargne du bois, & utile aux Fondeurs, Brasseurs, Chimistes, Fumistes, &c. par Joh. Georg. Leutmann, in-8o. troisieme édit. 1735. La premiere est de 1723. Ce livre, qui est en allemand, embrasse dans 53 Planches & 154 pages, tout ce qui est du ressort de la méchanique du feu. L’auteur a profité des poêles de Keslar, des cheminées à ventouses de Gauger, qu’il a augmentés & appliqués à d’autres objets. Il traite aussi des lampes. Il a exécuté ce que Gauger annonce dans sa préface au sujet des brasseries, &c. Enfin il contient en général sur cette matiere tout ce qu’il y a de plus excellent, de plus vrai, de plus ingénieux, & de plus savant. Teichmeyer y a pris quelques-unes de ses figures ; & il y a toute apparence que c’est-là qu’il a puisé l’affectation de la figure elliptique dans laquelle Leutmann est trop tombé. Ceux qui voudront varier les poêles a l’infini, pourront consulter son ouvrage, dont ils font la partie dominante, & ils n’auront plus rien à prendre dans l’obscur gallimathias de Keslar.

Teichmeyeri, institut. chim. dogmat. experiment. 4°. 1729, auteur versé dans les parties de la Medecine, & par conséquent dans la Physique. Nous avons encore de lui des élémens de cette derniere science.

Junckeri conspectus chimiæ, 4°. 1730.

Boerhaavii elem. chem. 2 vol. in-4°. Paris, 1752. L’édition de Leyde est de 1731.

De la fonte des mines de Schlutter. Ce livre parut en allemand en 2 vol. in-fol. Brunswick, 1738. L’édition françoise publiée par M. Hellot est en 2 vol. in-4°. Le premier parut en 1750, & le second en 1753. La premiere partie en françois, ou la seconde en allemand, traitent de la Docimastique.

Crameri ars docimastica, Lugd. Batav. 1739. & la seconde édition en 1744. C’est l’auteur qui a le mieux écrit sur les fourneaux, comme sur l’art des essais.

Lithogéognosie de Pott ; la premiere partie parut en allemand en 1746, & la seconde en 1751. Il a donné quelque chose sur les fourneaux dans les Miscell. berolin. dont nous parlerons article Lut.

Cartheuseri, elem. chim. dogmat. experim. edit. secunda, in-12. 1753.

Rudolphi Augustini Vogel, M. D. &c. 8°. Gott. 1755. C’est un professeur de Gottingue qui a beaucoup de lumiere, mais qui n’est peut-être pas assez stahlien.

On peut encore consulter sur la même matiere les auteurs dont nous avons parlé à la section des fourneaux philosophiques ; les descriptions de Sennert, 1641. Horstius auteur des notes sur Gauger ; Strumphii dissertatio nonnulla de sublimationis apparatu exhibens, Halae. 1745. c’est un ouvrage qui a été fait au sujet d’un fourneau de Teichmeyer, qu’on appelle le pot, & dont Vogel donne une haute idée ; la verrerie de Kunckel ; les ouvrages de Stahl ; les laboratoires des chimistes ; les distillateurs & les fournalistes de Paris ; Dornæus, Mullerus & Crollius ; Ludolf pour les figures élégantes, & les élémens de Chimie théorique de M. Macquer. Vitruve ne parle que de quelques fourneaux en grand, qu’on peut voir dans Libavius, & on ne trouve rien de satisfaisant là-dessus dans l’Antiquité expliquée du P. Montfaucon. Cet article est de M. de Villiers.