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roux de Dieu, cependant il veut bien par miséricorde les sauver, mais d’une volonté antécédente, générale & conditionnée, c’est-à-dire pourvû qu’ils le veuillent bien eux-mêmes, & que l’ordre ou l’arrangement des causes naturelles n’y mette nul obstacle.

10°. Cette volonté est vraie, sincere & active, c’est elle qui a destiné Jesus-Christ pour sauveur au genre humain & qui accorde, prépare, ou du-moins offre à tous les hommes des graces très-suffisantes pour opérer leur salut.

11°. Dieu, par la science moyenne, voit certainement ce que l’homme placé dans telle ou telle circonstance fera, s’il est aidé de telle ou telle grace, qui sont ceux qui dans l’ordre présent des choses useront bien ou mal de leur libre arbitre, s’il leur accorde telle ou telle grace.

12°. Il se propose, par un decret absolu, de leur accorder les graces qu’ils ont effectivement eues dans la suite ; & s’il veut convertir efficacement quelqu’un & le faire perseverer dans le bien, il forme le decret de lui accorder telles ou telles groces auxquelles il prévoit qu’il consentira, & avec lesquelles il doit perseverer.

13°. Il connoit toutes les œuvres qui sont dans l’ordre surnaturel par la science de vision, qui suppose le decret dont nous venons de parler, & par conséquent il voit, par la même science, qui sont ceux qui feront le bien & qui persevereront jusqu’à la fin, ou qui sont ceux qui pecheront & ne persevereront pas.

14°. En conséquence de la prévision de ces mérites absolument futurs, il prédestine les uns à la gloire, & il en exclut les autres ou les réprouve, parce qu’il a prévû leurs démérites.

La base principale de ce système est que la grace suffisante & la grace efficace ne sont point réellement distinguées, mais que la même grace est tantôt efficace & tantôt inefficace, selon que la volonté y coopere ou y resiste, ensorte que l’efficace de la grace dépend du consentement de la volonté de l’homme, non, dit Molina, que ce consentement donne quelque force à la grace ou la rende efficace in actu prime, mais parce que ce consentement est une condition nécessaire pour que la grace soit efficace in actu secundo, c’est-à-dire lors qu’on la considere jointe avec son effet, à-peu-près comme les sacremens sont des signes pratiques & efficaces par eux-mêmes, mais ils dépendent cependant des dispositions de ceux qui les reçoivent pour produire la grace : c’est ce qu’enseigne formellement Molina dans son livre de la Concorde, quest. xiv. art. xiij. disput. 40. & quest. xxiij. art. iv. & v.

Cet écrivain & ses défenseurs vantent beaucoup ce système, en ce qu’il dénoue une partie des difficultés que les peres, & sur-tout S. Augustin, ont trouvé à concilier le libre arbitre avec la grace ; mais leurs adversaires tirent de ces motifs mêmes des raisons très-fortes de les rejetter, & quelques-uns d’eux ont avancé que le Molinisme renouvelloit le Semi-pélagianisme. Mais le P. Alexandre, dans son Histoire ecclésiastique du v. siecle, chap. iij. art. iij. § 13. répond à ces accusateurs, que ce système n’ayant pas été condamné par l’Eglise, & y étant toléré comme toutes les autres opinions d’école, c’est blesser la vérité, violer la charité, & troubler la paix que de la comparer aux erreurs des Pélagiens & des Semi-pélagiens ; & l’illustre M. Bossuet dans son premier & son second avertissement contre les Protestans montre solidement par un parallele exact du Molinisme avec le Semi-pelagianisme ; que l’Eglise romaine en tolérant le système de Molina, ne toléroit point les erreurs des Semi-pélagiens, comme avoit osé le lui reprocher le ministre Jurieu. Tour-

nely, Tract. de grat. pars II. quest. v. art. ij. S 30.

MOLINISTES, nom qu’on donne aux théologiens défenseurs du système de Molina sur la grace, que nous avons exposé dans l’article précédent.

MOLINOSISME, s. m. (Théologie.) système de Michel Molinos, prêtre espagnol, dont la doctrine fut condamnée à Rome en 1687, par une bulle du pape Innocent XI. qui anathématisa soixante-huit propositions tirées des écrits de Molinos, qui contiennent des opinions très-dangereuses sur la mysticité : ce système est le pur quiétisme & le plus outré. Voyez Quiétisme.

On a accusé Molinos, & quelques-uns de ses disciples, d’enseigner tant en théorie qu’en pratique, qu’on peut s’abandonner sans péché à des déreglemens infames, pourvû que la partie supérieure demeurât unie à Dieu par l’oraison de quiétude. Ses propositions 25, 41, 42, 43, 45, 46, 47, 48, 49 & 50, prouvent évidemment qu’il a enseigné ces horreurs ; & toutes les autres tendent à détruire les pratiques les plus saintes & les plus usitées de la religion, sous prétexte d’introduire une plus grande perfection. Il n’est pas également sûr qu’il ait pratiqué les choses obscènes qu’on lui reproche ; cependant la bulle dont nous avons parle le condamne ob errores, hareses & turpia facta, ce dernier motif rend cette accusation vraissemblable. Voyez Quiétistes.

MOLIONIDES, (Mythol.) surnom de deux freres, Euryte & Ctéate, fils d’Actor & de Molione, ou selon d’autres, fils de Neptune & de Molione, fille de Molus. Hercule les surprit dans une embuscade, les combattit & les tua. La fable dit que les Molionides étoient de célebres conducteurs de chariots, qui avoient deux têtes & quatre mains avec un seul corps, ce qui marque qu’ils agissoient avec une parfaite intelligence : des auteurs écrivent que Ctéate, pere d’Amphimaque, fut un des quatre généraux des Epéans, lesquels menerent quarante vaisseaux à la guerre de Troïe.

MOLINGAR, ou MULINGAR, (Géog.) ville forte d’Irlande, capitale du comté d’West-Méash, à 40 milles O. de Dublin, & à 13 de Batimore. Long. 10. 12. let. 53. 28. (D. J.)

MOLISE, le comté de, (Géog.) contrée d’Italie au royaume de Naples, entre l’Abruze citérieure, la Capitanate, & la terre de Labour propre. Elle a environ dans sa plus grande longueur 30 milles du nord au sud-sud-ouest, & 36 milles de l’est à l’ouest. Elle est fertile en blés, en vins, en safran, en gibier, & en vers à soie : le bourg de Molise lui donne son nom. (D. J.)

MOLITON, s. m. Voyez l’article Manufacture en laine.

MOLLE ou Lentisque du Pérou, genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond, dont le pistil devient un fruit qui ressemble à un grain de poivre. Tournefort, Inst. rei herb. Appendix. Voyez Plante.

Molle, (Botan. exot.) c’est un arbre, grand & rameux, de l’Amérique méridionale, très-commun au Pérou & au Chili. Il est appellé lentiscus Peruana dans C. B. aroeira dans Marcgrave, & molle par le plus grand nombre des Botanistes. Nos François le nomment poivrier du Pérou, parce que son fruit ressemble à un grain de poivre.

Les rameaux du molle, suivant l’exacte description de cet arbre par le P. Feuillée, sont garnis de longues côtes, chargées de feuilles nombreuses, alternes, plus grandes & plus étroites que celles du lentisque, polies, terminées en pointe, sans queue & dentelées d’ordinaire à leur contour ; car il y a de ces arbres dont les feuilles ne sont pas dentelées.